8 June 2006
Cour de cassation
Pourvoi n° 06-81.359

Chambre criminelle

Publié au Bulletin

Titres et sommaires

INSTRUCTION - expertise - expert - impartialité - défaut - sanction - nullité - conditions - détermination - nullités - chambre de l'instruction - nullités de l'instruction - examen de la régularité de la procédure - annulation d'actes

Justifie sa décision la chambre de l'instruction qui, pour rejeter une demande d'annulation des ordonnances de désignation d'un expert et des rapports déposés par lui, prononce par des motifs d'où il résulte que, si le défaut d'impartialité d'un expert peut constituer une cause de nullité, les reproches adressés par les requérantes à l'expert concerné ne suffisent pas à priver les rapports de cet expert dont la désignation est contestée du caractère d'avis technique soumis à la contradiction et à l'appréciation ultérieure des juges.

Texte de la décision

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant sur les pourvois formés par :


- LA SOCIETE SANOFI PASTEUR MSD,


- LA SOCIETE LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE,


témoins assistés,


contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5e section, en date du 10 février 2006, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs de tentative d'empoisonnement, administration de substances nuisibles, homicides involontaires, atteinte involontaire à l'intégrité physique, mise en danger d'autrui, non assistance à personne en danger, tromperie et publicité trompeuse, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 24 mai 2006 où étaient présents : M. Canivet premier président, président, M. Cotte président de chambre, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall, Mme Chanet, M. Pelletier, Mmes Ponroy, Koering-Joulin, M. Corneloup, Mme Radenne conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;


Avocat général : M. Finielz ;


Greffier de chambre : M. Souchon ;


Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE et de la société civile professionnelle THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ, les avocats des demandeurs ayant eu la parole en dernier ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 16 mars 2006, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;


Vu les mémoires produits ;


Sur le premier moyen de cassation proposé pour la société Sanofi Pasteur MSD, pris de la violation des articles préliminaire, 156 et suivants, 170, 171, 173, 173 - 1 et 593 du code de procédure pénale et de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les demandes en annulation des ordonnances désignant le docteur X... en qualité d'expert et les rapports déposés par lui ;


"aux motifs que les demandeurs font valoir qu'ils obtiennent régulièrement la récusation du docteur X... devant les juridictions civiles ; que toutefois, cette comparaison avec des procédures civiles n'est pas pertinente, alors que la possibilité de récuser des experts, expressément prévue en matière civile, ne l'est pas en procédure pénale ; que les sociétés demanderesses pourraient d'autant moins invoquer ici les règles du code de procédure civile que la société Sanofi Pasteur MSD et la société Laboratoire Glaxosmithkline étaient encore tiers à la procédure lorsque l'ensemble des rapports d'expertise critiqués ont été déposés, alors que ce dépôt fait obstacle à toute demande de récusation de l'expert et que la possibilité de récusation est réservée aux parties tant en matière civile, pour les juges et experts, qu'en procédure pénale en ce qui concerne les juges, étant d'ailleurs observé que les témoins assistés ne sont pas des parties ; que l'absence de procédure de récusation de l'expert en matière pénale n'implique pas que doivent automatiquement, en compensation, être annulés les rapports établis par les experts dont l'impartialité est mise en doute ; que l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera ( ) de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ( )" ; que, de même, l'article préliminaire du code de procédure pénale dispose que la procédure pénale doit être équitable, contradictoire, et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'il est désormais admis que cet article 6-1 a vocation à s'appliquer à la phase de l'instruction préparatoire et peut s'étendre aux opérations d'expertise, de telle sorte qu'un manque d'impartialité de l'expert peut éventuellement, si les circonstances de l'espèce le justifient, constituer une violation de l'exigence d'équité de la procédure pénale ; que certes, l'expert ne fait pas partie de la juridiction qui le commet et n'en est que l'auxiliaire à qui elle ne peut déléguer son pouvoir juridictionnel, et l'article 6-1 précité ne vise donc pas directement l'expertise ; que, pour autant, un défaut d'impartialité de l'expert peut rejaillir sur la décision du juge et entacher ainsi d'iniquité la procédure ; qu'en conséquence, l'expertise ne doit pas être envisagée isolément mais par rapport à sa place dans le procès et l'équité de celui-ci, et plus spécialement à l'exigence d'indépendance et d'impartialité du tribunal ; qu'il s'agit de rechercher à cet égard si l'avis de

l'expert est susceptible d'influencer de manière prépondérante l'appréciation des faits par le juge ; que si la juridiction de l'instruction ne dispose pas par elle-même, en principe, des connaissances scientifiques lui permettant de contrôler la pertinence de l'avis des experts dans le domaine concerné, cette juridiction s'entourera de tous les avis techniques nécessaires et recevra les observations des intéressés, ce qui pourra aboutir à écarter les avis du docteur X..., que son impartialité soit ou non en cause ; que dans le cas présent, les expertises sont critiquées à un moment où l'information n'est pas achevée, si bien que toute mesure d'expertise ou de contre-expertise nécessaire peut encore être ordonnée, compte tenu notamment des réserves que peuvent appeler les expertises déjà réalisées ; qu'en effet, les reproches que les parties peuvent faire à un expert quant à la façon dont il s'est acquitté de sa mission sont justement un motif de contre-expertise ; qu'en cas de refus de ce magistrat d'ordonner une mesure d'expertise ou de contre-expertise, les parties disposent d'un droit d'appel ; que, s'agissant plus particulièrement des témoins assistés, si la loi ne leur ouvre pas la faculté de déposer des demandes d'actes, ni donc celle de faire appel du rejet de telles demandes, il faut voir que, soit ces témoins assistés ne seront jamais mis en examen, auquel cas ils ne seront pas poursuivis et les expertises critiquées ne pourront pas leur faire grief, soit ils seront mis en examen et ils auront alors la possibilité de réclamer toute autre mesure d'expertise complémentaire ou de contre-expertise, et de relever application éventuellement des décisions du juge d'instruction à ce sujet ; que d'ores et déjà, les témoins assistés peuvent discuter la valeur et la fiabilité des expertises contestées et pourront encore le faire à d'autres étapes de la procédure ; qu'ils ont d'ailleurs su intervenir à cet égard dans la procédure alors même qu'ils n'avaient pas encore la qualité de témoins assistés ; que quoi qu'il en soit, une contre-expertise collégiale a d'ores et déjà été ordonnée par le magistrat instructeur ;




que, par ailleurs, on doit observer que l'expertise ordonnée le 10 mai 2001 ayant donné lieu au pré-rapport du 22 octobre 2002 (D. 396, 397) et au rapport du 6 avril 2004 (D. 619), concernait un travail essentiellement documentaire, relatif à l'état des connaissances scientifiques et épidémiologiques ; que la mission complémentaire du 14 octobre 2002, suivie du rapport du 12 septembre 2003 (D. 426), avait également un caractère documentaire ; que le juge est particulièrement à même de vérifier la pertinence des conclusions tirées d'un tel travail et de compléter ou recouper celui-ci avec la documentation invoquée par les intervenants à la procédure ; que dans ces conditions, les ordonnances de commission d'expert et les rapports d'expertise critiqués n'ont en l'occurrence pas une influence prépondérante sur l'appréciation des faits que fera le juge ; que la partialité reprochée à l'expert X... ne compromet pas en l'espèce le caractère équitable de la procédure, et plus spécialement l'exigence d'indépendance et d'impartialité du tribunal ; qu'il n'y a donc pas lieu d'envisager l'annulation, pour ce motif, des ordonnances commettant comme expert le docteur X... ni des rapports d'expertise établis par celui-ci ; que la société Laboratoire Glaxosmithkline soutient dans son mémoire que les rapports du Docteur X... ne constituent pas des avis techniques, mais des rapports de militant qui, au surplus, portent atteinte à la présomption d'innocence ; que, néanmoins, les rapports du docteur X... constituent des réponses aux questions techniques posées par le magistrat instructeur ; que la circonstance que ces rapports puissent mettre en cause des fabricants de vaccins notamment n'est pas de nature à leur faire perdre leur caractère d'avis techniques ;


que la présomption d'innocence n'interdit nullement de réunir des éléments à charge ; que la Cour n'a trouvé au dossier, examiné jusqu'à la cote D. 978, aucune autre cause d'annulation de pièces ou actes de la procédure (arrêt, p. 9 à 11) ;


"alors qu'après avoir reconnu que le défaut d'impartialité d'un expert commis au cours d'une instruction peut entacher cette procédure d'iniquité et avoir admis que des témoins assistés ne peuvent formuler aucune demande d'acte ni interjeter appel d'une décision ayant rejeté une telle demande, la chambre de l'instruction qui devait, en application de l'article 206 du code de procédure pénale, vérifier la régularité de la procédure d'instruction, et qui n'a pas contesté que l'expert commis au cours de l'instruction avait été récusé à plusieurs reprises pour son défaut d'impartialité par diverses décisions qui n'avaient pas été censurées par la Cour de cassation dans des instances civiles ayant opposé la société Sanofi Pasteur MSD à différentes personnes prétendument atteintes, comme les parties civiles, de pathologies qu'elles imputaient à leur vaccination contre l'hépatite B, s'est contredite et a violé l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme le principe de la présomption d'innocence prévu par l'article préliminaire du code de procédure pénale, en refusant néanmoins, dans ces conditions, d'annuler les expertises réalisées par ce même expert dans le cadre de l'instruction pénale où la société demanderesse avait été entendue

en qualité de témoin assisté, sous prétexte que des contre-expertises avaient déjà été ordonnées et que les expertises dont l'annulation était sollicitée par elle avaient un caractère documentaire, ces éléments n'étant pas susceptibles d'exclure toute l'influence exercée sur les juridictions d'instruction et éventuellement sur les juridictions de jugement par des expertises dépourvues d'impartialité" ;


Sur le second moyen de cassation proposé pour la société Sanofi Pasteur MSD, pris de la violation des articles préliminaire, 156 et suivants, 170, 171, 173, 173-1, 591 et 593 du code de procédure pénale et de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les demandes en annulation des ordonnances désignant le docteur X... en qualité d'expert et les rapports déposés par lui ;


"aux motifs que les demandeurs font valoir qu'ils obtiennent régulièrement la récusation du docteur X... devant les juridictions civiles ; que toutefois, cette comparaison avec des procédures civiles n'est pas pertinente, alors que la possibilité de récuser des experts, expressément prévue en matière civile, ne l'est pas en procédure pénale ; que l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales énonce que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera ( ) de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ( )" ; que, de même, l'article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que la procédure pénale doit être équitable, contradictoire, et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'il est désormais admis que cet article 6-1 a vocation à s'appliquer à la phase de l'instruction préparatoire et peut s'étendre aux opérations d'expertise, de telle sorte qu'un manque d'impartialité de l'expert peut éventuellement, si les circonstances de l'espèce le justifient, constituer une violation de l'exigence d'équité de la procédure pénale ; que, pour autant, un défaut d'impartialité de l'expert peut rejaillir sur la décision du juge et entacher ainsi d'iniquité la procédure ; qu'en conséquence, l'expertise ne doit pas être envisagée isolément mais par rapport à sa place dans le procès et l'équité de celui-ci, et plus spécialement à l'exigence d'indépendance et d'impartialité du tribunal ; qu'il s'agit de rechercher à cet égard si l'avis de l'expert est susceptible d'influencer de manière prépondérante l'appréciation des faits par le juge ; que si la juridiction de l'instruction ne dispose pas par elle-même, en principe, des connaissances scientifiques lui permettant de contrôler la pertinence de l'avis des experts dans le domaine concerné, cette juridiction s'entourera de tous les avis techniques nécessaires et recevra les observations des intéressés, ce qui pourra aboutir à écarter les avis du docteur X..., que son impartialité soit ou non en cause ; que dans le cas présent, les expertises sont critiquées à un moment où l'information n'est pas

achevée, si bien que toute mesure d'expertise ou de contre-expertise nécessaire peut encore être ordonnée, compte tenu notamment des réserves que peuvent appeler les expertises déjà réalisées ; qu'en effet, les reproches que les parties peuvent faire à un expert quant à la façon dont il s'est acquitté de sa mission sont justement un motif de contre-expertise ; qu'en cas de refus de ce magistrat d'ordonner une mesure d'expertise ou de contre-expertise, les parties disposent d'un droit d'appel ; que d'ores et déjà, les témoins assistés peuvent discuter la valeur et la fiabilité des expertises contestées et pourront encore le faire à d'autres étapes de la procédure ; qu'ils ont d'ailleurs su intervenir à cet égard dans la procédure alors même qu'ils n'avaient pas encore la qualité de témoins assistés ; que quoi qu'il en soit, une contre-expertise collégiale a d'ores et déjà été ordonnée par le magistrat instructeur ;


que, par ailleurs, on doit observer que l'expertise ordonnée le 10 mai 2001 ayant donné lieu au pré-rapport du 22 octobre 2002 (D. 396, 397) et au rapport du 6 avril 2004 (D. 619), concernait un travail essentiellement documentaire, relatif à l'état des connaissances scientifiques et épidémiologiques ; que la mission complémentaire du 14 octobre 2002, suivie du rapport du 12 septembre 2003 (D. 426), avait également un caractère documentaire ; que le juge est particulièrement à même de vérifier la pertinence des conclusions tirées d'un tel travail et de compléter ou recouper celui-ci avec la documentation invoquée par les intervenants à la procédure ; que dans ces conditions, les ordonnances de commission d'expert et les rapports d'expertise critiqués n'ont en l'occurrence pas une influence prépondérante sur l'appréciation des faits que fera le juge ; que la partialité reprochée à l'expert X... ne compromet pas en l'espèce le caractère équitable de la procédure, et plus spécialement l'exigence d'indépendance et d'impartialité du tribunal ; qu'il n'y a donc pas lieu d'envisager l'annulation, pour ce motif, des ordonnances commettant comme expert le Docteur X... ni des rapports d'expertise établis par celui-ci ; que, néanmoins, les rapports du docteur X... constituent des réponses aux questions techniques posées par le magistrat instructeur ; que la circonstance que ces rapports puissent mettre en cause des fabricants de vaccins notamment n'est pas de nature à leur faire perdre leur caractère d'avis techniques ; que la présomption d'innocence n'interdit nullement de réunir des éléments à charge ;


que la Cour n'a trouvé au dossier, examiné jusqu'à la cote D. 978, aucune autre cause d'annulation de pièces ou actes de la procédure (arrêt, p. 9 à 11) ;


"alors qu'en l'état de la requête et du mémoire complémentaire de la société Sanofi Pasteur MSD qui avançaient des faits précis et avérés justifiant de la partialité du docteur X... fondée sur l'article que ce dernier avait fait publier à la revue Dalloz du 19 avril 2001 et qualifié de "polémique" par la cour d'appel d'Orléans qui avait admis pour cette considération la demande de récusation de cet expert judiciaire (requête p. 10), sur la collaboration rémunérée que le docteur X... avait entretenu avec le laboratoire Smithkline Beecham, société concurrente également témoin assisté qui s'était poursuivie après sa désignation comme expert judiciaire (p. 11 et 12), sur la participation du docteur X... à la conférence publique organisée le 5 mai 2004 par le CRFPA de Versailles qui mettait en présence l'expert judiciaire et l'avocat des parties civiles (p. 12), sur la création par le docteur X... de sites internet sur lesquels a été mis en cause la campagne nationale de vaccination et les fabricants de vaccins anti-hépatite B (p. 12 et 13), sur la qualité de partie à un procès contre la société Sanofi Pasteur MSD qu'avait eu le docteur X... qui avait formé des tierces oppositions à l'encontre d' arrêts ayant fait droit à une demande de récusation de cet expert judiciaire (p. 13 et 14) et sur la réalisation par ce docteur d'expertises privées à l'encontre de la société Sanofi Pasteur MSD (mémoire p. 4 in fine), la chambre de l'instruction était tenue d'apporter une réponse expresse de nature à justifier sa décision de rejet de la requête ce qu'elle s'est abstenue pourtant de faire en violation des textes visés au moyen" ;


Sur le moyen unique de cassation proposé pour la société Laboratoire Glaxosmithkline, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 156 et suivants, 167, 173, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;


"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure ;


"aux motifs que les demandeurs font valoir qu'ils obtiennent régulièrement la récusation du docteur X... devant les juridictions civiles ; que toutefois, cette comparaison avec des procédures civiles n'est pas pertinente, alors que la possibilité de récuser des experts, expressément prévue en matière civile, ne l'est pas en procédure pénale ; que les sociétés demanderesses pourraient d'autant moins invoquer ici les règles du Code de procédure civile que la société Sanofi Pasteur MSD et la société Laboratoire Gloxosmithkline étaient encore tiers à la procédure lorsque l'ensemble des rapports d'expertise critiqués ont été déposés, alors que ce dépôt fait obstacle à toute demande de récusation de l'expert et que la possibilité de récusation est réservée aux parties tant en matière civile, pour les juges et les experts, qu'en procédure pénale en ce qui concerne les juges, étant d'ailleurs observé que les témoins assistés ne sont pas des parties ; que l'absence de procédure de récusation de l'expert en matière pénale n'implique pas que doivent automatiquement, en compensation, être annulés les rapports établis par les experts dont l'impartialité est mise en doute ; que de même l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme énonce que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera... de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle" ; que l'article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que la procédure pénale doit être équitable, contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties ; qu'il est désormais admis que l'article 6.1 a vocation à s'appliquer à la phase de l'instruction préparatoire et peut s'étendre aux opérations d'expertise, de telle sorte qu'un manque d'impartialité de l'expert peut éventuellement, si les circonstances de l'espèce le justifient, constituer une violation de l'exigence d'équité de la procédure pénale ; que certes, l'expert ne fait pas partie de la juridiction qui le commet et n'en est que l'auxiliaire à qui elle ne peut déléguer son pouvoir juridictionnel, et l'article 6.1 précité ne vise donc pas directement l'expertise ; que pour autant, un défaut d'impartialité de l'expert peut rejaillir sur la décision du juge et entacher ainsi d'iniquité la procédure ; qu'en conséquence l'expertise ne doit pas être envisagée isolément mais par rapport à sa place dans le procès et l'équité de celui-ci et plus spécialement à l'exigence d'indépendance et d'impartialité du tribunal ; qu'il s'agit de rechercher à cet égard si l'avis de l'expert est susceptible d'influencer de manière prépondérante l'appréciation des faits par le juge ; que si la juridiction d'instruction ne dispose pas, par elle-même, en principe, des connaissances scientifiques lui permettant de contrôler la pertinence des experts dans le domaine concerné, cette juridiction s'entourera de l'avis de tous les avis techniques nécessaires et recevra les observations des intéressés, ce qui pourra aboutir à écarter les avis du docteur X... que son impartialité soit ou non en cause ; que dans le cas présent les

expertises sont critiquées à un moment où l'information n'est pas achevée, si bien que toute mesure d'expertise ou de contre-expertise nécessaire peut encore être ordonnée, compte tenu notamment des réserves que peuvent appeler les expertises déjà réalisées ; qu'en effet les reproches que les parties peuvent faire à un expert quant à la façon dont il s'est acquitté de sa mission sont justement un motif de contre-expertise ; qu'en cas de refus de ce magistrat d'ordonner une mesure d'expertise ou de contre-expertise, les parties disposent d'un droit d'appel ; que s'agissant plus particulièrement des témoins assistés, si la loi ne leur ouvre pas la faculté de déposer des demandes d'actes, ni donc celle de faire appel du rejet de telles demandes, il faut voir que soit ces témoins assistés ne seront jamais mis en examen, auquel cas ils ne seront pas poursuivis et les expertises critiquées ne pourront pas leur faire grief, soit ils seront mis en examen et ils auront alors la possibilité de réclamer toute autre mesure d'expertise complémentaire ou de contre-expertise, et de relever appel éventuellement des décisions du juge d'instruction à ce sujet ; que d'ores et déjà, les témoins assistés peuvent discuter la valeur et la fiabilité des expertises contestées, et pourront encore le faire à d'autres étapes de la procédure ; qu'ils ont d'ailleurs su intervenir à cet égard dans la procédure alors même qu'ils n'avaient pas encore la qualité de témoins assistés ; que quoi qu'il en soit, une contre-expertise a d'ores et déjà été ordonnée par le magistrat instructeur ; que par ailleurs, on doit observer que l'expertise ordonnée le 10 mai 2001, ayant donné lieu au pré-rapport du 22 octobre 2002 et au rapport du 6 avril 2004, concernait un travail essentiellement documentaire, relatif à l'état des connaissances scientifiques et épidémiologiques ;


que la mission complémentaire du 14 octobre 2002, suivie du rapport du 12 septembre 2003, avait également un caractère documentaire ; que le juge est particulièrement à même de vérifier la pertinence des conclusions tirées d'un tel travail et de compléter ou recouper celui-ci avec la documentation invoquée par les intervenants à la procédure ; que dans ces conditions, les ordonnances de commission d'expert et les rapports d'expertise critiqués n'ont en l'occurrence pas une influence prépondérante sur l'appréciation des faits que fera le juge ; que la partialité reprochée à l'expert X... ne compromet pas en l'espèce le caractère équitable de la procédure et plus spécialement l'exigence d'indépendance et d'impartialité du tribunal ; qu'il n'y a donc pas lieu d'envisager l'annulation pour ce motif, des ordonnances commettant comme expert le docteur X..., ni des rapports d'expertise établis par celui-ci ; que la société Laboratoire Glaxosmithkline soutient dans son mémoire que les rapports du docteur X... ne constituent pas des avis techniques mais des rapports de militant, qui au surplus portent atteinte à la présomption d'innocence ; que néanmoins les rapports du docteur X... constituent des réponses aux questions techniques posées par le magistrat instructeur ; que la circonstance que ces rapports puissent mettre en cause des fabricants de vaccins notamment n'est

pas de nature à leur faire perdre leur caractère d'avis technique ; que la présomption d'innocence n'interdit nullement de réunir des éléments à charge ;


"1 ) alors que, l'expert doit être impartial et indépendant ; que doit être annulée l'expertise réalisée par un expert dont l'absence d'impartialité est établie, un tel acte faisant nécessairement grief ; qu'en se bornant à énoncer, pour refuser d'annuler les opérations d'expertise réalisées par le docteur X..., d'une part, que l'absence de procédure de récusation d'un expert en matière pénale n'implique pas que doivent automatiquement être annulés les rapports établis par un expert dont l'impartialité est mise en doute et, d'autre part, que les rapports d'expertise n'ont pas une influence prépondérante sur l'appréciation des faits par le juge, la chambre de l'instruction qui n'a pas recherché, ainsi qu'il lui était demandé, si les griefs de partialité adressés à l'expert étaient fondés, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;


"2 ) alors qu'il appartient à la chambre de l'instruction de se prononcer sur la valeur d'un acte de la procédure dont la validité est contestée, indépendamment de l'influence que cet acte est susceptible d'avoir tant sur les actes subséquents que sur l'appréciation que les juges pourront avoir de son contenu ou de sa portée ; qu'en refusant d'annuler les opérations et rapports d'expertise réalisés par le docteur X..., dont elle ne conteste pas l'absence d'impartialité, parce qu'ils ne seraient pas susceptibles d'avoir une influence prépondérante sur l'appréciation ultérieure du juge, la chambre de l'instruction a derechef méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;


"3 ) alors que, l'avis émis par un expert a nécessairement une influence prépondérante sur l'appréciation des faits par le juge, quelles que soient les possibilités d'en discuter ultérieurement la valeur ou la fiabilité ou d'ordonner une contre-expertise ; qu'il en résulte qu'une expertise réalisée par un expert dont l'absence d'impartialité et d'indépendance est établie rend nécessairement la procédure inéquitable et qu'en affirmant le contraire la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés ;


"4 ) alors que, le magistrat instructeur a demandé au docteur X..., ainsi qu'il résulte notamment de la commission du 7 mai 2002, de donner un avis sur différents points et d'effectuer toutes observations complémentaires utiles ; qu'en affirmant que les missions données au docteur X... avaient un caractère essentiellement documentaire tout en relevant que les rapports du docteur X... constituaient des réponses aux questions techniques posées par le magistrat instructeur, la chambre de l'instruction, qui s'est contredite, a également méconnu les pièces de la procédure en violation des textes susvisés" ;


Les moyens étant réunis ;


Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, sur plaintes avec constitutions de parties civiles attribuant à la vaccination contre le virus de l'hépatite B l'origine de graves pathologies, plusieurs informations, ouvertes à partir de 1998 contre personne non dénommée des chefs, notamment, de tentative d'empoisonnement, homicides involontaires et atteinte involontaire à l'intégrité physique ont été jointes; que diverses expertises, dont les rapports ont été déposés du mois d'octobre 2002 au mois d'avril 2004, ont été confiées au docteur Marc X..., expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Versailles, soit seul, soit avec un autre médecin expert, aux fins, pour les unes, d'évaluer d'une manière générale les risques liés à la vaccination précitée, et, pour les autres, de déterminer l'origine des pathologies développées par les plaignants ;


Attendu que les sociétés Sanofi Pasteur MSD et Laboratoire Glaxosmithkline, distributrices des vaccins incriminés, placées sous le statut de témoins assistés le 9 novembre 2004, ont demandé l'annulation des ordonnances de désignation du docteur Marc X... et des rapports déposés par cet expert en faisant valoir, notamment, que son impartialité pouvait, au vu de certaines de ses prises de position, être mise en cause et qu'elles avaient, par ailleurs, obtenu sa récusation dans plusieurs procédures civiles ;


Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt énonce que les expertises confiées au docteur X... ne doivent pas êre envisagées isolément mais au regard de leur place dans le procès et de l'influence qu'elles pourraient avoir sur l'appréciation des faits par le juge ; que l'arrêt ajoute que les expertises sont critiquées alors que l'information est en cours et que toute mesure d'expertise ou de contre-expertise peut être ordonnée ; que les juges relèvent que les parties peuvent en discuter la valeur et la fiabilité et qu'elles pourront encore le faire à d'autres étapes de la procédure ; qu'ils constatent enfin qu'une contre-expertise collégiale a d'ores et déjà été ordonnée par le magistrat instructeur ;


Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que, si le défaut d'impartialité d'un expert peut constituer une cause de nullité, les reproches adressés par les requérantes à l'expert concerné ne suffisent pas, en l'espèce, à priver les rapports de cet expert dont la désignation est contestée du caractère d'avis techniques soumis à la contradiction et à l'appréciation ultérieure des juges, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;


D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;


Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le huit juin deux mille six ;


En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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