18 March 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-11.392

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C100298

Titres et sommaires

MINEUR - procédure - audition de l'enfant en justice - demande du mineur - effets - droit d'être entendu - atteinte - caractérisation - applications diverses - modalités - pouvoirs du juge - etendue - détermination autorite parentale - exercice - intervention du juge aux affaires familiales - fixation des modalités d'exercice de l'autorité parentale - eléments à considérer - sentiments exprimés par l'enfant mineur - forme - audition du mineur - office du juge - limites - détermination

Il résulte des articles 388-1 du code civil et 338-4 du code de procédure civile que, lorsque la demande d'audition est formée par le mineur, le refus ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas. Dès lors, prive sa décision de base légale une cour d'appel qui, pour rejeter la demande d'audition présentée par un enfant, se borne à se référer à son âge, sans expliquer en quoi il n'était pas capable de discernement, et énonce que la demande paraît contraire à son intérêt, motif impropre à justifier le refus d'audition

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :


Vu les articles 388-1 du code civil et 338-4 du code de procédure civile ;


Attendu qu'il résulte de ces textes que, lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d'audition ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un juge aux affaires familiales a fixé la résidence de l'enfant A...
X..., né le 16 novembre 2003, chez sa mère et aménagé le droit de visite et d'hébergement du père, l'exercice de l'autorité parentale étant conjoint ;


Attendu que, pour rejeter la demande d'audition présentée par l'enfant, l'arrêt retient, d'une part, que celui-ci n'est âgé que de neuf ans et n'est donc pas capable de discernement, d'autre part, que la demande paraît contraire à son intérêt ;


Qu'en se déterminant ainsi, en se bornant à se référer à l'âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n'était pas capable de discernement, et par un motif impropre à justifier le refus d'audition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;


Condamne M. Y... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour Mme X...



Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, après l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce que soient ordonnées l'audition de l'enfant A... et une enquête sociale, maintenu l'exercice conjoint de l'autorité parentale et fixé les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ;


AUX MOTIFS QUE Sur la demande d'audition de l'enfant ; qu'au soutien de cette demande Mme X... produit un courrier manuscrit de l'enfant qui souhaiterait être entendu, il conviendrait de faire droit à cette demande ; que l'article 388-1 du code civil dispose que l'audition d'un enfant mineur doit être ordonnée lorsque celui-ci est capable de discernement, tel n'est pas le cas de A... qui n'est âgé que de 9 ans ; que la demande d'audition apparaissant en outre contraire à l'intérêt de l'enfant, sera par conséquent rejetée ; Sur la demande d'enquête sociale. Qu'il convient de rappeler qu'une enquête sociale avait déjà été ordonnée par le juge aux affaires familiales de Saint-Denis le 15 juin 2011, qu'un rapport avait été déposé le 10 octobre 2011 ; que dans la même décision, le juge avait également ordonné une expertise médico-psychologique de l'enfant et des deux parents, l'expertise avait été déposée le 17 novembre 2011 ; qu'aujourd'hui, au soutien de sa demande, Mme X... ne fait pas état d'éléments nouveaux qui permettraient d'envisager une telle mesure ; que sans apporter de preuves sérieuses, elle croit pouvoir estimer que M. Y... ne disposerait pas de moyens suffisants pour exercer normalement sa parentalité ; qu'elle serait inquiète quant aux capacités et possibilités du père à prodiguer les soins nécessaires et adaptés au diabète dont souffre l'enfant ; qu'elle craindrait des injections d'insulines intempestives ; qu'en l'absence de moyens sérieux cette demande sera également rejetée ; que Mme X... sera déboutée de toutes ses demandes ;


1°) ALORS QUE le juge ne peut, pour apprécier le discernement du mineur, procéder par voie de considérations générales et abstraites et doit apprécier concrètement les faits nécessaires à la solution du litige ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande d'audition de l'enfant, après avoir constaté que ce dernier avait manifesté, dans un courrier manuscrit le souhait d'être entendu, à énoncer que A... qui n'est âgé que de 9 ans, n'est pas capable de discernement, sans préciser ni expliquer les raisons concrètes sur lesquelles elle s'est fondée pour retenir l'absence de discernement de l'enfant autrement que par le seul âge de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 388-1 du code civil, ensemble l'article L. 338-4 du code de procédure civile ;


2°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant encore, pour rejeter la demande d'audition, à affirmer qu'elle apparaissait contraire à l'intérêt de l'enfant, sans préciser ni faire apparaître les éléments sur lesquels elle s'est fondée pour justifier sa décision, la cour d'appel a ainsi violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;


3°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de se prononcer sur l'ensemble des pièces versées aux débats, et spécialement, lorsque, en cause d'appel, une partie produit de nouvelles pièces afin de pallier une insuffisance dans l'administration de la preuve déplorée par les premiers juges ; qu'en énonçant, pour débouter Mme X... de sa demande d'enquête sociale, qu'au soutien de sa demande, cette dernière ne faisait pas état d'éléments nouveaux, sans même analyser le certificat en date du 24 mai 2012 du Docteur Z... qui, produit aux débats en cause d'appel, constatait, au vu du carnet de surveillance du diabète de l'enfant et de son lecteur de glycémie, qu'en réclamant plus de lancettes afin de contrôler davantage ses dextro, son père lui faisait courir le risque d'injections intempestives d'insuline supplémentaires provoquant des hypoglycémies graves, ce qui était de nature à établir l'incapacité de M. Y... de prodiguer des soins adaptés au diabète de son fils, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile, l'article 563 du même code.

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