19 February 2015
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-10.439

Deuxième chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2015:C200294

Titres et sommaires

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - mesures d'exécution forcée - saisie - attribution - effets - créance disponible entre les mains du tiers saisi - attribution au profit du créancier saisissant - etendue - détermination - portée - attribution immédiate au saisissant - première saisie - attribution contestée - retrait du rôle - nouvelle saisie - attribution sur la même créance - possibilité (non)

En application des dispositions de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, l'acte de saisie emporte à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers. Viole ces dispositions la cour d'appel qui retient qu'une première saisie-attribution contestée devant le juge de l'exécution et ayant fait l'objet d'une décision de retrait du rôle, ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre d'une nouvelle saisie-attribution portant sur la même créance, dès lors qu'elle ne peut permettre au créancier d'obtenir le moindre paiement du tiers saisi, alors que tant qu'il n'a pas été statué sur le sort de la première saisie, l'effet attributif qui lui est attaché perdure à concurrence des sommes pour lesquelles elle a été pratiquée

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'une précédente saisie-attribution pratiquée au préjudice de la société SFS, ayant fait l'objet d'une contestation devant le juge de l'exécution qui en a ordonné le retrait du rôle le 24 septembre 2003, le Crédit lyonnais a fait pratiquer une nouvelle saisie-attribution le 13 mai 2011 pour les mêmes causes, entre les mains du même tiers saisi, la société ALDI ; que la société SFS a contesté cette mesure ;


Sur le second moyen :


Attendu que la société SFS fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que la banque soit déchue de son droit de poursuivre le recouvrement de sa créance à son encontre et à ce que soit ordonnée, en conséquence, la mainlevée de l'hypothèque prise par la banque sur son immeuble pour garantir le crédit du 30 août 1995, ainsi que celle de la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de la société ALDI et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a validé la saisie à l'exception des intérêts moratoires échus antérieurement au 13 mai 2006, alors, selon le moyen :


1°/ que le créancier qui n'a pris aucune initiative en vue de recouvrer sa créance dans les mains du tiers-saisi perd ses droits à concurrence des sommes dues par celui-ci ; qu'en affirmant qu'aucun manque de diligence ne pouvait être imputé à faute au Crédit lyonnais dans le recouvrement de la créance qui lui avait été attribuée à la suite de la saisie pratiquée le 3 octobre 2002 à l'encontre de la société ALDI au motif que la société SFS avait admis dans ses conclusions de première instance que sa locataire, la société ALDI, lui avait en définitive réglé le montant des loyers, la cour d'appel, qui a ainsi ajouté à l'article R. 211-8 du code des procédures civiles d'exécution une condition qu'il ne comporte pas, en a violé les dispositions ;


2°/ que le créancier qui n'a pris aucune initiative en vue de recouvrer sa créance dans les mains du tiers-saisi perd ses droits à concurrence des sommes dues par celui-ci ; qu'en affirmant que la société SFS ne pouvait faire grief au Crédit lyonnais de ne pas avoir fait juger la contestation qu'elle avait formée le 7 novembre 2002 devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Gap dès lors qu'elle avait sollicité son retrait du rôle sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si en s'abstenant de faire constater la péremption de cette instance et de solliciter, en conséquence, un certificat de non-contestation qui lui aurait permis d'obtenir paiement de sa créance dans les mains du tiers saisi, le Crédit lyonnais n'avait pas été négligent dans le recouvrement de sa créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 211-8 du code des procédures civiles d'exécution ;


3°/ que, dans ses dernières conclusions, la société SFS faisait valoir que l'inefficacité de la saisie-attribution pratiquée le 3 octobre 2002 à l'encontre de la société ALDI était imputable à la négligence de la société SFS qui n'avait « jamais tenté d'obtenir de la société ALDI, tiers-saisi, le paiement des sommes qu'elle avait pourtant reconnues devoir dans l'acte de saisie de 2002 » ; qu'elle relevait ainsi clairement et précisément que « le Crédit lyonnais reconnaît ne rien avoir fait depuis 2002 auprès du tiers-saisi pour rendre effective la saisie faite » ; qu'en affirmant que la société SFS avait énoncé que la Crédit lyonnais avait donné mainlevée de la première saisie attribution pratiquée en 2002, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions signifiées le 20 août 2013 en violation de l'article 1134 du code civil ;


4°/ que, dans ses dernières conclusions, Le Crédit lyonnais reconnaissait lui-même « qu'aucune décision n'était jamais intervenue pour déclarer la saisie-attribution alors pratiquée nulle ou encore en ordonner la mainlevée » ; qu'en affirmant que la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de la société ALDI le 3 octobre 2002 avait fait l'objet d'une mainlevée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;


Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la contestation de la saisie-attribution par le saisi faisait obstacle à toute action en paiement à l'encontre du tiers-saisi de sorte qu'aucun manquement ne pouvait être reproché au créancier, la cour d'appel a par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;


Mais, sur le premier moyen pris en sa première branche :


Vu l'article L. 211-2, ensemble l'article L. 211-5, du code des procédures civiles d'exécution ;


Attendu que l'acte de saisie emporte à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers ;


Attendu que pour débouter la société SFS de sa demande tendant à voir déclarer « irrecevable » la nouvelle saisie-attribution pratiquée en 2011 compte tenu de celle précédemment ordonnée en 2002 et de confirmer le jugement en ce qu'il a validé la saisie-attribution à l'exception des intérêts moratoires, l'arrêt retient que quand bien même il n'a pas été donné mainlevée de la première mesure, celle-ci ne saurait constituer un obstacle à la mise en oeuvre de la saisie contestée, dès lors qu'elle ne pouvait permettre au créancier d'obtenir le moindre paiement du tiers saisi ;


Qu'en statuant ainsi, alors que, peu important la décision de retrait du rôle en date du 24 septembre 2003, tant qu'il n'avait pas été statué sur la contestation de la première saisie, l'effet attributif qui lui était attaché perdurait à concurrence des sommes pour lesquelles elle avait été pratiquée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société SFS de sa contestation de la saisie-attribution pratiquée à son préjudice le 13 mai 2011, l'arrêt rendu le 15 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;


Condamne le Crédit lyonnais aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du Crédit lyonnais ; le condamne à payer à la société SFS la somme de 3 000 euros ;


Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société SFS.


PREMIER MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société SFS de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la nouvelle saisie-attribution pratiquée en 2011 compte tenu de celle précédemment ordonnée en 2002 et d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait validé la saisie-attribution à l'exception des intérêts moratoires échus antérieurement au 13 mai 2006 ;


AUX MOTIFS QUE le 3 octobre 2002, le Crédit Lyonnais a fait pratiquer une saisie-attribution forcée des loyers dont était redevable le preneur de la société SFS pour obtenir paiement de la somme de 1 449 160,44 euros ; que la contestation formée le novembre 2002 par la société débitrice à l'encontre de cette saisie devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Gap a fait l'objet, le 24 septembre 2003, d'une décision de retrait du rôle ; que la société SFS soutient en cause d'appel que le Crédit Lyonnais, en ce qu'il se prévaut dans ses écritures du caractère régulier de cette saisie, est irrecevable à reprendre une nouvelle saisie entre les mains du même tiers saisi ; que la société intimée n'énonce nullement, contrairement à ce qui est allégué, que cette saisie est toujours susceptible de produire effet mais simplement qu'elle a valablement interrompu la prescription de sa créance ; que de surcroît, la société SFS énonce dans ses propres conclusions que la saisie n'a pas été effective et que le Crédit Lyonnais en a donné mainlevée ; qu'enfin, à supposer qu'il n'ait pas été donné mainlevée de la mesure, celle-ci ne saurait constituer un obstacle à la mise en oeuvre de la saisie contestée, dès lors qu'elle ne peut permettre au créancier d'obtenir le moindre paiement du tiers saisi ; qu'en effet, l'article R. 211-13 du Code des procédures civiles d'exécution n'autorise le tiers saisi à payer le créancier que sur présentation d'une décision rejetant la contestation formée par le débiteur et non, comme en l'espèce, d'une décision de retrait du rôle prononcée qui plus est depuis 10 ans ;


1°) ALORS QUE le créancier ayant déjà engagé une saisie sur un bien donné est irrecevable à réitérer cette voie d'exécution sur le même bien peu important que la saisie initiale ait été inefficace ; qu'en affirmant que la saisie attribution diligentée par le Crédit Lyonnais à l'encontre de la société ALDI le 3 octobre 2002 ne faisait pas obstacle à ce qu'il réitère en 2011 une telle voie d'exécution à l'encontre du même tiers saisi au motif inopérant que la première saisie ne lui avait pas permis d'obtenir paiement de sa créance, la Cour d'appel a violé l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991, devenu L. 211-2 du Code des procédures civiles d'exécutions, ensemble le principe en vertu duquel saisie sur saisie ne vaut ;


2°) ALORS QUE dans ses dernières conclusions, la société SFS faisait valoir que l'inefficacité de la saisie-attribution pratiquée le 3 octobre 2002 à l'encontre de la société ALDI était imputable à la négligence de la société SFS qui n'avait « jamais tenté d'obtenir de la société ADLI, tiers ¿saisi, le paiement des sommes qu'elle avait pourtant reconnues devoir dans l'acte de saisie de 2002 » ; qu'elle relevait ainsi clairement et précisément que « le Crédit Lyonnais reconnaît ne rien avoir fait depuis 2002 auprès du tiers saisi pour rendre effective la saisie faite » ; qu'en affirmant que la société SFS avait énoncé que la Crédit Lyonnais avait donnée mainlevée de la première saisie attribution pratiquée en 2002, la Cour d'appel a dénaturé ses conclusions signifiées le 20 août 2013 en violation de l'article 1134 du Code civil ;


3°) ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses dernières conclusions, le Crédit Lyonnais reconnaissait lui-même « qu'aucune décision n'(était) jamais intervenue pour déclarer la saisie-attribution alors pratiquée nulle ou encore en ordonner la mainlevée » ; qu'en affirmant que la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de la société ALDI le 3 octobre 2002 avait fait l'objet d'une mainlevée, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION


IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société SFS de sa demande tendant à ce que le Crédit Lyonnais soit déchu de son droit de poursuivre le recouvrement de sa créance à son encontre et à ce que soit ordonnée, en conséquence, la mainlevée de l'hypothèque prise par le Crédit Lyonnais sur l'immeuble de SFS pour garantir le crédit du 30 août 1995 ainsi que celle de la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de la société ALDI et d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait validé la saisie à l'exception des intérêts moratoires échus antérieurement au 13 mai 2006 ;


AUX MOTIFS QUE l'article R. 211-8, alinéa 1", du Code des procédures civiles d'exécution énonce que le créancier saisissant qui n'a pas été payé par le tiers-saisi conserve ses droits contre le débiteur ; que l'alinéa 2 de cet article, invoqué par la société SFS, précise toutefois que si ce défaut de paiement est imputable à la négligence du créancier, celui-ci perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi ; qu'il est constant que la société ALDI, dans le cadre de la saisie-attribution des créances pratiquée le 3 octobre 2002, n'a effectué aucun règlement au profit du Crédit Lyonnais ; qu'aucun manquement ne peut cependant être reproché au créancier dans la mesure où il n'était pas en droit de réclamer un paiement au tiers saisi, la société SFS ayant formé une contestation qui n'a pas fait l'objet d'un jugement de rejet ; qu'à cet égard, la société appelante ne peut utilement faire grief au Crédit Lyonnais de ne pas avoir fait juger la contestation, alors qu'elle est à l'origine de celle-ci et qu'elle a accepté qu'elle ne le soit pas en sollicitant un retrait du rôle ; qu'elle ne peut également lui reprocher d'avoir fait preuve à son détriment d'un manque de diligence dans le recouvrement de la créance, ayant admis dans ses conclusions déposées devant le premier juge que sa locataire lui avait en définitive réglé le montant des loyers ; que les conditions d'application de l'article R. 211-8, alinéa 2, du Code des procédures civiles d'exécution ne sont ainsi pas réunies ;


1°) ALORS QUE le créancier qui n'a pris aucune initiative en vue de recouvrer sa créance dans les mains du tiers-saisi perd ses droits à concurrence des sommes dues par celuici ; qu'en affirmant qu'aucun manque de diligence ne pouvait être imputée à faute au Crédit Lyonnais dans le recouvrement de la créance qui lui avait été attribuée à la suite de la saisie pratiquée le 3 octobre 2002 à l'encontre de la société ADLI au motif que la société SFS avait admis dans ses conclusions de première instance que sa locataire, la société ALDI, lui avait en définitive réglé le montant des loyers, la Cour d'appel, qui a ainsi ajouté à l'article R. du Code des procédures civiles d'exécution une condition qu'il ne comporte pas, en a violé les dispositions ;


2°) ALORS QUE le créancier qui n'a pris aucune initiative en vue de recouvrer sa créance dans les mains du tiers-saisi perd ses droits à concurrence des sommes dues par celuici ; qu'en affirmant que la société SFS ne pouvait faire grief au Crédit Lyonnais de ne pas avoir fait juger la contestation qu'elle avait formée le 7 novembre 2002 devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Gap dès lors qu'elle avait sollicité son retrait du rôle sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si en s'abstenant de faire constater la péremption de cette instance et de solliciter, en conséquence, un certificat de non-contestation qui lui aurait permis d'obtenir paiement de sa créance dans les mains du tiers saisi, le Crédit Lyonnais n'avait pas été négligent dans le recouvrement de sa créance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 211-8 du Code des procédures civiles d'exécution ;


3°) ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses dernières conclusions, la société SFS faisait valoir que l'inefficacité de la saisie-attribution pratiquée le 3 octobre 2002 à l'encontre de la société ALDI était imputable à la négligence de la société SFS qui n'avait « jamais tenté d'obtenir de la société ADLI, tiers ¿saisi, le paiement des sommes qu'elle avait pourtant reconnues devoir dans l'acte de saisie de 2002 » ; qu'elle relevait ainsi clairement et précisément que « le Crédit Lyonnais reconnaît ne rien avoir fait depuis 2002 auprès du tiers saisi pour rendre effective la saisie faite » ; qu'en affirmant que la société SFS avait énoncé que la Crédit Lyonnais avait donnée mainlevée de la première saisie attribution pratiquée en 2002, la Cour d'appel a dénaturé ses conclusions signifiées le 20 août 2013 en violation de l'article 1134 du Code civil ;


4°) ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses dernières conclusions, le Crédit Lyonnais reconnaissait lui-même « qu'aucune décision n'(était) jamais intervenue pour déclarer la saisie-attribution alors pratiquée nulle ou encore en ordonner la mainlevée » ; qu'en affirmant que la saisie-attribution pratiquée à l'encontre de la société ALDI le 3 octobre 2002 avait fait l'objet d'une mainlevée, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.

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