5 November 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-11.407

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2014:C101280

Titres et sommaires

ETAT CIVIL - acte de l'état civil - rectification - pouvoir du procureur de la république - etendue - détermination - rectification administrative - excès de pouvoir - cas - suppression de la particule d'un nom de famille ne tendant pas à la rectification d'une erreur matérielle

Le procureur de la République ne peut procéder qu'à la rectification administrative d'une erreur purement matérielle des actes de l'état civil. Commet dès lors un excès de pouvoir le procureur de la République qui procède à la suppression de la particule d'un nom de famille, alors que cette suppression ne tendait pas à la rectification d'une erreur matérielle

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 99, alinéa 4, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'il a été dressé un acte de décès aux termes duquel Tanguy de X..., né à Porspoder le 28 juin 1920, fils de X... Paul et de A... Marie Ambroisine, est décédé le 16 mars 1983 à Clamart ; que saisi par M. Tugdual de X..., le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nanterre a, par décision n° 09/ 01782 du 12 février 2010, ordonné la rectification de cet acte de décès, en ce sens que " l'intéressé se nomme X...- Y... et son père se nomme X... " ; que ses ayants droit ont sollicité l'annulation de la rectification de la mention portée sur instructions du ministère public en marge de l'acte de décès ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, en ce qu'elle portait sur le rétablissement de la particule du nom de famille, l'arrêt retient que le procureur de la République est fondé à donner instructions de procéder à la rectification administrative d'une erreur affectant cet acte de décès ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la suppression de la particule ne tendait pas à la rectification d'une erreur purement matérielle, de sorte qu'en procédant à une telle rectification, le procureur de la République avait excédé ses pouvoirs, la cour d'appel a, par fausse application, violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour Mme Z... veuve de Tanguy de X... et de leurs enfants et descendants.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la mention rectificative portée le 16 février 2010 en marge de l'acte de décès de Tanguy X... dressé le 16 mars 1983 par l'officier de l'état civil de Clamart est ainsi rectifié :

- aux lieu et place des mots :

« en ce sens que l'intéressé se nomme X...- Y...»
- il convient de lire :

« en ce sens que l'intéressé se nomme X... » ;

AUX MOTIFS QUE : « Considérant, selon l'article 99 du code de procédure civile, que la rectification des actes de l'état civil est ordonnée par le président du tribunal ; que selon l'article 4 du même texte, le procureur de la République territorialement compétent peut procéder à la rectification administrative des erreurs et omissions purement matérielles des actes de l'état civil ; qu'à cet effet, il donne directement les instructions utiles aux dépositaires des registres ; qu'il est constant que l'acte de naissance établi le 28 juin 1920 l'a été au nom de Tanguy X... né de Paul X... ; que le rapprochement de ces deux actes révèle une discordance, tant en ce qui concerne l'indication du nom de Tanguy X... qu'en ce qui concerne celle du nom de son père Paul X..., que le procureur de la République, et, à sa suite, le président du tribunal de grande instance de Nanterre étaient fondés à rectifier en application du texte susvisé ; en revanche, que la rectification effectuée ne pouvait conduire à adjoindre au nom « X... » le nom « Y... » ; qu'en effet, la mention portée en marge de l'acte de naissance de Tanguy X... précise que celui-ci a seulement été autorisé à porter, en vertu d'un jugement rendu par la 1ère chambre du tribunal civil de la seine le 18 juillet 1946, le nom « Y... » ; que selon les indications fournies oralement à la cour par les consorts de X..., ce nom serait celui de la « marraine de guerre » de leur auteur ; qu'il convient, en conséquence, d'accueillir partiellement la demande et de dire que la mention portée en marge de l'acte de décès de Tanguy X... est rédigée « en ce sens que l'intéressé se nomme X... » ;

ALORS 1°) QUE : la rectification d'un acte d'état civil à l'initiative du procureur de la République suppose l'existence d'une erreur matérielle ; que tel n'est pas le cas de l'ajout dans l'acte de décès d'une personne de la particule « de » au nom patronymique initial, résultant d'une possession loyale et prolongée pendant plus de quarante ans ; qu'en refusant d'annuler la rectification opérée par le procureur de la République qui a outrepassé ses pouvoirs en rectifiant un acte qui n'était pas entaché d'erreur matérielle, la cour d'appel a violé l'article 99 dernier alinéa du code civil ;

ALORS 2°) QUE : en toute matière le contradictoire doit être respecté ; que la rectification d'un acte d'état civil ne peut être opérée sans que l'intéressé ou ses ayants droit en aient connaissance et aient été à même de présenter leurs observations ; qu'en refusant d'annuler la rectification de l'acte de décès de Tanguy de X..., réalisée sans que ses ayants cause aient été à même de présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ensemble le principe de respect des droits de la défense ;

ALORS 3°) QUE toute action doit reposer sur un intérêt à agir ; que dans leurs conclusions d'appel, les consorts de X... avaient fait valoir que Monsieur Tugdual de X..., qui était à l'initiative de la saisine du procureur de la République, ne justifiait d'aucun intérêt à agir pour voir rectifier le nom patronymique d'un tiers ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la mention rectificative portée le 16 février 2010 en marge de l'acte de décès de Tanguy X... dressé le 16 mars 1983 par l'officier de l'état civil de Clamart est ainsi rectifié :

- aux lieu et place des mots :

« en ce sens que l'intéressé se nomme X...- Y...»
- il convient de lire :

« en ce sens que l'intéressé se nomme X... » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES : « Selon l'article 1 er de la loi du 6 fructidor an 11, aucun citoyen ne peut porter de prénom ou de nom autre que ceux qui lui ont été attribués dans son acte de naissance ; ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre : que toutefois, la possession loyale et prolongée d'un nom est propre à conférer à celui qui le porte le droit à ce nom. Faute pour la loi d'en avoir réglé la durée et les conditions, il appartient au juge, en tenant compte des exigences de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'apprécier si une telle possession est acquise ; qu'il résulte sans conteste des pièces versées aux débats que le nom et le prénom que le défunt tenait de son acte de naissance sont respectivement pour le nom celui de « X... » et pour le prénom celui de « Tanguy » ; qu'en effet : le nom et le prénom exprimés dans l'acte de naissance du défunt, dressé le 28 juin 1920 par le maire de POSPORDEN, sont X... Tanguy ; que Tanguy X... est né le 28 juin 1920 dans la commune précitée de X... Paul, âgé de 24 ans, et de A... Marie-Ambroisine ; que X... Paul est lui même né le 1er février 1896, à PORSCAR, de Tanguy et de B... Marie ; qu'ainsi que l'établit l'acte de mariage versé aux débats par Tugdual de X..., c'est sous ce seul nom et ce même prénom que Tanguy X..., attaché de consulat, fils de Paul X... et de Marie-Ambroisine A... a épousé Marie-Jeanne Bernadette Z... devant l'officier d'état-civil de NEULLY SUR SEINE, le 18 mars 1946, soit après la fin de la guerre et après son admission au concours spécial du 15 novembre 1945 " attachés de consulat " du ministère des affaires étrangères ; que si l'acte de naissance du défunt mentionne que Tanguy X... a été « autorisé à porter dorénavant le nom de X...- Y... en vertu d'un jugement rendu par la 1ère chambre du tribunal de la Seine le 18 juillet 1946 », force est de constater que le défunt n'a jamais fait usage du nom de X...- Y... ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que l'usage du nom « de X... » en lieu et place du nom « X... » ou « X...- Y... » apparaît : que pendant les années d'engagement du défunt dans les forces françaises navales libres entre1940-1943 au cours desquelles l'intéressé, comme ses autorités de commandement, ont fait usage du patronyme « de X... » ; les pièces relatives à l'état des services militaires du défunt établissent en effet, ce qui n'est pas contesté, que l'intéressé a été connu entre son arrivée à Plymouth le 25 juin 1940, à bord d'une barque de pêche et sa réforme définitive avec invalidité à 60 % à compter du 25 mars 1944, soit pendant 3 ans 6 mois et 24 jours, sous le nom de Tanguy de X... ; que lors de l'établissement des actes d'état-civil concernant les enfants issus de son union avec Marie-Jeanne Bernadette Z... ; qu'ainsi : selon l'acte dressé le 26 décembre 1947, sur déclaration du père, par le consul général de France aux Indes Néerlandaises, Aude-Marie-Noëlle est née le 24 décembre 1947 à Batavia (Indes néerlandaises) de Tanguy de X..., vice consul de France à Batavia ; que selon l'acte dressé le 21 août 1950, sur déclaration du père, par l'officier d'état-civil de TALENCE (Gironde) Tanguy Loïck Marie est né le 19 août 1950 de Tanguy de X..., administrateur civil ; que selon l'acte dressé le 22 octobre 1953, sur déclaration du père, par l'ambassadeur de France en EQUATEUR, Gwenola est née le 9 octobre 1953 de Tanguy de X..., secrétaire des affaires étrangères ; que selon l'acte dressé le 20 novembre 1955 sur la déclaration du père par l'ambassadeur de France à Quito (EQUATEUR), Marie-Cécile est née le 18 novembre 1955 de Tanguy de X..., secrétaire d'ambassade ; que selon l'acte dressé le 23 novembre 1956, sur la déclaration de la sage-femme, par l'officier d'état-civil de CAUDERAN (Gironde), Armelle est née le 23 novembre 1955, de Tanguy de X..., secrétaire d'ambassade ; que ces actes d'état-civil établissent qu'à partir de la déclaration qu'il a faite de la naissance de son premier enfant à BATAVIA le 26 décembre 1947, Tanguy X... a souhaité faire usage dans la vie civile et attribuer de son seul fait à ses enfants le patronyme « de X... » utilisé pendant ses années d'engagement militaire, sans pour autant recourir à la procédure de changement de nom pour lui-même et sa famille ; qu'indépendamment de ces déclarations à l'état-civil, les requérants n'apportent que peu d'éléments relatifs à la vie civile du défunt caractérisant à son profit une possession prolongée et loyale du nom « de X... » allant au delà d'un simple usage ou d'une tolérance et pouvant fonder une demande en rectification des actes d'état-civil le concernant ; que les requérants ne produisent aucun élément, tel que livret de famille des époux, ni aucun élément émanant d'une autorité publique tels que document d'identité ou titre de circulation délivré à lui-même ou aux membres de sa famille qui l'ont suivi à l'étranger, arrêtés de nomination, d'affectation ou de gestion financière nécessairement émis ou pris au cours de la carrière de l'intéressé au sein du ministère des affaires étrangères entre 1945 et 1983, ni ne précisent les raisons pour lesquelles de tels documents ne sont pas produits à l'appui de leur requête ; que les six éléments produits suivants ; qu'une notice nécrologique dactylographiée intitulée « Tanguy de X... » In Mémoriam ; qu'un article du 4 mai 1977 provenant d'un organe de presse non identifié, « Un nouveau consul général de France à DOUALA, avec une photo comportant la légende « M. TANGUY de X... : 30 ans de carrière diplomatique » ; qu'un article du 27 août 1957 provenant d'un organe de presse non identifié, avec la mention « M. Tanguy de X..., secrétaire de l'ambassade de France vient d'être nommé chevalier de la Légion d'honneur » ; que les pages 614 et 615 de l'annuaire diplomatique et consulaire édité en 1947 par la documentation française, où il apparaît que l'intéressé a été reçu 31eme aexequo lors du concours spécial du 15 novembre 1945 ; que ! a page 208 de « Mémorial de la France libre, supplément à la revue de la France libre », sur lequel est mentionné « de X... Tanguy 24. 284 » ; que le chapitre premier « Forces françaises libres » d'un ouvrage « droits des anciens combattants » édition 1958 de A, Bossin. » ; que sont insuffisants eu égard à leur nature pour les trois premiers, et à la période couverte pour les trois derniers, à établir une possession prolongée ; que bien qu'émanant de l'autorité publique, la distinction du défunt dans les ordres nationaux à savoir ; chevalier dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur par décret en date du 7 août 1957, officier dans l'Ordre national du Mérite, par décret en date du 11 mai 1968, officier dans l'Ordre national de la Légion d'Honneur, par décret en date du 27 décembre1975, nomination et promotion qui n'exigeaient pas la justification préalable de l'étatcivil du proposé mais, pour la première, la seule production d'une fiche d'état civil, ne peuvent fonder à elle-seule une possession loyale du nom ; que les circonstances de l'usage du nom " de X... " et les éléments peu nombreux ainsi produits, alors qu'est en question une période de vie civile près de 40 ans au cours de laquelle le défunt a exercé des fonctions publiques éminentes, n'établissent donc pour l'intéressé, une possession loyale et prolongée du nom « de X... » de nature à faire échec au principe de l'immutabilité de son nom de naissance et à lui accorder, pour lui-même, un droit au nom « de X... » sans recourir à la procédure de changement de nom, la prise en compte des exigences de l'article 8 de la convention européennes des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'avérant sans objet à ce jour dès lors que l'intéressé est décédé depuis près de 30 ans. » ;

ALORS QU'il résulte des motifs adoptés des premiers juges que l'usage du nom « de X... » apparaît pendant les années d'engagement du défunt dans les force françaises navales libres etnre 1940 et 1943 au cours desquelles l'intéressé, comme ses autorités de commandement, ont fait usage de ce patronyme ; que cet usage résulte également des actes d'état civil concernant les enfants issus de son union avec Marie-Jeanne Bernadette Z... dressés entre 1974 et 1956, ces actes témoignant de l'intention de Tanguy de X... de faire usage de ce nom dans sa vie civile et de l'attribuer à ses enfants ; que les premiers juges avaient encore relevé que l'usage par Tanguy de X... de la particule résultait d'une notice chronologique, de différents articles de presse consacrés à sa carrière, d'un annuaire diplomatique et consulaire établi par la documentation française, du mémorial de la France libre, d'un ouvrage intitulé « Droits des anciens combattants » édité en 1958, de la distinction du défunt dans l'ordre national de la légion d'honneur en 1957 (chevalier) et 1975 (officier) et dans l'ordre du mérité en 1968 (officier) ; qu'en estimant toutefois que les exposants ne justifiaient pas d'une possession loyale et prolongée du nom « de X... » pour rejeter la requête en infirmation de la décision du procureur de la république, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constations, a violé l'article 1er de la loi du 6 fructidor an II.

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