9 July 2014
Cour de cassation
Pourvoi n° 13-22.010

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2014:C100899

Titres et sommaires

ETRANGER - mesures d'éloignement - rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - procédure - nullité - cas - enchaînement de plusieurs périodes de contrôle d'identité - portée

L'enchaînement de plusieurs périodes de contrôle d'identité, dont celle qui intervenait sur instruction administrative, en application de l'article 78-2, alinéa 4, du code de procédure pénale, n'avait pas été portée à la connaissance du procureur de la République et s'intercalait entre quatre contrôles ordonnés par celui-ci sur les mêmes lieux pour une durée totale de neuf heures, constitue un contrôle unique qui, indépendamment du caractère non consécutif de ces périodes, ne respecte pas les critères déterminés par la loi pour limiter dans la durée et encadrer objectivement et efficacement le recours à de tels contrôles

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Pau, 30 mai 2013) et les pièces de la procédure, que M. Boubecar X..., de nationalité mauritanienne, a, le 23 mai 2013, fait l'objet d'un contrôle de police sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 78-2 du code de procédure pénale, sur instructions du directeur départemental de la police aux frontières, puis d'un placement en rétention administrative ; qu'un juge des libertés et de la détention a refusé de prolonger sa rétention ;

Attendu que le préfet des Pyrénées-Atlantiques fait grief à l'ordonnance de confirmer cette décision, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans la zone frontalière des 20 kilomètres, l'identité de toute personne peut être contrôlée, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents de circulation et de séjour prévus par la loi ; qu'il faut, mais qu'il suffit, que ces contrôles soient effectués de manière aléatoire et pour une durée n'excédant pas six heures consécutives, pour qu'ils ne revêtent pas un effet équivalent aux contrôles aux frontières ; qu'en l'espèce, le conseiller délégué, qui a décidé que le contrôle d'identité dont M. X... avait fait l'objet était irrégulier, car il était intervenu dans le cadre d'un enchaînement de contrôles d'identité effectués en gare d'Hendaye, pour un total de 9 heures le 23 mai 2013, et ordonnés sur réquisitions du procureur de la République et sur instructions du directeur départemental des services de la police aux frontières, sans vérifier si les contrôles d'identité en cause avaient excédé un total de six heures consécutives, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 78-2 du code de procédure pénale ;

2°/ que, dans la zone frontalière des 20 kilomètres, l'identité de toute personne peut être contrôlée, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents de circulation et de séjour prévus par la loi ; qu'il faut, mais qu'il suffit, que ces contrôles soient effectués de manière aléatoire et pour une durée n'excédant pas six heures consécutives, pour qu'ils ne revêtent pas un effet équivalent aux contrôles aux frontières ; qu'en l'espèce, le conseiller délégué, qui a décidé que le contrôle d'identité dont M. X... avait fait l'objet était irrégulier, car il était intervenu dans le cadre d'un enchaînement de contrôles d'identité effectués en gare d'Hendaye, pour un total de 9 heures le 23 mai 2013 et ordonnés sur réquisitions du procureur de la République et sur instructions du directeur départemental des services de la police aux frontières, alors qu'il ne résultait pas des pièces de la procédure que les contrôles avaient été effectivement opérés pendant un tel laps de temps, a violé l'article 78-2 du code de procédure pénale ;

3°/ que, dans la zone frontalière des 20 kilomètres, l'identité de toute personne peut, sur réquisitions du procureur de la République ou sur ordre du directeur départemental des services de la police aux frontières, être contrôlée, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents de circulation et de séjour prévus par la loi ; qu'en l'espèce, le conseiller délégué, qui a décidé que le contrôle d'identité dont M. X... avait fait l'objet était irrégulier, car il était intervenu dans le cadre d'un contrôle d'identité ordonné par le directeur départemental des services de la police aux frontières, sans que le procureur de la République en ait été informé, a violé l'article 78-2 du code de procédure pénale ;



Mais attendu qu'après avoir constaté que le contrôle d'identité dont M. X... avait fait l'objet était intervenu sur instruction administrative, s'intercalant entre quatre contrôles ordonnés par le procureur de la République sur les mêmes lieux pour une durée totale de neuf heures, le premier président a pu retenir que l'enchaînement de ces contrôles constituait en l'espèce un contrôle unique sur la base de données n'apparaissant pas dans le procès-verbal et en déduire, sans avoir à rechercher si le délai de six heures consécutives était dépassé, qu'un tel enchaînement, qui n'avait pas été porté à la connaissance du procureur de la République, n'avait pas respecté les critères déterminés par la loi pour limiter dans la durée et encadrer objectivement et efficacement le recours à de tels contrôles ; que le moyen ne peut être accueilli ;



PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quatorze.



MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour le préfet des Pyrénées-Atlantiques

II est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir confirmé la décision du juge des libertés entreprise, en ce qu'elle avait rejeté la requête d'un préfet (le préfet des Pyrénées-Atlantiques), tendant à la prolongation de la rétention administrative d'un étranger (M. Boubecar X...) ;
AUX MOTIFS QUE, sur le régularité de la procédure de contrôle d'identité, l'article 78-2 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi du 14 mars 2011, dispose que : « Dans une zone comprise entre la frontière terrestre de la France avec les Etats parties à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et une ligne tracée à 20 kilomètres en deçà, ainsi que dans les zones accessibles au public des ports, aéroports et gares ferroviaires ou routières ouverts au trafic international et désignés par arrêté l'identité de toute personne peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévues par la loi. Lorsque ce contrôle a lieu à bord d'un train effectuant une liaison internationale, il peut être opéré sur la portion du trajet entre la frontière et le premier arrêt qui se situe au-delà des vingt kilomètres de la frontière. Toutefois, sur celles des lignes ferroviaires effectuant une liaison internationale et présentant des caractéristiques particulières de desserte, le contrôle peut également être opéré entre cet arrêt et un arrêt situé dans la limite des cinquante kilomètres suivants. Ces lignes et ces arrêts sont désignés par arrêté ministériel. Lorsqu'il existe une section autoroutière démarrant dans la zone mentionnée à la première phrase du présent alinéa et que le premier péage autoroutier se situe au-delà de la ligne des 20 kilomètres, le contrôle peut en outre avoir lieu jusqu'à ce premier péage sur les aires de stationnement ainsi que sur le lieu de ce péage et les aires de stationnement attenantes. Les péages concernés par cette disposition sont désignés par arrêté. Le fait que le contrôle d'identité révèle une infraction autre que celle de non-respect des obligations susvisées ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. Pour l'application du présent alinéa, le contrôle des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi ne peut être pratiqué que pour une durée n'excédant pas six heures consécutives dans un même lieu et ne peut consister en un contrôle systématique des personnes présentes ou circulant dans les zones ou lieux mentionnés au même alinéa » ; qu'il résultait des termes du procès-verbal dressé le 23 mai 2013 à 12 h 55 par l'agent de police judiciaire que ce dernier déclarait agir « conformément aux instructions de Monsieur Y... Jean-Philippe, Commissaire Divisionnaire de police, Officier de police judiciaire territorialement compétent, nous prescrivant, pour la prévention et la recherche des infractions liées à la criminalité transfrontalière, conformément aux dispositions de l'article 78-2 alinéa 8 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, Agissant sur ordre et sur instructions de Monsieur Z... Pierre, Brigadier Chef de Police Judiciaire de permanence à la DDPAF Hendaye, De procéder au contrôle aléatoire et non systématique, ce jour de 13 H 00 à 14 H 00, à la gare, des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi » ; qu'il était constant que M. X... avait été contrôlé au sein de la gare ferroviaire d'Hendaye le 23 mai 2013 à 13 h 15 sur le fondement du texte précité qui était présenté par les services de police sous la numérotation conforme à la circulaire interministérielle du 20 octobre 2000 relative au mode de décompte des alinéas lors de l'élaboration des textes et non sous la numérotation communément utilisée par notamment la Cour de cassation (alinéa 4) ; qu'il était précisé dans ce procès-verbal, que les agents l'avaient contrôlé « après avoir effectué en ce lieu plusieurs contrôles de personnes n'ayant entraîné la découverte d'aucune infraction » ; que si la Cour de justice de l'Union européenne n'exclut nullement la possibilité, pour un Etat membre, de prévoir l'instauration, en droit interne, de contrôles indépendants du comportement de la personne contrôlée, un tel contrôle doit, pour être régulier et sans qu'il y ait à distinguer entre les lieux de contrôle, ne pas revêtir un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières ; que si M. X... avait bien été contrôlé conformément aux prescriptions de lieu et de temps imposées par l'autorité hiérarchique de l'agent de police judiciaire ayant procédé à cette mesure, il devait être relevé en l'espèce, que ce contrôle d'une durée autorisée d'une heure entre 13 h et 14 h avait été opéré dans le cadre d'une instruction administrative s'intercalant le même jour entre quatre contrôles ordonnés par le procureur de la République de Bayonne et concernant les mêmes lieux pour une durée totale de 9 heures ; que le contrôle litigieux était intervenu 15 mn avant le début de la troisième tranche horaire autorisée par le procureur de la République, de telle sorte que si cette opération relevait d'un régime juridique distinct, il appartenait au juge de vérifier que la multiplication des périodes de contrôle d'identité ne conduisait pas à les enchaîner, au point de constituer, comme en l'espèce, un contrôle à unique objet sur la base de données n'apparaissant pas dans le procès-verbal de contrôle ; qu'en l'espèce, un tel enchaînement, qui n'avait pas été porté à la connaissance du procureur de la République, n'avait pas respecté les critères déterminés par la loi pour limiter dans la durée et encadrer objectivement et efficacement le recours à de tels contrôles dont le caractère successif n'avait été révélé qu'à la faveur d'une insertion fortuite, dans le dossier de procédure, des réquisitions du procureur ; que ce constat conduisait à confirmer la décision déférée :

1° ALORS QUE, dans la zone frontalière des 20 kilomètres, l'identité de toute personne peut être contrôlée, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents de circulation et de séjour prévus par la loi ; qu'il faut, mais qu'il suffit, que ces contrôles soient effectués de manière aléatoire et pour une durée n'excédant pas six heures consécutives, pour qu'ils ne revêtent pas un effet équivalent aux contrôles aux frontières ; qu'en l'espèce, le conseiller délégué, qui a décidé que le contrôle d'identité dont M. X... avait fait l'objet était irrégulier, car il était intervenu dans le cadre d'un enchaînement de contrôles d'identité effectués en gare d'Hendaye, pour un total de 9 heures le 23 mai 2013, et ordonnés sur réquisitions du procureur de la République et sur instructions du directeur départemental des services de la police aux frontières, sans vérifier si les contrôles d'identité en cause avaient excédé un total de six heures consécutives, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 78-2 du code de procédure pénale ;
2° ALORS QUE, dans la zone frontalière des 20 kilomètres, l'identité de toute personne peut être contrôlée, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents de circulation et de séjour prévus par la loi ; qu'il faut, mais qu'il suffit, que ces contrôles soient effectués de manière aléatoire et pour une durée n'excédant pas six heures consécutives, pour qu'ils ne revêtent pas un effet équivalent aux contrôles aux frontières ; qu'en l'espèce, le conseiller délégué, qui a décidé que le contrôle d'identité dont M. X... avait fait l'objet était irrégulier, car il était intervenu dans le cadre d'un enchaînement de contrôles d'identité effectués en gare d'Hendaye, pour un total de 9 heures le 23 mai 2013 et ordonnés sur réquisitions du procureur de la République et sur instructions du directeur départemental des services de la police aux frontières, alors qu'il ne résultait pas des pièces de la procédure que les contrôles avaient été effectivement opérés pendant un tel laps de temps, a violé l'article 78-2 du code de procédure pénale ;
3° ALORS QUE, dans la zone frontalière des 20 kilomètres, l'identité de toute personne peut, sur réquisitions du procureur de la République ou sur ordre du directeur départemental des services de la police aux frontières, être contrôlée, en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents de circulation et de séjour prévus par la loi ; qu'en l'espèce, le conseiller délégué, qui a décidé que le contrôle d'identité dont M. X... avait fait l'objet était irrégulier, car il était intervenu dans le cadre d'un contrôle d'identité ordonné par le directeur départemental des services de la police aux frontières, sans que le procureur de la République en ait été informé, a violé l'article 78-2 du code de procédure pénale.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.