29 May 2013
Cour de cassation
Pourvoi n° 12-20.903

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2013:C100544

Titres et sommaires

RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - produit - défectuosité - lien de causalité avec le dommage - preuve par le demandeur - caractérisation - présomptions graves, précises et concordantes - recherche nécessaire - préalable implicite - participation du produit à la survenance du dommage - nécessité sante publique - produits pharmaceutiques - médicaments à usage humain - vaccin - dommage - applications diverses sante publique

La responsabilité du fait des produits défectueux requiert, outre la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, celle de la participation du produit à la survenance du dommage, préalable implicite nécessaire à l¿exclusion éventuelle d'autres causes possibles de ce dommage. Justifie légalement sa décision, la cour d'appel qui, d'une part, prenant en considération l'ignorance de l'étiologie de la maladie et les données générales relatives à son lien avec l'utilisation du vaccin litigieux et les éléments propres à la personne atteinte de cette maladie, en déduit souverainement l'absence de présomptions graves, précises et concordantes suffisantes pour imputer la maladie à la vaccination, et, d'autre part, écarte le caractère défectueux du produit en mettant en évidence l'incertitude des modalités de sa présentation lors de son utilisation

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :





Sur le moyen unique :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 31 octobre 2011), que Mme X..., qui, alors âgée de 17 ans, avait reçu, les 11 et 29 juillet 1995, des injections du vaccin contre l'hépatite B, dénommé Engerix B et fabriqué par la société Glaxosmithkline, a, d'abord, rapidement déclaré ressentir des engourdissements et fourmillements des membres, puis, après six mois, présenté des troubles oculaires graves, conduisant, en 1997, au diagnostic de la sclérose en plaques ; qu'imputant cette pathologie au vaccin, elle a assigné la société Glaxosmithkline en réparation de son préjudice ;


Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :


1°/ que l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage ; qu'en exigeant que la demanderesse démontre non seulement le dommage, mais encore « l'imputabilité » du dommage à l'administration du produit, avant de prouver le défaut du produit et le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, la cour d'appel a ajouté une condition que la loi ne comporte pas, en violation de l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;


2°/ que, si l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre les deux, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ; que le doute scientifique, qui ne prouve ni n'exclut l'existence d'un lien de causalité entre le dommage et le défaut, est un élément neutre que le juge ne peut retenir en faveur ou au détriment de l'une ou l'autre des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu de façon générale que « la preuve contraire à celle recherchée par Mme X... s'évince même de l'évolution des données statistiques qui n'a pas démontré de pic alarmant des déclarations de sclérose en plaques au terme d'une période non négligeable de quatre années de vaccination obligatoire en France » ; qu'en prenant en considération l'absence de démonstration, sur un plan scientifique, d'un lien de causalité entre la sclérose en plaques et la vaccination contre l'hépatite B, la cour d'appel s'est prononcée au regard d'un élément qui n'aurait pas dû influencer son appréciation et qui a irrémédiablement faussé celle-ci ; en conséquence, elle a violé l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;


3°/ que si l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre les deux, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ; qu'en conséquence, l'appréciation des juges du fond doit nécessairement prendre en compte l'existence conjuguée des différents éléments personnels invoqués par la victime qui, pris séparément, n'auraient pas une force probante suffisante ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a analysé de façon totalement séparée et indépendante chacun des éléments personnels avancés par Mme X..., qu'il s'agisse du facteur chronologique, de l'absence d'autre cause possible pour la pathologie développée par elle, ou de son jeune âge lors de l'apparition de la maladie ; qu'elle a ainsi énoncé que chacun de ces éléments, pris séparément, présentait une « faible valeur probante » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, combinés entre eux, le facteur chronologique, l'absence d'autre cause possible pour la maladie et le jeune âge de Mme X... lors de la survenue de celle-ci, ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir la responsabilité de la société Laboratoire Glaxosmithkline, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;


4°/ que le défaut de sécurité du produit doit s'apprécier, notamment, au regard de la gravité des effets nocifs constatés ; que Mme X... soutenait que « le défaut d'un médicament est fonction de la gravité des effets nocifs au regard de la finalité thérapeutique recherchée » et que le vaccin Engerix B qui lui avait été administré présentait des risques majeurs mettant en jeu le pronostic vital du patient, ce qui le privait de la sécurité à laquelle celui-ci pouvait légitimement s'attendre ; qu'en énonçant cependant qu'il convenait « d'écarter d'emblée la notion du défaut intrinsèque du produit puisque cette question n'est pas invoquée par Mme X... », la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de celle-ci et violé l'article 4 du code de procédure civile ;


5°/ que les parties au litige s'accordaient à dire que la notice du vaccin Engerix B administré à Mme X... en juillet 1995 ne comportait pas la mention, dans son annexe II destinée aux patients, du risque de développer une sclérose en plaques au titre des effets indésirables du produit ; que la société Laboratoire Glaxosmithkline reconnaissait ainsi elle-même que cette mention avait été « insérée dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) et non dans la notice patient » ; qu'en retenant cependant qu' « en l'absence de précision, le tribunal ne pouvait (…) juger de façon certaine que la notice du vaccin administré à Mme X... n'était pas conforme au RCP et au VIDAL », la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;


6°/ qu'en s'abstenant de provoquer les observations des parties sur la teneur de la notice patient du vaccin Engerix B administré à Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;


7°/ qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que dans l'appréciation de cette exigence, il doit être tenu compte, notamment, de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; qu'en conséquence, le fabricant d'un produit est tenu envers l'acquéreur d'une obligation de renseignement sur les dangers, même exceptionnels, que comporte l'utilisation du produit ; qu'en retenant que le vaccin Engerix B ne pouvait être qualifié de défectueux, cependant que les termes du litige établissaient que le dictionnaire Vidal et le RCP faisaient figurer au nombre des effets secondaires indésirables possibles du produit la poussée de sclérose en plaques, tandis que la notice de présentation du produit ne contenait pas cette information, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;


8°/ que le défaut d'un produit peut aussi bien résulter d'une information insuffisante sur les dangers liés à l'utilisation du produit que du caractère anormalement dangereux du produit lui-même ; qu'en cas de défaut lié à une information insuffisante ou inexistante relative au produit, le lien de causalité avec le dommage est établi dès lors qu'il peut être démontré qu'en possession d'une information claire, loyale et complète, l'utilisateur du produit n'en aurait peut-être pas usé ou en aurait usé différemment ; qu'en affirmant de façon péremptoire que « le lien de causalité entre un défaut provenant d'une information insuffisante et la sclérose en plaques ne saurait être qualifié de direct alors qu'une éventuelle contamination ne pourrait provenir que de l'administration du produit lui-même », la cour d'appel a derechef violé l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;


Mais attendu que, si la responsabilité du fait des produits défectueux requiert que le demandeur prouve le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage, la participation du produit à la survenance du dommage est un préalable implicite, nécessaire à l'exclusion éventuelle d'autres causes possibles de la maladie, pour la recherche de la défectuosité du produit et du rôle causal de cette défectuosité, sans pour autant que sa simple implication dans la réalisation du dommage suffise à établir son défaut au sens de l'article 1386-4 du code civil ni le lien de causalité entre ce défaut et le dommage ; que la cour d'appel, qui a énoncé qu'il appartenait à Mme X... de rapporter la preuve du dommage, de l'imputabilité du dommage à l'administration du produit puis du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage, a retenu que les experts sont quasi unanimes pour conclure qu'un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques ne pouvait être démontré, que l'évolution des données statistiques n'avait pas démontré de pic alarmant des déclarations de la sclérose en plaques au terme d'une période non négligeable de quatre années de vaccination obligatoire en France en dépit du nombre élevé de doses administrées ; que, prenant en considération les éléments propres à Mme X..., elle a ajouté que les manifestations décrites dès les deux injections ne reposaient que sur ses seules affirmations et que la chronologie du diagnostic, deux ans après la vaccination, était trop peu probante dans la mesure où il pouvait ne s'agir que d'une simple coïncidence, que l'absence de manifestations antérieures de la maladie et de toute autre cause possible envisageable était elle-même de faible valeur probante, la preuve ne pouvant être rapportée par ces faits négatifs qui sont aussi le lot de nombreux autres sujets affectés par la sclérose en plaques sans avoir jamais été vaccinés, que l'apparition spontanée de la maladie à l'âge de 17 ans, dénuée de caractère exceptionnel, n'était pas un élément déterminant en l'espèce, que la maladie frappant l'oncle de Mme X... pouvait s'interpréter aussi bien en faveur d'une présomption de causalité qu'en faveur d'une prédisposition congénitale en dehors de tout contexte vaccinal, d'autant que des chercheurs ont relevé une susceptibilité génétique, et que, dans ces conditions, les éléments invoqués par Mme X... étaient insuffisants pour constituer des présomptions graves, précises et concordantes de nature à imputer la sclérose en plaques dont elle souffre à la vaccination qu'elle a subie ; que les juges du second degré ont, en outre, considéré que la preuve du défaut du vaccin n'était pas démontrée dès lors que l'examen du carnet de vaccination de Mme X... ne permettait pas de savoir, avec certitude, si elle avait reçu le vaccin à faible dose, dont la notice faisait apparaître, dès 1994, les risques neurologiques, ou le vaccin à forte dose, dont la notice ne les avait mentionnés qu'en 1995, sans qu'il soit précisé à quel moment cette mention avait été portée, par rapport aux injections effectuées en juillet de cette année, et qu'en l'absence de ces précisions, il n'était pas établi que la notice du vaccin administré à Mme X... n'était pas conforme au résumé des caractéristiques du produit et aux énonciations du dictionnaire Vidal ; que la cour d'appel, qui s'est prononcée, non pas en considération de l'absence de preuve scientifique, mais à la fois par des observations d'ordre général tendant à la démonstration du caractère positif du rapport bénéfice/risque de nature à exclure la corrélation entre la vaccination et la survenance de la maladie et au regard de l'ensemble des éléments propres à la patiente, a ainsi souverainement estimé que la preuve n'était pas rapportée de la participation du vaccin litigieux à l'apparition de la maladie de Mme X..., non plus, en tout cas et sans méconnaître les termes du litige, que celle du défaut du vaccin du fait de la présentation de la notice dont la teneur était dans le débat ; que le moyen, mal fondé en sa première branche et, en tout cas, manquant en fait en ses deuxième et troisième branches, mal fondé en ses cinquième, sixième et septième branches et inopérant en ses quatrième et huitième branches, ne peut être accueilli ;


PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;


Condamne Mme X... aux dépens ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme X....


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté Madame X... de toutes ses demandes ;


AUX MOTIFS QUE « la responsabilité de la société GLAXOSMITHKLINE est recherchée au vu des articles 1147 et 1382 du Code civil interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 en sa qualité de fabricant d'un produit de santé allégué défectueux ; qu'il appartient à Alexandra X... de rapporter la preuve du dommage, de l'imputabilité du dommage à l'administration du produit,, puis du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage ; que selon la jurisprudence désormais établie, cette preuve peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ; que la preuve du dommage est avérée puisque la sclérose en plaques n'est pas contestée ; que pour faire le lien entre l'administration du vaccin et cette affection, Alexandra X... se fonde sur des considérations générales : - les études scientifiques nombreuses qui n'excluent pas un risque de développement de sclérose en plaques au décours d'une vaccination et dont l'une des dernières, celle de HERNAN & Coll., met en relief le lien de causalité entre vaccin et sclérose en plaque, - la reconnaissance, par les juridictions administratives ou de sécurité sociale, du lien de causalité entre les affections démyélinisantes et la vaccination dans le cadre des vaccinations obligatoires ; qu'elle invoque aussi des éléments personnels : - le laps de temps très court entre vaccination et apparition des premiers symptômes, - la réadministration positive, - l'absence de pathologie antérieure, - l'absence de toute autre cause possible envisageable pour la sclérose en plaques qui est, selon elle, extrêmement rare chez un jeune de 17 ans ; qu'elle trouve enfin le défaut du produit dans le fait que la notice ne reprend pas les informations sur les risques de sclérose en plaques connus à l'époque et mentionnés à la fois dans le R.C.P. et l'ouvrage VIDAL ; mais que les premières suspicions sur la dangerosité du vaccin ENGERIX B remontent désormais à octobre 1989 ce qui a généré de nombreuses études et mobilisé les experts de pharmacovigilance ; qu'en 2001, avec un recul de douze ans, les experts judiciaires ont conclu que la preuve formelle d'un lien entre la vaccination et la sclérose en plaques ne pouvait être faite et ce, alors que plus de 20 millions de vaccins avaient été administrés ; qu'en 2011, avec vingt-deux années de recul, plus de quatorze études internationales sur la question et de nombreux articles documentés dans la littérature médicale et alors que des centaines de millions de vaccins ont été administrés dans le monde, les experts sont quasi unanimes pour conclure qu'un tel lien ne peut être démontré ; que la seule étude mettant en évidence un lien de causalité (HERNAN & coll.) porte sur un échantillon de patient trop limité (11 patients vaccinés) pour être significative et être à l'abri d'une erreur qui fausserait radicalement les résultats statistiques ; que, compte tenu du recul précité, du nombre extraordinairement élevé de doses administrées et du caractère obligatoire, à certaines époques, de la vaccination contre l'hépatite B, la preuve contraire à celle recherchée par Alexandra X... s'évince même de l'évolution des données statistiques qui n'a pas démontré de pic alarmant des déclarations de sclérose en plaques au terme d'une période non négligeable de quatre années de vaccination obligatoire en France, ce qui aurait dû être relevé s'il avait existé une relation de causalité entre vaccination et apparition de la maladie ; que l'indemnisation par l'Etat de certaines pathologies démyélinisantes apparues dans le cadre de la vaccination obligatoire de certains personnels de santé en vertu des dispositions de l'article L. 3111-4 du Code de la santé publique et la prise en compte de ces affections par les juridictions sociales dans le cadre des accidents du travail ne sont pas déterminantes pour établir le lien de causalité entre administration du vaccin et apparition du dommage puisque les règles applicables dans ces affaires ne répondent pas exactement aux règles de preuve requises dans le cadre de la responsabilité de droit commun et que les prises de position des pouvoirs publics s'inscrivent plus dans le cadre d'un devoir de solidarité nationale que dans un contexte de responsabilité civile reposant sur des règles de preuves strictes ; que cependant la Cour, saisie du cas particulier d'Alexandra X... ne saurait se satisfaire de ces généralités pour exclure de façon certaine tout lien de causalité entre vaccination et apparition de la sclérose en plaques puisque la société GLAXOSMITHKLINE admet elle-même que, chez des sujets prédisposés et dans des cas extrêmement rares, sans qu'il soit démontré un lien de causalité formelle, le déclenchement d'une sclérose en plaques avait pu être présenté comme un effet secondaire possible du vaccin ENGERIX B ; que si l'on prend en considération les éléments propres à Alexandra X..., force est de constater que les manifestations décrites dès les deux injections du produit ne reposent que sur les affirmations de l'intimée et ne sont pas étayées par de quelconques éléments de preuve ; que si cette constatation suffit à écarter la notion de réadministration positive, cela ne suffit pas, en revanche, pour écarter, sans autre discussion, le facteur chronologique dans la mesure où la sclérose en plaques a été diagnostiquée moins de deux ans après les vaccinations et qu'il s'agit là d'un laps de temps qui peut encore faire présumer le lien de causalité entre vaccination et dommage ; mais que cet élément est trop peu probant pour être véritablement retenu dans la mesure où il peut ne s'agir que d'une simple coïncidence, d'ailleurs évoquée dans plusieurs études versées aux débats, étant précisé que, tous les ans, se déclarent en France, pour une cause inconnue, des centaines de cas de sclérose en plaques chez des sujets non vaccinés ; que l'absence de manifestation antérieure de sclérose en plaques et l'absence de toute autre cause possible envisageable pour cette pathologie sont, elles aussi, de faible valeur probante, la preuve ne pouvant pas être apportée par ces faits négatifs qui sont aussi le lot de nombreux autres sujets affectés par la sclérose en plaques et qui n'ont jamais été vaccinés ; que, dans le cas d'Alexandra X..., l'apparition spontanée d'une sclérose en plaques à l'âge de 17 ans ne présente pas le caractère exceptionnel que l'intimée veut y voir puisqu'il résulte d'une étude de Y... et autres, publiée dans les archives de pédiatrie en 2007, que la sclérose en plaques apparaît, dans 3 à 10 % des cas, avant l'âge de 19 ans et qu'une étude du professeur Z..., de mai 2010, estime que la maladie apparaît dans 10 % des cas avant 20 ans, les deux études, par ailleurs, écartant tout lien entre la vaccination contre l'hépatite B et l'apparition de la maladie chez l'enfant ; que cet élément ne se montre donc pas particulièrement déterminant en l'espèce ; qu'enfin, l'apparition d'une sclérose en plaques chez l'oncle d'Alexandra X... après une vaccination contre l'hépatite B ne fait l'objet d'aucun élément probant et ne repose, en l'état, que sur les affirmations de l'intimée puisqu'il est curieux de ne trouver, au dossier, aucune pièce médicale ni aucune attestation, de l'oncle ou d'un autre membre de la famille, pour démontrer cet état de chose ; qu'en tenant pour acquis un tel élément, force est de constater qu'il peut s'interpréter de différentes manières, certes en faveur d'une présomption de causalité entre vaccination et sclérose en plaques (mais on ne sait pas quel était le vaccin utilisé par l'oncle d'Alexandra X...) mais tout autant en faveur d'une prédisposition congénitale des membres de la famille à développer une sclérose en plaques en dehors de tout contexte vaccinal ; que d'ailleurs, dans les deux études précitées, pour ne citer qu'elles, les chercheurs relèvent une certaine susceptibilité génétique, puisque le professeur Y... précise que, sur sa cohorte de 500 enfants, 8 % ont un membre de leur famille atteint de sclérose en plaques et que le professeur Z... remarque un taux de concordance cinq fois plus élevé chez les jumeaux monozygotes que chez les jumeaux dizygotes ; que là encore, malgré son apparente pertinence, cet élément se révèle donc peu déterminant ; que, dans ces conditions, les éléments invoqués par Alexandra X... sont insuffisants pour constituer les présomptions graves, précises et concordantes de nature à imputer la sclérose en plaques dont elle souffre à la vaccination dont elle a bénéficié ; qu'Alexandra X... n'apportant pas la preuve du lien de causalité entre l'administration du vaccin ENGERIX B et la sclérose en plaques dont elle souffre, il devient inutile de rechercher le caractère défectueux du produit ; que c'est donc à titre superfétatoire que la Cour fera les développements suivants et relèvera que, dans le cas d'espèce, la preuve du défaut n'est pas suffisamment démontrée ; qu'en effet, il y a lieu d'écarter d'emblée la notion de défaut intrinsèque du produit puisque cette question n'est pas invoquée par Alexandra X... ; qu'en revanche celle-ci veut trouver la preuve du défaut dans le caractère insuffisant des informations contenues dans la notice destinée au patient qui n'aurait pas été rédigée dans les termes du RCP ni du VIDAL ; Mais que la notice du vaccin ENGERIX B, telle qu'elle se présentait au jour des vaccinations d'Alexandra X..., ne permet pas de savoir, avec certitude, si elle a reçu le vaccin à faible dose (10 µg/ml) ou le vaccin à forte dose (20 µg/ml) , or la notice du vaccin faiblement dosé faisait apparaître, dès 1994, les risques neurologiques tandis que la notice du vaccin à fort dosage ne les a mentionnés qu'en 1995 (cf. expertise page 18) ; qu'en admettant qu'Alexandra X... ait reçu le vaccin ENGERIX B à fort dosage (puisqu'elle avait plus de quinze ans) il n'en reste pas moins qu'une incertitude existe puisqu'on ne sait pas à quel moment de l'année 1995 le risque neurologique a été porté sur la notice alors que les injections ont eu lieu au mois de juillet de cette année-là ; qu'en l'absence de ces précisions, le tribunal ne pouvait donc juger de façon certaine que la notice du vaccin ENGERIX B administré à Alexandra X... n'était pas conforme au RCP et au VIDAL ; qu'enfin, à supposer même que cette notice eut été celle de l'ancienne version antérieure à 1995, ce qui reste douteux compte tenu de la faible durée de conservation d'un tel produit, la conformité de la notice avec le RCP exigée par l'article R 5121-49 du code de la santé publique dans sa rédaction de l'article 5143-5 de l'époque, n'implique pas que la notice reprenne in extenso les mentions du RCP ou du VIDAL ; qu'au contraire, s'agissant d'un document qui, contrairement aux deux autres, ne s'adresse pas à un professionnel de la santé mais au patient profane, il est certain que la notice doit apporter une certaine vulgarisation dans l'approche du médicament en ne comportant que les éléments essentiels et suffisamment fiables pour ne pas qu'une information non vérifiée aboutisse à l'effet inverse de celui recherché en détournant le patient d'une vaccination dont les effets bénéfiques sont généralement admis en polarisant son attention sur des effets indésirables non avérés faisant simplement l'objet d'une suspicion et ne reposant que sur le rapport de quelques cas extrêmement rares dont l'imputabilité au produit n'est pas démontrée ; que tel était bien le cas en 1995 pour le vaccin ENGERIX B et ce vaccin ne peut être qualifié de défectueux au simple motif que la société GLAXOSMITHKLINE n'a pas cru devoir reprendre dans sa notice de l'époque la mention d'un risque de sclérose en plaques non avéré ; qu'au surplus, le lien de causalité entre un défaut provenant d'une information insuffisante et la sclérose en plaques ne saurait être qualifié de direct alors qu'une éventuelle contamination ne pourrait provenir que de l'administration du produit lui-même ; que dans ces conditions, le jugement sera infirmé ; qu'Alexandra X... et la CMSA Berry Touraine seront déboutées de leurs demandes » ;


1°/ ALORS QUE l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage ; qu'en exigeant que la demanderesse démontre non seulement le dommage, mais encore « l'imputabilité » du dommage à l'administration du produit, avant de prouver le défaut du produit et le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, la Cour d'appel a ajouté une condition que la loi ne comporte pas, en violation de l'article 1147 du Code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n°85-374 du 25 juillet 1985 ;


2°/ ALORS QUE si l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre les deux, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ; que le doute scientifique, qui ne prouve ni n'exclut l'existence d'un lien de causalité entre le dommage et le défaut, est un élément neutre que le juge ne peut retenir en faveur ou au détriment de l'une ou l'autre des parties ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a retenu de façon générale que « la preuve contraire à celle recherchée par Alexandra X... s'évince même de l'évolution des données statistiques qui n'a pas démontré de pic alarmant des déclarations de sclérose en plaques au terme d'une période non négligeable de quatre années de vaccination obligatoire en France » ; qu'en prenant en considération l'absence de démonstration, sur un plan scientifique, d'un lien de causalité entre la sclérose en plaques et la vaccination contre l'hépatite B, la Cour d'appel s'est prononcée au regard d'un élément qui n'aurait pas dû influencer son appréciation et qui a irrémédiablement faussé celle-ci ; qu'en conséquence, elle a violé l'article 1147 du Code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n°85-374 du 25 juillet 1985 ;


3°/ ALORS QUE si l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre les deux, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ; qu'en conséquence, l'appréciation des juges du fond doit nécessairement prendre en compte l'existence conjuguée des différents éléments personnels invoqués par la victime qui, pris séparément, n'auraient pas une force probante suffisante ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a analysé de façon totalement séparée et indépendante chacun des éléments personnels avancés par Madame X..., qu'il s'agisse du facteur chronologique, de l'absence d'autre cause possible pour la pathologie développée par l'exposante, ou du jeune âge de cette dernière lors de l'apparition de la maladie ; qu'elle a ainsi énoncé que chacun de ces éléments, pris séparément, présentait une « faible valeur probante » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, combinés entre eux, le facteur chronologique, l'absence d'autre cause possible pour la maladie et le jeune âge de Madame X... lors de la survenue de celle-ci, ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir la responsabilité de la société LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n°85-374 du 25 juillet 1985 ;


4°/ ALORS QUE le défaut de sécurité du produit doit s'apprécier, notamment, au regard de la gravité des effets nocifs constatés ; que Madame X... soutenait que « le défaut d'un médicament est fonction de la gravité des effets nocifs au regard de la finalité thérapeutique recherchée » et que le vaccin ENGERIX B qui lui avait été administré présentait des risques majeurs mettant en jeu le pronostic vital du patient, ce qui le privait de la sécurité à laquelle celui-ci pouvait légitimement s'attendre (conclusions, p. 40 à 42) ; qu'en énonçant cependant qu'il convenait « d'écarter d'emblée la notion du défaut intrinsèque du produit puisque cette question n'est pas invoquée par Alexandra X... », la Cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de celle-ci et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;


5°/ ALORS QUE les parties au litige s'accordaient à dire que la notice du vaccin ENGERIX B administré à Madame X... en juillet 1995 ne comportait pas la mention, dans son annexe II destinée aux patients, du risque de développer une sclérose en plaques au titre des effets indésirables du produit ; que la société LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE reconnaissait ainsi elle-même que cette mention avait été « insérée dans le RCP et non dans la notice patient » (conclusions, p. 50, avant-dernier §) ; qu'en retenant cependant qu' « en l'absence de précision, le tribunal ne pouvait (…) juger de façon certaine que la notice du vaccin administré à Alexandra X... n'était pas conforme au RCP et au VIDAL », la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;


6°/ ALORS QUE, en tout état de cause, en s'abstenant de provoquer les observations des parties sur la teneur de la notice patient du vaccin ENGERIX B administré à Madame X..., la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile ;


7°/ ALORS QU'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que dans l'appréciation de cette exigence, il doit être tenu compte, notamment, de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; qu'en conséquence, le fabricant d'un produit est tenu envers l'acquéreur d'une obligation de renseignement sur les dangers, même exceptionnels, que comporte l'utilisation du produit ; qu'en retenant que le vaccin ENGERIX B ne pouvait être qualifié de défectueux, cependant que les termes du litige établissaient que le dictionnaire VIDAL et le RCP faisaient figurer au nombre des effets secondaires indésirables possibles du produit la poussée de sclérose en plaques, tandis que la notice de présentation du produit ne contenait pas cette information, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n°85-374 du 25 juillet 1985 ;


8°/ ALORS QUE le défaut d'un produit peut aussi bien résulter d'une information insuffisante sur les dangers liés à l'utilisation du produit que du caractère anormalement dangereux du produit lui-même ; qu'en cas de défaut lié à une information insuffisante ou inexistante relative au produit, le lien de causalité avec le dommage est établi dès lors qu'il peut être démontré qu'en possession d'une information claire, loyale et complète, l'utilisateur du produit n'en aurait peut-être pas usé ou en aurait usé différemment ; qu'en affirmant de façon péremptoire que « le lien de causalité entre un défaut provenant d'une information insuffisante et la sclérose en plaques ne saurait être qualifié de direct alors qu'une éventuelle contamination ne pourrait provenir que de l'administration du produit lui-même », la Cour d'appel a derechef violé l'article 1147 du Code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n°85-374 du 25 juillet 1985.

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