15 February 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 11-14.187

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2012:C100208

Titres et sommaires

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - règles spécifiques au divorce - prestation compensatoire - attribution - conditions - disparité dans les conditions de vie respectives des époux - eléments à considérer - exclusion - avantage constitué par le loyer perçu au titre du devoir de secours, pendant la durée de l'instance - fixation - critères - ressources et besoins des époux - détermination

La prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. Le juge la fixe en tenant compte de leur situation au moment du divorce. Encourt donc la censure une cour d'appel qui, pour se prononcer sur l'existence d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, créée par la rupture du mariage, prend en considération l'avantage constitué par le loyer perçu au titre du devoir de secours, pendant la durée de l'instance

Texte de la décision

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux premiers moyens :

Attendu que ces moyens ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 270 et 271 du code civil ;

Attendu que la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux et que le juge la fixe en tenant compte de leur situation au moment du divorce ;

Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande de prestation compensatoire, l'arrêt retient que le loyer de l'immeuble commun situé à Somain et donné à bail lui est dévolu sans rapport à la communauté, au titre du devoir de secours ;

Qu'en prenant en considération l'avantage constitué par le loyer perçu au titre du devoir de secours, pendant la durée de l'instance, pour se prononcer sur l'existence d'une disparité dans les conditions de vie respectives des époux, créée par la rupture du mariage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 24 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille douze.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé le divorce de Monsieur Y... et de Madame X... ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande principale en divorce ; qu'au soutien de sa demande en divorce Jean-Jacques Y... a essentiellement reproché à son épouse de l'avoir évincé du domicile conjugal avec l'aide de ses deux fils Philippe et Fabrice A... d'une première union, de lui avoir préféré ses fils qui l'ont humilié à plusieurs reprises et affirme qu'il a été contraint de ce fait de quitter le domicile conjugal ; que M. Y... se borne à produire deux certificats médicaux faisant état de son mauvais état de santé général consécutif à un accident ; qu'aucun autre élément n'est justifié à l'appui de la demande en divorce ; que la demande principale en divorce ne peut être accueillie dans ces circonstances ; qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris qui constate que n'est pas rapportée la preuve des griefs invoqués ; que sur la demande reconventionnelle en divorce ; que Yvette X... reproche à son époux d'avoir quitté le domicile conjugal et d'avoir ostensiblement affiché sa liaison et son concubinage avec Mme Z... ; qu'il convient d'écarter l'attestation établie par Séverine Y..., fille du couple, étant observé que ne sont pas recevables en application de l'article 259 du code civil les attestations des enfants dans la procédure de divorce de leurs parents ; que la relation adultère n'est pas contestée ; que de l'union de M. Y... avec sa concubine est issue une enfant née en 1990 ; que M. Y... ne justifie pas des circonstances l'ayant contraint à quitter le domicile conjugal ; qu'au vu des éléments versés aux débats, établissant l'ancienneté de la relation adultère de Jean-Jacques Y... et compte tenu des circonstances de la séparation du couple, la relation adultère de M. Y... ne peut être excusée ; que dans ces conditions, la Cour estime que le premier juge, à bon droit, a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux et qu'il convient de confirmer le jugement de ce chef » ;

ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; qu'en affirmant pourtant « que de l'union de M. Y... avec sa concubine est issue une enfant née en 1990 » (arrêt p. 3, § 9), cependant qu'aucune des parties ne soulevait que tel serait le cas, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 7 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Madame X... sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

AUX MOTIFS QUE « Mme X... demande à la Cour, réformant le jugement entrepris, de lui allouer la somme de 10. 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du Code civil pour l'avoir contrainte à retourner des dettes personnelles de Monsieur Y... et pour avoir soustrait des pièces d'or ; que cependant l'appelante n'est pas en mesure de contredire les énonciations du jugement qui a relevé l'absence de tout élément établissant que la communauté a été dans l'obligation de régler les dettes personnelles de M. Y..., excédant les obligations au titre de l'article 220 du Code civil ; qu'aucune preuve n'établit l'existence des pièces d'or dont se serait emparé l'époux ; qu'il convient de rejeter la demande de dommages et intérêts de Madame Yvette X... sur le fondement de l'article 1382 du code civil » ;

ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que Madame X... soutenait, dans ses écritures d'appel, subir des accusations mensongères de Monsieur Y..., « ce dernier n'hésitant pas à la qualifier implicitement de criminelle lorsqu'en page 3 de ses écritures, il indiquait''nourrir certains soupçons au sujet de produits qui lui étaient administrés par Madame X... Yvette du temps de la vie commune'', faisant ainsi de Madame X... une empoisonneuse » (conclusions, p. 18, § 2), ces accusations étant fondées sur « la production d'analyses sanguines de l'enfant du couple, Séverine, en les faisant passer pour les siennes » (conclusions, p. 18, § 3) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de prestation compensatoire formée par Madame X... à l'encontre de Monsieur Y... ;

AUX MOTIFS QUE « la prestation compensatoire qu'un époux peut être tenu de verser à l'autre est destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; qu'elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que le mariage aura duré 33 ans et la vie commune 22 années ; que Jean-Jacques Y... est âgé de 67 ans et Yvette X... de 68 ans ; qu'une enfant est issue de cette union ; que n'entre pas dans les prévisions de l'article 271 du code civil, la vie commune antérieure au mariage ; qu'Yvette X... perçoit une pension de retraite de 182, 39 euros par mois ; qu'elle vit seule ; qu'elle indique avoir des problèmes de santé ; que Mme X... perçoit des revenus fonciers d'un immeuble commercial lui appartenant en propre pour un montant de 518, 33 euros par mois ; que l'immeuble est destiné à être reloué après le départ du locataire actuel ; qu'Yvette X... et Jean-Jacques Y... possèdent un immeuble d'une valeur de 60 000 euros qui était donné à bail ; que le loyer de l'immeuble d'un montant de 559, 33 euros est dévolu à l'épouse sans rapport à la communauté ; que Jean-Jacques Y... perçoit une pension de retraite de 701, 66 euros par mois ; qu'il vit en concubinage et a un enfant à charge née en 1990 ; que sa compagne perçoit le RMI ; qu'il n'est pas établi que le couple dispose d'autres revenus ; que Mme Z... a deux enfants d'une première union ; que le couple s'acquitte d'un loyer résiduel de 200 euros et perçoit une allocation personnalisée au logement ; que ces éléments et plus précisément, l'âge des époux, tous deux à la retraite, et leurs revenus respectifs, n'établissent pas de disparité dans les conditions de vie des époux en défaveur d'Yvette X... ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement de ce chef » ;

1°/ ALORS QUE la prestation compensatoire est destinée à compenser la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux ; que le divorce mettant fin au devoir de secours, les sommes perçues à ce titre par un époux sont exclues de l'appréciation de cette disparité ; qu'en prenant en considération « le loyer de l'immeuble d'un montant de 559, 33 euros qui est dévolu à l'épouse sans rapport à la communauté », somme attribuée à l'épouse au titre du devoir de secours par application de l'arrêt du 26 juin 2008, la Cour d'appel a violé l'article 270 du Code civil ;

2°/ ALORS QU'en affirmant que « Mme X... perçoit des revenus fonciers d'un immeuble commercial lui appartenant en propre pour un montant de 518, 33 euros par mois », quand il ressortait des conclusions de Madame X... (p. 13, der. §, p. 10, 1er §) et de celles de Monsieur Y... (p. 9, § 4) que cet immeuble n'était plus loué à la date de l'arrêt, la Cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;



3°/ ALORS, ENFIN, QUE le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; que pour débouter Madame X... de sa demande de prestation compensatoire, la Cour d'appel a affirmé que Monsieur Y... aurait « un e enfant à charge née en 1990 », « de l'union de M. Y... avec sa concubine » (arrêt, p. 3, § 9, p. 4, der. §) ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'aucune des parties ne soulevait que tel serait le cas, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 7 du Code de procédure civile.

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