10 July 2007
Cour de cassation
Pourvoi n° 07-10.190

Première chambre civile

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2007:C101031

Titres et sommaires

CONVENTIONS INTERNATIONALES - accords et conventions divers - convention de la haye du 25 octobre 1980 - aspects civils de l'enlèvement international d'enfants - article 3 - déplacement illicite - définition - cas

Retenant, d'une part que, l'exercice de l'autorité parentale étant conjoint et la mère ne disposant pas d'un droit de garde exclusif, celle-ci n'a pu modifier unilatéralement, en l'absence de consentement du père, le lieu de la résidence habituelle de l'enfant fixé au Québec, d'autre part, que l'accord intervenu entre les parents et homologué par la juridiction canadienne, a pour seul objet de régir les relations entre les parties dans l'attente d'une décision sur le fond, c'est à bon droit qu'une cour d'appel décide que le déplacement de l'enfant est illicite au sens de l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ; que dès lors, l'intérêt de l'enfant étant de regagner l'Etat de sa résidence habituelle dans l'attente de la décision au fond sur l'autorité parentale, c'est à juste titre que la cour d'appel ordonne son retour au Canada

Texte de la décision

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :



Attendu que l'enfant Lalitha est née le 7 juin 2000 de l'union de Mme X... et M. Y... ; que la famille a fixé sa résidence habituelle au Canada ; qu'après leur séparation, M. Y... a saisi le tribunal de Montréal d'une demande tendant à organiser la garde de sa fille ; que la juridiction canadienne a, le 25 novembre 2005, homologué un accord "intérimaire" des parents confiant provisoirement Lalitha à sa mère et organisant les droits de communication de l'enfant avec son père ; qu'à l'issue d'un déplacement effectué en France, courant janvier 2006, avec l'enfant, la mère n'a pas regagné sa résidence habituelle ; que le 30 janvier 2006, la juridiction canadienne a confié la garde de l'enfant au père et ordonné à la mère, non-comparante, de ramener sa fille au Canada ; que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse a saisi le juge aux affaires familiales d'une demande de retour en application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;



Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 28 novembre 2006), d'avoir dit que le déplacement en France de l'enfant était illicite et ordonné son retour immédiat, alors, selon le moyen :



1°/ que, d'une part, le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, et non d'un droit d'autorité parentale ; qu'ainsi en retenant que l'accord conclu entre les parties et homologué le 25 novembre 2005 par la juridiction canadienne compétente ne confiait pas l'autorité parentale sur l'enfant Lalitha exclusivement à la mère mais fixait le lieu de résidence de l'enfant chez cette dernière, le père exerçant conjointement avec celle-ci l'autorité parentale, pour estimer que le déplacement de Lalitha en France était illicite et ordonner son retour immédiat au Canada, la cour d'appel, statuant par des motifs inopérants, a violé les articles 3 et 5 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;



2°/ que, d'autre part, la notion de garde, au sens de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, ne se définit pas selon les droits matériels des Etats requis ou de résidence de l'enfant mais correspond aux soins prodigués à l'enfant : que le droit de garde peut résulter d'une attribution de plein droit, d'une décision judiciaire ou administrative, ou d'un accord en vigueur selon le droit de l'Etat de résidence de l'enfant ; qu'en relevant, au soutien de sa décision, que l'article 600 du code civil du Québec prévoit que les père et mère exercent en commun l'autorité parentale et que l'autorité parentale s'entend des droits et devoirs de surveillance et d'éducation de l'enfant, quand il résulte des énonciations de l'arrêt que par convention homologuée par la juridiction compétente, les parents sont convenus de confier la garde de leur enfant à la mère, la cour d'appel s'est fondée sur des motifs inopérants et a violé les articles 3 et 5 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;



3°/ qu'en outre, le droit de garde au sens de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 se définit par les soins prodigués à la personne de l'enfant et comprend le droit de fixer le lieu de résidence de l'enfant qui ne peut être limité que par décision ou accord express entre les parents ; qu'ainsi en estimant que la mère ne pouvait, sans le consentement du père, unilatéralement modifier le lieu de résidence de l'enfant pour déclarer que le déplacement de Lalitha en France était illicite, tout en constatant que par convention du 25 novembre 2005 homologuée par la juridiction locale compétente, M. Y... et Mme X... étaient convenus de confier de façon intérimaire la garde de Lalitha à sa mère, sans relever dans cet accord aucune limitation territoriale à l'exercice du droit de garde par la mère, la cour d'appel a violé les articles 3 et 5 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;



4°/ qu'enfin, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions qui le concernent ; qu'ainsi en estimant que le déplacement en France de Lalitha était illicite pour ordonner son retour immédiat auprès de M. Y..., sans rechercher l'intérêt supérieur de Lalitha, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3-1 de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;



Mais attendu que, selon l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il a eu lieu en violation d'un droit de garde, exercé de façon effective ou qui aurait pu l'être, attribué par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement et que ce droit de garde peut résulter d'une décision judiciaire ou administrative, d'une attribution de plein droit ou d'un accord en vigueur selon le droit de cet Etat ; qu'ayant retenu, d'une part que, l'exercice de l'autorité parentale étant conjoint et la mère ne disposant pas d'un droit de garde exclusif, celle-ci n'avait pu modifier unilatéralement, en l'absence de consentement du père, le lieu de la résidence habituelle de l'enfant fixé au Québec, d'autre part, que l'accord intervenu entre les parents le 25 novembre 2005 et homologué par la juridiction canadienne, avait pour seul objet de régir les relations entre les parties dans l'attente d'une décision sur le fond, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que le déplacement de l'enfant était illicite ; que dès lors, l'intérêt de l'enfant étant de regagner l'Etat de sa résidence habituelle dans l'attente de la décision au fond sur l'autorité parentale, la cour d'appel a ordonné à juste titre son retour au Canada ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;



PAR CES MOTIFS :



REJETTE le pourvoi ;



Condamne Mme X... aux dépens ;



Vu les articles 700 du nouveau code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de la SCP Defrenois et Levis ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille sept.

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