19 April 2016
Cour d'appel de Rennes
RG n° 15/05235

1ère Chambre

Texte de la décision

1ère Chambre





ARRÊT N° 195/2016



R.G : 15/05235













M. [Z] [B]



C/



SCP [F] XAVIER - BENARD-FOUJANET BERENICE

SCP CABINET [N]

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 19 AVRIL 2016





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



M. Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

M. Marc JANIN, Conseiller,

Mme Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Mme Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 08 Mars 2016



ARRÊT :



Contradictoire, prononcé publiquement le 19 Avril 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats



****

APPELANT :



M. [Z] [B]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, avocat au barreau de RENNES





INTIMÉES :



SCP [F] agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau de RENNES





SCP CABINET [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]







Représentée par la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau de RENNES








FAITS ET PROCÉDURE



M. [Z] [B] a, le 19 août 2010, signé avec la SCP [N], avocats à [Localité 1], un contrat de collaboration auquel, le 26 décembre 2013, la SCP a mis fin par rupture du contrat avec prise d'effet au 26 mars 2014.



Le 26 mars 2014, à 17 heures 56, M. [Z] [B] a adressé par mail, une lettre circulaire aux clients de la SCP les informant de la fin de sa collaboration avec la SCP [N], tout en leur communiquant son adresse électronique personnelle ainsi que son numéro de téléphone portable.



Informée par ses clients, la SCP [N] a constaté que le mail avait été envoyé en nombre à l'aide de son carnet d'adresses clients et ce, y compris pour ceux auprès desquels M. [Z] [B] n'était pas intervenu.



Un huissier de justice assisté d'un expert en informatique, mandatés par la SCP [N], a constaté que les données auraient été extraites à l'aide de clés USB et de disques extérieurs pour copier les fichiers.



Le 8 avril 2014, la présidente du tribunal de grande instance d'Angers a rendu une ordonnance sur requête de la SCP [N] désignant un huissier de justice pour recueillir, aux domiciles personnel et professionnel de M. [Z] [B], tous éléments de nature à identifier de manière complète l'ensemble des destinataires du mail du 26 mars 2014 et identifier les supports utilisés pour l'envoi des mails.



Par acte du 30 avril 2014, M. [Z] [B], autorisé par ordonnance du 25 avril précédent à assigner en référé d'heure à heure, a assigné devant le juge des référés la SCP [N] et la SCP [F], huissier de justice aux fins de rétractation de l'ordonnance du 8 avril 2014 et ordonner la destruction immédiate par l'huissier des documents électroniques saisis et du constat dressé.



Par ordonnance de référé du 12 juin 2014, la présidente du tribunal de grande instance d'Angers a :




mis hors de cause la SCP [F] [J] [T] ;





débouté M. [Z] [B] de toutes ses demandes ;





dit n'y avoir lieu à rétractation et confirmé les termes de son ordonnance sur requête du 8 avril 2014 ;





condamné M. [Z] [B] à payer à la SCP [N] et à la SCP [F]-[T] une indemnité de 3.000 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;





condamné M. [Z] [B] aux dépens.






M. [Z] [B] a, par déclaration au greffe du 30 juillet 2014, interjeté appel contre ce jugement.



Par arrêt en date du 7 mai 2015, la cour d'appel d'Angers a :



Vu l'article 47 du code de procédure civile,




ordonné le renvoi devant la cour d'appel de Rennes ;





dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 3 novembre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [Z] [B] demande à la cour de :



Après avoir en tant que de besoin enjoint la production et la communication par la SCP [F]-[T] du produit électronique des opérations de saisie du 9 avril 2014 au domicile de M. [Z] [B],



A titre principal,




annuler l'ordonnance de la présidente du tribunal de grande instance d'Angers du 8 avril 2014, pour violation du principe de la contradiction ;




Subsidiairement,




infirmer l'ordonnance dont appel et déclarer irrecevable la requête de la SCP [N] ;




A titre plus subsidiaire,




rétracter l'ordonnance sur requête du 8 avril 2014 ;




En tout état de cause ,




ordonner la destruction par l'huissier des documents électroniques saisis et du constat dressé sur la base des dits documents, sous contrôle d'huissier, en présence de M. [Z] [B] ou de son conseil et aux frais de la SCP [N] ;





débouter la SCP [N] et la SCP [F]-[T] de toutes leurs demandes ;





condamner in solidum, la SCP [N] et la SCP [F] -Foujanet à payer à M. [Z] [B] la somme de 7.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens des instances.




Dans ses conclusions remises au greffe le 16 octobre 2015, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la SCP [N] demande à la cour de :




confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;




Y ajoutant,




condamner M. [Z] [B] à payer à la SCP [N] la somme de 6.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;





débouter M. [Z] [B] de ses demandes;





le condamner aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile l'instance d'appel.




Dans ses conclusions remises au greffe le 15 janvier 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la SCP [F] demande à la cour de :




confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;




Y ajoutant,




déclarer M. [Z] [B] irrecevable, et subsidiairement, mal fondé en sa demande formée pour la première fois en cause d'appel et dépourvue d'intérêt légitime de production des éléments recueillis lors des opérations du 9 avril 2014 ;





l'en débouter en tant que de besoin ;





condamner M. [Z] [B] à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;





le condamner aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile







MOTIFS DE LA DÉCISION



- sur la demande d'annulation de l'ordonnance du 12 juin 2014:



M. [Z] [B] fait valoir qu'il n'a pas obtenu des parties adverses communication des pièces annexées à la requête initiale de la SCP [N] alors que, lors de l'instance en rétractation, le principe de la contradiction doit être rétabli.



La SCP [N] rétorque que M. [Z] [B] ne peut prétendre à la communication de pièces, à savoir des courriers envoyés par messagerie électronique, dont il est lui-même l'auteur.



En outre, elle soutient que dans le cadre de la procédure orale les pièces ont fait l'objet d'une communication informelle mais sont désormais régulièrement communiquées dans la procédure écrite pendante devant la cour.



Les pièces, dont la communication en première instance est contestée, sont les pièces cotées 4-1 et 5 qui sont des listings de clients de la SCP [N] et la commande de fusion utilisée par M. [Z] [B] pour envoyer son message de départ et ses nouvelles coordonnées professionnelles aux personnes figurant dans le listing.



La procédure devant le juge des référés étant orale, il appartenait à M. [Z] [B] de faire mentionner à l'audience qu'il soulevait un incident de communication de pièces au sens des dispositions de l'article 133 du code de procédure civile.



Faute de prouver avoir soulevé un tel incident, sa demande de voir annuler l'ordonnance de référé en raison d'une violation du principe du contradictoire est irrecevable en appel.



En conséquence, ce moyen sera rejeté.



- sur la recevabilité de la requête du 8 avril 2014 :



M. [Z] [B] fait valoir que la requête présentée au président du tribunal de grande instance d'Angers était irrecevable faute de prouver qu'elle comportait l'indication des pièces communiquées à son appui.



Cependant, la lecture de la requête à fin de constat, signifiée à M. [Z] [B] en même temps que l'ordonnance rendue le 9 avril 2014, permet de constater qu'y est décrit l'envoi d'un mail expédié par M. [Z] [B] aux clients du cabinet [N] dont le contenu est repris in extenso dans les motifs de la requête.



En outre, il est précisé que 'cet envoi de masse' a été fait à partir du carnet d'adresses des clients en contradiction avec les circuits de communication imposés par les procédures internes.



Il est encore précisé, qu'un constat a été dressé par huissier, communiqué en pièce 4 à l'appui de la requête.



En conséquence, la requête a été présentée en conformité avec les dispositions de l'alinéa 1er de l'article 494 du code de procédure civile et le moyen d'irrecevabilité formé par M. [Z] [B] sera rejeté.



- sur la compétence du bâtonnier :



Si le bâtonnier de l'ordre dans lequel est inscrit un avocat a compétence pour régler les litiges entre cet avocat et celui, quelle que soit sa forme juridique d'exercice, avec lequel il est lié par un contrat de collaboration, en revanche, l'autorisation de procéder à des constatations au domicile d'un avocat à la demande d'une autre partie même si celle-ci est également avocat, qui est une mesure préalable à toute instance, échappe à la compétence d'exception du bâtonnier et revient au président du tribunal de grande instance qui a en la matière une compétence de doit commun.



En conséquence, le moyen tiré de l'incompétence du président du tribunal de grande instance pour statuer sur la requête aux fins de constat sera rejeté.



- sur la violation du secret professionnel :



L'exception au caractère d'ordre public du secret professionnel de l'avocat, rendant celui-ci général et absolu, existe pour satisfaire aux strictes exigences de sa propre défense devant une juridiction.



Dès lors, qu'il soit lui-même en demande ou en défense, un avocat ne peut opposer la règle du secret professionnel pour empêcher la divulgation de faits ou la communication de pièces utilisées par son adversaire à l'instance.



Aussi par ces motifs et ceux du premier juge que la cour adopte ce moyen sera également rejeté.



- sur l'application de l'article 5.1.3 du règlement intérieur du barreau d'Angers :



Cet article dispose que toute procédure contre un confrère du barreau d'Angers devra être précédée d'une information de ce confrère et du bâtonnier.



Si la SCP [N] n'a pas procédé, avant de présenter sa requête, à cette information, cette obligation d'ordre déontologique entre confrères ne saurait pour autant la priver, avant tout procès, de réunir de manière non contradictoire mais avec l'autorisation du président du tribunal de grande instance de son droit de solliciter et obtenir une mesure de constatation légalement admissible.



Aussi, ce moyen sera de même rejeté.



- sur la validité des opérations de saisie :



M. [Z] [B] soulève le même moyen que celui exposé en première instance quant à l'irrégularité invoquée de la saisie de documents à son domicile.



Les dispositions de l'article 56-1 du code de procédure pénale sont à l'évidence inapplicables à la mesure autorisée par le président du tribunal de grande instance qui n'a donné son autorisation que dans le cadre de celles du code de procédure civile et qui a ainsi désigné la SCP [F]-[T], huissier de justice à [Localité 1] pour se rendre aux domiciles professionnel et personnel de M. [Z] [B] en se faisant assister d'un expert ou informaticien et en agissant en présence du bâtonnier de l'ordre des avocats, garant de la protection du secret professionnel.



Il s'ensuit que M. [Z] [B] ne rapportant pas la preuve que l'huissier désigné aurait agi en violation des prescriptions de l'ordonnance du président en ne respectant pas les formes et conditions imposées ou en outrepassant de quelque manière que ce soit à la mission fixée, le moyen par lui soulevé de l'irrégularité de la mesure de constatation en procédant aux copies de documents et supports aux fins de conservation des preuves sera rejeté.



- sur l'existence d'un motif légitime :



La nature des agissements de M. [Z] [B], qui était susceptible d'induire un détournement partiel de clientèle de la SCP [N], constituait pour cette dernière un motif légitime, au sens des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, de solliciter l'autorisation de procéder à des constatations et copies de supports de nature à lui assurer la conservation de preuves dans le cadre d'une procédure à venir entre elle-même et M. [Z] [B].



- sur la demande de production et de communication par la SCP [F]-[T] du produit électronique des opérations de saisie du 9 avril 2014 :



M. [Z] [B] est dépourvu d'intérêt à solliciter cette mesure contre l'huissier instrumentaire alors qu'au surplus, celui-ci n'ayant procédé qu'à des copies des supports informatiques où se trouvaient les documents permettant l'identification des destinataires des mails qu'il a adressés aux clients de la SCP [N], il dispose lui-même de ces éléments.



Aussi, tous les moyens soulevés par M. [Z] [B] étant rejetés, l'ordonnance du juge des référés sera confirmée.



- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :



La SCP [N] étant en mesure de préparer, comme au demeurant M. [Z] [B], ses moyens de défense et ne justifiant pas des frais irrépétibles qu'elle aurait dû exposer pour se faire représenter en justice, il n'y a pas lieu de faire application à son profit des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Il sera en revanche alloué à la SCP [F] [J] [T] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [Z] [B] échouant dans ses prétentions en appel sera condamné aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile



PAR CES MOTIFS



Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du président du tribunal de grande instance d'Angers en date du 12 juin 2014 ;



Y ajoutant,



Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCP [N] ;



Condamne M. [Z] [B] à payer à la SCP [F]-[T] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en cause d'appel ;



Condamne M. [Z] [B] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

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