12 October 2016
Cour d'appel de Paris
RG n° 11/08727

Pôle 6 - Chambre 10

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 Octobre 2016



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/08727



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juin 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY RG n° 10/01138





APPELANTE

Madame [M] [W] épouse [D]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

comparante en personne,

assistée de Me Françoise BIDET-BEYELER, avocat au barreau d'ESSONNE





INTIMEE

Madame [B] [E]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 2]

comparante en personne,

assistée de Me Gaëlle MÉRIGNAC, avocat au barreau de PARIS, toque : L0007





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Antoinette COLAS, Présidente, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 31 mars 2016

qui en ont délibéré





Greffier : Mademoiselle Marjolaine MAUBERT, lors des débats





ARRET :

- contradictoire.

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, présidente de chambre et par Madame Valérie LETOURNEUR, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






EXPOSÉ DU LITIGE



Madame [D] a été engagée par Madame [E] en qualité d'assistante maternelle à compter du 14 avril 2009 afin d'assurer l'accueil de son fils [O], âgé de deux ans.

Les relations contractuelles relevaient de la convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur.

Par lettre du 6 septembre 2010, Madame [E] a mis fin à la relation de travail pour faute grave.



Contestant le bien fondé de la rupture, Madame [D] a saisi le conseil de prud'hommes d'Évry afin d'obtenir un rappel de salaire, des heures supplémentaires, les indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour licenciement abusif.



Par jugement du 30 juin 2011, le conseil de prud'hommes d'Évry a condamné Madame [E] à verser à Madame [D] la somme de 763,18 euros au titre du préavis outre les congés payés afférents à hauteur de 76,32 euros ainsi qu'une somme de 400 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a débouté Madame [D] du surplus de ses réclamations.



Appelante de ce jugement, Madame [D] demande à la cour de le confirmer partiellement en ce qu'il lui a alloué une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, mais de le réformer pour le surplus.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau et y ajoutant, de retenir que le licenciement prononcé est abusif, qu'à tout le moins, le retrait de l'enfant repose sur un motif illicite et par suite, de condamner Madame [E] à lui verser une somme de 24 000 € à titre de dommages-intérêts soit pour licenciement abusif soit pour le préjudice subi du fait du caractère illicite du motif de retrait de l'enfant.

Elle réclame par ailleurs des rappels de salaire, soit 462 € d'une part, 300,43 euros d'autre part ainsi qu'une indemnité de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [E] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement était bien fondé mais à son infirmation en ce qu'il l'a condamnée à régler une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents. Elle sollicite la restitution de cette somme.

À titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement déféré, observation étant faite qu'elle a déjà réglé la condamnation prononcée.

En tout état de cause, elle s'oppose aux réclamations formulées au titre des rappels de salaires et réclame 2500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement lors de l'audience.




MOTIFS



sur les demandes de rappels de salaires



Madame [D] sollicite deux types de rappels de salaire.

Elle fait d'abord valoir que le contrat de travail établi le 9 mars 2009 à effet à compter du 14 avril suivant stipulait une durée de 45 semaines par an du mardi au samedi à raison de 11 heures de travail par jour durant cinq jours par semaine, soit 2475 heures annuelles devant être rémunérées suivant un taux horaire de 3 euros.

Elle en déduit que le salaire brut s'élevait à la somme de 799,52 euros auxquels s'ajoutaient les congés payés afférents ce qui portait à 879,48 euros le montant de sa rémunération mensuelle. Alléguant avoir reçu 13 913 euros au lieu de14 374,87 euros, la salariée réclame la différence soit 461,87 euros arrondis à 462 € bruts.

Par ailleurs, elle réclame des heures supplémentaires soit deux heures pour le mois de décembre 2009 et sept heures pour le mois de mai 2010.

Pour étayer sa demande, elle communique un tableau en appliquant le principe selon lequel chaque heure entamée est due.

Elle sollicite en conséquence un rappel de salaire à hauteur de 300,43 euros au titre des heures supplémentaires majorées conformément aux dispositions conventionnelles.



Madame [E] répond que les horaires quotidiens ainsi que les accessoires ont été méthodiquement reportés dans un agenda, à partir desquels les bulletins de salaire ont été établis.



C'est avec pertinence qu'après examen des divers documents communiqués par les parties, les premiers juges ont relevé que les horaires quotidiens de travail ainsi que les accessoires de salaire étaient systématiquement consignés dans un agenda validé par les deux parties tout au long de la collaboration, que les bulletins de salaire ont été établis conformément aux mentions figurant sur cet agenda et par suite, conformément aux stipulations contractuelles et sans que soient dues en sus des heures supplémentaires.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes de rappels de salaires formulées par Madame [D].



Sur la rupture



La lettre de rupture du contrat de travail datée du 6 septembre 2010 est rédigée dans les termes suivants :

« Par la présente je mets un terme au contrat de garde de l'enfant [O] [E] pour faute grave et ce dès aujourd'hui le lundi 6 septembre 2010. Vous n'avez donc plus vous à occuper de lui. »

Madame [D] soutient que la lettre n'est pas suffisamment motivée à défaut de comporter le réel motif du licenciement, que celui-ci est par suite abusif.



Toutefois, c'est avec pertinence et à bon droit que Mme [E] soutient que l'article L. 423-2 du code de l'action sociale et des familles et l'article 18 de la convention collective nationale des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004 étendue par arrêté du 17 décembre 2004 ne mentionnent pas les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail au nombre de ceux qui sont applicables aux assistants maternels.



Par ailleurs, selon les articles L. 423-24 et L. 423-25 dudit code, le particulier employeur qui décide de ne plus confier d'enfant à un assistant maternel qu'il employait depuis plus de trois mois doit notifier à l'intéressé sa décision de rompre le contrat par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la date de présentation de cette lettre fixant le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu de l'article L.423-25 .

Il se déduit de ces dispositions que seule la faute grave peut priver l'assistante maternelle de l'indemnité de préavis.

Dans le cas d'espèce, pour justifier la rupture pour faute grave, Mme [E] évoque :

- les fessées et l'attitude généralement sévère de Madame [D] sur l'enfant [O] et renvoie aux déclarations de Madame [H] auprès des services de police en date du 7 septembre 2010,

- le fait que le conjoint de Madame [D] se soit présenté en sous-vêtements devant les enfants, ce qu'il a admis, lors de son audition par les services de police en date du 28 septembre 2010,

- les conditions stressantes de garde en raison du surnombre d'enfants gardés en même temps que [O],

- la perte de l'enfant [O] dans un magasin IKEA, ainsi que l'a raconté l'enfant à sa tante [T] [E] qui en témoigne,

- l'absence de verrous aux portes des toilettes et de la salle de bain permettant aux enfants de voir le conjoint de l'assistante maternelle dénudé.

La dénonciation d'agissements d'agressions sexuelles de la part du conjoint de l'assistante maternelle a fait l'objet d'une enquête pénale à l'issue de laquelle une décision de classement sans suite a été prise.

L'examen opéré par la cour des déclarations recueillies par les services de police ne permet pas de retenir que le conjoint de Madame [D] a adopté des comportements inadaptés, voire déplacés à l'égard du petit [O], étant même relevé qu' aux termes de la déclaration de l'enfant, il est fait état de tels gestes de la part d'un grand cousin.

Aucun des éléments par ailleurs communiqués ne permet de retenir une faute grave à l'encontre de la salariée, la sévérité de l'assistante maternelle étant évoquée à plusieurs reprises par le seul jeune [O] qui fait allusion aux fessées reçues sans aucun autre élément pour corroborer ses déclarations.

L'absence de faute grave justifie l'octroi d'une indemnité de préavis, mais n'a pas d'incidence sur le bien fondé de l'exercice du droit de retrait prévu par les articles L. 423-24 du code de l'action sociale et des familles et 18 de la convention collective nationale étendue des assistants maternels du particulier employeur du 1er juillet 2004, étant relevé que la décision de retrait d'un enfant est, en application de ces textes, libre et n'a pas à être motivée.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a accordé à la salariée une indemnité de préavis.



Sur les demandes d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile



L'équité commande de confirmer le jugement déféré ayant alloué à la salariée une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile mais de débouter les deux parties de leurs demandes respectives d'indemnités en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés devant la cour d'appel.

En revanche, Madame [D], qui succombe dans la présente instance, sera condamnée aux entiers dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Statuant par un arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,



Confirme le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Madame [D] l'indemnité compensatrice de préavis, une indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a rejeté les demandes de rappel de salaire,



Dit que le retrait opéré n'est pas illicite,



Déboute les parties du surplus de leurs demandes respectives,



Condamne Mme [D] aux entiers dépens.



LE GREFFIER LE PRESIDENT

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