14 September 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 15/05735

Pôle 2 - Chambre 2

Texte de la décision

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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2017



(n° 2017/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/05735



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Février 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 07/11275





APPELANTE



SA AXA FRANCE IARD, agissant en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Yann MICHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P 196





INTIMES



Maître [W] [R]

Né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]



SCP [R] & [H], prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentés par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Assistés de Me Hervé KEROUREDAN, avocat au barreau de Versailles







LA SOCIÉTÉ PROTECTRICE DES ANIMAUX, prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 4]



LA FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX

[Adresse 4]

[Localité 5]



LA LIGUE FRANÇAISE DES DROITS DE L'ANIMAL

[Adresse 5]

[Localité 6]



Représentées par Me Jean-Michel ROCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0483

Assistées de Me Pierre BOUSQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D 2052



Madame [T] [O], ès qualité d'ayant-droit de Madame [C] [L] [D]

Née le [Date naissance 2] 1956

[Adresse 6]

[Localité 7]



Représentée par : Me François LOMBREZ de la SCP SCHMILL & LOMBREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0078

Assistée de : Me Pierre-Antoine COURDE, avocat au barreau de PARIS, toque : P 78







Monsieur [Z] [O], ès qualité d'ayant-droit de Madame [C] [L] [D]

[Adresse 7]

[Localité 8]





Défaillant, régulièrement avisé le 20 août 2015 par procès-verbal de recherches infructueuses









COMPOSITION DE LA COUR :



Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente, ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Juin 2017, en audience publique, devant la cour composée de :



Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère



qui en ont délibéré





Assistée de Madame [K] [X], auditrice de justice, en application des articles 19 et 41-3 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée.





Greffier, lors des débats : Madame Denise FINSAC









ARRÊT :



- rendu par défaut



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.








********



Vu l'appel interjeté le 19 mars 2015 par la société Axa France Iard d'un jugement rendu le 17 février 2015 par le tribunal de grande instance de Paris, lequel, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

* déclaré recevable la demande de Me [R] et de la Scp [R] & [H],

* condamné in solidum [T] [O], héritière de Mme [L], la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, légataires de M. [D], à payer à la Scp [R] & [H] la somme de 74 682,60 euros au titre des frais de gardiennage des meubles dépendant des successions de Mme [L] et de M. [D],

* déclaré recevables les demandes reconventionnelles de [T] [O],

* rejeté la demande de Me [R] et de la Scp [R] & [H], en nullité du rapport d'expertise judiciaire de Mme [S] [Z] et dit qu'il n'était besoin d'ordonner une expertise complémentaire,

* condamné in solidum la Scp [R] & [H], Me [R] et la société Axa France Iard à payer à [T] [O] la somme de 592 230 euros avec intérêts au taux légal à compter de 15 octobre 2012, date du rapport d'expertise déterminant la valeur du préjudice, avec anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

* condamné in solidum la Scp [R] & [H], Me [R] et la société Axa France Iard à payer à [T] [O] la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral,

* ordonné la remise des tableaux actuellement entreposés auprès de la Scp [R] & [H] à Me [N] [S], commissaire-priseur à Bernay, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, et dit que ces opérations se dérouleront sous le contrôle d'un huissier de justice choisi par [T] [O] et aux frais de la Scp [R] & [H],

* rejeté la demande reconventionnelle de [T] [O] en dommages et intérêts pour procédure abusive,

* condamné in solidum la Scp [R] & [H], Me [R] et la société Axa France Iard à payer à [T] [O] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant l'ensemble des autres demandes sur ce même fondement, et aux dépens avec distraction ;




Vu les dernières écritures en date du 30 octobre 2015, par lesquelles la société Axa France Iard, au visa des articles 1134 et 1315 anciens, 2268 et 2274 du code civil, L. 321-10 et R. 321-3 et suivants du code de commerce, 321-7 ancien du code pénal, demande à la cour d'infirmer cette décision et, outre divers Constater et Dire et Juger, :

* principalement, de la mettre hors de cause, sa garantie n'ayant pas vocation à s'appliquer en l'espèce,

* subsidiairement, de ramener l'estimation du préjudice sur le fondement de la perte de chance à la somme maximale de 150 000 euros et de débouter en l'état [T] [O], la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal de l'ensemble de leurs demandes,

* de débouter toutes les parties de leurs demandes à son encontre,

* de condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction ;



Vu les dernières écritures en date du 9 juin 2016, aux termes desquelles la Scp [R] & [H] et Me [W] [R] prient la cour, au visa des articles 1134, 1315 et 2274 du code civil, de recevoir leur appel incident et :

* de confirmer le jugement sur la condamnation in solidum de [T] [O], la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal au paiement de la somme de 74 682,60 euros au titre des frais de gardiennage, ainsi que sur le principe de la garantie responsabilité civile dépositaire / objets confiés des conditions particulières du contrat souscrit le 1er avril 2008,

* de l'infirmer sur le rejet de la demande en nullité du rapport d'expertise judiciaire de Mme [S] [Z] et de la demande d'expertise complémentaire, ainsi que sur leur condamnation in solidum avec la société Axa France Iard au paiement des sommes de 592 230 euros avec intérêts au taux légal et anatocisme, de 5 000 euros au titre du préjudice moral de [T] [O] et de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* de prononcer la nullité du rapport d'expertise,

* de ramener l'évaluation du préjudice constitué par une perte de chance à la somme de 100 000 euros,

* de rejeter le surplus des demandes, notamment la réparation d'un préjudice moral,

* de condamner la société Axa France Iard à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre,

* de condamner solidairement [T] [O], la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, et à défaut, la société Axa France Iard, au versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel avec distraction ;



Vu les dernières écritures en date du 24 juin 2016, par lesquelles [T] [O], ès qualités d'ayant-droit de Mme [C] [L] [D], demande à la cour, au visa des articles 1131, 1134, 1220 et 1315 du code civil, L. 124-3 du code des assurances, outre divers Dire et Juger, de recevoir son appel incident et :

* de confirmer le jugement sur la responsabilité et la condamnation in solidum de la Scp [R] & [H] et de Me [R],

* de le réformer sur sa condamnation au paiement de frais d'entreposage, et subsidiairement, de la ramener à la somme de 10 924,54 euros,

* de le réformer sur la minoration de la valeur d'un tableau [Q], de la fixer à la somme de 500 000 euros, soit un préjudice global de 792 230 euros, et de condamner in solidum la Scp [R] & [H], Me [R] et la société Axa France Iard solidairement au paiement de cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter de 15 octobre 2012 avec anatocisme,

* de les condamner sous la même solidarité à lui verser les sommes de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et procédure abusive ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise et d'huissier, avec distraction ;



Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 juin 2016 de la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, tendant à la confirmation du jugement et, dans le cadre de leur appel incident sur l'omission de statuer sur leurs demandes, de :

* condamner solidairement la Scp [R] & [H], Me [R] et la société Axa France Iard à leur verser, principalement, globalement la somme de 792 230 euros, subsidiairement, la somme de 264 076 euros à chacune d'elles, sauf à parfaire, au titre de leur préjudice résultant de la disparition des tableaux, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et anatocisme,

* infiniment subsidiairement, condamner solidairement la Scp [R] & [H], Me [R] et la société Axa France Iard à verser aux héritiers et légataires composant les successions [L] / [D] la somme de 792 230 euros, sauf à parfaire, au titre de leur préjudice résultant de la disparition des tableaux, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et anatocisme, à charge pour ces héritiers et légataires, à savoir la Fondation assistance aux animaux, la Ligue française des droits de l'animal, la Société protectrice des animaux et Mme [O] de se répartir cette somme entre eux,

* de le réformer sur leur condamnation au paiement des frais de gardiennage et de débouter la Scp [R] & [H] de l'ensemble de ses demandes et à tout le moins de les réduire substantiellement,

* de condamner la Scp [R] & [H], Me [R] et la société Axa France Iard à leur verser à chacune la somme de 4 500 euros et aux entiers dépens avec distraction ;



Vu l'absence de constitution d'avocat de [Z] [O], régulièrement assigné selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile,



Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 juin 2016 ;



Vu l'arrêt avant dire droit de cette chambre en date du 13 octobre 2016, donnant injonction à :

- [T] [O], de produire l'acte de notoriété, la déclaration de succession, le projet d'état liquidatif ou l'état liquidatif relatif à la succession de Mme [L],

- la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, de produire l'acte de notoriété, la déclaration de succession, le projet d'état liquidatif ou l'état liquidatif relatif à la succession de M. [D],

- [T] [O], la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, de fournir tous éléments relatifs à l'état des opérations de comptes, liquidation et partage des successions de Mme [L] et de M. [D], ainsi que les coordonnées du notaire en charge de ces opérations, au cas où elles ne seraient pas achevées,

- [T] [O], de conclure en réponse sur les demandes de la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, de condamnation à paiement aux héritier et légataires ensemble, ou sur le partage des dommages et intérêts,

- [T] [O], la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, de fournir leurs observations sur le versement entre les mains d'un séquestre des sommes qui pourraient leur être allouées ;



Vu les conclusions de [T] [O] notifiées par voie électronique le 2 juin 2017, tendant :

principalement,

- à la condamnation solidaire de la Scp [R] et [H], M. [R] et leur assureur Axa Iard au paiement à titre principal de la somme de 792 230 euros, sauf à parfaire, au titre du préjudice résultant de la disparition des tableaux, augmentée de l'intérêt au taux légal à compter du 15 octobre 2012, date du rapport d'expertise déterminant la valeur du préjudice, avec anatocisme,

- à l'octroi de sa quote-part de deux-tiers de cette condamnation, soit la somme en principal de 528 153,33 €, augmentée de l'intérêt au taux légal à compter du 15 octobre 2012, date du rapport d'expertise déterminant la valeur du préjudice, avec anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

subsidiairement,

- au paiement de la somme de 792 230 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et anatocisme, entre les mains de Me [T], (étude [T] [U]), notaire à [Localité 9], à charge pour celui-ci de la répartir entre les différents héritiers et légataires, dans le cadre des opérations de liquidation-partage de la succession,

et produisant l'acte de notoriété de Mme [L], dressé par Me [F], notaire à [Localité 10], le 8 mai 1979 ;



Vu les conclusions de la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, notifiées par voie électronique le 14 juin 2017, tendant à voir :

- Rejeter l'appel de la société Axa France Iard et confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré solidairement responsable avec la Scp [R] & [H] et Me [W] [R] des conséquences financières du défaut de restitution des tableaux déposés,

- réformer la décision sur la condamnation au paiement de la somme de 74 682,60 euros au titre des frais de gardiennage, rejeter les demandes de la Scp [R] & [H] et Me [W] [R] et, à tout le moins, les réduire substantiellement,

- la réformer sur l'omission de statuer et, constatant l'accord des héritiers et légataires, dire que la quote-part des dommages-intérêts revenant à la succession de M. [D] représente le tiers de ceux-ci et que la quote-part revenant à chacune des associations et Fondations représente le neuvième du montant total des dommages intérêts, soit, principalement, 88 025 euros chacune, subsidiairement, le neuvième du montant des dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et anatocisme,

- subsidiairement, constater l'accord de l'ensemble des héritiers, légataires et ayant-droits pour désigner Me [T], (étude [T] [U]), notaire à [Localité 9] pour recevoir les fonds, soit la somme de 792 230 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et anatocisme, à charge de les répartir entre les différents héritiers et légataires, dans le cadre des opérations de liquidation-partage de la succession,

- de condamner la Scp [R] & [H], M. [R] et leur assureur Axa France Iard, solidairement, ou in solidum, à verser la somme de 792 230 euros entre ses mains,



- de condamner chacun de la Scp [R] & [H], M. [R] et la société Axa France Iard à leur verser à chacune la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction,

et produisant l'acte de notoriété en date du 15 mars 2011, l'état liquidatif au 6 avril 1995, l'extrait du compte de la succession de M. [D], leur envoi en possession et une copie du testament de Mme [L] ;



Vu l'ordonnance de clôture en date du 14 juin 2017 ;



Vu le rejet des débats des conclusions et pièces de la société Axa France Iard et de la Scp [R] & [H] et Me [W] [R], postérieures à la clôture du 29 juin 2016 et non autorisées par la cour ;






SUR CE, LA COUR,



Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :

* [R] [D] et [C] [L], son épouse, sont respectivement décédés le [Date décès 1] 1990 et le [Date décès 2] 1978, [C] [L] laissant pour lui succéder son époux et ses deux enfants d'un premier lit, [T] et [Z] [O], et [R] [D] désignant comme légataires universels la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal ;

* le 17 juillet 1990, un inventaire du mobilier, mais non des tableaux, dépendant de la succession a été réalisé pour une valeur de 132 850 francs, soit 20 252,85 euros ; * les 13 et 14 janvier et 17 février 1993, Me [R] a dressé huit procès-verbaux d'inventaire d'environ 460 tableaux et dessins se trouvant au domicile de [R] [D] à [Localité 10], dans deux garages, dans une cave, dans un coffre à la BNP et dans une galerie d'art La Cymaise ;

* les 18 et 25 février 1993, le transport de biens dépendant de la succession a été effectué du domicile de [R] [D] à [Localité 10] jusqu'à l'étude de Me [R] à [Localité 3], les biens mobiliers ont été entreposés dans deux locaux loués, les tableaux étant conservés au sein de l'étude, dans une cave et une pièce verrouillée ;

* [T] [O] a contesté devant le tribunal de grande instance de Nanterre l'étendue des legs de [R] [D] à la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal ; les tableaux et objets d'art ont été déclarés comme biens propres de [C] [L] par jugement du 17 mai 2001 ;

* le 6 décembre 2006, [Z] [O] a cédé à sa soeur [T] [O] ses droits dans la succession de leur mère au prix de 75 000 euros ;

* par actes d'huissier de justice en date des 16, 21 et 30 mai, et 13 août 2007, la Scp [R] & [H] a fait assigner [T] [O], la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins de condamnation au paiement de la somme de 76 682,40 euros, au titre de frais de gardiennage ;

* le 15 septembre 2009, [T] [O] a formé un incident tendant à la désignation d'un expert aux fins d'inventaire, de récolement et d'évaluation des biens entreposés chez la Scp [R] & [H] ;

* le 3 décembre 2009, la Scp [R] & [H] a déposé une plainte pour le vol de tableaux, dont quatre identifiés, avec substitution de reproductions ; le sinistre a été déclaré à son assureur, la société Axa France Iard ;

* par ordonnance de mise en état en date du 18 janvier 2010, Mme [S] [Z] a été désignée comme expert avec essentiellement pour mission de procéder à l'inventaire et l'estimation des biens stockés et listés dans les inventaires, et a constaté la disparition de 176 tableaux, dont douze remplacés par des reproductions ;

* par acte d'huissier de justice en date du 28 octobre 2010, [T] [O] a mis en cause Me [R] et la société Axa France Iard ;

* le 15 octobre 2012, Mme [Z] a déposé son rapport, concluant à une estimation de 481 495 à 792 203 euros, et préconisant de retenir l'estimation haute, pour tenir compte de la dépréciation due à l'absence d'une partie importante de la collection, mais aussi à la perte d'une chance ;



Considérant que la délivrance sous astreinte des tableaux entreposés auprès de la Scp [R] & [H] à Me [N] [S], commissaire-priseur à Bernay, n'est pas remise en cause devant la cour ;



Sur la garantie de la société Axa France Iard :



Considérant qu'aux termes de l'article 1.3.1.- Nature de la garantie alinéas 1 et 2 des conditions particulières du contrat à effet du 1er avril 2008, La garantie porte sur l'ensemble des biens dont l'assuré ou les personnes dont il est civilement responsable justifiera être dépositaire dans le cadre de son activité professionnelle y compris lors de transports organisés par l'assuré.

La garantie s'exerce en cas de perte, vol, incendie et dommages divers pouvant être causés aux biens des assurés ;



Que selon l'article 3 - Exclusions de ces mêmes conditions, sont exclus de la garantie : 7) Les dommages résultant de la violation délibérée par l'Assuré des Lois, décrets et règlements, notamment ceux régissant sa profession ;



Considérant que la société Axa France Iard conteste l'application de sa garantie, faute de justification par la Scp [R] & [H] du dépôt des 176 tableaux disparus, en l'absence de procès-verbal de prise en charge, de dépôt ou de réception et de registre numéroté contenant leur description ;



Mais considérant que les inventaires des tableaux et dessins ont été réalisés par Me [R] les 13 et 14 janvier et 17 février 1993 ; qu'à l'issue de ces opérations, les scellés n'ont pas été à nouveau apposés, mais la serrure de l'appartement de [Localité 10] changée et que les parties, soit les légataires de [R] [D] et le représentant de [T] [O], ont demandé à Me [R] de transporter les biens meubles en son étude ; que le transport, également demandé par Me [M], notaire en charge de la succession, est intervenu à très bref délai, soit les 18 et 25 février 1993 ; que l'existence d'un lieu de stockage distinct des tableaux ne résulte pas de l'examen des correspondances échangées entre Me [R] et Me [M] ; qu'il résulte de cette chronologie et des pièces du dossier que l'intégralité des peintures et dessins figurant aux inventaires a été confiée en dépôt à Me [R] ;



Que, par ailleurs, il ne peut être reproché à Me [R] et à la Scp [R] & [H] une violation délibérée des lois, par l'omission de tenue du registre et du répertoire prévus à l'article L. 321-10 du code de commerce, résultant de la loi du 10 juillet 2000 modifiée par la loi du 20 juillet 2011, soit postérieurement au dépôt des tableaux en leur étude ; qu'en outre, Me [R] indique que, conformément à l'usage, en raison du grand nombre de pièces, les lettres de voiture ont été collées sur le Grand Livre d'entrée lors des livraisons ;



Que les vols sont établis par la plainte de Me [R], le 3 décembre 2009, dont il résulte que les quatre toiles ayant la plus grande valeur, accrochées dans une pièce fermée à clé, ont été remplacées dans leur cadre par des copies, et qu'il manque des tableaux dans la cave ; que les pièces manquantes sont détaillées dans le rapport d'expertise, ayant, pour 167 d'entre elles, disparu, certains cadres étant vides, et pour 12 toiles, dont le tableau du peintre [Q] n° 132 de l'inventaire initial, pièce maîtresse de la collection, remplacées par des reproductions ;



Considérant qu'il résulte de ce qui précède que sont ainsi établis le dépôt des biens au sens de l'article 1.3.1. alinéas 1 et 2 des conditions particulières, l'absence de violation délibérée des lois, décrets et règlements et le vol couvert par la garantie ; qu'en conséquence, la société Axa France Iard doit sa garantie à la Scp [R] & [H] ;





Sur l'évaluation du préjudice matériel :



- Sur la demande en nullité du rapport d'expertise :



Considérant que la Scp [R] & [H] et Me [R] soulèvent, dans le cadre de leur appel incident, la nullité du rapport d'expertise, reprochant à Mme [Z] la violation de l'article 276 du code de procédure civile, par une réponse partielle à leur dernier Dire, sa partialité à leur égard à la suite de sa récusation dans une affaire distincte, précédemment obtenue par leur avocat, et sa proximité avec M. [W], expert en tableaux, appartenant au même syndicat professionnel et conseil technique de [T] [O] ;



Mais considérant qu'il leur appartenait d'entreprendre une procédure de récusation à l'encontre de Mme [Z] dans les conditions des articles 234 et suivants du code de procédure civile, soit dès connaissance de la cause de récusation que leur conseil ne pouvait ignorer ; que les allégations de partialité, non établies par une réponse partielle à un Dire tardif, ne peuvent fonder la nullité du rapport d'expertise ;



Sur l'évaluation des tableaux :



Considérant que la Scp [R] & [H] et Me [R] contestent le principe de l'évaluation des oeuvres disparues par Mme [Z], faute d'examen visuel direct permettant d'en apprécier l'authenticité, critiquent la méthode retenue, soit la conversion en euros des estimations en francs de M. [W], expert ayant assisté Me [R] en 1993 lors des inventaires, lorsqu'aucun descriptif précis ne pouvait être isolé et les conclusions de l'expert, retenant l'estimation haute en compensation du préjudice résultant du démantèlement de la collection, alors que la vente des oeuvres restituées, en 2015, a produit un résultat de 26 095 euros, inférieur de moitié aux estimations de Mme [Z] ; qu'ils soutiennent l'évaluation du préjudice par la seule conversion en euros des valeurs en francs estimées par M. [W] en 1993, la qualifient de perte de chance de vendre ces tableaux aux enchères et l'estiment à la somme globale de 100 000 euros ;



Considérant que la société Axa France Iard rejoint les critiques précédentes, sans pour autant demander la nullité du rapport d'expertise, et fait valoir l'absence de diligences de Mme [Z], laquelle n'a pas consulté les spécialistes des peintres les plus cotés, tel [Q], et ne peut se prononcer sur leur authenticité ; qu'elle demande à voir fixer la réparation du préjudice qualifié de perte de chance à la somme de 150 000 euros, soit 192 598 euros, représentant 35 à 40 % de la fourchette basse de l'évaluation, dont la valeur est ainsi estimée, pour le tableau de [Q] n° 132, par rapport à des éléments de comparaison de ventes postérieures à 2011, et déduction faite des frais, droits et taxes ;



Considérant que [T] [O] demande la fixation de son préjudice à la somme de 792 230 euros, déterminée par l'expert, s'oppose à la qualification de perte de chance, impute à la disparition des oeuvres majeures la vente des tableaux retrouvés pour un montant total bien inférieur à celui de l'entière collection ; qu'elle demande l'indemnisation, ensemble, de son préjudice moral, la collection ayant appartenu à sa mère, et du préjudice causé par la procédure abusive initiée par la Scp [R] & [H], à hauteur de 10 000 euros ;



Considérant que la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal rejoignent la demande de [T] [O] de voir fixer le préjudice à la somme de 792 230 euros ;



* * * * *



Considérant que les peintures et dessins étaient déposés auprès de Me [R], puis de la Scp [R] & [H], dans l'attente du règlement des successions confondues de [R] [D] et [C] [L] et de l'issue du litige opposant [T] [O] à la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal ; que si les associations ont donné leur consentement à la vente, sollicitée à plusieurs reprises par Me [R], [T] [O] s'y est toujours refusée ; que dès lors, le préjudice est constitué par la valeur des oeuvres dérobées et non par la perte d'une chance de réaliser une vente aux enchères fructueuses ;



Que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause, en retenant les évaluations recommandées par l'expert, exactement fondées sur l'estimation de M. [W] ayant matériellement examiné les tableaux en 1993 et corrigées en fonction de l'évolution du marché, lorsque les caractéristiques des oeuvres le permettaient ; que le lot n° 132, soit un tableau de [Q], ayant ainsi été évalué en 1993 par M. [W] à la somme de 250 000 francs, sera justement réévalué à celle de 350 000 euros estimée par l'expert comme valeur minimum, et non de 300 000 euros, retenue par les premiers juges ; qu'aucun élément justifiant la retenue de la valeur haute de chaque oeuvre, pour tenir compte d'une dépréciation entraînée par la perte d'une partie de la collection, n'est fourni par l'expert, dont la préconisation a été à bon droit écartée par le tribunal ; que le montant du préjudice matériel, fixé par la décision dont appel à la somme de 592 230 euros, sera ainsi porté à celle de 642 230 euros, au paiement de laquelle seront condamnés in solidum la Scp [R] & [H], Me [W] [R] et la société Axa France Iard, selon les dispositions suivantes ;



Sur les demandes indemnitaires :



Considérant que l'acte de notoriété de [C] [L] a été établi le 8 mai 1979 par Me [F], notaire à [Localité 10] ; que selon son testament en date du 23 février 1966, déposé en l'étude de Me [F], le 8 mai 1979, celle-ci a institué son époux, [R] [D], comme légataire universel ; que la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal ont été envoyées en possession du legs de [R] [D] par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 21 novembre 1994 ; que par acte reçu le 6 décembre 2006 par Me [T]-[U], notaire à [Localité 9], [Z] [O] a cédé à [T] [O] l'ensemble de ses droits dans la succession de [C] [L] ;



Qu'il résulte de ces éléments que les droits successoraux, portant sur les tableaux, de [T] [O] sont de deux-tiers et ceux des trois associations, ensemble, d'un tiers ; que la Scp [R] & [H], Me [W] [R] et la société Axa France Iard seront en conséquence condamnés in solidum à verser, au titre du préjudice matériel, les sommes de :

- 428 153,33 euros à [T] [O], soit les deux-tiers de 642 230 euros, en deniers ou quittances en raison des versements reçus de la société Axa France Iard,

- 71 358,88 euros à chacune des associations, la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, soit le tiers de la somme de 214 076,66 euros représentant le tiers de 642 230 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien devenu1343-2 du code civil, dans les termes des demandes non contestées sur ce point ;



Que le préjudice moral de [T] [O], laquelle déplore la disparition d'une partie de la collection constituée par sa mère et reconnue comme lui appartenant en propre par jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, préjudice contesté par la Scp [R] & [H] et Me [R], n'est pas démontré par la justification d'une charge affective particulière ; que l'abus de procédure n'est pas établi, la Scp [R] & [H] et Me [W] [R] ayant pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits ; que, par infirmation du jugement, la demande de [T] [O] de ces chefs sera rejetée ;



Sur les frais d'entreposage :



Considérant que Me [R] et la Scp [R] & [H] sollicitent la confirmation de la décision leur ayant accordé la somme de 74 682,60 euros au titre des frais d'entreposage des meubles et tableaux, à compter du mois de février 1993, de cotisations d'assurance et d'honoraires ;



Que [T] [O] demande l'infirmation de la décision de ce chef, à défaut de contrat de dépôt, de justificatifs de bail, quittance et avis d'échéance, rappelant qu'elle s'est opposée à cette mesure ; qu'elle conteste les factures d'inventaire, faute de mandat ; qu'elle soutient l'existence d'un entreposage à titre gracieux, sans limite de temps, jusqu'à l'issue du litige l'opposant aux associations ; qu'elle fait valoir subsidiairement une exception d'inexécution, soit les conditions contraires aux règles de l'art de l'entreposage des tableaux et le vol de 176 d'entre eux et, très subsidiairement, le rabais proportionnel de ces sommes à la valeur des tableaux restants ; qu'elle soutient l'absence d'indivisibilité de la dette de succession, devant être supportée par les successibles proportionnellement à leurs droits, et observe que les meubles revenant aux seules associations ont généré les frais les plus importants ;



Que la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal soulignent que la Scp [R] & [H] et Me [R] ne justifient pas des frais de stockage et d'assurance, et de l'acceptation de ces frais par les héritiers et légataires et observent que la disparition des tableaux a nécessairement réduit ces frais ;



Considérant que si la Scp [R] & [H] et Me [R] produisent leurs courriers réclamant aux notaire et associations le remboursement de leurs frais, ils précisent avoir loué un local pour entreposer les meubles, mais conservé les tableaux dans leurs propres locaux ;



Que si Me [M], notaire en charge de la succession, a demandé à Me [R] d'assurer le dépôt des meubles et tableaux, les conditions de ce contrat tacite sont inconnues, l'hypothèse d'un stockage gracieux dans l'attente d'une vente par ce commissaire-priseur ne pouvant être exclue ;



Qu'en tout état de cause, contrairement à l'appréciation des premiers juges, aucun justificatif de dépense de location et d'assurance pour la conservation de ces biens n'est versé aux débats et aucun élément relatif à une location n'est fourni ; que le jugement sera infirmé sur l'allocation de la somme de 74 682,60 euros et la demande de la Scp [R] & [H] et Me [R] rejetée ;



Sur les autres demandes :



Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que la Scp [R] & [H], Me [W] [R] et la société Axa France Iard ne sauraient bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en revanche, l'équité commande de les condamner in solidum, sur ce même fondement, à verser à [T] [O], la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, chacune, une indemnité complémentaire de 2 000 euros ;





PAR CES MOTIFS



Statuant publiquement et par arrêt de défaut,



Confirme le jugement déféré, sauf sur les condamnations au titre des frais de gardiennage, du préjudice matériel et du préjudice moral ;



Statuant à nouveau,



Condamne in solidum la Scp [R] & [H], Me [W] [R] et la société Axa France Iard à payer :

- à [T] [O] la somme de 428 153,33 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien devenu 1343-2 du code civil,

- à chacune des Société protectrice des animaux, Fondation assistance aux animaux et Ligue française des droits de l'animal, la somme de 71 358,88 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 octobre 2012 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien devenu 1343-2 du code civil ;

Rejette le surplus des demandes ;



Y ajoutant,



Condamne in solidum la Scp [R] & [H], Me [W] [R] et la société Axa France Iard à payer à [T] [O], la Société protectrice des animaux, la Fondation assistance aux animaux et la Ligue française des droits de l'animal, chacune, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;



Condamne in solidum la Scp [R] & [H], Me [W] [R] et la société Axa France Iard aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.













LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE

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