28 November 2017
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/21231

Pôle 2 - Chambre 5

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 28 NOVEMBRE 2017



(n° 2017/ 350 , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/21231



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2014029011





APPELANTES



La société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO S.A., société de droit brésilien, immatriculée auprès de la Chambre de commerce de l'Etat de Sao Paolo au Brésil sous le numéro 353 003 681 69, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1] - BRESIL



La société SODEXO PASS INTERNATIONAL, SAS immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 350 925 384, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentées par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441

Assistées de Me Jérôme DA ROS de la SELARL DA ROS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0212







INTIMÉE



SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 399 227 354 00129



Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée de Me Séverine HOTELLIER et Me Anne-Laure BOULARD de l'AARPI Dentons Europe, avocats au barreau de PARIS, toque : P372













COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère





qui en ont délibéré





Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET







ARRET :



- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors de la mise à disposition.






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La société SODEXO PASS INTERNATIONAL (SPI) a souscrit auprès de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, pour son compte et celui de sa filiale, la société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO (SODEXO BRASIL), un contrat 'tous risques fraude' n°413 032 728 20, garantissant les pertes financières résultant d'une fraude ou d'un acte de malveillance dans la limite de 10 million d'euros par sinistre.



La société SODEXO PASS INTERNATIONAL (SPI) exerce par l'intermédiaire de sa filiale la société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO (SODEXO BRASIL), une activité de conception et gestion de cartes de service rechargeables délivrées par cette dernière aux entreprises adhérentes qui les remettent à leurs salariés pour leur permettre de régler, conformément à la loi brésilienne "Programme d'Alimentation des Travailleurs", l'achat de produits alimentaires dans les magasins d'alimentation affiliés.



Les magasins affiliés sont remboursés par SODEXO des achats effectués par les salariés bénéficiaires et les anomalies constatées sur les opérations (Transaction Non Reconnue "TNR") aboutissent au rejet du débit contesté et donnent lieu en fonction de celles-ci au blocage de la carte.



A partir du mois de mars 2011, le nombre des transactions non reconnues a très fortement progressé et la société SODEXO BRASIL a déposé plainte en septembre 2011. L'enquête de police a conduit à la saisie de fausses cartes, de matériel de clonage et de fichiers électroniques permettant de générer des numéros de cartes potentiellement valides.



Le 9 septembre 2011, la société SODEXO PASS INTERNATIONAL déclarait son sinistre à son assureur qui, après plusieurs échanges, a proposé d'indemniser son assurée en limitant le montant de son indemnisation à 1 753 586 euros correspondant au montant des pertes alléguées par la société SODEXO BRASIL entre mars 2011 et le 9 septembre 2011.



Considérant que cette limitation contrevenait aux termes du contrat, par acte d'huissier du 14 mai 2014, la société SODEXO PASS INTERNATIONAL a fait assigner la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE devant le tribunal de commerce de PARIS, la société SODEXO BRASIL intervenant volontairement à la procédure.



Par jugement en date du 22 septembre 2016 cette juridiction a dit que la société SODEXO PASS INTERNATIONAL et la société de droit Brésilien SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO sont recevables à se prévaloir des termes de la police n°413 032 728 20 et de ses avenants, a débouté la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE de sa demande de prouver l'absence de complicité interne à Sodexo pour prétendre à la garantie de la police souscrite par la société SODEXO PASS INTERNATIONAL, a débouté partiellement la société SODEXO PASS INTERNATIONAL et la société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO de leur demande d'indemnisation, y compris celle fondée sur le refus abusif de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE , et a condamné la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à indemniser la société SODEXO PASS INTERNATIONAL et la société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO en deniers ou quittance valable à hauteur de 1 753 586 euros sans intérêt, a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, et a condamné in solidum la société SODEXO PASS INTERNATIONAL et la société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO à payer la somme de 50 000 euros à la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.



Par déclaration du 25 octobre 2016, la société SODEXO PASS INTERNATIONAL et la société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures, notifiées le 3 octobre 2017, elles sollicitent l'infirmation du jugement, demandant à la cour, au constat de ce que la fraude subie par la société SODEXO BRASIL est un sinistre couvert par le contrat d'assurance n° 413 032 728 20 et que ce contrat garantit l'ensemble des pertes financières subies par la société SODEXO BRASIL, de dire que le préjudice subi par la société SODEXO BRASIL s'établit à une somme de 15 383 535,60 euros, de condamner la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à indemniser ce préjudice, dans les termes et limites du contrat, ladite somme devant être majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2013, avec anatocisme dans les termes de l'article 1154 ancien du Code civil, au titre de la garantie des pertes financières subies du fait de la fraude, au profit de la société SODEXO BRASIL et dans ses mains ou celles de la société PASS INTERNATIONAL, de condamner la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à leur payer la somme de 500 000 euros au titre du préjudice subi du fait du caractère abusif du refus de la société AXA majorée des intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, et celle de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.



Aux termes de ses dernières écritures, notifiées le 27 septembre 2017, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE sollicite l'infirmation du jugement, sauf en ce qu'il a débouté les sociétés SODEXO PI et SODEXO BRASIL de leurs demandes de condamnations aux titres du « caractère abusif » de son refus et de l'article 700 du Code de procédure civile, et condamné les sociétés SPI et SODEXO BRASIL à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.



La société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal, au constat de ce que, conformément aux stipulations de l'article VIII-2 « Territorialité » des Conditions Particulières de la Police, la société SODEXO BRASIL est irrecevable et mal fondée à prétendre au versement d'une quelconque indemnité de la société AXA, de ce qu'il appartient à la société SODEXO PI, et à la société SODEXO BRASIL subsidiairement si la Cour devait considérer cette dernière recevable et bien fondée à agir, de démontrer que les conditions de mise en jeu des garanties de la Police d'assurance souscrite auprès la société AXA sont réunies, de ce qu'à ce titre, il appartient notamment à la société SODEXO PI, et à la société SODEXO BRASIL subsidiairement si la Cour devait considérer cette dernière recevable et bien fondée à agir, de démontrer l'absence de complicité interne dans l'accomplissement de la ou des fraude(s) dont SODEXO indique avoir été victime, de ce qu'en l'espèce non seulement la société SPI et la société SODEXO BRASIL ne rapportent pas la preuve de l'absence de complicité interne, mais en outre les éléments versés aux débats permettent de présumer l'existence d'une complicité interne, laquelle est exclusive de la mise en jeu des garanties de la police d'assurance, de débouter les sociétés SODEXO PI et SODEXO BRASIL de toutes leurs demandes.



A titre subsidiaire, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE demande à la cour de débouter les sociétés SODEXO PI et SODEXO BRASIL de toutes leurs demandes au constat de ce qu'elles sont irrecevables et mal fondées à solliciter la garantie sur deux exercices, de juger, sur la demande d'indemnisation au titre de la Police n°XFR0050046FI, qu'elles ont reconnu être dans l'impossibilité de rapporter la preuve du lien de causalité entre les fraudes qu'elles allèguent et les pertes et frais qu'elles subissent, et qu'elles ne justifient pas de l'existence des frais et pertes subis en l'absence de justificatifs permettant d'apprécier leur bien fondé et leur lien de causalité avec le sinistre, et subsidiairement les cinq sinistres revendiqués.



A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de limiter sa condamnation au profit de la société SODEXO PI à la somme de 606 860,62 euros sous déduction au minimum d'une franchise de 550 000 euros (autant de franchises que de sinistres le cas échéant), soit la somme de 56.860,62 euros,en retenant que conformément aux stipulations de l'article V-b de la Police d'assurance précitée, les seules conséquences du ou des sinistre(s) continu(s) (une ou plusieurs fraudes) que la société AXA est tenue de garantir sont les pertes financières subies sur une durée de 36 mois antérieurement à la découverte de ladite ou desdites fraude(s), que cette découverte est intervenue au plus tard le 30 juillet 2011 et que les conséquences de la ou des fraude(s) entre mars 2011 et le 30 juillet 2011 sont évaluables à la somme totale de 606 860,62 euros.



Elle conclut au débouté de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et sollicite la condamnation in solidum de la société SODEXO PI et de la société SODEXO BRASIL aux dépens, et à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, et à celle de 21 720 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 octobre 2017.




MOTIFS DE LA DECISION



Sur l'irrecevabilité de la société SODEXO BRASIL à solliciter le versement de l'indemnité d'assurance



Considérant qu'invoquant l'article VIII-2 « Territorialité » des Conditions Particulières de la Police, l'assureur soutient que la société SODEXO BRASIL est irrecevable à prétendre au versement d'une quelconque indemnité, que la société SODEXO BRASIL a renoncé devant les premiers juges à percevoir toute indemnisation de la part de l'assureur, ce qui est acté dans le jugement et que sa demande abandonnée en première instance ne peut plus être soulevée en cause d'appel sauf à se heurter à la prohibition des demandes nouvelles ;



Considérant que les sociétés SODEXO PASS INTERNATIONAL et SODEXO BRASIL soutiennent que la société SODEXO BRASIL ne forme aucune demande nouvelle à l'encontre de la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, alors que le fait qu'elle ait évoqué la possibilité que l'indemnité soit versée entre les mains de la société SODEXO PASS INTERNATIONAL, et ce qui constitue une simple modalité du paiement, ne signifie pas qu'elle aurait renoncé au droit d'être indemnisée au titre du préjudice qu'elle a subi, les deux sociétés ayant qualité à agir ;



Considérant qu'aux termes de la clause 'Territorialité' des conditions particulières de la police, il est prévu que 'la garantie s'exerce dans le Monde Entier étant entendu que les sinistres seront EXCLUSIVEMENT réglés par l'Assureur au souscripteur du présent contrat et /ou à une de ses filiales dont le siège social est en France /DOM-COM (Département et Région d'outre-mer- Collectivité d'outre -mer)' ;



Considérant qu'aux termes de leurs dernières écritures, les appelantes demandent à la cour de 'condamner la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à indemniser ce préjudice, dans les termes et limites du contrat, ladite somme devant être majorée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2013, avec anatocisme dans les termes de l'article 1154 ancien du Code civil, au titre de la garantie des pertes financières subies du fait de la fraude, au profit de la société SODEXO BRASIL et dans ses mains ou celles de la société PASS INTERNATIONAL' ;



Considérant que si la qualité à agir de la société SODEXO BRASIL est incontestable, la police ayant été souscrite par la société SODEXO PASS INTERNATIONAL agissant pour son compte et l'ensemble de ses filiales, la clause de territorialité qui fait la loi des parties ne permet le versement de l'indemnité d'assurance revenant à cette partie dont le siège social est au Brésil qu'au souscripteur du contrat à savoir la société SODEXO PASS INTERNATIONAL, qu'elle sera donc déclaré irrecevable en sa demande en ce qu'elle sollicite le versement de l'indemnité de nouveau en cause d'appel 'dans ses mains' alors qu'elle avait renoncé à cette demande en première instance et que cette demande constitue une demande nouvelle, le versement ne pouvant intervenir que dans celles de la société SODEXO PASS INTERNATIONAL comme elle le sollicite dans la suite de sa demande ;



Sur les conditions de la garantie



Considérant que les appelantes soutiennent que la fraude ne nécessitait aucune intervention de préposés de SODEXO, que d'ailleurs les investigations menées par les autorités de police brésiliennes ne révèle aucune complicité de préposés de SODEXO, la lecture attentive des documents invoqués par l'assureur confirmant l'absence de complicité interne, ainsi que cela résulte des conclusions du rapport Deloitte et du rapport de police qu'elles ajoutent que l'objet du contrat 'tous risques fraude' est de couvrir tous les cas de fraude et que l'interprétation que donne l'assureur de l'article III du contrat 'sans complicité d'un tiers qui est formulée de manière négative, vise à limiter le droit de l'assuré à bénéficier des garanties en considération de circonstances particulières de réalisation du sinistre et est en conséquence constitutive d'une clause d'exclusion qui ne remplit pas les conditions légales, qu'elles ajoutent que l'expression n'a pas vocation à exclure du périmètre des garanties la fraude commise par les tiers sans complicité avec les préposés mais au contraire à préciser qu'il n'est pas nécessaire de démontrer la complicité d'un préposé pour qu'une fraude commise par un tiers soit garantie ;



Considérant que l'assureur rétorque qu'il appartient aux appelantes de prouver l'absence de complicité d'un préposé de SODEXO BRASIL qui constitue une condition de la garantie, que la police n'est pas une assurance 'tous risques sauf' et qu'en l'espèce, non seulement elles ne démontrent pas l'absence de complicité interne mais au contraire plusieurs éléments démontrent l'existence d'une telle complicité, le refus de communication du rapport interne, le rapport du cabinet Deloittre et les éléments contenus dans les rapports intermédiaire et 'final' de la police brésilienne ce dont il résulte que les conditions d'application de la police ne sont pas réunies ;



Considérant qu'aux termes des conditions particulières de la police, sous l'intitulé 'objet de la garantie' il est précisé que :



'Sont garantis au titre du présent contrat les préjudices subis par les assurés dans les cas suivants : (...)



b) FRAUDE



PAR LES PREPOSES DE L'ASSURE OU PAR LES TIERS SANS COMPLICITE AVEC LES PREPOSES DE L'ASSURE



La garantie s'exerce pour les Fraudes commises au détriment des Assurés et concernant les Biens Assurés par tous les moyens y compris informatiques, que le ou les coupables aient agi seuls ou en complicité avec des Tiers'.



Considérant que la clause qui prive l'assuré de la garantie du risque, en l'espèce de fraude, en considération de circonstances particulières de réalisation de ce risque s'analyse en une clause d'exclusion de garantie, qu'en l'espèce toutes les fraudes commises au détriment de l'assuré sont garanties sauf celle, par interprétation a contrario de la clause ci-dessus reproduite, commise par les tiers avec la complicité des préposés de l'assuré, qu'il s'agit en conséquence d'une clause d'exclusion de la garantie ;



Considérant que cette clause ne satisfait pas aux exigences légales de l'article L112-4 du code des assurances en ce que si elle est rédigée en majuscule, elle ne se distingue pas du reste de la phrase et ne figure ainsi pas en caractères très apparents dans la police ;



Considérant qu'en ce qu'elle nécessite une interprétation a contrario de l'expression employée, la clause d'exclusion ne répond pas aux exigences de l'article L113-1 du même code qui subordonne la validité d'une telle clause à son caractère formel et limité ; qu'elle ne peut en conséquence pas être opposée à l'assuré ;



Considérant qu'il résulte à la fois du rapport de la société VALOREM, mandatée par la société SODEXO BRASIL, pièce 80 des appelantes que du rapport de la société Gm Consultant, mandaté par l'assureur, pièce 14 de celui-ci, que dans le cadre de la loi brésilienne "Programme d'Alimentation des Travailleurs" qui a pour objet d'améliorer les conditions nutritionnelles des travailleurs, la société SODEXO BRASIL a émis des cartes de débit rechargeables dont l'objet était de permettre l'achat de produits alimentaires dans les magasins d'alimentation affiliés et qui étaient remises par la société SODEXO aux employeurs qui les remettaient à leurs employés en les créditant au bénéfice de ceux-ci ;



Considérant que le paiement des denrées alimentaires était effectué par le porteur de la carte par le passage de la bande magnétique de la carte dans un terminal de paiement puis par la composition par le porteur d'un code PIN, que dans un premier temps le code PIN des cartes était composé par défaut des quatre derniers chiffres de la carte, le porteur étant invité à personnaliser son code mais aucun moyen ne permettait de s'assurer que cela avait été fait ;



Considérant que lorsqu'un porteur d'une carte souhaitait contester un débit porté sur sa carte , il devait contacter le centre d'appel qui informait une cellule 'Compliance, Control and Prevent' laquelle menait alors une investigation et qualifiait la transaction litigieuse de 'Transaction Non Reconnue'ou TNR, si la transaction litigieuse ne pouvait pas être imputée au porteur de la carte ;



Considérant qu'il résulte des chiffres examinés par ces deux experts qu'à compter du mois de mars 2011, le montant total des TNR a augmenté, ce qui a conduit la société SODEXO à effectuer une déclaration de sinistre auprès de son assureur le 9 septembre 2011 et à déposer plainte auprès des autorités de police brésilienne le 20 septembre 2011;



Considérant qu'il résulte tant du rapport de la police brésilienne en date du 25 juillet 2012 que du rapport VALOREM que la fraude a consisté en une extorsion frauduleuse par le clonage de cartes de la société SODEXO et par l'acquisition, par les débits opérés sur le compte alimentation des clients de produits dans différents supermarchés, la police ayant, notamment à la suite d'écoutes téléphoniques, interpellé 22 personnes, et saisi des fausses cartes, du matériel de clonage et des fichiers électroniques permettant de générer des numéros de cartes potentiellement valides, et déduit de l'analyse du matériel saisi des liens entre les différents groupes d'individus impliqués sans que l'enquête n'établisse une quelconque complicité de préposés de la société SODEXO BRASIL, M. [Z] [A] déclarant, contrairement à ce que soutient l'assureur, au vu de la traduction qui est faite par un traducteur assermenté du rapport de police, 'avoir acquis les informations de SODEXO au moyen d'une page du réseau informatique international et appris à maîtriser le processus de clonage à partir des informations contenues dans celle-ci et même avoir acheté à cette adresse des outils de falsification (règle de lecture)';



Considérant que l'enquête a démontré que les cartes vierges achetées étaient imprimées sur des imprimantes spécifiques acquises au Paraguay et que les malfaiteurs, ayant compris que les six premiers chiffres correspondaient au type de carte et étaient identiques s'agissant des cartes alimentaires, généraient des cartes en choisissant une série de numéros de cartes en ne modifiant que le numéro d'identification , à savoir les 7 chiffres après les six premiers, et en déterminant le dernier numéro à savoir le code de contrôle à partir d'un algorithme, qu'ils appelaient ensuite le call center pour connaître le solde des comptes ce qui leur permettait de savoir si le numéro de carte était existant et si cela était le cas de savoir quel était le solde de la carte ce qui permettait de l'utiliser ;



Considérant que la fraude que le contrat définit comme 'Toute infraction au sens du Code Pénal Français, tel que détournement, abus de confiance, faux en écritures, escroquerie, y compris ceux commis au moyen de l'outil informatique notamment par action sur les programmes, médias et procédés de transmission, dans l'intention d'en tirer un profit et générant une perte pécuniaire et/ou une charge financière exceptionnelle pour les Assurés ou un tiers si la responsabilité de l'Assuré est engagée du fait de ses préposés' est ainsi caractérisée par les résultats de l'enquête produits qui révèle l'existence de ce qui serait qualifié au sens du code pénal français d'escroquerie, qu'ainsi les conditions de mise en jeu de la garantie sont réunies ;



Sur l'étendue de la garantie



Considérant que, se fondant sur l'article III des conditions particulières du contrat, les appelantes soutiennent que la garantie couvre la totalité de la période fraudée et qu'il résulte de la combinaison des deux articles que la totalité des conséquences préjudiciables du sinistre sont couvertes à l'exception de celles dont l'ancienneté est trop importante, l'ancienneté de 5 ans en cas de fraude isolée étant réduite à 3 ans dans le cas de fraude continue, qu'elles ajoutent que l'interprétation de l'assureur qui conduit à considérer qu'il n'y aurait plus d'aléa à compter de la découverte de la fraude méconnaît les dispositions d'ordre public de l'article L113-1 du code des assurances puisque présupposant que les actions de gestion menées par l'assuré à compter de la découverte de la fraude relèvent nécessairement de la faute intentionnelle ou dolosive et précisent que cette interprétation vide de tout objet les articles Ier et III du contrat qui ne comporte aucune mention relative à une limite de couverture ou à des conditions de la garantie et rend inutile l'article VIII 1 a de la police faisant obligation à l'assuré de 'prendre immédiatement les mesures nécessaires pour en limiter l'importance, sauvegarder les biens assurés, réduire au minimum l'arrêt total ou partiel des activités' ;



Qu'elles ajoutent, s'agissant de la découverte de la fraude, qu'elle doit être fixée au jour où l'assuré connaît les faits qui doivent lui permettre d'y mettre un terme, que les investigations menées par les autorité judiciaires brésiliennes ont seules permis à SODEXO de découvrir, au fur et à mesure des arrestations et des interrogatoires les différents actes frauduleux dont elle était victime, que la découverte a été un processus continu qui ne s'est achevé qu'en mars 2012, à la suite de l'arrestation des dernières personnes, précisant qu'elles ont désigné l'une et l'autre un expert chargé d'examiner les pertes entre mars 2011 et mai 2012 et que l'assureur couvre les frais pour diminuer le montant des pertes ce qui n'a de sens que si l'assureur prend en charge les pertes postérieures ;



Considérant que la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE rétorque que l'article V-b deuxième tiret du contrat délimite l'étendue de la garantie s'agissant d'un sinistre continu à une durée de 36 mois précédent la découverte de la fraude pour autant que la première fraude d'une série ait lieu dans les 5 ans de sa découverte et que les pertes financières postérieures à la découverte de la fraude ne sont pas comprises dans la garantie, exposant qu'il n'est pas prétendu que SODEXO aurait volontairement causé le sinistre mais que les pertes postérieures ne sont pas aléatoires, qu'elles pouvaient mettre fin à la fraude en bloquant les cartes ,qu'un assuré négligent pouvait se voir opposer la déchéance pour déclaration tardive, que la couverture des seules pertes antérieures n'est pas incompatible avec les dispositions des articles VIII-1 et VIII-2 des conditions particulières et que l'expert n'a validé que la méthodologie de travail ; que se fondant sur le rapport de Valorem, elle expose que la fraude a été découverte en avril 2011, ce que confirme le fait qu'a été retenu pour la conversion des BRL en euros le cours d'avril 2011 mais que dans la mesure où le souscripteur de la police ne semble avoir été rendu destinataire que le 30 juillet 2011 d'un document établi par la société SODEXO BRASIL valant 'Incident Report', elle accepte de retenir cette date ;



Considérant qu'aux termes de l'article V des conditions particulières du contrat, intitulé 'Conventions' il est stipulé :



' b) Sont couvertes au titre du présent contrat les Pertes financières consécutives à une Fraude et / ou un Acte de malveillance découverts et portés à la connaissance de l'Assureur pendant la Période d'Assurance du contrat dans les délais suivants :



'' Une fraude isolée n'est couverte que pour autant qu'elle soit découverte dans les 5 ans suivant la date à laquelle cet acte a été commis.



'' En cas de sinistre continu seront prises en considération les Pertes financières subies par l'Assuré sur une durée de 36 mois précédant la découverte de la Fraude pour autant que la survenance de la première Fraude de la série ait lieu dans les 5 ans de sa découverte'.



Considérant que cette clause est claire, précise et dénuée d'ambiguïté, qu'elle ne nécessite aucune interprétation et se justifie par la perte du caractère aléatoire du dommage à partir du jour où la fraude est connue de l'assuré ;



Considérant qu'elle ne vide pas de tout objet les articles Ier 'définitions' et III 'objet de la garantie' mais vient préciser, aux termes des mêmes conditions particulières qui constituent la loi des parties, l'étendue de la garantie ;



Considérant qu'elle ne rend pas non plus inutiles la clause VIII- 1a) qui oblige l'assuré qui a déclaré le sinistre à 'prendre immédiatement les mesures nécessaires pour en limiter l'importance, sauvegarder les biens assurés, réduire au minimum l'arrêt total ou partiel des activités' alors que cette clause a vocation à s'appliquer pour les actes de malveillance pour lesquels la période d'indemnisation est de 24 mois à compter de la réalisation de l'événement garanti, la clause VIII-2a) qui prévoit la garantie des 'frais engagés par l'Assuré avec l'accord des Assureurs pour diminuer le montant éventuel du sinistre' qui permet à l'assuré, y compris postérieurement à la découverte de la fraude, de mettre en oeuvre des mesures de recherche des auteurs pour recouvrer des sommes ou de recherche des biens qui ont été détournés ou subtilisés au moyen d'une fraude et ainsi de diminuer le préjudice ;



Considérant qu'il n'est démontré par aucune pièce que l'assureur aurait demandé à la société GM CONSULTANT, qu'elle a missionné pour l'étude du préjudice, de l'examiner entre mars 2011 et mai 2012 et le fait que cet expert ait étudié les chiffres fournis pas la société SODEXO BRASIL pour cette période ne constitue pas un aveu de l'assureur sur la période à prendre en compte ;



Considérant que s'agissant de la date de découverte de la fraude, il ne peut être retenu, comme le soutient l'assureur que la fraude aurait été découverte en mars 2011 du fait de la seule hausse à compter de cette date des TNR supérieure au 'bruit de fond' constitué par un nombre d'opérations anormales habituellement constaté sans que cela résulte d'une fraude alors qu'en présence d'un tel phénomène, la société SODEXO BRASIL devait d'une part vérifier si l'anormalité perdurait et effectuer une enquête qualitative des TNR pour déterminer si celles-ci pouvaient trouver leur origine dans des difficultés de maniement des cartes ou dans la sécurité des systèmes informatiques des prestataires concernés par la gestion des cartes, et devait d'autre part vérifier son hypothèse de fraude ce dont elle fait état dans sa lettre de déclaration de sinistre du 9 septembre 2011;



Considérant que le fait que dans le cadre des opérations d'expertise, le cours d'avril 2011 a été retenu pour la conversion des BRL en euros par l'expert VALOREM alors que la police prévoit que 'les sinistres seront évalués et provisionnés en euros au jour de la survenance du sinistre et seront réglés en euros ou à leur contre-valeur au jour de leur règlement en monnaie locale' est insuffisant pour établir que les assurés auraient reconnu que la fraude aurait été découverte en avril 2011 alors que la date de survenance du sinistre n'équivaut pas à sa date de découverte par l'assuré, la clause prévoyant la prise en charge par l'assureur des Pertes financières subies par l'Assuré sur une durée de 36 mois précédant la découverte de la Fraude supposant nécessairement que la survenance du sinistre peut être distincte de la découverte de la fraude ;



Considérant par contre que la date de découverte de la fraude ne peut être retardée comme le soutiennent les appelantes, jusqu'en mars 2012, date de l'arrestation des derniers fraudeurs, alors qu'il apparaît que lors de sa déclaration de sinistre du 9 septembre 2011, il était précisé : ' je vous informe par la présente d'une déclaration de sinistre de Sodexo suite à une fraude sur leurs cartes magnétiques. Depuis juin dernier, la filiale Sodexo Solution de Motivation au Brésil constate un niveau plus élevé que la moyenne de détournement', qu'il est ensuite donné des précisions sur l'étendue de la fraude, le rédacteur exposant que depuis le mois de juin il y a une forte augmentation des plaintes des bénéficiaires, appelant pour se plaindre de transactions enregistrées sur leurs cartes alors qu'ils n'ont rien acheté, avancé des chiffres concernant le clonage des cartes et expliqué les modes opératoires possibles de la fraude, que cette déclaration de sinistre intervenait après que la société SODEXO BRASIL avait pu constater que l'augmentation de TNR perdurait et même s'était accru de manière importante entre juillet et août 2011, 2 528 555 BRL en août au lieu de 1 225 639 BRL en juillet, qu'en conséquence la date de découverte de la fraude doit être fixée au 9 septembre 2011, date à laquelle la société SODEXO avait pu vérifier sur plusieurs mois l'augmentation des TNR et effectuer une évaluation interne des TNR permettant d'exclure des dysfonctionnements techniques et d'identifier en son principe le processus de fraude, l'enquête pénale ne venant que confirmer le processus de fraude ainsi découverte et permettre l'arrestation des auteurs ;



Sur le montant de l'indemnité d'assurance



- Sur les pertes sur TNR



Considérant que se fondant sur les travaux des cabinets EXPERTISE VALOREM et GM CONSULTANT les appelantes demandent à la cour de fixer leur préjudice à la somme de 11 048 043, 25 euros pour la période de mars 2011 à mai 2012, exposant qu'une expertise amiable menée de manière contradictoire à l'issue de laquelle l'expert de l'assureur indique avoir validé les données de travail constitue une preuve irréfragable et un aveu judiciaire opposable à l'assureur ;



Considérant que la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE rétorque qu'il n'y a jamais eu d'aveu judiciaire, que le cabinet GM CONSULTANT s'est prononcé sur une méthodologie de travail et alors qu'il n'était pas en charge de se prononcer sur les garanties du contrat et qu'il n'est pas partie à l'instance, il ne peut être considéré qu'il a validé le montant de la réclamation présentée par les sociétés SODEXO, qu'elle demande à la cour de retenir que le montant des pertes à la date du 30 juillet 2011 s'élève à la somme de 606 860, 62 euros ;



Considérant qu'il n'incombe pas à l'expert désigné par l'assureur de se prononcer sur les garanties et le fait que le cabinet GM CONSULTANT ait validé les chiffres de la société SODEXO sur le montant des TNR et les autres composantes du calcul du préjudice afférents aux pertes financières résultant de la fraude ne peut valoir reconnaissance par l'assureur du préjudice des appelantes, les parties s'opposant sur la période à prendre en compte ;



Considérant que l'examen comparatif des expertises VALOREM et GM CONSULTANT, y compris celle sur laquelle l'assureur se fonde pour conclure à une perte limitée à la somme de 606 860,62 euros, sa pièce 14, démontre que les experts se sont accordés sur la méthodologie de calcul, qu'en effet le montant des TNR a été validé par les deux experts qui ont retenu la valeur à la date de comptabilisation dans les comptes de SODEXO, que le 'bruit de fonds', c'est à dire le montant moyen des TNR observé avant mars 2011 a été arrêté à la somme de 71106 Réals par mois, que le 'charge back', c'est à dire le refus de rembourser l'affilié qui a acquis des marchandises non alimentaires a été évalué à 28, 10 % et que le taux de commission retenu est de 2%, qu'il convient dès lors d'évaluer le préjudice de mars 2011 au 9 septembre 2011 de la manière suivante :



TNR de mars 2011 au 9 septembre 2011 :



-mars 2011 : 150 474,74

-avril 2011 : 274 052,41

-mai 2011 : 521 277,80

-juin 2011 : 463 056,17

-juillet 2011 : 1 057 215,75

-août 2011 2 331 053,64

-1er au 9 sept 2011 (3 141 812,32 :30 x 9 ) 942 543,63

-----------------------

TOTAL 5 739 674,14



dont à déduire :

- le 'bruit de fonds'

6 x 71 106 + (71 106 :30 x9) - 447 967,80

-le 'charge back' au taux de 28,10 % - 1 612248, 43



-----------------------

Sous total 3 679 457,91



dont à déduire commission au taux de 2% - 73 589,15



----------------------

Total de la perte en Reals 3 605 868,76



soit en euros 1 575 303 euros



Sur les frais et pertes



* sur le montant des surcoût d'exploitation



Considérant que la société SODEXO BRASIL soutient que l'augmentation des sollicitations des plate-formes téléphoniques, soit par des bénéficiaires surpris de constater l'existence de retrait sur leurs cartes, soit par les fraudeurs pour vérifier les codes PIN des cartes falsifiées ou pour connaître le solde disponible sur celles-ci, soit pour les différentes opérations de blocage, ce qui a généré un surcoût d'exploitation, qu'elle expose qu'elle a calculé ce préjudice en comparant le flux habituel d'appel de 2009 à mars 2011 qui a constitué le 'bruit de fond' et que le flux excédant a été considéré comme lié aux cas frauduleux et que le détail de ces coûts, opérateur par opérateur a été établi, le surcoût ayant été établi à la somme de 2 509 336 euros ;



Considérant que l'assureur rétorque le fait que le nombre d'appel ait augmenté est une conséquence de l'existence de fraude et ne sont pas liés à l'engagement de frais par l'assuré pour limiter le montant du sinistre, que ces frais n'entrent pas dans la garantie ;



Considérant que la société SODEXO BRASIL ne précise pas sur quelle clause du contrat, elle fonde sa demande, qu'outre les pertes financières subies par l'assuré, sont garantis 'les frais engagés avec l'accord des Assureurs pour diminuer le montant éventuel du sinistre', que l'augmentation des sollicitations des plate-formes téléphoniques pour les raisons exposées par l'assuré ne constituent pas des frais exposés par la société SODEXO BRASIL pour diminuer le montant éventuel du sinistre ;



Considérant qu'à supposer qu'ils puissent constituer des pertes financières résultant de la fraude, il résulte des pièces produites par les appelantes et notamment de leur pièce 158 qu'elles reprennent partiellement dans leurs écritures, que l'augmentation des appels résultant de la fraude n'est apparu qu'en octobre 2011, c'est à dire au delà de la période garantie au titre des pertes financières telle que retenue par la cour, que la société SODEXO BRASIL ne peut qu'être déboutée de sa demande à ce titre ;



* Sur les frais



Considérant que la société SODEXO BRASIL réclame à ce titre le coût lié aux investigations pénales réalisées par HORUS, BLUE ANGELS et DELOITTE pour un montant de 221 124 euros (507 383 BRL), les coût liés à la procédure de rappel des cartes en circulation et de production de nouvelles cartes et de nouveaux code PIN pour un montant de 1 425 375 euros (3 262 684 BRL), les surcoûts liés au blocage des cartes, à leur renouvellement, aux mesures correctives mises en place par les prestataires informatiques à la demande de GM CONSULTANT et d'AXA pour un montant de 111 839 euros (256 000 BRL) et les coûts liés à la révision des procédures internes réalisées à la demande de GM CONSULTANT et d'AXA ;



Considérant que l'assureur rétorque que contrairement à ce que soutient le cabinet VALOREM, aucun coût n'a été engagé à partir de l'identification de la hausse des TNR, que la hausse de mars 2011 n'a donné lieu qu'à des premières investigations engagées par des entreprises extérieures en septembre 2011 ainsi que cela résulte de la déclaration de sinistre du 9 septembre 2011 et qu'aucune pièce justifiant le plan d'action n'a été communiquée, qu'il ajoute que la société DELOITTE est intervenue à l'automne 2011 pour réaliser un audit afin de déceler d'éventuelles failles dans les procédures internes de SODEXO BRASIL, qu'il n'est donné aucune explication sur le contenu de la mission de la société BLUE ANGEL et il n'est pas établi que l'intervention de ces deux sociétés ait un rapport avec des investigations pénales, qu'il précise que s'agissant des frais, leur prise en charge est subordonnée au respect de deux conditions : l'accord de l'assureur avant d'être engagés et la finalité de la dépense engagée avec l'accord de l'assureur doit être de diminuer le montant éventuel du sinistre ce dont il résulte qu'aucun poste de préjudice présenté par les sociétés SODEXO n'est justifié et ne peut être couvert ;



Considérant que pour justifier ces frais, la société SODEXO BRASIL invoque l'article II 4 des conditions particulières aux termes duquel 'l'assureur garantit au preneur d'assurance, en cas de sinistre, le remboursement des frais et honoraires de l'expert qu'il aura lui-même choisi et nommé conformément aux dispositions des conditions générales', que celles-ci prévoient que les dommages sont fixés de gré à gré et qu'en cas de désaccord, il est procédé à une expertise amiable, chaque partie choisissant un expert, ce qui s'est passé en l'espèce, que ce texte ne pouvait permettre à la société SODEXO BRASIL que de réclamer les honoraires du cabinet VALOREM qui, en l'espèce ne font pas l'objet d'une demande et ne permet pas de justifier les demandes concernant les honoraires des autres experts qui ne sont pas intervenus dans le cadre de l'évaluation des dommages ;



Considérant qu'en application de l'article II 5 des conditions particulières de la police, intitulé 'Frais de Poursuite', 'Il est convenu que les assureurs conservent à leur charge dans la limite des garanties les frais supportés par l'Assuré pour engager avec l'accord des Assureurs des poursuites légales contre l'auteur ou les auteurs d'un acte de fraude ou de malveillance garanti' ; qu'en application de l'article VIII -2- a 'Sont également garantis les frais engagés par l'Assuré avec l'accord des Assureurs pour diminuer le montant éventuel du sinistre' ;



Considérant que s'agissant des frais de poursuite, il apparaît, au vu de l'article de la police ci-dessus reproduit, que ce n'est pas l'engagement des frais supportés par l'assuré qui est soumis à l'accord de l'assureur mais l'engagement des poursuites légales et l'assureur ne peut arguer d'un défaut d'accord préalable alors qu'aux termes de ses écritures il relève que la plainte n'a été déposée que plus de six mois après le début de la hausse des TNR et rappelle qu'il a réclamé à la société SODEXO BRASIL, dans le cadre de la présente procédure, le rapport final de la police brésilienne, qu'il en résulte que la plainte pénale avait reçu l'assentiment de l'assureur ;



Considérant que dès lors les frais d'intervention de la société HORUS pour diligenter une enquête privée, les rapports étant transmis à l'assureur ainsi que l'expose GM CONSULTANT dans sa note financière du 24 juillet 2017, dont il est avéré qu'elle a été réalisée au soutien de l'enquête des services de la police brésilienne doivent être pris en charge par l'assureur pour la période du mois d'octobre 2011 à mai 2012, au vu des factures produites pour un montant de 136 500 BRL soit 59 633 euros, le surplus de la demande n'étant pas justifié par des factures mais uniquement par des fichiers insuffisants à établir la preuve de la dépense ;



Considérant qu'alors qu'il n'est pas prouvé que la société DELOITTE soit intervenue pour autre chose qu'un audit afin de déceler d'éventuelles failles dans les procédures internes de SODEXO BRASIL, il n'est pas établi que cette intervention et celle de la société BLUE ANGEL ont un rapport avec des investigations pénales, qu'elles ne peuvent pas en conséquence être prises en charge au titre des frais exposés par l'assuré pour engager des poursuites pénales ;



Considérant que s'agissant de l'application de l'article VIII -2- a de la police qui suppose que les frais aient été engagés avec l'accord de l'assureur, force est de constater que la société SODEXO BRASIL ne produit aucune pièce établissant qu'elle aurait sollicité l'accord de l'assureur sur l'engagement des dépenses ou que l'engagement des frais serait le résultat d'une demande de l'assureur ou de son expert la société GM CONSULTANT comme elle le soutient aux termes de ses écritures, en page 55, en ce qui concerne les surcoûts liés aux procédures de blocage des cartes, à leur renouvellement, aux mesures correctives mises en place par les prestataires informatiques, et les coûts liés à la révision des procédures internes dont le remboursement est demandé, alors que le fait que l'assureur ait été informé des décisions prises à ce titre par la société SODEXO BRASIL est insuffisant pour rapporter la preuve requise ;



Considérant que la société SODEXO BRASIL ne peut en conséquence qu'être déboutée du surplus de ses demandes concernant les frais ;



Considérant que le montant de l'indemnité due par l'assureur à la société SODEXO BRASIL s'élève en conséquence à la somme de 1 575 303+ 59 633 = 1 634 936 euros ;



Considérant qu'aux termes de la police 'Constitue un seul et même sinistre , toute perte financière subie par l'assuré, couverte au titre du présent contrat et résultant directement d'une série de fraude ou d'actes de malveillance commis par une même personne ou plusieurs personnes complices', que reprenant la première partie de l'enquête de police, le cabinet VALOREM a notamment noté qu'il résultait de celle-ci que l'ensemble des protagonistes avait un lien personnel ou familial, ajoutant que 'Les dépositions montrent par ailleurs que, outre ces liens, [E] qui représente l'une des têtes de cette organisation a pu se rapprocher d'autres organisations criminelles pour d'une part étendre cette fraude à grande échelle, et d'autre part rendre plus difficile l'enquête qui démontrait les liens entre toutes les opérations frauduleuses', qu'il est ainsi établi qu'il s'agit d'une sinistre unique, en ce la fraude est le fait de plusieurs personnes complices ;



Considérant toutefois que l'indemnité étant inférieure au plafond de garantie de 10 000 000 euros prévu par la police, l'argumentation des appelantes sur ce point et l'étalement éventuel de l'indemnité sur deux exercices ainsi que l'irrecevabilité du fait de l'estoppel invoquée par l'assureur sont sans objet ;



Considérant qu'il convient de déduire de l'indemnité ci-dessus retenu la franchise dont les parties disent qu'elle est de 550 000 euros et dès lors de condamner la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à payer au titre du préjudice de la société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO entre les mains de la société SODEXO PASS INTERNATIONAL la somme de 1 084 936 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 mai 2013, en application de l'ancien article 1153 du code civil et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil, le refus de la transaction étant insuffisant pour priver l'assuré du bénéfice des intérêts moratoires ;



Sur la demande de dommages et intérêts



Considérant que les appelantes soutiennent que l'assureur a tenté par tout moyen depuis plusieurs années d'échapper à ses obligations contractuelles ce qui caractérise une particulière mauvaise foi dans l'interprétation et l'exécution du contrat et qu'il cause ainsi à SODEXO un préjudice financier certain en conservant entre ses mains l'indemnité d'assurance qui lui est dûe ajoutant que ce n'est qu'après avoir été mis en demeure qu'il a fait une proposition transactionnelle dérisoire, a, ensuite, dans le cadre de la procédure abusé de manoeuvres dilatoires pour tenter d'échapper à ses obligations de couverture d'un sinistre survenu il y a cinq ans et que le placement des sommes dues sur un compte à terme d'un rendement moyen de 1% lui aurait permis de percevoir un revenu de 609 060 euros, qu'elle est bien fondée à réclamer une somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts ;



Considérant que la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE rétorque qu'elle a normalement instruit le dossier en missionnant le cabinet GM CONSULTANT pour disposer d'éléments techniques lui permettant d'examiner si les conditions de mobilisation de la police étaient réunies, que celui-ci a été contraint de relancer plusieurs fois SODEXO pour obtenir les informations indispensables, que conscient de ce que le délai d'instruction du dossier ne correspondait pas aux souhaits de son assuré, elle a fait une proposition transactionnelle en s'affranchissant des conditions de sa police sur l'existence d'une complicité interne et d'une ou plusieurs organisations criminelles, qu'elle n'a pas refusé abusivement de couvrir le sinistre ;



Considérant que l'appréciation inexacte de ses droits par une partie n'est pas constitutive en soi d'une faute, que le fait que l'assureur ait soumis sa garantie à l'absence de complicité interne alors que la cour a considéré qu'il s'agissait non d'une condition de garantie mais d'une exclusion de garantie non opposable est insuffisant à caractériser la résistance abusive de l'assureur qui, de plus, a fait une proposition transactionnelle pour un montant légèrement supérieur à celui retenu par la cour ;



Considérant que dès la déclaration de sinistre, l'assureur a missionné un expert pour recueillir les éléments permettant d'appréhender le sinistre et le montant de l'indemnité d'assurance susceptible d'être versée, que dans son rapport du 28 février 2013, le cabinet GM CONSULTANT réclamait des pièces sur les frais invoqués par SODEXO, ce dont il résulte qu'il en peut être reproché à l'assureur une carence dans l'instruction du sinistre ;



Considérant que le fait pour l'assureur d'avoir sollicité, y compris par voie d'incident devant les premiers juges, la production du rapport final de la police brésilienne est insuffisant pour caractériser un comportement procédurale dilatoire, même s'il a été débouté de sa demande aux motifs notamment qu'il incombait à l'assuré d'apporter la preuve que les conditions de la garantie étaient réunies et que la société AXA n'établissait pas que la production du rapport définitif de l'enquête de police brésilienne était autorisé par les dispositions législatives brésiliennes, alors que la demande de production de cette pièce, qui porte la date du 25 juillet 2012 et a été communiquée par les appelantes en cause d'appel, en 2017, correspondait à l'argumentation qu'il défendait, fût-elle erronée ;



Considérant qu'il convient en conséquence de débouter les sociétés SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO et SODEXO PASS INTERNATIONAL de leur demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;



Sur les frais irrépétibles



Considérant qu'il convient de condamner la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à payer aux sociétés SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO et SODEXO PASS INTERNATIONAL la somme de 10000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par mise à disposition de la décision au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,



Déclare la société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO irrecevable en sa demande tendant au versement de l'indemnité d'assurance 'dans ses mains' ;



Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout ;



Condamne la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à payer, entre les mains de la société SODEXO PASS INTERNATIONAL, au titre de l'indemnité d'assurance due à la société SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIOO, la somme de 1 084 936 euros, déduction faite de la franchise, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 mai 2013, et capitalisation de ceux-ci dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civil ;



Déboute les sociétés SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO et SODEXO PASS INTERNATIONAL de leur demande de dommages et intérêts pour refus abusif ;



Condamne la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à payer aux sociétés SODEXO PASS DO BRASIL SERVICOS E COMERCIO et SODEXO PASS INTERNATIONAL la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel.





LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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