15 May 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/12131

Pôle 5 - Chambre 8

Texte de la décision

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 8



ARRET DU 15 MAI 2018



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12131



Arrêt du 14 Avril 2015 -Cour de Cassation de PARIS - RG n° 393 F-D

Jugement du 15 novembre 2011 RG 9/15752





APPELANTS



Monsieur [N] [S]

né le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 17] (50)

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représenté par Me Sarra JOUGLA YGOUF, avocat au barreau de PARIS, toque : C0875, ayant pour avocat plaidant la cabinet AXLAW SELEGNY, substitué par Me Virginie GILLOT, avocate au barreau de ROUEN



Madame [D] [V] épouse [S]

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représenté par Me Sarra JOUGLA YGOUF, avocat au barreau de PARIS, toque : C0875, ayant pour avocat plaidant la cabinet AXLAW SELEGNY, substitué par Me Virginie GILLOT, avocate au barreau de ROUEN





INTIMES



Monsieur [K] [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 12]



n'ayant pas constitué avocat





Monsieur [E] [F]

[Adresse 15]

[Localité 12]



n'ayant pas constitué avocat





Maître [U] [O], SCP [O] [G] [P] [J], Notaires associés.

[Adresse 6]

[Localité 11]



Représenté par Me Herve-Bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090



SA MMA IARD

VENANT AUX DROITS DE COVEA RISKS inscrite au RCS du MANS n°440 048 882, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, ayant pour avocat plaidant Me REGNAULT, substitué par Me GADELLE, avocat au barreau de PARIS



SA MARIGOT SHIPPING COMPANY

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité :

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 12]

n'ayant pas constitué avocat





SARL REALISATIONS ECONOMIQUES ETINDUSTRIELLES

Représentée par ses représentants légauxdomiciliés ès qualités au siège social sis

[Adresse 18]

[Adresse 18]

[Localité 12]

n'ayant pas constitué avocat





SARL FINANCIERE DU CEDRE

agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 9]



Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, ayant pour avocat plaidant Me François BLANGY avocat au barreau de PARIS, toque : P399



SA OCEA

prise en la personne de ses représentants légauxdomiciliés en cette qualité au siège social sis

[Adresse 16]

[Localité 10]





SCP [O] [G] [P]-[J]

[Adresse 6]

[Localité 11]



Représentée par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090



Société civile MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Siret n° 775 652 126

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 14]

[Localité 8]



Représentée par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, ayant pour avocat plaidant Me REGNAULT, substitué par Me GADELLE, avocat au barreau de PARIS





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

M. Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré





Greffier lors des débats : Mme Christine LECERF



MINISTERE PUBLIC : l'affaire a été communiquée le 20/6/2016



Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Isabelle ROHART-MESSAGER dans les conditions prévues à l'article 785 du CPC.



ARRET :



- défaut



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Mme Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, président et par Mme Christine LECERF, greffier présent lors du prononcé.


*



Dans le but d'effectuer une opération de défiscalisation, au vu des conseils de la société Financière du Cèdre et d'une notice de commercialisation réalisée par M [Y], M.[F] et la société Réalisations Économiques et Industrielles, les époux [S] ont investi 1.000.000 francs, outre les frais de notaire pour un montant de 50.000 francs, dans une opération d'acquisition de parts de copropriété (appelées quirats) d'un navire construit par la société Ocea et dont la gestion était confiée à la société Marigot Shipping Compagnie.

L'investissement était financé par des prêts consentis par le vendeur, la société Réalisation Economique et Industrielles et la banque régionale de l'Ouest, devenue CIC Ouest.



Me [O], notaire, assuré auprès de la société Covea Risks, est intervenu dans ces opérations.

M. et Mme [S] ont fait l'objet d'un redressement par l'administration fiscale, qui a considéré que l'opération n'était pas éligible à la défiscalisation, et c'est dans ces conditions qu'ils ont assigné par actes des 13 et 19 décembre 2005 la société Financière du Cèdre et la société Réalisation Economique et Industrielle aux fins d'obtenir l'annulation de l'acte d'acquisition des quirats du 26 juin 1996, la restitution des sommes acquittées et le paiement de dommages et intérêts.



La société Financière du Cèdre a formé divers appels en garantie, la société MMA IARD assurances mutuelles intervenant volontairement à l'instance en sa qualité d'assureur du notaire aux lieu et place de la société Covea Risks.



Par jugement du 25 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a annulé l'acte d'acquisition des quirats du 26 juin 1996, condamné la société Réalisations Économiques et Industrielles à payer aux époux [S] une somme de 98 628,46 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 décembre 2015, condamné in solidum la société Réalisations Économiques et Industrielles et la société Financière du Cèdre à leur payer la somme de 46 985,44 euros en réparation de leur préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de son prononcé, 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral, ainsi qu'une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, les sociétés Réalisations Économiques et Industrielles, Marigot Shipping Compagnie et Ocea, ainsi que Mrs [Y] et [F] ont été condamnés à garantir la société Financière du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre. Le tribunal a débouté la société Financière du Cédre de ses appels en garantie à l'encontre de Maître [O] et ses assureurs et l'a condamnée à leur payer 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En outre, le tribunal a condamné la société Réalisations Économiques et Industrielles, ainsi que la société Financière du Cèdre aux dépens.



Par arrêt du 19 septembre 2013, la cour d'appel de Paris a confirmé pour l'essentiel cette décision, mais modifié les montants des indemnisations.



Par décision du 14 avril 2015, la Cour de cassation a cassé cet arrêt en toutes ses dispositions.



La présente cour de renvoi a été saisie par les époux [S].




Vu les dernières conclusions du 31 octobre 2017 des époux [S], par lesquelles ils demandent à la cour de confirmer partiellement le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de l'acte d'acquisition des quirats, retenu la responsabilité des sociétés Réalisations Economiques et Industrielles et Financières du Cèdre à leur égard et les a condamnées au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de l'infirmer partiellement et statuant à nouveau, de condamner solidairement ou in solidum la société Financière du Cèdre et la société Réalisations Economiques et Industrielles à leur payer les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies, 151 208 euros au titre des redressements fiscaux, 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement, 15 000 euros au titre du préjudice de jouissance, le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation. Ils demandent en outre la condamnation de la société Financière du Cèdre et la société Réalisations Economiques et Industrielles ou de toute partie succombant à leur payer solidairement ou in solidum la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



Vu les dernières conclusions du 2 novembre 2017 de la société Financière du Cèdre, par lesquelles elle demande à la cour d'infirmer le jugement et dire n'y avoir lieu à retenir sa responsabilité, de débouter les époux [S] de leurs demandes, à titre subsidiaire de dire qu'il n'existe pas de préjudice indemnisable à acquitter l'imposition normalement à la charge du contribuable et de dire que l'indemnisation peut uniquement prendre compte les majorations et intérêts de retard, de dire que l'indemnisation ne peut intervenir que sur la base d'une perte de chance et de limiter en conséquence l'indemnisation, dans cette hypothèse de condamner in solidum chacun pour sa part ou les uns à défaut des autres la société la société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Compagnie, M. [K] [Y], M. [E] [F] et la société OCEA à la garantir de toute somme qui pourrait être mise à sa charge, ainsi qu'à lui rembourser chacun des débours préfinancés, de condamner in solidum les dites personnes à lui payer une somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.



Vu les conclusions de Maître [O], notaire, et de la SCP Storck, par lesquelles ils demandent à la cour de confirmer le jugement et de condamner la société Financière du Cèdre ou toute autre partie succombante aux dépens.



Vu les conclusions du 3 octobre 2017 de la société MMA IARD et de la société MMA IARD Assurances Mutuelles, venant droit de la société Covea Risk, par lesquelles elles demandent à la cour de constater qu'aucune partie ne forme de demande à leur encontre, de prononcer leur mise hors de cause et de rejeter toute demande éventuelle à leur encontre.



La société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Compagnie, M. [K] [Y], M. [E] [F] et la société OCEA, régulièrement assignés n'ont pas constitué avocat.








SUR CE,



Sur le contrôle fiscal.



Il n'est pas contesté que c'est dans un but d'optimisation fiscale qu'est intervenue la vente des quirats.





Sur la date de construction du navire.



Afin de bénéficier des dispositions de l'article 238 bis A du code général des impôts pour l'année 1996, il était nécessaire que le bien financé ait existé au plus tard le 31 décembre 1995, étant néanmoins précisé que le bénéfice de ces dispositions était encore possible au-delà de cette date, à condition toutefois que l'opération ait obtenu un agrément ministériel.

Or, lors du contrôle fiscal des époux [S], alors que ceux-ci avaient acquis des parts de copropriété par acte du 20 juin 1996, l'inspecteur des impôts a relevé qu'un avenant au contrat du 9 novembre 1995 avait été établi le 10 janvier 1997 et modifiait non seulement la date de livraison du navire, mais aussi son prix qui était alors porté à 9 000 000 de francs.

Par ailleurs, il a été constaté par l'administration fiscale qu'au 31 décembre 1996, le compte de la société Réalisations Economiques et Industrielles ouvert dans les livres de la société OCEA démontrait qu'il n'avait été versé aucun acompte à cette date.

En conséquence, l'administration a considéré que l'acquisition du navire était postérieure au 31 décembre 1995, qu'aucun acompte n'avait été versé à cette date et que donc les quirataires ne pouvaient bénéficier des dispositions de l'article 238 bis A du code général des impôts.





Sur le prix du navire.



Lors du contrôle fiscal de la comptabilité de la copropriété, il a été établi que celle-ci avait acquis le navire Green Bird auprès de la société Réalisations Economiques et Industrielles pour un montant de 28 000 000 de francs, alors que le prix de revient du navire s'établissait en réalité à une somme maximale de 9 906 903 francs.

C'est dans ces circonstances que l'administration fiscale a ramené le prix global de l'investissement à la somme de 12 000 000 de francs, correspondant par ailleurs à la somme déclarée auprès de l'assureur et, s'agissant plus particulièrement des époux [S], a considéré que le montant total de l'investissement devait être ramené à 21 000 francs par part, étant précisé que les époux [S] avaient souscrit 20 parts sur les 560 parts.





Sur les redressements fiscaux.





C'est ainsi que le 20 décembre 1999, les époux [S] ont reçu la notification d'un redressement fiscal d'un montant de 105 887 francs pour l'année 1996 et de 39 484 francs pour l'année 1997.

Les motifs du redressement étaient les suivants :

- la société Réalisations Economiques et Industrielles ayant acquis le navire pour un montant de 8 750 000 francs et l'ayant revendu aux copropriétaires pour un montant de 28 000 000 de francs, l'administration fiscale a considéré qu'il s'agissait d'un « acte anormal de gestion » au sens du droit fiscal.

- la société Réalisations Economiques et Industrielles n'ayant pas versé à son sous-traitant plus de 50 % du prix au 31 décembre 1995, les souscripteurs ne pouvaient bénéficier des mesures transitoires.

-Aucune demande d'agrément dérogatoire n'avait été déposée au ministère du budget alors que le navire n'existait pas encore en 1995.

Les époux [S] ont contesté le redressement, mais par décision du 6 août 2008, le Conseil d'État a confirmé la validité du redressement effectué pour 105 887 francs. Du fait de cette décision, ils n'ont pas poursuivi leur contestation pour l'année1997.





Puis les époux [S] ont fait l'objet d'une seconde notification de redressement pour les années 2000, 2001 et 2002 pour un montant de 49 855 euros, ce redressement ayant été entériné par le Conseil d'État.





Sur la nullité de l'acte d'acquisition.



Les époux [S] soutiennent que l'opération était sciemment affectée d'informations mensongères, de nature à induire les candidats à la propriété en erreur.

Ils relèvent que la plaquette de présentation précisait expressément que l'opération copropriété du navire Green Bird répondait aux conditions de la loi dite [H] permettant de déduire du résultat imposable des quirataires l'intégralité de l'investissement qu'ils effectuaient.

Ils soulignent que lors de la signature d'acquisition des quirats, soit le 26 juin 1996, la moitié de la valeur du navire, qui devait être versée avant le 31 décembre 1995, n'avait pas été réglée, de sorte que les dispositions de la loi « [H] » ne pouvaient bénéficier aux acquéreurs, ce que, selon eux, la société Financière du Cèdre, en sa qualité de professionnel, ne pouvait ignorer.

Ils demandent en conséquence la nullité de cette vente pour erreur, dol et pour absence de cause, la cause impulsive et déterminante de leur consentement ayant été de pouvoir bénéficier d'un placement présentant, d'une part, une certaine rentabilité et, d'autre part, permettant une déduction fiscale des revenus du quirataire.



La société Financière du Cèdre reproche aux époux [S] d'avoir confondu son rôle avec celui de la société Réalisations Economiques et Industrielles.

Elle indique ne pas être à l'origine, ni à l'initiative de cette opération, son rôle s'étant bornée à celui d'un intermédiaire rémunéré par une commission.

Elle relève qu'elle n'a pas encaissé la contre-valeur de l'investissement réalisé par les époux [S], puisque les sommes ont été perçues par la société Réalisations Economiques et Industrielles, après avoir transité par l'étude du notaire, Maître [O].

Elle soutient qu'en conséquence elle n'avait pas accès aux informations détenues par la société Réalisations Economiques et Industrielles et ne pouvait donc déceler le mécanisme de fraude.



Elle précise qu'au regard du procès-verbal de recettes du 26 décembre 1995, elle disposait d'éléments de nature à estimer que le navire existait bien et que rien ne lui permettait de remettre en cause la viabilité de l'opération.

Elle fait valoir qu'elle ne peut être tenue responsable du fait que la société OCEA n'a pas, par la suite, respecté ses engagements et lui a adressé de faux documents.



Il résulte des pièces au débat et il n'est pas contesté que la société Financière du Cèdre est intervenue en qualité d'intermédiaire, le bulletin d'achat des parts de copropriété des quirats ayant été souscrit par les époux [S] au bénéfice de la société Réalisations Economiques et Industrielles qui a reçu paiement d'une somme d'un million de francs.

En conséquence, la demande d'annulation ne peut être dirigée à l'encontre de la société Financière du Cèdre qui n'était pas le cocontractant des époux [S].



S'agissant de la demande d'annulation en ce qu'elle vise la société Réalisations Economiques et Industrielles, les premiers juges ont considéré qu'en faisant croire que l'investissement effectué par les époux [S] entrait dans le cadre de la loi [H] permettant la déduction fiscale, alors qu'elle savait que l'opération litigieuse ne répondait pas aux conditions requises par la ladite loi, du fait notamment de ce que la moitié du prix du navire n'avait pas été payée avant le 31 décembre 1995, la société Réalisations Economiques et Industrielles a cherché à tromper les époux [S].

C'est ainsi que le tribunal a qualifié ces faits de man'uvres dolosives, sans lesquelles ceux-ci n'auraient pas effectué l'acquisition litigieuse.

Cependant, ces éléments relatifs à la déduction fiscale figurent sur la plaquette de présentation, dont il n'est pas établi qu'elle émane de la société Réalisations Economiques et Industrielles, mais comporte uniquement le logo de la société Financière du Cèdre, de sorte que l'existence de man'uvres dolosives dont la société Réalisations Economiques et Industrielles serait l'auteur ou aurait participé n'est pas caractérisée.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité pour dol de la convention litigieuse.





Sur la responsabilité de la société la Financière du Cèdre.



La société Financière du Cèdre expose que la société Réalisations Économiques Et Industrielles lui avait confié, comme à d'autres sociétés, la commercialisation de parts de copropriété du navire Green Bird. À cette fin, elle lui avait remis une plaquette de présentation faisant valoir que les souscripteurs bénéficieraient des avantages fiscaux de la loi [H] permettant de déduire du résultat imposable l'intégralité de l'investissement. À cette plaquette de présentation été jointe une étude financière « [H] ».

Il est constant que tant la plaquette de présentation que l'étude financière avaient été remises aux époux [S] par la société Financière du Cèdre, le logo de cette dernière figurant sur chacun de ces documents et l'étude financière comportant la mention « produit agréé par la Financière du Cèdre ».



Pour condamner la société Financière du Cèdre et la société Réalisations Économiques Et Industrielles à des dommages-intérêts sur un fondement délictuel, les premiers juges ont considéré que la société Réalisations Économiques Et Industrielles avait commis une faute en affirmant de façon mensongère que l'opération litigieuse répondait aux exigences de la loi [H] et que la société Financière du Cèdre, débitrice d'une obligation de conseil devait s'assurer de la vérité des informations qui se trouvaient sur ce document, sa responsabilité ne pouvant être écartée par le seul fait qu'elle ne serait pas l'origine du projet litigieux.



Il n'est pas contesté que les époux [S] n'ont été en contact qu'avec la société Financière du Cèdre qui commercialisait le produit et que c'est au vu des documents remis par celle-ci qu'ils ont décidé l'achat des quirats du navire Green Bird.

Or les documents qui leur ont été remis, l'ont été avec le logo « LA FINANCIÈRE DU CÈDRE -LA FORCE D'UN PATRIMOINE »et les mentions « produit agréé par la Financière du Cèdre » puis « votre conseiller : [X] [A] ».

Il s'ensuit que c'est en qualité de conseiller en patrimoine que la société Financière du Cèdre a proposé aux époux [S] l'investissement litigieux et que la mention selon laquelle ce produit était agréé par elle pouvait laisser légitimement croire qu'elle avait étudié le sérieux et la pertinence de celui-ci, ainsi que la réalité des possibilités de déduction fiscale.



La société Financière du Cèdre soutient ne pas avoir commis de faute, mais s'être laissée abuser par la société OCEA et la société Réalisations Économiques Et Industrielles, d'autant que la présence sur la plaquette d'un notaire, n'ayant formulé la moindre réserve, pouvait laisser croire que le projet était sécurisé et que l'opération était à l'abri de tout reproche.

Elle fait valoir que l'erreur de montage ne peut lui être incriminée, qu'elle s'est limitée à des démarches de commercialisation d'un produit déjà mis en place par ses créateurs et qu'elle ne pourrait se voir imputer une faute que si l'irrégularité du montage avait été à l'époque évidente et n'aurait pas dû échapper à sa vigilance, que le redressement fiscal a pour origine l'inexactitude des éléments de faits invoqués par les concepteurs, dissimulés par des falsifications non décelables à l'époque. Elle ajoute que plus précisément l'avantage fiscal était subordonné à l'existence du navire à la date du 31 décembre 1995 ou au paiement d'au moins 50 % du prix à cette date.

Elle indique que le procès-verbal de recette de la société OCEA du 26 décembre 1995 semblait démontrer l'existence du navire au 31 décembre 1995 et par voie de conséquence le respect à ce titre du régime de principe de défiscalisation et que par ailleurs les attestations de la société OCEA des 17 décembre 19 95 et 20 septembre 19 96 confirmaient que le prix du navire avait été payé pour plus de moitié avant le 31 décembre 1995.

Elle fait valoir que pour fonder le redressement, l'administration fiscale a dû mettre en 'uvre des investigations extrêmement poussées, notamment faire usage de ses pouvoirs et prérogatives sous la forme de son droit de communication à l'encontre des tiers, ce qui a pu mettre en évidence que le bateau n'avait aucune existence au 31 décembre 1995, que le prix d'acquisition n'avait pas été payé pour 50 % à la même date et qu'il avait été livré uniquement dans le courant de l'année 1997. Elle affirme être le mandataire des initiateurs de cette opération, d'abord la société Réalisations Économiques Industrielles, puis la société Marigot Shipping Compagnie et qu'en cette qualité il y a lieu de l'exonérer de toute responsabilité.



Il résulte de l'article 1135 ancien du code civil que les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.

C'est sur ce fondement qu'en sa qualité de conseil en patrimoine, la société Financière du Cèdre, qui a perçu de la part des époux [S] une commission sur l'investissement effectué, était débitrice à leur égard d'une obligation de conseil.

En l'espèce, les documents remis par la société OCEA n'ont fait de sa part l'objet d'aucune vérification, alors qu'il s'agissait d'un investissement important, l'existence d'un procès-verbal de recette et des attestations émanant de la société OCEA à propos de laquelle elle ne disposait pas de renseignements précis ne suffisant pas à démontrer qu'elle a rempli son devoir de conseil, alors pourtant que sur la plaquette il est précisé que le produit commercialisé est agréé par elle, ce qui suppose l'existence de vérifications.

La société Financière du Cèdre fait valoir que l'action litigieuse reposait sur une fraude imputable à son mandant, sans que celle-ci puisse lui être personnellement reprochée. Cependant, l'apposition du logo de la société Financière Du Cèdre, ainsi que la mention « produit agréé par la Financière Du Cèdre » sont de nature à faire croire aux investisseurs que pour qu'un agrément puisse être ainsi donné, celle-ci avait effectué des investigations nécessaires à la sécurité d'opération, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, la société Financière Du Cèdre ne s'étant jamais rendue sur place pour contrôler la réalité de la construction du navire, ne s'étant pas fait remettre les contrats passés avec les constructeurs, ni la preuve des paiements intervenus et, de façon générale, n'ayant pas contrôlé que les conditions nécessaires à l'octroi des avantages fiscaux aient été réalisées.

Il s'ensuit que la société Financière du Cèdre a engagé sa responsabilité contractuelle au titre de son manquement à son devoir de conseil.



Les époux [S] sollicitent également la condamnation de la société Réalisations Économiques Industrielles en lui reprochant, d'une part d'avoir fourni une évaluation sciemment erronée des valeurs de l'investissement et donc de la valeur de chaque part de copropriété et, d'autre part, de leur avoir fait croire à tort qu'ils pourraient bénéficier des dispositions transitoires de la loi [H].

Ainsi que le relève la société Financière Du Cèdre, la société Réalisations Économiques et Industrielles a utilisé des documents inexacts en faisant croire que le bateau était construit à une date où il ne l'était pas, ce qui ne permettait pas aux investisseurs de bénéficier des déductions fiscales.

Il s'ensuit que la société Réalisations Économiques et Industrielles a également engagé sa responsabilité contractuelle.





Sur le préjudice.





Les époux [S] demandent la restitution des sommes investies soit 160 071,46 euros, les frais exposés pour la souscription du prêt bancaire d'un montant de 21 215,44 euros, une somme de 151 208 euros au titre des redressements fiscaux, ainsi qu'un préjudice moral de 15 000 euros.



Leur demande en nullité de la convention ayant été rejetée, il n'y a pas lieu de faire droit à la restitution des sommes investies, ainsi qu'à la restitution des frais exposés pour la souscription du prêt bancaire.



C'est à juste titre que les époux [S] font valoir qu'ils n'auraient pas investi dans des parts de navire si celles-ci ne présentaient pas des avantages fiscaux À ce titre, ils exposent qu'ils auraient pu, si le montage critiqué ne s'était pas avéré frauduleux, faire une économie totale d'impôt d'un montant de 151 208 euros.

Les redressements fiscaux contiennent à la fois des sommes dues à titre principal pour absence de déductibilité ainsi que des majorations, étant précisé que les pénalités au titre de l'année 1996 s'élèvent à 19 449 euros et au titre des années suivantes à 6361 euros.



Ainsi les époux [S] ont perdu une chance si leur investissement ne s'était pas révélé être frauduleux, de bénéficier des dispositions de la loi [H] et, de réaliser une économie d'impôt, ils auraient également échappé aux majorations et pénalités.

En conséquence, sachant que l'économie escomptée aurait été au maximum de 125.398 euros, et que ce type d'opération n'est pas exempt d'aléa, leur préjudice sera retenu à hauteur de 25.810 correspondant aux majorations et pénalités, ainsi qu'à une somme de 87.778,6 euros, correspondant à 60 % de la somme de 125 398 euros, au titre de la perte d'une chance de bénéficier de déductions fiscales, soit au total 113 588,60 euros.



La société Financière Du Cèdre ainsi que la société Réalisations Économiques Et Industrielles ayant toutes deux concouru au dommage subi par les époux [S], il convient donc, infirmant le jugement, de les condamner in solidum au paiement de cette somme.



Les époux [S] seront déboutés de leur demande au titre du préjudice moral dont il ne rapportent pas la preuve.







Sur la garantie des autres intervenants.



La société Financière Du Cèdre demande la condamnation in solidum de la société OCEA, de la société Marigot Shipping Compagnie et de MM. [Y] et [F] à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre.



Elle fait valoir que les concepteurs de l'opération étaient la société Réalisations Économiques Et Industrielles, la société Marigot Shipping Compagnie, MM. [Y] et [F] et que ceux-ci ne pouvaient ignorer que le bateau n'existait pas et n'avait même pas été réellement payé pour 50 % de la valeur à la date du 31 décembre 1995.

Elle souligne qu'ils auraient dû s'apercevoir que les documents de la société OCEA étaient inexacts et leur reproche de les avoir utilisés délibérément pour faire croire au sérieux et à la fiabilité de l'opération de défiscalisation.



Par ailleurs, la société Financière du Cèdre indique que la société OCEA était non seulement le constructeur d'un navire, mais qu'elle était impliquée dès l'origine dans l'opération critiquée, puisqu'elle a participé à la construction d'un autre navire Makaira, pour des opérations de défiscalisation, ainsi qu'il résulte d'un courrier de la société OCEA du 18 novembre 1997.

La société Financière du Cèdre verse également aux débats un jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 7 novembre 2011 et un jugement du tribunal de Grande instance des Sables d'Olonne du 14 décembre 2012 condamnant la société OCEA pour la délivrance d'attestations de complaisance relatives à d'autres navires, destinées à permettre le dégrèvement fiscal escompté par des acheteurs de quirats, mais dont l'absence de réalité a été démontrée, dans d'autres dossiers et pour d'autres d'opération de défiscalisation, par l'administration fiscale.



C'est donc la délivrance de pièces inexactes qui a permis le montage fictif et qui a accrédité dans l'esprit de la société Financière Du Cèdre, comme dans celle des investisseurs, le principe d'une opération qui semblait en apparence régulière et permettait des avantages fiscaux, mais dont la réalité était différente.

Il s'ensuit que la société OCEA a commis une faute en fournissant de fausses indications et cette faute est en lien direct avec le préjudice subi par les époux [S], de sorte que sa responsabilité se trouve engagée.



En première instance, la société Réalisations Économiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Compagnie, MM. [Y] et [F] et la société OCEA ont été condamnés à garantir la société Financière Du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre.

Ceux-ci n'ont pas conclu devant la présente cour, de sorte qu'aucun élément ne permet d'écarter ou d'atténuer leur responsabilité en tant que constructeur du navire ayant fourni de fausses indications et attestations, ainsi en qualité de concepteur du projet frauduleux. Chacune de ces parties ayant concouru au dommage, il y a lieu de les condamner in solidum à garantir la société Financière du Cèdre des condamnations prononcées à son encontre, étant précisé cependant, qu'il convient de retenir que la société Financière du Cèdre a commis elle-même, en sa qualité d'intermédiaire, des fautes de négligence, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges n'ont condamné la société Marigot Shipping Compagnie, MM. [Y] et [F] et la société OCEA à garantir la société Financière Du Cèdre qu'à hauteur de 80 % condamnations prononcées à son encontre.





Sur la responsabilité du notaire.



Aucune demande n'étant formulée à l'encontre de Me [O], de la Scp [O] et de ses assureurs, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Financière Du Cèdre de sa demande en garantie à leur encontre.

Les compagnies d'assurances, qui ne démontrent pas l'existence d'une légèreté blâmable ou d'une intention de nuire, seront déboutées de leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive.





Sur les dépens et les frais hors dépens.



La société Financière Du Cèdre et la société Réalisations Economiques et Industrielles seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer aux époux [S] une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Marigot Shipping Compagnie, MM. [Y] et [F] et la société OCEA seront condamnés in solidum à garantir la société Financière Du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations aux dépens, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de débouter Me [O], la Scp [O], ainsi que leurs assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.





PAR CES MOTIFS



Infirme le jugement,



Statuant à nouveau,



Rejette la demande des époux [S] tendant à la nullité de l'acte d'acquisition des quirats,

Condamne in solidum la société Financière Du Cèdre et la société Réalisations Économiques Et Industrielles à payer à M. et Mme [S] une somme de 113 588,60 euros au titre du remboursement des pénalités ainsi qu'au titre de la perte de chance de bénéficier des dispositions fiscales de la loi dite [H],



Condamne sous la même solidarité la société Marigot Shipping Compagnie, MM. [Y] et [F] et la société OCEA à garantir la société Financière Du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre,



Déboute les époux [S] de leur demande de dommages intérêts au titre du préjudice moral,



Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Financière Du Cèdre de sa demande en garantie à l'encontre de Me [O], de la Scp [O] et de ses assureurs,



Déboute les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande de dommages intérêts pour procédure abusive,



Condamne in solidum la société Financière Du Cèdre et la société Réalisations Economiques et Industrielles aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,



Les condamne également, sous la même solidarité, à payer aux époux [S] la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne in solidum la société Marigot Shipping Compagnie, MM. [Y] et [F] et la société OCEA à garantir la société Financière Du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations aux dépens, ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute Me [O], de la Scp [O], ainsi que leurs assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.











LE GREFFIER LE PRESIDENT

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.