17 February 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-13.917

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00243

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 17 février 2021




Cassation partielle


M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 243 F-D

Pourvoi n° R 20-13.917



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 FÉVRIER 2021

Mme X... S..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° R 20-13.917 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1, chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Lidl, société en nom collectif, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme S..., de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Lidl, après débats en l'audience publique du 6 janvier 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 25 octobre 2019), Mme S... a été engagée le 23 août 1999 par la société Lidl, en qualité d'adjoint acheteur régional. Elle a été promue, le 11 septembre 2006, au poste d'acheteur régional. Dans le dernier état de la relation contractuelle, elle était affectée sur le site de Baziège (31).

2. Licenciée le 7 mars 2011, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et de repos compensateurs, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences découlant des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, a retenu que la salariée produit un tableau récapitulatif des horaires qu'elle soutient avoir effectués, une attestation d'un collègue et l'attestation de son mari, ainsi que des mails, mais a estimé que ces éléments sont approximatifs et contradictoires et ne sont pas suffisants pour étayer sa demande au titre des heures supplémentaires, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, en violation de l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

4. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

5. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

6. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

7. Pour débouter la salariée de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et de repos compensateurs, l'arrêt retient que l'intéressée produit un tableau duquel il résulte qu'elle arrivait toujours à 7 heures 30 et repartait de son travail toujours à 19 heures, avec 1 heure de pause dont l'horaire n'est pas fixé, mais reconnaît que ce document ne peut être qu'approximatif, qu'elle produit également une attestation d'un collègue qui travaillait sur le site du Rousset et n'a donc aucune pertinence sur les horaires effectués sur le site de Baziège, que l'attestation de son mari ne coïncide pas avec le tableau puisqu'il évoque des appels téléphoniques de son épouse à son bureau après 20 heures, que les mails produits par la salariée ont été envoyés avant 8 heures du matin ou après 19 heures le soir, que les éléments apportés par la salariée, comme elle le reconnaît elle-même dans ses écritures, sont approximatifs et que ces éléments sont contradictoires et insuffisants pour étayer la demande d'heures supplémentaires.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la seule salariée, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt relatives au rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, ainsi qu'aux repos compensateurs, entraîne la cassation du chef de dispositif relatif à l'indemnité de procédure fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme S... de ses demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, et de repos compensateurs, et en ce qu'il la condamne au paiement d'une indemnité de procédure au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Lidl aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Lidl et la condamne à payer à Mme S... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme S...


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme S... de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires et des congés payés afférents et de paiement de repos compensateurs ;

Aux motifs que « Mme S... produit un tableau duquel il résulte qu'elle arrivait toujours à 7h30 et repartait de son travail toujours à 19 heures, avec 1 heure de pause dont l'horaire n'est pas fixé, mais reconnaît que ce document ne peut qu'être approximatif.

La salariée produit également une attestation d'un collègue qui travaillait sur le site du Rousset et n'a donc aucune pertinence sur les horaires effectués sur le site de Baziège.

L'attestation du mari de Mme S... ne coïncide pas avec le tableau puisqu'il évoque des appels téléphoniques de son épouse à son bureau après 20 heures. Les mails produits par Mme S... ont été envoyés avant 8 heures du matin ou après 19 heures le soir.

Les éléments apportés par Mme S..., comme elle le reconnaît elle-même dans ses écritures, sont approximatifs. La cour retient en outre que ces éléments sont contradictoires et qu'ils ne sont pas suffisants pour étayer la demande d'heures supplémentaires.

L'appelante sera donc déboutée de la demande en paiement des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.

(
)

En l'absence d'heures supplémentaires, il n'y a pas dépassement du contingent annuel et donc pas d'ouverture du droit à des repos compensateurs obligatoires. Mme S... sera déboutée de sa demande formée au titre des repos compensateurs » ;

Alors qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences découlant des articles L. 3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, pour débouter la salariée de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, a retenu que la salariée produit un tableau récapitulatif des horaires qu'elle soutient avoir effectués, une attestation d'un collègue et l'attestation de son mari, ainsi que des mails, mais a estimé que ces éléments sont approximatifs et contradictoires et ne sont pas suffisants pour étayer sa demande au titre des heures supplémentaires, a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, en violation de l'article L. 31171-4 du code du travail.

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