3 February 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-12.255

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C100112

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 3 février 2021




Cassation partielle sans renvoi


Mme BATUT, président



Arrêt n° 112 F-D

Pourvoi n° P 19-12.255






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 3 FÉVRIER 2021

La société De Kernaonet, exploitation agricole à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° P 19-12.255 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société Triskalia, société civile agricole, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société De Kernaonet, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de la société Triskalia, après débats en l'audience publique du 8 décembre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Avel, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2018), suivant contrat du 30 mars 2008, la société Sica Eolis, aux droits de laquelle vient la société Triskalia (le vendeur), a vendu à la société De Kernaonet (l'acquéreur) un racleur à fumier hydraulique et soixante-douze logettes pour un montant total de 26 300 euros hors taxes.

2. Un expert a été désigné par ordonnance du juge des référés rendue, le 21 juillet 2009, à la demande de l'acquéreur qui invoquait l'existence de dysfonctionnements à la suite de l'installation du matériel.

3. Par acte du 16 décembre 2013, le vendeur a assigné l'acquéreur en paiement. Celui-ci a opposé la prescription et sollicité, à titre reconventionnel, la résolution de la vente aux torts du vendeur et l'indemnisation de son préjudice.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter comme étant prescrite sa demande en résolution de la vente ainsi que toutes les demandes indemnitaires subséquentes, alors « que l'action en responsabilité de l'installateur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en se bornant à relever que l'action en garantie des vices cachés était prescrite, sans rechercher si les manquements du vendeur ne pouvaient faire l'objet, dans un délai de cinq ans, d'une action en responsabilité fondée sur la qualité d'installateur de ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2010-131 du 10 février 2010, ensemble l'article 2224 du même code. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, qui était seulement saisie par l'acquéreur d'une demande de résolution de la vente fondée sur la garantie des vices cachés ou sur un défaut de conformité, n'était pas tenue de rechercher si le vendeur avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dès lors que cette recherche ne lui était pas demandée et que ce texte n'était pas invoqué.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter comme étant prescrite sa demande en résolution de la vente, alors « que l'exception fondée sur l'inexécution est perpétuelle et peut être invoquée à tout moment en défense à une action tendant à l'exécution du contrat ; qu'en jugeant que l'action en résolution de l'acquéreur était prescrite, quand ce dernier opposait à l'action en paiement formée par le vendeur une exception fondée sur l'inexécution de son obligation, qui pouvait être opposée à tout moment, la cour d'appel a violé le principe selon lequel l'exception est perpétuelle. »

Réponse de la Cour

8. Contrairement aux énonciations du moyen selon lequel l'acquéreur s'est borné à opposer une exception fondée sur l'inexécution de son obligation par le vendeur, la cour d'appel a constaté qu'il avait sollicité reconventionnellement la résolution du contrat aux torts du vendeur et formé différentes demandes consécutives à son prononcé au titre du retrait de l'installation, de la remise en état des lieux et du paiement de certaines sommes.

9. Il s'ensuit que le moyen manque en fait.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au vendeur la somme de 22 978 euros, alors « que la suspension de la prescription résultant de l'accueil d'une demande de mesure d'instruction in futurum ne profite qu'à la partie qui l'a formulée ; qu'en jugeant que l'action en paiement formée par le vendeur contrat l'acquéreur n'était pas prescrite aux motifs que la mesure d'instruction ordonnée par le juge des référés avait suspendu le cours de la prescription, quand elle relevait elle-même que cette mesure d'instruction avait été sollicitée par l'acquéreur, de sorte que la suspension de la prescription qui en résultait ne profitait qu'à ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 2239 du code civil, ensemble l'article 2241 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2239 et 2241 du code civil :

11. Selon le premier de ces textes, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Selon le second, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

12. Il en résulte que la suspension de la prescription, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, qui fait, le cas échéant, suite à l'interruption de cette prescription au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé et tend à préserver les droits de la partie ayant sollicité celle-ci durant le délai de son exécution, ne joue qu'à son profit.

13. Pour condamner l'acquéreur à payer une certaine somme au vendeur, l'arrêt retient que l'expert a déposé son rapport le 7 décembre 2011 et qu'en raison de la suspension de la prescription intervenue, l'action en paiement formée par le vendeur le 16 décembre 2013 n'est pas prescrite.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. En l'absence de suspension de la prescription, l'action en paiement formée par le vendeur est prescrite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande indemnitaire pour résistance abusive formée par la société Triskalia, l'arrêt rendu le 9 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare prescrite l'action en paiement de la somme de 22 978 euros formée par la société Triskalia ;

Condamne la société Triskalia aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société De Kernaonet

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'EARL De Kernaonet à payer à la société Triskalia, venant aux droits de la société Sica Eolys, la somme de 22 978 euros ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de vente signé le 30 mars 2008, portant d'une part sur 72 logettes pour 5 084 euros HT et d'autre part sur un racleur CRD pour 21 215 euros HT, soit au total 26 300 euros HT, précise que la livraison est prévue début juin 2008 et le règlement au montage ; qu'il ressort du rapport d'expertise que suite à des retards dans l'exécution de la maçonnerie, le rail d'entraînement du racleur n'a été posé que le 17 novembre 2008 pour une mise en oeuvre du 23 au 28 novembre 2008 ;
qu'il ressort du jugement dont appel que les parties s'accordent d'une part sur un délai de prescription de cinq ans et d'autre part sur le point de départ de ce délai qu'elles fixent au 30 mars 2008, à savoir la date du contrat ; que pour déclarer la société Triskalia irrecevable en sa demande en paiement en raison de la prescription, le premier juge a écarté les dispositions de l'article 2239 du code civil au motif que l'expertise ordonnée par le juge des référés le 21 juillet 2009 avait été sollicitée par la partie adverse et portait sur l'existence des désordres affectant le matériel vendu dont se plaignait cette dernière, et que la demande en paiement n'avait été présentée pour la première fois que par assignation du 16 décembre 2013 ; que le point de départ du délai de prescription et sa durée ne sont pas remis en cause en appel ; que l'article 2239 précité prévoit que la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, et que le délai recommence à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée, et pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois ; qu'étant rappelé que l'installation a été mise en oeuvre du 23 au 28 novembre 2008 et la facture émise le 30 décembre 2008 pour une date de livraison la veille 29, il ressort du rapport d'expertise que dès le 29 décembre 2008 une visite a été effectuée à la demande de l'éleveur pour des dysfonctionnements, qu'au terme de plusieurs réunions techniques avec l'installateur et le fournisseur de matériel aucune solution technique n'a été trouvée ayant l'accord de l'éleveur, qui dans ce contexte refusait tout règlement financier, que la société Sica Eolys aurait alors fait assigner l'Earl de Kernaonet en paiement le 12 juin 2009, laquelle en réaction a fait assigner la société Sica Eolys en référé afin de voir ordonner une mesure d'expertise ; que par acte du 12 juin 2009, l'Earl de Kernaonet a fait assigner la société Sica Eolys en référé aux fins de voir ordonner une expertise du racleur à lisier sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, et par ordonnance de référé du 21 juillet 2009 une expertise a été ordonnée ; comme l'observe l'appelante, la mission de l'expert judiciaire prévoit d'établir un compte entre les parties ; que par acte du 18 novembre 2009, la société Sica Eolys a fait assigner la société CRD devant le juge des référés aux fins de lui voir rendre communes et opposables les opérations d'expertise, ce à quoi il a été fait droit par ordonnance en date du 22 décembre 2009 ; que l'expert a clos son rapport le 07 décembre 2011 ; que ce faisant, les dispositions de l'article 2239 du code civil doivent trouver application, et l'action en paiement de la société Triskalia, venant aux droits de la société Sica Eolys, par acte du 16 décembre 2013 n'est pas prescrite y compris en retenant comme point de départ le 30 mars 2008 ; que par conséquent le jugement dont appel sera infirmé sur ce chef, et l'Earl de Kernaonet sera condamnée à payer à l'appelante la somme de 22 978 euros conformément à sa demande ;

1°) ALORS QUE la suspension de la prescription résultant de l'accueil d'une demande de mesure d'instruction in futurum ne profite qu'à la partie qui l'a formulée ; qu'en jugeant que l'action en paiement formée par la société Triskalia contrat l'EARL De Kernaonet n'était pas prescrite aux motifs que la mesure d'instruction ordonnée par le juge des référés avait suspendu le cours de la prescription (arrêt, p. 4, al. 4), quand elle relevait elle-même que cette mesure d'instruction avait été sollicitée par l'EARL De Kernaonet (arrêt, p. 4, al. 2), de sorte que la suspension de la prescription qui en résultait ne profitait qu'à cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 2239 du code civil, ensemble l'article 2241 du même code ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, la suspension de la prescription résultant de l'accueil d'une demande de mesure d'instruction in futurum ne joue qu'à l'encontre de la partie contre laquelle la demande était dirigée ; qu'en jugeant que l'action en paiement formée par la société Triskalia contre l'EARL De Kernaonet n'était pas prescrite aux motifs que la mesure d'instruction ordonnée par le juge des référés avait suspendu le cours de la prescription (arrêt, p. 4, al. 4), quand elle retenait elle-même que la société Triskalia n'avait fait que solliciter l'extension de la mesure d'instruction à la société CRD (arrêt, p. 4, al. 3), de sorte que la suspension de la prescription ne pouvait jouer à l'encontre de l'EARL De Kernaonet, la cour d'appel a violé l'article 2239 du code civil, ensemble l'article 2241 du même code.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté comme étant prescrite la demande en résolution de la vente formée par l'EARL De Kernaonet ainsi que toutes les demandes subséquentes ;

AUX MOTIFS QUE l'Earl de Kernaonet sollicitait reconventionnellement en première instance la résolution de la vente sur le fondement des articles 1184 (ancien) et 1603 du code civil, et le jugement dont appel a fait droit à cette demande en se fondant sur le rapport d'expertise judiciaire et en considérant que la défectuosité du matériel était imputable au vendeur-installateur, tenu de livrer une chose conforme à celle commandée, ce qui n'était pas le cas en l'espèce dans la mesure où dès la fin du mois de décembre 2008, soit un mois seulement après la mise en service de l'installation, l'Earl de Kernaonet signalait les premiers dysfonctionnements, et au regard de la gravité de ces dysfonctionnements affectant l'installation, qui n' ont jamais cessé malgré plusieurs interventions du vendeur pour tenter d'y remédier et ont contraint l'exploitant à devoir renoncer à utiliser le matériel ; que devant la cour, l'appelante sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions en faisant valoir d'une part que la demande de résolution n'est fondée ni en droit ni en fait, qu'elle a respecté son obligation de conseil et de délivrance conforme, a toujours proposé une solution réparatoire qui a toujours été refusée par l'Earl de Kernaonet, et qu'en tout état de cause une action fondée sur la résolution de la vente devait être intentée sur les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil, à savoir pour vices cachés ou défaut de délivrance conforme, ces actions étant sanctionnées non par la prescription mais par la forclusion, à laquelle la suspension de la prescription de l'article 2239 du code civil n'est pas applicable, la demande en résolution étant en définitive forclose et irrecevable ; que l'Earl de Kernaonet sollicite la confirmation de la décision en faisant valoir que le vendeur installateur est tenu de délivrer une chose conforme à sa destination normale, et qu'à défaut elle est bien fondée à solliciter l'annulation de la vente sur le fondement des articles 1184 et 1603 du code civil ; que le contrat de vente du 30 mars 2008 porte sur "72 logettes" et sur un "racleur CRD", suivant devis n° 36, lequel est détaillé ; qu'il est constant que la société Sica Eolys, aux droits de laquelle vient la société Triskalia, a bien fourni et installé un "racleur CRD", étant rappelé que la société Concept Rolland Développement (la société CRD), fabricant du matériel, a été appelée aux opérations d'expertise à l'initiative de la société Sica Eolys ; qu'aux termes de ses conclusions (page 26) l'expert judiciaire : - n'a pas constaté de défauts de conception, mais des désordres ergonomiques, structurels et de fonctionnement, et des malfaçons, - ergonomiques : il met en cause le plan d'implantation, lequel n 'a pas prévu un recul suffisant pour permettre aux tracteurs et à leurs équipements de pénétrer sans dommage sur les aires d'exercices raclées par les équipements litigieux, - structurels :l'éleveur a été obligé d'intervenir à plusieurs reprises sur des éléments soudés, - fonctionnement : il a été relevé des faiblesses liées au fait que l'installation se met intempestivement en sécurité ou que le rabot "patine" (il n'avance ni ne recule (..) pas suffisamment sur un pas), - malfaçons : oubli dans le "U de scellement" des goujons dont les têtes dépassent, des soudures mal réalisées sur le rail d'entraînement ; qu'il poursuit en indiquant qu'il n'a pas été en demeure d'effectuer des constats complets, les équipements litigieux n'ayant pas été déposés et compte tenu de la présence de déjections, qu'il a invité les parties à l'alerter sur tout constat nouveau lors de la dépose des matériaux litigieux dans l'hypothèse où les solutions palliatives étaient susceptibles d'intervenir à bref délai, mais que dans une situation de blocage, aucune solution palliative n'a été mise en oeuvre d'où le dépôt de son rapport en l'état des constats effectués lors des deux déplacements ; que concernant les causes et responsabilités (pages 22 et 23), l'expert judiciaire suggère au tribunal de retenir la responsabilité de la société Sica Eolys dans les défauts de mise en oeuvre, dont l'oubli des goujons dans le rail de scellement et les défauts de soudure, ainsi que le non pris en compte des défauts de planéité du sol existant ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que, comme le soutient elle-même l'Earl de Kernaonet, son action est fondée sur l'absence de délivrance d'une chose conforme à sa destination normale, qui ressortit à la garantie des vices cachés, et non pas à l'inexécution de l'obligation de délivrance de la chose conforme aux spécifications convenues par les parties ; qu'or le rapport d'expertise judiciaire a été clos le 07 décembre 2011 ; que la société Triskalia a fait assigner l'Earl de Kernaonet en paiement par acte du 16 décembre 2013, laquelle a sollicité reconventionnellement la résolution de la vente, nécessairement au-delà du délai de deux ans de la découverte du vice prévu par l'article 1648 du code civil ; que son action reconventionnelle en résolution est irrecevable pour cause de forclusion et le jugement dont appel sera également infirmé sur ce chef et ses suites directes, de même que sur celui des dommages et intérêts subséquents ; que ce faisant, l'Earl de Kernaonet sera déboutée de son appel incident sur le montant des dommages et intérêts ;

ALORS QUE l'action en responsabilité de l'installateur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le demander a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en se bornant à relever que l'action en garantie des vices cachés était prescrite (arrêt, p. 5, pén. al.), sans rechercher si les manquements de la société Triskalia ne pouvaient faire l'objet, dans un délai de cinq ans, d'une action en responsabilité fondée sur la qualité d'installateur de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2010-131 du 10 février 2010, ensemble l'article 2224 du même code.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté comme étant prescrite la demande en résolution de la vente formée par l'EARL De Kernaonet ainsi que toutes les demandes subséquentes ;

AUX MOTIFS QUE l'Earl de Kernaonet sollicitait reconventionnellement en première instance la résolution de la vente sur le fondement des articles 1184 (ancien) et 1603 du code civil, et le jugement dont appel a fait droit à cette demande en se fondant sur le rapport d'expertise judiciaire et en considérant que la défectuosité du matériel était imputable au vendeur-installateur, tenu de livrer une chose conforme à celle commandée, ce qui n'était pas le cas en l'espèce dans la mesure où dès la fin du mois de décembre 2008, soit un mois seulement après la mise en service de l'installation, l'Earl de Kernaonet signalait les premiers dysfonctionnements, et au regard de la gravité de ces dysfonctionnements affectant l'installation, qui n' ont jamais cessé malgré plusieurs interventions du vendeur pour tenter d'y remédier et ont contraint l'exploitant à devoir renoncer à utiliser le matériel ; que devant la cour, l'appelante sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions en faisant valoir d'une part que la demande de résolution n'est fondée ni en droit ni en fait, qu'elle a respecté son obligation de conseil et de délivrance conforme, a toujours proposé une solution réparatoire qui a toujours été refusée par l'Earl de Kernaonet, et qu'en tout état de cause une action fondée sur la résolution de la vente devait être intentée sur les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil, à savoir pour vices cachés ou défaut de délivrance conforme, ces actions étant sanctionnées non par la prescription mais par la forclusion, à laquelle la suspension de la prescription de l'article 2239 du code civil n'est pas applicable, la demande en résolution étant en définitive forclose et irrecevable ; que l'Earl de Kernaonet sollicite la confirmation de la décision en faisant valoir que le vendeur installateur est tenu de délivrer une chose conforme à sa destination normale, et qu'à défaut elle est bien fondée à solliciter l'annulation de la vente sur le fondement des articles 1184 et 1603 du code civil ; que le contrat de vente du 30 mars 2008 porte sur "72 logettes" et sur un "racleur CRD", suivant devis n° 36, lequel est détaillé ; qu'il est constant que la société Sica Eolys, aux droits de laquelle vient la société Triskalia, a bien fourni et installé un "racleur CRD", étant rappelé que la société Concept Rolland Développement (la société CRD), fabricant du matériel, a été appelée aux opérations d'expertise à l'initiative de la société Sica Eolys ; qu'aux termes de ses conclusions (page 26) l'expert judiciaire : - n'a pas constaté de défauts de conception, mais des désordres ergonomiques, structurels et de fonctionnement, et des malfaçons, - ergonomiques : il met en cause le plan d'implantation, lequel n 'a pas prévu un recul suffisant pour permettre aux tracteurs et à leurs équipements de pénétrer sans dommage sur les aires d'exercices raclées par les équipements litigieux, - structurels :l'éleveur a été obligé d'intervenir à plusieurs reprises sur des éléments soudés, - fonctionnement : il a été relevé des faiblesses liées au fait que l'installation se met intempestivement en sécurité ou que le rabot "patine" (il n'avance ni ne recule (..) pas suffisamment sur un pas), - malfaçons : oubli dans le "U de scellement" des goujons dont les têtes dépassent, des soudures mal réalisées sur le rail d'entraînement ; qu'il poursuit en indiquant qu'il n'a pas été en demeure d'effectuer des constats complets, les équipements litigieux n'ayant pas été déposés et compte tenu de la présence de déjections, qu'il a invité les parties à l'alerter sur tout constat nouveau lors de la dépose des matériaux litigieux dans l'hypothèse où les solutions palliatives étaient susceptibles d'intervenir à bref délai, mais que dans une situation de blocage, aucune solution palliative n'a été mise en oeuvre d'où le dépôt de son rapport en l'état des constats effectués lors des deux déplacements ; que concernant les causes et responsabilités (pages 22 et 23), l'expert judiciaire suggère au tribunal de retenir la responsabilité de la société Sica Eolys dans les défauts de mise en oeuvre, dont l'oubli des goujons dans le rail de scellement et les défauts de soudure, ainsi que le non pris en compte des défauts de planéité du sol existant ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que, comme le soutient elle-même l'Earl de Kernaonet, son action est fondée sur l'absence de délivrance d'une chose conforme à sa destination normale, qui ressortit à la garantie des vices cachés, et non pas à l'inexécution de l'obligation de délivrance de la chose conforme aux spécifications convenues par les parties ; qu'or le rapport d'expertise judiciaire a été clos le 07 décembre 2011 ; que la société Triskalia a fait assigner l'Earl de Kernaonet en paiement par acte du 16 décembre 2013, laquelle a sollicité reconventionnellement la résolution de la vente, nécessairement au-delà du délai de deux ans de la découverte du vice prévu par l'article 1648 du code civil ; que son action reconventionnelle en résolution est irrecevable pour cause de forclusion et le jugement dont appel sera également infirmé sur ce chef et ses suites directes, de même que sur celui des dommages et intérêts subséquents ; que ce faisant, l'Earl de Kernaonet sera déboutée de son appel incident sur le montant des dommages et intérêts ;

ALORS QUE l'exception fondée sur l'inexécution est perpétuelle et peut être invoquée à tout moment en défense à une action tendant à l'exécution du contrat ; qu'en jugeant que l'action en résolution de l'EARL De Kernaoenet était prescrite (arrêt, p. 6, al. 8), quand cette dernière opposait à l'action en paiement formée par la société Triskalia, une exception fondée sur l'inexécution de son obligation, qui pouvait être opposée à tout moment, la cour d'appel a violé le principe selon lequel l'exception est perpétuelle.

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