4 February 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-16.795

Deuxième chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2021:C200109

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 février 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 109 FS-D

Pourvoi n° Y 19-16.795





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 FÉVRIER 2021

1°/ M. J... N..., domicilié [...] ,

2°/ la société [...] , société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,

ont formé le pourvoi n° Y 19-16.795 contre l'arrêt rendu le 20 mars 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des déférés), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Axa France Iard, société anonyme, dont le siège est [...] ,

2°/ à M. R... O..., domicilié [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Maunand, conseiller, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. N... et de la société [...] , de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. O..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 16 décembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Maunand, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, Mmes Kermina, Durin-Karsenty, M. Fulchiron, conseillers, M. de Leiris, Mmes Lemoine, Bohnert, M. Cardini, Mme Dumas, conseillers référendaires, M. Girard, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 20 mars 2019), M. N... a interjeté appel, le 26 octobre 2017, d'un jugement d'un tribunal de grande instance rendu le 14 septembre 2017. Il a déposé des conclusions le 16 janvier 2018.

2. M. N... a, le 12 juillet 2017, fait apport de son entreprise individuelle d'exercice de la profession de chirurgien-dentiste à la Selarl [...] (la Selarl) qui a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 27 octobre 2017. La Selarl est intervenue volontairement à l'instance par conclusions déposées le 31 mai 2018 reprenant les demandes de M. N....

3. Par ordonnance du 20 novembre 2018, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident de caducité de la déclaration d'appel de M. N..., a prononcé celle-ci. La décision a été déférée à la cour d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. N... et la Selarl font grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel du 26 octobre 2017, alors :

« 1°/ que la déclaration d'appel n'est frappée de caducité que si l'appelant n'a pas déposé ses conclusions dans le délai de trois mois à compter de cette déclaration ; qu'après avoir constaté que M. N..., appelant, avait déposé ses conclusions d'appel le 16 janvier 2018, soit dans le délai de trois mois suivant sa déclaration d'appel en date du 26 octobre 2017, la cour d'appel ne pouvait, sans violer, par fausse application, l'article 908 du code de procédure civile, juger que sa déclaration est caduque ;

2°/ que la perte par l'appelant de sa qualité pour agir, au cours de l'instance d'appel, n'est sanctionnée que par l'irrecevabilité de ses demandes et non par la caducité de sa déclaration d'appel, laquelle ne sanctionne que l'absence de dépôt de ses conclusions dans le délai de trois mois suivant cette déclaration ; qu'en retenant, pour dire caduque la déclaration d'appel de M. N... le 26 octobre 2017, qu'il avait perdu la qualité pour agir au moment du dépôt des conclusions le 16 janvier 2018, la cour d'appel a violé les articles 122 et 908 du code de procédure civile, le premier par refus d'application et le second par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 122 et 908 du code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Il résulte du second de ces textes qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de celle-ci pour remettre ses conclusions au greffe.

6. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel formée le 26 octobre 2017 par M. N..., l'arrêt retient que, si M. N... avait toujours qualité pour agir lorsqu'il a déposé sa déclaration d'appel, il n'avait plus qualité pour déposer en son nom propre des conclusions, le 16 janvier 2018, constatant que celui-ci a apporté la propriété des biens, droits, obligations et dettes à la Selarl immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 27 octobre 2017.

7. Il ajoute que la société, qui venait aux droits de M. N..., n'a pas interjeté appel dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement querellé et que le fait allégué par la Selarl, que le sort de l'intervention volontaire n'était pas lié à celui de l'action principale lorsque l'intervenant principal se prévaut d'un droit propre qu'il est seul habilité à exercer, est sans conséquence sur le fait que la seule personne sous le nom de laquelle ont été déposées les conclusions du 16 janvier 2018 n'avait plus qualité pour agir à cette date et que le nom de la personne morale venant à ses droits n'y figurait pas.

8. En statuant ainsi alors qu'elle avait constaté que M. N... avait déposé ses conclusions dans le délai de trois mois à compter de sa déclaration d'appel et qu'il avait perdu sa qualité à agir par l'effet de l'apport à la Selarl de son entreprise individuelle, de sorte que la caducité de cette déclaration d'appel ne pouvait être prononcée qu'après que les conclusions aient été déclarées irrecevables, la cour d'appel qui, saisie sur déféré, n'avait pas le pouvoir de statuer sur une telle fin de non-recevoir, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne M. O... et la société Axa France Iard aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. O... et le condamne à payer avec la société Axa France Iard à M. N... et la Selarl [...] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du quatre février deux mille vingt et un et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. N... et la société [...]

M. N... et la SELARL [...] font grief à l'arrêt attaqué

D'AVOIR déclaré caduque la déclaration d'appel du 26 octobre 2017 et dit qu'elle emporte extinction de l'instance et dessaisissement de la cour et rend sans objet la demande relative à l'intervention volontaire ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. N... avait toujours qualité pour agir lorsqu'il a déposé sa déclaration d'appel, mais qu'il n'avait plus qualité pour déposer en son nom propre des conclusions le 16 janvier 2018 ; que l'article 6 des statuts de la SELARL [...] dispose que cette société « aura la propriété des droits, biens, obligations et dettes apportés à compter de son immatriculation au Registre du commerce et des sociétés », immatriculation intervenue le 27 octobre 2017 ; que la société qui venait aux droits de M. N... n'a pas interjeté appel dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement querellé ; que le fait, allégué par la partie requérante, que le sort de l'intervention volontaire n'est pas lié à celui de l'action principale lorsque l'intervenant principal se prévaut d'un droit propre qu'il est seul habilité à exercer est sans conséquence sur le fait que la seule personne sous le nom de laquelle ont été déposées les conclusions du 16 janvier 2018 n'avait plus qualité pour agir à cette date, et le nom de la personne morale venant à ses droits n'y figurait pas » ;

Et AUX MOTIFS ADOPTES QUE « les défendeurs à l'incident ne peuvent être suivis en ce qu'ils opposent à ce moyen de caducité le fait qu'il est présenté sans fondement juridique car tel n'est pas le cas ; qu'ils ne peuvent l'être davantage lorsqu'ils affirment que M. N... a parfaitement respecté les dispositions des articles 908 et suivants du code de procédure civile, en particulier les délais réglementaires, car, de la même façon que lorsqu'ils invoquent le principe selon lequel le droit d'appel n'appartient qu'aux parties à la première instance si elles y ont intérêt ou l'adage selon lequel « nul ne plaide par procureur », ils omettent de débattre du moyen tiré des effets juridiques de la transmission de droits telle qu'intervenue au cours de l'instance d'appel ; que l'article 908 précité conditionne l'exercice du droit de poursuivre l'instance d'appel à l'accomplissement d'un acte procédural, à savoir la remise au greffe par l'appelant de conclusions dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel ; qu'en l'espèce, des conclusions d'appel ont certes fait l'objet d'une remise au greffe dans le délai requis ; que force est toutefois de considérer, sans que cela ne soit contesté, que lesdites concisions au fond ont été remises au seul nom de M. N... à titre personnel alors qu'il n'était plus titulaire du droit d'agir relativement à l'intérêt visé, en en ayant transmis conventionnellement le bénéfice à la Selarl [...] , disposant de sa propre personnalité morale, inscrite au registre du commerce et des sociétés au lendemain de la déclaration d'appel et qui n'est intervenue volontairement à l'instance à titre principal que le 31 mai 2018 ; qu'à cet égard, c'est par motifs inopérants que les défendeurs à l'incident se prévalent d'un transfert dépendant de la date d'autorisation du conseil de l'ordre, effective le 10 octobre 2017, dès lors qu'il ne concerne, aux termes de la clause précitée, que les opérations afférentes à l'exploitation du cabinet dentaire et qu'en toute hypothèse, cette autorisation est antérieure à l'accomplissement de l'acte de procédure litigieux ; qu'il suit de là qu'il échet de faire droit à la demande tendant à voir constater la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Axa France Iard, laquelle fait perdre son efficacité à cette déclaration, nonobstant le fait qu'elle a régulièrement été présentée, à sa date, par M. N... » ;

1°) ALORS QUE la déclaration d'appel n'est frappée de caducité que si l'appelant n'a pas déposé ses conclusions dans le délai de trois mois à compter de cette déclaration ; qu'après avoir constaté que M. N..., appelant, avait déposé ses conclusions d'appel le 16 janvier 2018, soit dans le délai de trois mois suivant sa déclaration d'appel en date du 26 octobre 2017, la cour d'appel ne pouvait, sans violer, par fausse application, l'article 908 du code de procédure civile, juger que sa déclaration est caduque ;

2°) ALORS QUE la perte par l'appelant de sa qualité pour agir, au cours de l'instance d'appel, n'est sanctionnée que par l'irrecevabilité de ses demandes et non par la caducité de sa déclaration d'appel, laquelle ne sanctionne que l'absence de dépôt de ses conclusions dans le délai de trois suivant cette déclaration ; qu'en retenant, pour dire caduque la déclaration d'appel de M. N... le 26 octobre 2017, qu'il avait perdu la qualité pour agir au moment du dépôt des conclusions le 16 janvier 2018, la cour d'appel a violé les articles 122 et 908 du code de procédure civile, le premier par refus d'application et le second par fausse application.

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