13 January 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-23.533

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin - Publié au Rapport

ECLI:FR:CCASS:2021:SO00073

Titres et sommaires

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - comité social et économique - opérations électorales - modalités d'organisation et de déroulement - régularité - recours au vote électronique - décision unilatérale de l'employeur - négociation dérogatoire préalable - nécessité (non) - conditions - détermination

Il résulte des articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail que la possibilité de recourir au vote électronique pour les élections professionnelles peut être ouverte par un accord d'entreprise ou par un accord de groupe, et, à défaut d'accord, par une décision unilatérale de l'employeur. Il ressort de ces dispositions que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation , un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d'un vote électronique. Dès lors que le législateur a expressément prévu qu'à défaut d'accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d'une décision unilatérale de l'employeur, cette décision unilatérale peut, en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise ou dans le groupe, être prise par l'employeur sans qu'il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail

Texte de la décision

SOC. / ELECT

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 janvier 2021




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 73 FS-P+R+I

Pourvoi n° X 19-23.533





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 JANVIER 2021

Le syndicat départemental CGT des transports 06, dont le siège est 11 boulevard de Gaulle, 06340 La Trinité, a formé le pourvoi n° X 19-23.533 contre l'ordonnance rendue en la forme des référés le 7 octobre 2019 par le président du tribunal d'instance de Nice, dans le litige l'opposant à la société Rapide Côte d'Azur, dont le siège est co/ SASU Transdev Côte d'Azur, boulevard Slama, Nice-la-Plaine, bâtiment c1, 06200 Nice, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat du syndicat départemental CGT des transports 06, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Rapide Côte d'Azur, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 novembre 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, MM. Joly, Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (tribunal d'instance de Nice, 7 octobre 2019), prise en la forme des référés, la société Rapide Côte d'Azur a, courant 2018, engagé le processus de mise en place d'un comité social et économique au sein de l'entreprise. Dans ce cadre, l'employeur a décidé, par déclaration unilatérale en date du 22 août 2018, la possibilité d'un recours au vote électronique.

2. Le syndicat départemental CGT des transports 06 (le syndicat) a contesté cette décision unilatérale devant le tribunal d'instance.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

3. La société soulève l'irrecevabilité du pourvoi, au motif que la contestation formée devant le tribunal d'instance, a fortiori saisi en la forme des référés, ne correspond à aucune des contestations énumérées aux articles R. 221-23 du code de l'organisation judiciaire et R. 2314-23 du code du travail, et que la décision rendue l'est par conséquent en premier ressort.

4. Il résulte du premier alinéa de l'article L. 2314-32 du code du travail que les contestations relatives à l'électorat, à la composition des listes de candidats en application de l'article L. 2314-30, à la régularité des opérations électorales et à la désignation des représentants syndicaux sont de la compétence du juge judiciaire, et de l'article R. 2314-32 que les contestations prévues à l'article L. 2314-32 sont jugées en dernier ressort.

5.Le recours au vote électronique, qu'il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l'employeur, constitue une modalité d'organisation des élections, et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales.

6. Il en résulte que ce contentieux relève du tribunal judiciaire statuant en dernier ressort et que le pourvoi est recevable.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses sixième à neuvième branches, ci-après annexé


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen, pris en ses cinq premières branches

Enoncé du moyen

8. Le syndicat fait grief à l'ordonnance de le débouter de sa demande en annulation de la déclaration unilatérale de l'employeur sur le vote électronique adoptée le 22 août 2018, alors :

« 1°/ que la négociation collective et l'exécution du contrat de travail sont régies par le principe de loyauté ; que le préalable de négociation imposée par l'article L. 2314-26 du code du travail pour la mise en place du vote électronique suppose qu'en l'absence de délégué syndical, l'employeur recherche un accord avec des élus, mandatés ou non, ou directement avec des salariés mandatés, en application des articles L. 2232-24, L. 2232-25 et L. 2232-26 du code du travail ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler la décision unilatérale de l'employeur, que la possibilité préalable pour l'employeur de provoquer des négociations avec l'organisation syndicale CGT s'avérait matériellement impossible en l'absence de délégué syndical, le tribunal a violé le principe de loyauté régissant les relations de travail ;

2°/ qu'en l'absence de délégué syndical, un accord d'entreprise peut être conclu entre l'employeur et des élus, mandatés ou non, ou directement avec des salariés mandatés en application des articles L. 2232-24, L. 2232-25 et L. 2232-26 du code du travail ; qu'en retenant qu'un accord d'entreprise ne pouvait être négocié que par une délégation d'une organisation représentative dans l'entreprise et que la bonne volonté de l'employeur quant à la recherche d'un accord devait s'analyser en fonction de la réalité au sein de l'entreprise lors de l'adoption de la DUE, quand il résulte des articles L. 2232-24 et suivants du code du travail qu'un accord d'entreprise peut être négocié par d'autres interlocuteurs qu'une délégation d'une organisation syndicale dans l'entreprise incarnée par un délégué syndical, le tribunal a violé les articles L. 2232-24, L. 2232-25, L. 2232-26, L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail ;

3°/ que pour débouter le syndicat demandeur, le tribunal a retenu qu'aucun membre titulaire de la délégation du personnel du comité social et économique n'avait été expressément mandaté par la CGT pour négocier un accord relatif à la mise en place du vote électronique ; qu'en statuant ainsi, quand la mise en place du comité social et économique au mois de mars 2019 était postérieure à la DUE litigieuse sur le vote électronique, le tribunal a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 2232-24 du code du travail ;

4°/ qu'en retenant qu'il résulte de l'article L. 2232-24 du code du travail que la négociation avec un membre titulaire de la délégation du personnel du comité social et économique mandaté par une organisation syndicale représentative ne peut porter, en tout état de cause, que sur des accords collectifs relatifs à des mesures dont la mise en oeuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, le tribunal a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, et a violé l'article L. 2232-24 du code du travail ;

5°/ que les dispositions du code du travail sont d'ordre public, et que par principe, elles présentent un caractère impératif ; que leur violation prive d'effet tout acte contraire négocié ou imposé unilatéralement par l'employeur ; qu'en retenant, pour débouter le syndicat demandeur, qu'il ne s'imposait pas à l'employeur, à peine de nullité, d'entamer des négociations préalablement à l'adoption d'une DUE sur le vote électronique, le tribunal a violé les articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail que la possibilité de recourir au vote électronique pour les élections professionnelles peut être ouverte par un accord d'entreprise ou par un accord de groupe, et, à défaut d'accord, par une décision unilatérale de l'employeur.

10. Il ressort de ces dispositions que ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord collectif n'a pu être conclu que l'employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d'un vote électronique.

11. Dès lors que le législateur a expressément prévu qu'à défaut d'accord collectif, le recours au vote électronique pouvait résulter d'une décision unilatérale de l'employeur, cette décision unilatérale peut, en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise ou dans le groupe, être prise par l'employeur sans qu'il soit tenu de tenter préalablement une négociation selon les modalités dérogatoires prévues aux articles L. 2232-23 à L. 2232-26 du code du travail.

12. En l'espèce, le tribunal d'instance, qui a constaté qu'il n'y avait plus dans l'entreprise de délégué syndical depuis le mois de février 2018, en a exactement déduit, par ces seuls motifs, que la décision unilatérale prise par l'employeur le 22 août 2018 sur le recours au vote électronique était valide.

13. Le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour le syndicat départemental CGT des transports 06


Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR débouté le syndicat départemental CGT des Transports 06 de sa demande en annulation de la Déclaration unilatérale de l'employeur (DUE) sur le vote électronique adoptée le 22 août 2018 et de l'avoir condamné à payer à la société Rapides Côté d'Azur la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE sur la nécessité d'un accord ou d'une tentative d'accord préalable à l'adoption d'une DUE prévoyant le recours au vote électronique ; qu'il résulte des dispositions qui précèdent lesquelles s'inscrivent dans des textes visant à renforcer le dialogue social et la négociation collective au sein de l'entreprise, que si l'employeur dispose de la faculté d'instaurer le recours au vote électronique dans les conditions susvisées par voie de DUE, cette possibilité ne semble pas exclusive d'une recherche préalable d'accord via des négociations collectives aux fins de parvenir à un accord de groupe ou d'entreprise sur ce point ; qu'en effet, les dispositions issues de la loi n° 2016-1088 du 08 août 2016 et de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 s'inscrivent dans une volonté législative de conférer un poids aux négociations sociales au sein de l'entreprise ; que ces dispositions étant récentes, la Cour de Cassation n'a pas encore tranché certaines questions et notamment celle soumise en l'espèce au tribunal s'agissant de l'obligation imposée ou de la simple faculté laissée à l'employeur de provoquer des négociations collectives avant adoption d'une DUE à défaut d'accord ; que la lecture des divers articles de doctrine démontre une position encore prudente analysant, sans émettre toutefois de certitudes, que la tentative de parvenir à un accord préalablement négocié semble devoir précéder l'adoption d'une DUE par l'employeur si ces dispositions sont lues à la lumière de l'intention ayant présidé leur adoption ; que s'il ne peut être déduit de la lettre du texte de l'article R. 2314-5 du code du travail une quelconque obligation faite à l'employeur de provoquer des négociations préalables à l'adoption d'une DUE, il apparaît néanmoins que ces dispositions, créées par une loi invitant à davantage de négociation au sein de l'entreprise, semblent inviter à la mise en oeuvre préalable de négociations ou au moins tentatives de négociations quant à la possibilité de recourir au vote électronique ; qu'il convient néanmoins de souligner d'ores et déjà que le texte de loi ne sanctionne d'aucune nullité le défaut de négociation aux fins d'accord d'entreprise ou de groupe préalable à l'adoption de la décision de recourir au vote électronique par voie de DUE ; que sur l'étendue de l' « obligation » de recherche d'une négociation préalable à l'adoption d'une DUE en matière de vote électronique : que la recherche par l'employeur aux fins de parvenir à un accord d'entreprise quant à la possibilité de recourir au vote électronique constitue dès lors une simple obligation de moyens qu'il convient d'examiner en fonction des circonstances propres à chaque espèce ; qu'il apparaît, au sein de l'entreprise RCA une situation conflictuelle de longue date opposant la direction au syndicat CGT lequel n'a pas désigné de délégué syndical au sein de ladite entreprise depuis le départ de son dernier délégué le 03 juillet 2018 ; qu'il convient de vérifier si l'absence de délégué syndical, exonérait l'employeur de toute recherche, ou tentative, de négociation préalable aux fins de parvenir à un accord sur la mise en place du vote électronique avec les élus mandatés par la CGT ou avec des élus non mandatés ou encore directement avec les salariés ; que si l'on revient à la lettre du texte, l'article R. 2314-5 du code du travail susvisé dispose que « la possibilité de recourir à un vote électronique est ouverte par un accord d'entreprise ou par un accord de groupe. » ; qu'or il résulte des dispositions légales notamment des articles L. 2232-26 et L. 2232-17 du code du travail notamment :- que la convention ou les accords d'entreprise sont négociés entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise. Une convention ou des accords peuvent être conclus au niveau d'un établissement ou d'un groupe d'établissements dans les mêmes conditions, que la délégation de chacune des organisations représentatives parties à des négociations dans l'entreprise comprend le délégué syndical de l'organisation dans l'entreprise ou, en cas de pluralité de délégués, au moins deux délégués syndicaux, - que chaque organisation peut compléter sa délégation par des salariés de l'entreprise, dont le nombre est fixé par accord entre l'employeur et l'ensemble des organisations mentionnées au premier alinéa. A défaut d'accord, le nombre de salariés qui complète la délégation est au plus égal, par délégation, à celui des délégués syndicaux de la délégation. Toutefois, dans les entreprises pourvues d'un seul délégué syndical, ce nombre peut être porté à deux ; qu'il résulte clairement de ces dispositions qu'un accord d'entreprise (ou de groupe) ne peut être négocié que par une délégation d'une organisation représentative dans l'entreprise, complétée le cas échéant de salariés de l'entreprise ; qu'or, en l'espèce et comme rappelé précédemment, il n'existait plus de délégué syndical au sein de l'entreprise RCA depuis le 03 juillet 2018 faute pour le syndicat CGT 06 d'avoir procédé à une nouvelle désignation et dès lors, la possibilité préalable pour l'employeur de provoquer, préalablement à l'adoption de la DUE du 22/08/2018, des négociations avec la délégation de l'organisation syndicale CGT aux fins d'accord sur l'objet de cette DUE s'avérait matériellement impossible faute d'existence d'un quelconque délégué syndical ; que la bonne volonté de l'employeur quant à la recherche effective de parvenir à un accord doit évidemment s'analyser en fonction de la réalité telle qu'elle existait alors au sein de l'entreprise au moment de l'adoption de la DUE contestée ;

ET QUE sur les autres moyens de droit soulevés par la CGT ; que s'agissant tout d'abord de l'application au présent litige de l'article L. 2232-12 du code du travail, il convient de constater que ce dernier est inapplicable au cas d'espèce dans la mesure où il est inséré dans la sous-section 2 intitulée « entreprises pourvues d'un ou plusieurs délégués syndicaux », ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que par ailleurs, l'article L. 2232-21 du même code sur lequel la CGT fonde un autre moyen est applicable aux entreprises comptant moins de 11 salariés, ce qui n'est encore pas le cas en l'espèce ; que s'agissant des dispositions applicables au présent litige, il résulte des dispositions de l'article L. 2232-24 du code du travail notamment que : « Dans les entreprises dont l'effectif habituel est au moins égal à cinquante salariés, en l'absence de délégués syndicaux dans l'entreprise ou l'établissement, les membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique peuvent négocier, conclure, réviser ou dénoncer des accords collectifs de travail s'ils sont expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l'entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel. Une même organisation ne peut mandater qu'un seul salarié. Les organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l'entreprise ou, à défaut, les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel sont informées par l'employeur de sa décision d'engager des négociations » ; qu'en l'espèce force est de constater qu'aucun membre titulaire de la délégation du personnel du CSE n'a été expressément mandaté par la CGT pour négocier un accord relatif à la mise en place du vote électronique ; la CGT étant au demeurant fermement opposée à la mise en place de cette modalité de vote ; que par ailleurs et à supposer qu'un tel mandat ait été délivré, il résulte de ces dispositions que la négociation ne peut porter que sur des accords collectifs relatifs à des mesures dont la mise en oeuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif ; qu'or, les dispositions des articles L. 2314-5 et R. 2314-5 du code du travail ne subordonnent pas la mise en oeuvre du vote électronique à l'adoption d'un accord collectif.

ET QUE sur le dernier moyen relatif à l'absence de volonté réelle imputable à l'employeur de négocier avec le syndicat CGT dans la mesure où à l'issue d'une réunion qui s'est tenue le 31/07/2018, un PV a été établi selon lequel une DUE sur le vote électronique serait prise sans concertation préalable car c'était la volonté de TRANSDEV et que lesdits élus seraient convoqués à une réunion d'information, lesquels ont été convoqués par courrier du 16/08/2018 pour une réunion fixée au 21/08/2018 ; qu'or le syndicat CGT indique que cette convocation est postérieure à la convocation adressée aux organisations syndicales pour négocier le protocole d'accord préelectoral et qu'aucune convocation de la CGT n'est parvenue à cette dernière la conviant à la réunion d'information précédant l'adoption de la DUE ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que si un accord d'entreprise peut fixer le cadre général du recours au vote électronique, le protocole d'accord pré-electoral ne peut se substituer à cet accord, ce dernier devant être conclu et déposé avant la signature du protocole ; qu'il ne peut dès lors être reproché à l'employeur de la société RCA d'avoir adopté la DUE relative au vote électronique le 22 août 2018, soit le lendemain de la réunion du 21 août 2018 à laquelle la CGT a notamment été conviée dans le cadre des négociations précédant l'adoption du protocole d'accord pré électoral ; qu'il résulte des pièces versées par la société RCA notamment que :- par courrier du 15 juin 2018, M. N..., directeur de la société RCA, sollicite du syndicat CGT communication du nom d'un éventuel délégué syndical successeur de M. F... dont le départ était prévu au 3 juillet 2018, - par lettre ouverte du 10 juillet 2018, le direction de la société RCA sollicite à nouveau de la CGT communication de la désignation d'un nouveau délégué syndical suite au départ de M. F... ; qu'il ressort de ces deux pièces, qu'en l'état des tensions parfaitement palpables imprégnant les relations entre la direction de la société RCA et la CGT, le directeur a néanmoins fait son possible pour obtenir de la CGT la communication du nom du nouveau délégué syndical de la CGT ; que s'il ne peut être affirmé qu'en l'état d'une désignation effective d'un nouveau délégué syndical par la CGT au sein de la société RCA, l'employeur aurait entamé des négociations aux fins de tenter de parvenir à un accord préalablement à l'adoption de la DUE sur le vote électronique, accord peu probable néanmoins eu égard à la position de principe de la CGT s'opposant fermement à cette modalité de vote, il n'en demeure pas moins que le fait, pour la CGT de ne pas avoir procédé à une telle désignation a privé, de fait, l'employeur de cette possibilité ; que par conséquent, il convient d'observer que le directeur de la société RCA, auquel cette obligation ne s'imposait pas à peine de nullité, a activé les leviers dont il disposait au sein de l'entreprise et dans un climat de tensions extrêmes, aux fins de ne pas écarter totalement la CGT de toutes les négociations en cours et à venir ; qu'il convient dès lors de débouter le syndicat départemental CGT des Transports 06 de sa demande tendant à l'annulation de la Déclaration unilatérale de l'employeur (DUE) sur le vote électronique adoptée le 22 août 2018 ;

ET QUE sur les demandes accessoires : qu'en raison de la longueur de la procédure, il apparaît équitable de condamner le syndicat départemental CGT des Transports 06 à payer à la société Rapides Côte d'Azur la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

1°) ALORS QUE la négociation collective et l'exécution du contrat de travail sont régies par le principe de loyauté ; que le préalable de négociation imposée par l'article L.2314-26 du code du travail pour la mise en place du vote électronique suppose qu'en l'absence de délégué syndical, l'employeur recherche un accord avec des élus, mandatés ou non, ou directement avec des salariés mandatés, en application des articles L.2232-24, L.2232-25 et L.2232-26 du code du travail ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler la décision unilatérale de l'employeur, que la possibilité préalable pour l'employeur de provoquer des négociations avec l'organisation syndicale CGT s'avérait matériellement impossible en l'absence de délégué syndical, le tribunal a violé le principe de loyauté régissant les relations de travail ;

2°) ALORS QU'en l'absence de délégué syndical, un accord d'entreprise peut être conclu entre l'employeur et des élus, mandatés ou non, ou directement avec des salariés mandatés en application des articles L. 2232-24, L. 2232-25 et L. 2232-26 du code du travail; qu'en retenant qu'un accord d'entreprise ne pouvait être négocié que par une délégation d'une organisation représentative dans l'entreprise et que la bonne volonté de l'employeur quant à la recherche d'un accord devait s'analyser en fonction de la réalité au sein de l'entreprise lors de l'adoption de la DUE, quand il résulte des articles L. 2232-24 et suivants du code du travail qu'un accord d'entreprise peut être négocié par d'autres interlocuteurs qu'une délégation d'une organisation syndicale dans l'entreprise incarnée par un délégué syndical, le tribunal a violé les articles L. 2232-24, L. 2232-25, L. 2232-26, L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail ;

3°) ALORS QUE pour débouter le syndicat demandeur, le tribunal a retenu qu'aucun membre titulaire de la délégation du personnel du comité social et économique n'avait été expressément mandaté par la CGT pour négocier un accord relatif à la mise en place du vote électronique ; qu'en statuant ainsi, quand la mise en place du comité social et économique au mois de mars 2019 était postérieure à la DUE litigieuse sur le vote électronique, le tribunal a statué par un motif inopérant, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 2232-24 du code du travail ;

4°) ALORS QU'en retenant qu'il résulte de l'article L. 2232-24 du code du travail que la négociation avec un membre titulaire de la délégation du personnel du comité social et économique mandaté par une organisation syndicale représentative ne peut porter, en tout état de cause, que sur des accords collectifs relatifs à des mesures dont la mise en oeuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif, le tribunal a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, et a violé l'article L. 2232-24 du code du travail ;

5°) ALORS QUE les dispositions du code du travail sont d'ordre public, et que par principe, elles présentent un caractère impératif ; que leur violation prive d'effet tout acte contraire négocié ou imposé unilatéralement par l'employeur ; qu'en retenant, pour débouter le syndicat demandeur, qu'il ne s'imposait pas à l'employeur, à peine de nullité, d'entamer des négociations préalablement à l'adoption d'une DUE sur le vote électronique, le tribunal a violé les articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail ;

6°) ALORS QUE dans ses conclusions, le syndicat CGT soutenait qu'à l'issue d'une réunion qui s'était tenue le 31/07/2018, un procès-verbal avait été établi selon lequel une DUE sur le vote électronique serait prise sans concertation préalable car c'était la volonté de TRANSDEV, ce qui démontrait l'absence de volonté de l'employeur de négocier sur le vote électronique (conclusions p. 10) ; qu'en déboutant le syndicat demandeur, sans s'expliquer sur le procès-verbal litigieux, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2314-26 et R. 2314-5 du code du travail ;

7°) ALORS QUE chaque syndicat représentatif dans une entreprise d'au moins cinquante salariés désigne, parmi les candidats ayant recueilli au moins 10 % des suffrages au premier tour des élections, un délégué syndical pour la représenter ; qu'en l'absence de candidats satisfaisant ces conditions, la désignation d'un délégué syndical parmi d'autres salariés est possible, mais ne constitue qu'une simple faculté ; que dans ses conclusions (p. 11), le syndicat demandeur expliquait ne pas avoir désigné de délégué syndical à la suite du départ du précédent car les mandats des élus avaient expiré le 8 février 2018; que pour débouter le syndicat, le tribunal a retenu que cette absence de désignation avait privé l'employeur de la possibilité de négocier un accord sur le vote électronique ; qu'en statuant ainsi, quand cette circonstance était indifférente - le syndicat n'ayant aucune obligation de désigner un délégué syndical en l'absence d'élus, et un accord pouvant être négocié indépendamment de toute désignation d'un nouveau délégué, le tribunal a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 2143-3, L. 2314-23 et R. 2314-5 du code du travail ;

8°) ALORS QU'en retenant que si l'employeur avait entamé des négociations aux fins de tenter de parvenir à un accord préalablement à l'adoption de la DUE sur le vote électronique, cet accord aurait été peu probable eu égard à la position de principe de la CGT s'opposant fermement à cette modalité de vote, le tribunal a statué par un motif hypothétique en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QU'une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant, d'une part, pour en déduire implicitement une volonté de négocier de l'employeur, que le directeur de la société RCA avait fait son possible afin de voir désigné un nouveau délégué syndical, et d'autre part, que le directeur n'avait pas écarté totalement la CGT de toutes les négociations en cours et à venir, ce dont il résultait que l'employeur avait, partiellement au moins, écarté le syndicat desdites négociations, le tribunal a statué par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

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