13 January 2021
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-18.315

Première chambre civile - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2021:C110036

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 janvier 2021




Rejet non spécialement motivé


Mme BATUT, président



Décision n° 10036 F

Pourvoi n° A 19-18.315





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 JANVIER 2021

Mme W... E..., épouse P..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° A 19-18.315 contre l'arrêt rendu le 28 mars 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. J... P..., domicilié [...] , défendeur à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bozzi, conseiller, les observations écrites de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme E..., de la SCP Richard, avocat de M. P..., après débats en l'audience publique du 17 novembre 2020 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Bozzi, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.


1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme E... et la condamne à payer à M. P... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme E...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR prononcé le divorce aux torts partagés des époux ;

AUX MOTIFS QUE Mme W... E... reproche à M. J... P... d'avoir été un époux violent et agressif, irrespectueux de son épouse, des enfants et des membres de la famille de son épouse, absent et infidèle et de vivre un concubinage stable avec une nouvelle compagne, Mme K... depuis 2011 ; qu'il ressort du courrier adressé par Mme W... E... au procureur de la République, à la suite de son dépôt de plainte pour violence à l'égard de son mari en date du 30 août 2007, que les époux se sont postérieurement rapprochés et se sont réconciliés, ainsi qu'en témoigne le fait que Mme W... E... a attendu plus de trois ans pour déposer une requête en divorce et qu'elle a proposé à son époux, quand elle a souhaité « finaliser leur séparation », une « séparation intelligente et respectueuse » ; que ces faits ne peuvent dès lors être invoqués par Mme W... E... à l'appui de sa demande en divorce ; que la tante de Mme W... E... ne fait que rapporter les propos tenus par sa soeur et par sa nièce sans attester de faits dont elle aurait été elle-même témoin ; qu'il ne saurait être tiré de son attestation que M. J... P... aurait été agressif et violent à l'égard de son épouse et de sa mère ; que compte tenu du métier de pilote de ligne exercé par M. J... P..., il ne peut être tiré des attestations des voisins et des amis de la famille qui déclarent avoir souvent vu Mme W... E... seule avec ses enfants, que M. J... P... aurait manqué à son obligation de communauté de vie, qu'il reprenait régulièrement à l'issue de ses vols ; que l'attestation de Mme I..., qui témoigne avoir constaté un échange de regard entre M. J... P... et une chef de cabine et avoir appris par la suite des autres membres de l'équipage qu'ils entretenaient une liaison ne suffit pas à établir la réalité d'une telle liaison ; que la publication d'une photo sur un compte Facebook ne suffit pas à établir la nature de la relation existant entre le sujet de la photo et la titulaire du compte ; en revanche que le courrier adressé par une amie de Mme W... E... à M. S... O... - avec lequel Mme W... E... entretenait une relation assez proche pour que celui-ci lui remette un courrier qui lui avait été envoyé à titre manifestement très personnel - dans lequel l'expéditrice décrit les rapports intimes qu'elle avait avec M. J... P... témoigne de la relation extra-conjugale que ce dernier a entretenu avec elle ; que les références à la relation très forte qu'il entretenait avec son épouse et les commentaires acrimonieux sur Mme W... E... permet de situer cette relation pendant le cours de la vie conjugale ; que ces faits constituent un manquement grave aux obligations du mariage, imputable au mari et rendant intolérable la poursuite de la vie commune ; qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande en divorce aux torts du mari présentée par l'épouse ; qu'il ne peut être considéré que la reconnaissance dans les conclusions de première instance de Mme W... E... de la proximité des liens entre elle et M. S... O... constitue un aveu judiciaire d'une relation extra-conjugale ; qu'en revanche dans leurs attestations, M. et Mme Q... déclarent avoir reçu leur ami proche M. S... O... à de très nombreuses reprises à leur domicile en compagnie de Mme W... E... avec laquelle il vivait à Précy sur Marne en 2007 ; que M. Q... déclare dans son attestation avoir assisté aux obsèques de M. S... O... au cours de laquelle Mme W... E... se présentait comme la compagne de ce dernier et avoir été informé par les filles de son ami que Mme W... E... avait prétendu être mariée avec leur père ; qu'outre l'enquête de voisinage effectuée par Mme G... à proximité du domicile de M. S... O..., sis [...] , ayant permis de recueillir des informations sur la présence régulière de Mme W... E... à ce domicile, Mme G... a effectué une vérification sur les pages jaunes et trouvé un extrait de ces pages sur lequel le nom de Mme W... E... apparaît à l'adresse [...] ; que M. J... P... produit le justificatif d'une réservation de chambre d'hôtel au Mexique en 2007 dont les occupants étaient W... P... et S... O..., d'une réservation pour un vol au Maroc au nom de M. S... O... et de Mme W... E... en janvier 2010 et un courriel de réservation d'un séjour en Bourgogne en août 2009 envoyé à l'adresse internet de Mme W... E... dans laquelle elle est appelée Mme O... ; qu'il résulte de la procédure engagée par Mme W... E... à la suite d'une altercation avec Mme Y..., compagne de M. S... O... à cette époque, et de la plainte déposée en 2010 par M. S... O... contre Mme W... E..., que Mme W... E... a manifesté à l'égard de Mme Y... une jalousie correspondant aux sentiments d'une femme amoureuse ; que l'accumulation de témoignages d'une relation amoureuse entre M. S... O... et Mme W... E... n'est pas invalidée par une attestation établie sept ans après par M. S... O... et par une attestation de Mme Y... déclarant en 2017 héberger ce dernier ; que les termes de l'échange de SMS entre Mme W... E... et X... O..., fille de M. S... O..., révèlent que Mme W... E... s'est beaucoup investie dans le règlement des affaires de ce dernier à la suite de son décès et qu'elle échangeait avec sa fille sur un autre registre que celui d'une simple amie ; qu'il résulte de ces éléments que Mme W... E... a entretenu avec M. S... O... une relation extra-conjugale, injurieuse pour son mari et constituant un manquement grave aux obligations du mariage, justifiant que le divorce soit prononcé à ses torts ; qu'il y a donc lieu de prononcer le divorce aux torts partagés des époux; que la décision dont appel est confirmée de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE Mme E... sollicite que le divorce aux torts exclusifs de l'époux soit prononcé en faisant valoir que son époux avait un comportement égoïste, violent et était infidèle ; que pour s'opposer à cette demande, M. P... indique que ses absences étaient justifiées pour des raisons professionnelles, que les infidélités alléguées ne sont pas justifiées, que les faits de violences en date de 2005 ne sont pas établis et que ceux de 2007 ont été occasionnés lors d'une dispute du couple au retour d'un voyage de l'épouse avec son amant ; que M. P... fait valoir que dès 2004, son épouse a entretenu une liaison avec le médecin de famille, M. O..., puis début 2011 avec M. T... ; que l'article 242 du code civil prévoit que « le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune » ; que les dispositions de l'article 245 du code civil prévoient quant à elles que « les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce n'empêchent pas d'examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce. Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce. Si ces deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé aux torts partagés. Même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre. » ; qu'il convient par ailleurs de rappeler que l'introduction de la demande en divorce ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité privant de leurs effets normaux les faits dont ils peuvent se rendre coupables l'un envers l'autre après l'ordonnance de non-conciliation ; qu'en l'espèce, il ressort des éléments au débat que depuis plus d'une dizaine d'années, il n'existe aucune communauté de vie entre les époux, lesquels ont entretenu des relations adultérines chacun de leurs côtés ; que les faits de violences sur l'épouse commis en 2007 sont établis mais circonstanciés ; qu'il y a lieu de constater que ces faits constituent/des violations renouvelées des devoirs et obligations du mariage ; que les demandes principale et reconventionnelle étant accueillies, il convient en conséquence de prononcer le divorce aux torts partagés des époux ;

1°) ALORS QUE le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s'ils ne résultent que de la nécessité ou d'un effort de conciliation ou des besoins de l'éducation des enfants ; qu'en se bornant à juger, pour retenir que Mme P... ne pouvait invoquer les faits de violence commis par son époux à l'appui de sa demande en divorce, qu'il ressortait du courrier qu'elle avait adressé au procureur de la République, à la suite de son dépôt de plainte pour violence, que les époux s'étaient postérieurement réconciliés, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de Mme P..., p. 6), si l'épouse ne s'était pas rapprochée de son époux dans le seul but de préserver la carrière de ce dernier et de protéger leurs enfants, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 244 du code civil ;

2°) ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des griefs invoqués par un époux à l'appui de sa demande en divorce pour faute ; qu'en se bornant à retenir que M. P... s'était rendu coupable d'adultère uniquement avec Mme D... F..., sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions, p. 10, dernier al), s'il ne résultait pas du relevé de ses comptes bancaires, faisant apparaître des virements intitulés « [...] » et des dépenses de restaurant, spectacles, fleuriste, et hôtels que l'époux avait également entretenu une relation adultérine avec Mme R... H..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du code civil ;

3°) ALORS QUE le juge doit examiner l'ensemble des griefs invoqués par un époux à l'appui de sa demande en divorce pour faute ; qu'en se bornant à retenir que M. P... s'était uniquement rendu coupable d'adultère avec Mme D... F..., sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de Mme P..., p. 12 et 13), si l'époux n'avait pas détourné une partie de l'argent du ménage pour financer son train de vie dispendieux et ses relations adultères, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 242 du code civil ;

4°) ALORS QU'en retenant qu'il résultait des pièces produites aux débats par M. P... que son épouse avait entretenu une relation adultérine avec M. S... O..., sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions de Mme P..., p. 15 et s.), si les liens unissant Mme P... et M. O... ne s'expliquaient pas uniquement par la relation d'amitié nouée entre ce dernier, qui était le médecin de la famille, et Mme P..., qu'il avait épaulée à l'occasion des violences conjugales qu'elle avait subies, cette dernière le soutenant en contrepartie lors de sa maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 242 et 245 du code civil.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme E... épouse P... de ses demandes de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE sur le fondement de l'article 266 du code civil, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint ou pour altération définitive du lien conjugal à la seule demande de l'autre époux ; que par ailleurs, un des conjoints, s'il a subi en raison des fautes de l'autre, un préjudice distinct de celui né de la dissolution du mariage, peut en obtenir réparation sur le fondement de l'article 1382 du même code ; que le divorce étant prononcé aux torts partagés des époux, la demande de Mme W... E... sur le fondement de l'article 266 du code civil doit être déclarée irrecevable ; que le jugement entrepris doit être infirmé de ce chef ; qu'aucun des époux ne démontre avoir subi, du fait des agissements de son conjoint un préjudice particulier nécessitant réparation ; que notamment, compte tenu du comportement de Mme W... E... à l'égard de Mme Y... et de M. S... O... quand elle les a soupçonnés d'entretenir une relation amoureuse, l'état anxiodépressif qu'elle invoque ne peut être rattaché aux agissements de son mari ; que les demandes présentées par les époux à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil sont rejetées ; que la décision dont appel est confirmée de ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE le divorce ayant été prononcé aux torts partagés des époux, il convient de débouter les parties de leurs demandes respectives ;

ALORS QUE l'époux qui justifie avoir subi des violences conjugales et qui démontre ainsi avoir subi un préjudice résultant du comportement de son conjoint peut obtenir réparation de son préjudice au titre de sa responsabilité civile ; qu'en se bornant à retenir qu'aucun des époux ne démontre avoir subi, du fait des agissements de son conjoint, un préjudice particulier nécessitant réparation et que l'état anxiodépressif invoqué par Mme P... ne pouvait être rattaché aux agissements de son mari, cependant qu'elle relevait elle-même, par motifs propres et adoptés, que les faits de violences commis par M. P... à l'égard de son épouse étaient avérés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1240 du code civil.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme W... E... de sa demande tendant à être autorisée à conserver l'usage du nom de son mari après le prononcé du divorce ;

AUX MOTIFS QUE pour la première fois en appel, Mme W... E... sollicite l'autorisation de conserver l'usage du nom de son conjoint après le prononcé du divorce ; que selon les dispositions de l'article 264 du code civil chacun des époux perd l'usage du nom de son conjoint à l'issue de la procédure de divorce, l'un d'eux pouvant toutefois conserver cet usage avec l'accord de l'autre ou sur autorisation du juge s'il justifie d'un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants ; que M. J... P... s'oppose à ce que son épouse conserve l'usage de son nom ; que Mme W... E..., qui n'exerce pas d'activité salariée et qui n'a jamais exercé d'activité dans laquelle la réputation professionnelle est attachée au nom, ne justifie d'aucun intérêt particulier à conserver l'usage du nom de son mari, la durée du mariage ne constituant pas en soi un intérêt particulier ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande ;

ALORS QUE l'un des époux peut conserver l'usage du nom de son époux avec l'autorisation du juge du divorce, s'il justifie d'un intérêt particulier ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que Mme P... ne justifiait d'aucun intérêt particulier à conserver l'usage du nom de son mari, qu'elle n'exerçait pas d'activité salariée et n'avait jamais exercé d'activité dans laquelle la réputation professionnelle est attachée au nom, sans rechercher, comme elle y était invitée, si Mme P... n'était pas socialement connue sous son nom d'épouse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 264 du code civil.

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