11 September 2018
Cour d'appel de Pau
RG n° 18/00408

2ème CH - Section 2

Texte de la décision

CB/BE



Numéro 18/3039





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2







Arrêt du 11 septembre 2018







Dossier : N° RG 18/00408





Nature affaire :



Autres demandes en matière de succession







Affaire :



Norbert X...



C/



Maria Cristina X... Y... épouse Z..., José Z... D...







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 11 septembre 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,







* * * * *





APRES DÉBATS



à l'audience publique tenue le 25 Juin 2018, devant :



Madame BALIAN, conseiller chargé du rapport,



assistée de Mme MARI, Greffière, présent à l'appel des causes,





Madame BALIAN, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :



Monsieur CERTNER, Président,



Madame BALIAN, Conseiller,



Madame BREYNAERT, Conseiller,





qui en ont délibéré conformément à la loi.































dans l'affaire opposant :









APPELANT :



Monsieur Norbert X...

né le [...] à Bordeaux (33000)

de nationalité Française

[...] C

[...]





Représenté par Me François A..., avocat au barreau de BAYONNE











INTIMES :



Madame Maria Cristina X... Y... épouse Z...

née le [...] à TALENCE (33400)

de nationalité Française

[...]

28210 VALDEMORILLO (MADRID) ESPAGNE





Représentée par Me Christophe B... de la SCP B...-F...-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU

assisté de Me C..., avocat au barreau de Bayonne



Monsieur José Z... D...

né [...] en Alicante

de nationalité Française

[...]

28210 VALDEMORILLO (MADRID) ESPAGNE





Représenté par Me Christophe B... de la SCP B...-F...-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU

assisté de Me C..., avocat au barreau de Bayonne





















sur appel de la décision

en date du 15 DECEMBRE 2016

rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE BAYONNE

RG numéro : 15/00090


EXPOSE DU LITIGE



Faits et procédure



De l'union de Monsieur Marcel X... et de Madame Maria G... Y... E..., tous deux de nationalité française, sont issus deux enfants :



- Norbert X... né le [...]



- Maria Cristina X... Y... née le [...].



Les époux Marcel X... / Maria G... Y... E... qui résidaient en Espagne, y sont respectivement décédés le [...] et le 1er novembre 2011, sachant que selon acte passé en la forme notariée à ALICANTE, ceux-ci ont cédé l'immeuble dont ils étaient propriétaires à ALICANTE, et ce :



- à leur fille Madame Maria Cristina X... Y... de nationalité française et au mari de cette dernière Monsieur José Z... D... de nationalité espagnole



- avec usage d'une procuration consentie le 6 août 2007 par Monsieur Marcel X... en faveur de son épouse Madame Maria G... Y... E...



- moyennant une contrepartie financière consistant notamment dans le versement d'une rente viagère de 1000 € par mois



- en se réservant l'usufruit dudit bien leur vie durant.



Par acte d'huissier en date du 11 décembre 2014, Monsieur Norbert X... a fait citer devant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE sa soeur Madame Maria Cristina X... Y... et le mari de cette dernière Monsieur José Z... D..., tous deux domiciliés [...] Espagne, pour au visa des articles 14, 414-1 et 918 du Code Civil :



- voir dire et juger que la procuration signée le 6 août 2007 est nulle et de nul effet en raison de l'insanité d'esprit de son auteur



- à défaut, voir dire et juger qu'en application de l'article 918 du Code Civil, la vente en viager sans intervention d'un cohéritier a porté atteinte à sa réserve, et voir ordonner la réintégration du bien objet de la vente dans la succession du de cujus



- les voir condamner



* au paiement de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour son préjudice lié à la privation de sa part de réserve



* au paiement d'une indemnité de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile



* à supporter les entiers dépens.



Par voie de conclusions signifiées le 12 mai 2016, Madame Maria Cristina X... Y... épouse Z... et son mari Monsieur José Z... D... ont saisi le Juge de la Mise en Etat pour voir déclarer le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE incompétent pour connaître des demandes dirigées à leur encontre, et ce au profit de la juridiction civile d'ALICANTE.













Suivant ordonnance en date du 15 décembre 2016, le Juge de la Mise en Etat près le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE a :



- déclaré le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE incompétent pour connaître du litige opposant Monsieur Norbert X... aux époux Maria Cristina X... Y... / José Z... D..., et ce au profit de la juridiction civile dont dépend la ville d'ALICANTE, et renvoyé Monsieur Norbert X... à la saisir



- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit des époux Z...



- condamné Monsieur Norbert X... aux entiers dépens.





Selon déclaration reçue au greffe de cette Cour le 5 février 2018, Monsieur Norbert X... a interjeté appel de cette décision.



Après fixation à bref délai conformément aux prescriptions de l'article 905 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été évoquée à l'audience du 25 juin 2018.










Prétentions des parties



Dans le dernier état de ses conclusions en date du 25 juin 2018, Monsieur Norbert X... demande à la Cour :



- de réformer l'ordonnance rendue le 15 décembre 2016 par le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE



- en tant que de besoin, de lui donner d'ores et déjà acte de ce qu'il abandonne toute demande tendant à voir prononcer la nullité du mandat donné par Monsieur X... père à son épouse le 6 août 2007



- de dire que le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE est compétent pour connaître de sa demande tendant à réduction de donation



- de condamner in solidum Madame Maria Cristina X... Y... épouse Z... et Monsieur José Z... D... à lui verser la somme de 3000 € au titre de ses frais irrépétibles



- de les condamner aux entiers dépens.







En l'état de leurs dernières conclusions déposées le 12 juin 2018, Madame Maria Cristina X... Y... épouse Z... et son mari Monsieur José Z... D... (ci-après dénommés les époux Z...) demandent à la Cour :



- de confirmer l'ordonnance du Juge de la Mise en Etat près le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE en ce qu'elle a



* déclaré le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE incompétent pour connaître du litige opposant Monsieur Norbert X... aux époux Maria Cristina X... Y... / José Z... D... au profit de la juridiction civile dont dépend la ville d'ALICANTE



* condamné Monsieur Norbert X... aux entiers dépens





- de réformer la décision déférée pour le surplus, et statuant à nouveau, de condamner Monsieur Norbert X... au paiement d'une somme de 6000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel



- de le condamner aux entiers dépens de l'appel.






MOTIFS DE LA DECISION :



Attendu qu'à titre liminaire, il convient de déclarer parfaitement recevable l'appel formé par Monsieur Norbert X... contre l'ordonnance rendue le 15 décembre 2016 par le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE, et ce :



- en ce que l'appel est la seule voie de recours ouverte contre les ordonnances du Juge de la Mise en Etat, sachant qu'en application de l'article 776 du Code de Procédure Civile, elles sont même susceptibles d'un appel immédiat lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure telle qu'une exception d'incompétence ainsi que l'a fait la décision précitée " en déclarant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE incompétent pour connaître du litige opposant Monsieur Norbert X... aux époux Maria Cristina X... Y... / José Z... D..., et ce au profit de la juridiction civile dont dépend la ville d'ALICANTE"



- en ce qu'il n'est pas justifié d'un acte de signification de ladite ordonnance datée du 15 décembre 2016, ayant eu pour effet de faire valablement courir à l'encontre de Monsieur Norbert X... le délai d'appel fixé à quinze jours à compter de la signification de la décision contestée ;



Attendu que le litige soumis à la Cour concerne la détermination de la juridiction compétente pour connaître de l'action engagée par Monsieur Norbert X... à l'encontre des époux Z... ;





I) sur la détermination de la juridiction compétente pour connaître de l'action engagée par Monsieur Norbert X... à l'encontre des époux Z... :



Attendu que Monsieur Norbert X... a assigné les époux Z... à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE, en se prévalant notamment de l'article 14 du Code Civil, lequel consacre la compétence internationale des juridictions françaises, en instituant un privilège de juridiction fondé sur la nationalité française du demandeur à une action judiciaire ;



Attendu qu'à cet égard, la Cour rappelle que la compétence française fondée sur les articles 14 et 15 du Code Civil présente un caractère subsidiaire par rapport à la compétence internationale ordinaire, de sorte que le privilège de juridiction fondé sur la nationalité française des parties ne pourra jouer qu'en l'absence de compétence spéciale attribuée à un tribunal par application du droit international privé français, ce qui implique dans un premier temps de déterminer la nature de l'action engagée par Monsieur Norbert X... devant le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE ;



Attendu que de la lecture et de l'analyse de l'assignation délivrée à la requête de Monsieur Norbert X..., il ressort que l'action ainsi engagée tend à remettre en cause l'acte intitulé " CESSION DE BIENS MOYENNANT RENTE " passé entre les époux Marcel X... / Maria G... Y... E... en leur qualité de cédants et les époux Z... en leur qualité de cessionnaires, en ce que ladite action vise :



- principalement, à obtenir l'annulation de la procuration dont il a été fait usage dans le cadre de ladite cession, et ce pour cause d'insanité d'esprit de son auteur Marcel X...



- subsidiairement, à obtenir la requalification de l'acte dont s'agit en donation déguisée, et ce pour défaut de justification du paiement par les bénéficiaires de la contrepartie financière stipulée au profit des cédants ;



Attendu qu'en raison de son objet tel que ci-dessus défini, l'action exercée par Monsieur Norbert X... à l'encontre des époux Z... :



- ne peut s'apparenter à une action successorale au sens de l'article 45 du Code de Procédure Civile, et ce nonobstant le fait



* que la demande subsidiaire du requérant puisse, en cas de succès, avoir des incidences d'ordre successoral quant à la protection de ses droits de successible



* que l'intéressé ait manifesté l'intention dans le cadre du présent incident de compétence, de vouloir renoncer à sa demande aux fins d'annulation de la procuration donnée par son père Marcel X... le 6 août 2007



- est constitutive d'une action relevant de la matière mixte, dès lors qu'elle porte tout à la fois sur un droit réel et un droit personnel nés de la même opération juridique ;



Que de ces observations, il s'évince :



- que se trouve dépourvue d'intérêt la discussion juridique instaurée entre les parties quant à la nature mobilière ou immobilière de la succession concernée



- que le privilège de juridiction fondé sur la nationalité française du demandeur ou du défendeur à une action judiciaire, a vocation à s'appliquer en l'espèce à condition que l'action de Monsieur Norbert X... relève du champ d'application des articles 14 et 15 du Code Civil venus consacrer la compétence des juridictions françaises fondée sur la seule nationalité française des parties ;



Attendu qu'à cet égard, la Cour rappelle que l'article 14 du Code Civil :



- autorise le demandeur français à citer son adversaire devant les tribunaux français, et ce que ce dernier soit étranger ou de nationalité française



- a une portée générale (à l'instar de l'article 15 dudit code) faisant qu'il s'applique à toutes les actions patrimoniales ou extrapatrimoniales, à l'exclusion toutefois



* des actions réelles immobilières et demandes en partage portant sur des immeubles situés à l'étranger



* des demandes relatives à des voies d'exécution pratiquées hors de France ;





Attendu qu'en l'espèce, la Cour considère que Monsieur Norbert X... peut revendiquer le privilège de juridiction instauré par l'article 14 du Code Civil, et ce :



- en ce qu'il justifie être de nationalité française



- en ce que son action est dirigée à l'encontre de deux codéfendeurs, à savoir Madame Maria Cristina X... Y... de nationalité française, et l'époux de cette dernière Monsieur José Z... D... de nationalité espagnole



- en ce que son action ne fait pas partie de celles échappant au champ d'application des articles 14 et 15 du Code Civil, dès lors



* que l'assignation délivrée à la requête de Monsieur Norbert X... ne contient aucune demande qui soit caractéristique d'une action réelle immobilière ou d'une demande en partage portant sur un immeuble situé à l'étranger, en dépit du fait que l'acte de cession litigieux ait porté sur un immeuble situé à ALICANTE



* qu'elle a été précédemment qualifiée d'action mixte ;



Qu'au vu de ces observations, il y a lieu :



- de retenir la compétence internationale des juridictions françaises pour connaître de l'action engagée par Monsieur Norbert X... à l'encontre des époux Z...



- de considérer qu'en application des articles 14 et 15 du Code Civil, Monsieur Norbert X... est justifié à revendiquer la compétence du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE, et ce



* en ce qu'il se trouve domicilié [...], soit dans le ressort du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE



* en ce que ce choix répond aux exigences d'une bonne administration de la justice ;





Qu'en conséquence, il convient :



- de déclarer le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Norbert X... à l'encontre des époux Z...



- de réformer en ce sens la décision déférée ;









II) Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens :



Attendu que l'équité commande de ne pas laisser à la charge de Monsieur Norbert X... la totalité des frais irrépétibles qu'il a dû exposer en cause d'appel pour voir consacrer la compétence du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE devant lequel il a décidé d'assigner les époux Z..., lesquels seront condamnés in solidum à lui verser la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;



Que pour avoir succombé en cause d'appel dans leur exception d'incompétence, les époux Z... seront condamnés à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ;









PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort ,



Déclare recevable l'appel interjeté par Monsieur Norbert X... ;



Réforme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 15 décembre 2016 par le Juge de la Mise en Etat du Tribunal de Grande Instance de BAYONNE ;



Statuant à nouveau ,



Déclare le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE compétent pour connaître de l'action engagée par Monsieur Norbert X... à l'encontre des époux Z... ;







Condamne in solidum Madame Maria Cristina X... Y... et son époux Monsieur José Z... D... à verser à Monsieur Norbert X... la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;



Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;



Condamne les époux Z... à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel







Arrêt signé par François CERTNER, Président et Brigitte MARI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.











LE GREFFIERLE PRESIDENT









Brigitte H...

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