28 September 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 16/22034

Pôle 5 - Chambre 6

Texte de la décision

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRÊT DU 28 SEPTEMBRE 2018



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général :16/22034 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZ52M



Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2016 - Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 14/02980





APPELANTES



Madame Irma X... veuve Y... agissant en son nom personnel et venant aux droits d'G... Y... décédé le [...]

Née le [...] à PLOUEUC SUR L'HERMITAGE (22)

[...]



Madame Maud Y... épouse Z... venant aux droits d'G... Y... décédé le [...]

Née le [...] à SAINT BRIEUC (22)

[...]



Représentées par Me Marion A... de la SELARL ALEXANDRE BRESDIN A..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0947

Ayant pour avocat plaidant Me Jean B..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0458





INTIMÉS



Maître Alain-François C... ès qualités de mandataire judiciaire de la PHARMACIE DE L'OPERA MASSY et ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la PHARMACIE DE L'OPERA MASSY

[...]



Représenté par Me Frank D... de la SCP D... ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J055



Maître Florence J... ès qualités d'administrateur judiciaire de la PHARMACIE DE L'OPÉRA MASSY

[...]

Immeuble Le Maziere

91000 EVRY



Défaillante, régulièrement assignée



SELARL PHARMACIE DE L'OPERA MASSY Prise en la personne de son représentant légal, domicilié [...]

N° SIRET : 390 301 521



Défaillante, régulièrement assignée



SA BNP PARIBAS prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 662 042 449

[...]



Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Christophe E... de l'ASSOCIATION De CHAUVERON VALLERY-RADOT LECOMTE, avocat au barreau de PARIS, toque : R110







COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 26 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre

Monsieur Marc BAILLY, Conseiller

Madame Pascale GUESDON, Conseillère

qui en ont délibéré,



Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.



Greffier, lors des débats : Madame Josélita COQUIN





ARRÊT :



- rendu par défaut,



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



- signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



*****



La société BNP Paribas a consenti à G... Y..., pharmacien, et à son épouse, Mme Irma Y..., trois prêts de 1085263, 527850 et 79863,40 euros, les 13 et 31 juillet 2006 et 14 février 2007, destinés à l'acquisition progressive de parts sociales de la société Pharmacie de L'Opéra à Massy avec M. Xavier F..., antérieurement pharmacien associé de M. Y... à Créteil, pour un prix principal de 2830 952 euros.



La cession de 475 parts à M. Et Mme Y... et de 25 parts à M. Et Mme F... a été réalisée par acte en date du 10 avril 2016.



A la suite d'incidents de paiement survenus à compter de l'année 2014, la déchéance du terme des prêts été prononcée par la banque le 3 avril 2014.



Les mises en demeure étant restées infructueuses, la BNP a assigné en paiement les époux Y... devant le tribunal de grande instance de Melun par exploit du 12 août 2014.



Les époux Y... ayant, en garantie du paiement des prêts, consenti un nantissement d'un contrat d'assurance-vie, la BNP l'a réalisé, réduisant la dette de 194735,47 euros le 29 janvier 2015.



La BNP a également consenti à la SELARL Pharmacie de L'Opéra à Massy, dont M. et Mme Y... étaient les principaux porteurs de parts, deux prêts, respectivement, de 1,9 millions d'euros et de 25700 euros les 19 juillet 2006 et 4 juin 2008.



Par actes en date du 25 août 2011, chacun des époux Y... a cautionné solidairement les obligations de la SELARL dans la limite de la somme de 300000 euros.



A la suite d'incidents de paiement survenus à compter de l'année 2014, la déchéance du terme des prêts été prononcée par la banque le 7 octobre 2014.



Les mises en demeure étant restées infructueuses, la BNP a assigné la SELARL en paiement des causes des prêts et les époux Y... en exécution de leur engagement de caution devant le tribunal de grande instance de Melun par exploit du 21janvier 2015.



La SELARL Pharmacie de L'Opéra à Massy a fait l'objet :



- de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce d'Evry le 19 février 2015 avec désignation de Maître C... ès qualités de mandataire et Maître J... ès qualités d'administrateur judiciaire,



- de l'adoption d'un plan de redressement judiciaire avec désignation de Maître C... ès qualités de commissaire à l'exécution du plan,



- d'une liquidation judiciaire prononcée par jugement du 28 janvier 2016 avec désignation de Maître C... ès qualités de mandataire et liquidateur judiciaire.



Maîtres C... et J... ont été successivement appelés en la cause, en leurs différentes qualités, par exploits des 3 avril, 28 octobre, 14 décembre 20215 puis 9mai 2016.



Ces différentes procédures ont été jointes par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Melun.



Les époux Y..., par leurs dernières conclusions devant le tribunal du 7juin2016, ont invoqué leurs qualités d'emprunteurs non avertis et le manquement de la banque à son obligation de mise en garde, la nullité des cautionnements pour dol du fait de l'application d'un taux erroné et la substitution du taux légal au taux conventionnel à raison du caractère erroné du TEG.



Par jugement en date du 20 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Melun, aux motifs essentiels que les époux Y... étaient des emprunteurs avertis dans le domaine de l'acquisition de pharmacies, que l'importance de leur patrimoine montre que l'endettement né de l'octroi des prêts n'était pas excessif, que le dol du fait d'une erreur dans le taux d'intérêt n'était pas établi, que l'action en nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêts à raison du caractère erroné du TEG était prescrite s'agissant d'un prêt professionnel, a notamment :



'- condamné solidairement Monsieur G... Y... et Madame Irma Y... a payer a la banque BNP PARIBAS les sommes suivantes :

- 654.558,95 € outre intérêts contractuels au taux majore de 5,67 % a compter du 26 Juin 2014 jusqu'à parfait paiement,

- l94.735,47 € outre intérêts contractuels au taux majore de 5,88 % a compter du 30 janvier 2015 jusqu'à parfait paiement,

- 40.060,38 6 outre intérêts contractuels au taux majore de 6,57 % a compter du 26 Juin 2014 jusqu'à parfait paiement,

- fixé les créances de la banque BNP PARIBAS au passif de la liquidation judiciaire de la SELARL PHARMACIE DE L'OPERA MASSY a hauteur des sommes suivantes :

- 297.087,84 € à titre privilégie et nanti, au titre du solde débiteur du compte-courant n° [...],

- 3.599,80 € à titre chirographaire outre intérêts contractuels au taux de 7,15 % du 19 février 2015 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt souscrit le 4 juin 2008,

- 734.223,0l euros, à titre privilégie et nanti, au titre du solde débiteur du prêt souscrit le 19 juillet 2006, somme arrêtée au 5 octobre 2014 outre intérêts contractuels au taux de 7,65 % à compter du 5 octobre 2014,

- condamné Monsieur G... Y..., en sa qualité de caution de la SELARL PHARMACIE DE L'OPERA MASSY, à payer à la banque BNP PARIBAS la somme de 300.000 €, outre intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014,

- condamné Madame Irma Y... en sa qualité de caution de la SELARL PHARMACIE DE L'OPERA MASSY, a payer à la banque BNP PARIBAS la somme de 300.000 € outre intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014,

- ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil,

- condamné solidairement M. G... et Mme Irma Y... à payer à la banque BNP PARIBAS la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur des condamnations prononcées à l'encontre des époux Y..., solidairement, pour une somme globale de 889.354,80 euros, outre pour la fixation des créances de la banque au passif de la liquidation judiciaire de la société Pharmacie de l'Opera Massy.'



G... Y... est décédé en cours de délibéré, le [...], et la BNP a fait signifier le jugement à son épouse, Mme Irma Y... et à leur fille Mme Maud Z... née Y....



Les époux Y..., mariés le 25 novembre 1972, avaient toutefois adopté le régime matrimonial de la communauté universelle avec attribution de la communauté au survivant par acte notarié du 5 juillet 2002 homologué le 19 septembre 2003.



Par déclaration en date du 3 novembre 2016, Mme Irma Y... et Mme Maud Z... née Y... ont interjeté appel à l'encontre de la BNP, de la SELARL Pharmacie de L'Opéra Massy, de Maître Alain C... et de Maître Florence J....



Par ordonnance en date du 5 mars 2018, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident de communication de pièces par les consorts Y..., a :


- enjoint à la société BNP Paribas de communiquer aux débats les relevés de compte de la SELARL Pharmacie de l'Opéra Massy en ses livres pour la période du 1er janvier 2013 au 6 novembre 2014 ;

- débouté Mme Irma Y..., personnellement et en qualité d'héritière de G... Y... ainsi que Mme Maud Z... née Y..., de toutes leurs autres demandes ;

- condamné Mmes Irma Y... et Mme Maud Z... née Y... à payer à la société BNP Paribas la somme de [...] euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;




******

Par leurs dernières conclusions en date du 15 juin 2018, Mmes Irma Y... et Maud Z... née Y... font valoir :



- que c'est parce que le jugement lui a été signifié que Mme Maud Z... a interjeté appel mais qu'au regard au régime patrimonial adopté, elle se désiste de son appel puisqu'elle n'a pas la qualité d'ayant-droit de feu son père,



- que G... Y... était alcoolique depuis de nombreuses années, 'considérait son épouse comme un être inférieur', l'a laissée dans l'ignorance de ses activités professionnelles et personnelles et était violent, de sorte que Mme Irma Y... n'a appris l'existence de la présente procédure qu'à la suite de la signification du jugement en date du 20 septembre 2016, qu'elle n'a jamais été pharmacienne ou gestionnaire de pharmacie, la procuration donnée par son mari sur les comptes de la pharmacie n'ayant pour cause que l'alcoolisme de celui-ci,



sur les contrats de prêts consentis aux époux Y...,



- que les trois contrats de prêt consentis aux époux Y... sont nuls à la fois pour défaut de cause et pour cause illicite puisque la détention des parts d'une société exploitant une pharmacie est subordonnée par l'article L5127-17 du code de la santé publique à la qualité de pharmacien qu'elle n'a pas alors qu'elle est co-emprunteuse pour l'acquisition de la SELARL, qu'elle n'a d'ailleurs jamais utilisé les sommes pour l'acquisition de parts et n'en est pas détentrice, la BNP ayant manqué de discernement en lui faisant souscrire les prêts litigieux, de sorte que la BNP doit être déboutée de ces demandes,



- que cette demande n'est pas nouvelle au sens de l'article 564 - et non 526 - du code de procédure civile puisqu'elle tend à faire rejeter les demandes en paiement et ne constitue qu'un moyen nouveau selon l'article 563,



- qu'elle n'est pas non plus prescrite puisque le règle selon laquelle l'exception de nullité est perpétuelle s'applique lorsque l'action en exécution est introduite, comme en l'espèce, après l'expiration de l'action en nullité, le caractère d'ordre public de la nullité empêchant l'exécution du contrat de faire obstacle à l'exception de nullité,



- que la BNP ne peut soutenir que la cause du contrat était la remise des fonds alors qu'elle même ne pouvait en avoir l'usage légalement, qu'elle n'a jamais reçu la moindre somme, peu important son intérêt financier à l'opération et son régime matrimonial, alors même que c'est la banque qui a exigé qu'elle devienne emprunteuse et que, contrairement à ce qu'elle affirme, elle n'a jamais géré la pharmacie, puisqu'elle n'en a été que tardivement secrétaire de direction à raison de l'alcoolisme et de la tyrannie de son époux,



- que les contrats de prêts sont nuls pour violence, en vertu de l'article 1108 du code civil, puisque leur signature lui a été imposée par son mari comme le démontrent les attestations produites, que cette nullité n'est pas prescrite en vertu des principes déjà cités,



- que les contrats lui sont 'inopposables' tant à titre personnel qu'en sa qualité d'héritière de M. Y... au titre de 'l'exception d'inexécution' puisque n'étant pas pharmacienne, la BNP ne pouvait lui prêter les sommes aux fins d'acquisition de l'officine, de sorte qu'elle a le droit de s'opposer au remboursement des prêts d'autant qu'elle n'a pas donné son consentement aux prêts exigé par l'article 1415 du code civil et que ce consentement ne peut se déduire de sa qualité de co emprunteuse, que la BNP ne peut la poursuivre en qualité d'héritière alors qu'elle n'a pas recueilli son consentement exprès,



- qu'en tout état de cause la BNP a manqué à son obligation de loyauté en accordant un prêt destiné à l'acquisition des parts de la SELARL de pharmacie alors qu'elle ne pouvait devenir associée puisqu'elle n'était pas pharmacienne, le préjudice généré étant équivalent aux sommes réclamées,



- que la BNP a manqué à son devoir d'information et de mise en garde puisqu'il n'y a pas d'offre préalable ni tableau d'amortissement alors qu'elle a pris une série de garanties, nantissement et assurance, et qu'elle a consenti, parallèlement, des prêts totalement disproportionnés de renflouement à la SELARL qui, sinon, aurait été en état de cessation des paiements, créant ainsi seulement une apparence de solvabilité de la SELARL dont le prix était donc bien trop élevé, et ce, non sans prendre un nantissement, des assurances, le prêt de 1,9 millions d'euros ayant dû être modifié par avenant dès le 5 avril 2007, tout en réglant un excédent du prix au cessionnaire, M. H...,



- qu'en leurs qualités de co-emprunteurs, la BNP aurait dû les alerter sur le fait que les résultats de la SELARL devaient être bien supérieurs à ceux réalisés pour leur permettre de faire face à leurs dettes, le préjudice généré étant équivalent aux sommes réclamées,



- que cette demande n'est pas prescrite puisque le délai court, en vertu de l'article 2224 du code civil, à compter de la manifestation du dommage plutôt que de sa réalisation c'est à dire de la défaillance de l'emprunteur et même en l'espèce, de la connaissance qu'elle a eu des poursuites de la banque par la signification du jugement le 21 septembre 2016 et non de la date du contrat, l'action de la BNP valant interruption à son profit pour ses arguments de défense,



- que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal ils n'étaient pas des emprunteurs avertis, ce à quoi ne conduit pas la seule qualité de pharmacien du seul M. Y..., que la BNP ne justifie pas de ses diligences aux fins de se renseigner sur la viabilité de l'opération alors que la valeur de l'officine aurait curieusement quadruplée en 7 années et que la somme de 268410,80 euros a été prêtée en trop aux époux Y... au regard du prix d'acquisition,



sur les demandes de la BNP en fixation de diverses sommes au passif de la liquidation judiciaire de la SELARL,



- qu'il est pris acte du formalisme de la déclaration de créance,



- que la BNP a manqué à son devoir de mise en garde à l'égard de la SELARL qui s'engageait de manière totalement inappropriée alors qu'elle n'était plus viable au point de nécessiter le prêt de 1,9 millions d'euros en juillet 2006,



sur les engagements de caution des époux Y...,



- que la BNP a manqué à son obligation de mise en garde en leur qualité de co emprunteurs et de cautions, l'entier passif à la liquidation judiciaire étant celui représenté par les créances de la BNP, aucune information n'ayant été donnée aux époux Y... sur le niveau d'endettement de la SELARL, qui était important comme le montre la lettre d'information des cautions du 17 février 2012, que ce défaut de loyauté la prive du droit de solliciter la mise en jeu des cautions ou implique une condamnation de la BNP à un montant équivalent aux sommes qu'elle réclame, de sorte qu'elles demandent à la cour de :

- prendre acte du désistement d'instance et d'action de Mme Maud Z...,

- de réformer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,



- de prononcer la nullité des trois prêts consentis aux époux Y...,



- de prononcer l'inopposabilité des trois prêts consentis aux époux Y...,



- de débouter la BNP de toutes ses demandes,



à titre subsidiaire,



- de condamner la BNP pour manquement à ses obligations à payer à Mme Y..., tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière d'G... Y..., un montant équivalent aux sommes réclamées,

- de prononcer la compensation entre les sommes réclamées au jour de l'arrêt à intervenir,



sur les engagements de cautions,



- de débouter la BNP de toutes ses demandes,



- à titre subsidiaire,



- de condamner la BNP pour manquement à ses obligations à payer à Mme Y..., tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritière d'G... Y..., un montant équivalent aux sommes réclamées,



- de prononcer la compensation entre les sommes réclamées au jour de l'arrêt à intervenir,



- de condamner la BNP à payer à Mme Y... la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Par ses dernières conclusions en date du 11 juin 2018, la société BNP Paribas expose :



- que le changement de régime matrimonial du couple Y... a enfin été produit le 7 juin 2018 seulement, la cour devant statuer ce que de droit quant à Mme Maud Z... au regard de l'article 873 du code civil qui l'institue héritier réservataire,



- que c'est la première fois au moyen des conclusions du 7 juin 2018, en quatre années de procédure, que Mme Y... soutient avoir été sous le joug de son époux défunt,



- que la demande de nullité des contrats de prêts aux époux Y... pour absence de cause ou cause illicite est irrecevable comme nouvelle en vertu de l'article 564 du code de procédure civile comme soulevée pour la première fois dans les conclusions du 31 janvier 2017, qu'elle est irrecevable comme étant prescrite en vertu de l'article 1304 du code civil, l'exception de nullité perpétuelle ne s'appliquant pas aux contrats dont l'exécution a commencé puisque les crédits ont été remboursés sans difficultés de 2006 à 2014,



- que cette action en nullité est infondée puisque la cause des prêts réside dans la remise des fonds au bénéfice de la communauté patrimoniale des époux Y... compte tenu de leurs intérêts sans qu'il n'ait jamais été stipulé comme devant servir à l'acquisition de parts sociales de pharmacie par Mme Irma Y..., ce dont elle était parfaitement informée alors qu'il n'est nullement prohibé de se rendre codébiteur solidaire d'une obligation ne concernant que le coobligé en vertu de l'article 1216 du code civil, Mme Y... ayant, par l'effet du régime matrimonial, la pleine propriété de la moitié du patrimoine du couple, y compris les parts sociales de la SELARL à acquérir, dont elle n'était que créancière de leur valeur comme le stipule l'acte d'acquisition, sans compter qu'elle était conjoint collaborateur,



- à titre très subsidiaire, que l'éventuelle nullité prononcée obligerait néanmoins Mme Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de son mari, et qui a bel et bien reçu les fonds prêtés, à restituer les sommes perçues au titre des crédits avec intérêts au taux légal à compter de la première échéance de remboursement,



- que, pour les mêmes raisons, il n'existe aucune exception d'inexécution puisque les fonds prêtés ont bien profité à la communauté patrimoniale des époux Y... sans que Mme Irma Y... n'ait eu à s'engager en vertu de l'article 1415 du code civil puisqu'elle était co emprunteuse solidaire dans le même acte,



- que la violence qui aurait entaché le consentement de Mme Y... au moment des prêts n'est nullement démontrée et que l'action de ce chef est également prescrite,



- que l'on ne voit pas quel manquement résulterait de ce qu'elle n'a pas rappelé à Mme Y... qu'elle n'était pas pharmacienne, étant observé qu'elle s'était engagée dans toutes les opérations d'acquisition et de cession d'officine de son mari, est devenue titulaire de la valeur des parts sociales,



- qu'elle n'était tenue d'aucune obligation de contrôle de l'affectation des fonds empruntés à défaut de clause en ce sens dans les actes de prêts,



- qu'elle n'a manqué à aucune obligation de mise en garde, le tribunal ayant retenu à juste titre que les époux Y... étaient des emprunteurs avertis et que leur patrimoine ne rendait pas les crédits consentis excessifs comme le montrent, au demeurant, les garanties prises et que ces griefs sont prescrits puisque l'action a été engagée plus de cinq années après l'octroi des crédits,



- que le grief de défaut d'information contenu dans les écritures du 10 mai 2017 est infondé, les prêts étant professionnels et non soumis aux dispositions du code de la consommation relatives aux crédits à la consommation, les dates des différents actes étant dûment indiquées,



- qu'elle n'a commis aucune faute au titre de la prise de garantie par nantissement d'une assurance-vie à laquelle Mme Y... a dûment consenti, qu'il a déjà été répondu aux demandes infondées de communication de pièces par Mme Y... soit en les ayant déjà communiquées soit en indiquant légitimement ne pas être en leur possession s'agissant de polices d'assurance souscrites directement par M. Y...,



- que le défaut de mise en garde sur la viabilité du projet, si l'action en résultant n'est pas prescrite et que les époux Y... ne sont pas jugés avertis, n'est pas établi puisque le caractère manifestement voué à l'échec dès l'origine de l'acquisition financée n'est pas démontré par Mme Y... sur laquelle repose la charge de la preuve alors même que les emprunts, tant au couple qu'à la SELARL, ont été remboursés normalement de 2006 à 2014 comme l'a permis l'exploitation de l'officine, la chute -relative - du chiffre d'affaire n'ayant débuté qu'en 2012 et surtout 2013, bien postérieurement aux emprunts, les problèmes d'alcoolisme de G... Y... évoqués par l'appelante pouvant expliquer la chute de l'activité et de la rentabilité, les nécessités économiques de réaménager les prêts en 2007 étant grossièrement travestis par Mme Y... puisqu'il s'agissait seulement de proroger la période d'utilisation du crédit de 12 mois,



- que l'argument sur le prix lésionnaire de l'officine est infondé et soutenu de mauvaise foi au regard des chiffres en question et qu'en tout état de cause, il est sans conséquence juridique sur sa créance, qu'elle n'a eu aucune information dont les emprunteurs n'auraient pas disposé sur la situation de l'officine,



- qu'elle n'a commis aucune faute dans le déblocage des crédits, notamment par le déblocage d'un surplus qui a été dûment sollicité par les deux époux Y..., tout grief - confusément invoqué - étant au demeurant prescrit,



- à titre infiniment subsidiaire, que la sanction d'un manquement à l'obligation de mise en garde ou de conseil n'emporte pas condamnation à des sommes équivalente à celles réclamées mais constitue une perte de chance de ne pas contracter qui ne peut être égale à l'avantage perdu,



- que le caractère erroné des TEG n'est pas étayé et est prescrit puisqu'invoqué plus de cinq années après la souscription des contrats de prêt,



- sur les sommes dues par la SELARL, que toutes les pièces justificatives de la créance sont apportées, que Maître C..., ès qualités, s'en est rapporté à justice mais qu'elle entend faire valoir :



- au moyen de son appel incident, que le jugement doit être réformé partiellement sur le montant de la fixation de créance au titre du remboursement du prêt dès lors que le tribunal s'est fondé sur un mauvais décompte de créance alors que les sommes réclamées sont dûment exposées dans sa déclaration de créance au passif dans le cadre de la procédure collective, qui est régulière,



- qu'elle n'encourt aucune responsabilité pour manquement à l'obligation de mise en garde à l'égard des cautions ou de la SELARL ce que montrerait la signature d'avenant et le ré aménagement du prêt de 1,9 millions dès 2007 alors qu'il ne s'est alors agi que de la fixation de la période limite d'utilisation des sommes et de la réédition d'un tableau d'amortissement après l'expiration de ladite période, Mme Y... tentant de tromper la cour sur ces points puisqu'aucune renégociation n'est intervenue, que tant la SELARL que les cautions étaient averties, M. et Mme Y... en étaient à leur 4ème installation d'officine, aucune mise en garde n'étant due, y compris pour les cautions consenties en 2011, de sorte qu'elle demande à la cour:



- de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a réduit sa créance à l'égard de la SELARL au titre du prêt de 1,9 millions d'euros et à tenir compte du décès de G... Y...,





'PAR CONSÉQUENT,

I- SUR LES POURSUITES ENGAGÉES PAR BNP PARIBAS AU TITRE DES PRÊTS SOUSCRITS PAR LES I... Y...

- A TITRE PRINCIPAL,

- condamner solidairement Madame Irma Y..., à titre personnel et en sa qualité d'ayant droit de Feu Monsieur G... Y..., et Madame Maud Z... née Y... en sa qualité d'héritière réservataire de Monsieur G... Y..., à payer à BNP PARIBAS les sommes suivantes :

- 654.558,95 € outre intérêts contractuels au taux majoré de 5,67 % à compter du 26 Juin 2014 jusqu'à parfait paiement,

- 194.735,47 € outre intérêts contractuels au taux majoré de 5,88 % à compter du 30 Janvier 2015 jusqu'à parfait paiement,

- 40.060,38 € outre intérêts contractuels au taux majoré de 6,57 % à compter du 26 Juin 2014 jusqu'à parfait paiement,

- ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil,

- déclaré irrecevables et débouter Madame Irma Y... et Madame Maud Z... en l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions dirigés contre BNP PARIBAS

- A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

- si par exceptionnel, la cour annule les crédits souscrits par les époux Y...,

- dire et Juger que Madame Irma Y... et Madame Maud Z... resteront tenues néanmoins, au titre des effets de la remise en état entre les parties, au remboursement du capital restant au titre des trois crédits ; déduction faite de l'intégralité des versements effectués jusqu'à ce jour par les époux Y....

Dès lors,

- condamner solidairement Madame Irma Y..., en son nom personnel et en sa qualité d'ayant droit de Monsieur G... Y..., et Madame Maud Z... née Y... en sa qualité d'héritière réservataire de Monsieur G... Y..., à payer à BNP PARIBAS au titre des effets de l'éventuelle remise en état et déduction faite des sommes acquittées par les époux Y... jusqu'à ce jour :

- 521.001,88 € outre intérêts au taux légal à compter du 1 er mars 2007, date de 1 ère échéance au titre de l'éventuelle annulation du crédit souscrit le 13 juillet 2006 à hauteur de 1.085.263 € en capital,

- 54.319,18 € outre intérêts au taux légal à compter du 1 er octobre 2006, date de 1 ère échéance au titre de l'éventuelle annulation du crédit souscrit le 13 juillet 2006 d'un montant de 527.850 € en capital,



- 25.249,80 € outre intérêts au taux légal à compter du 1 er mai 2007, date de 1ère échéance au titre de l'éventuelle annulation du crédit souscrit le 10 février 2007 d'un montant de 79.863,40 € en capital,



II- SUR LES POURSUITES ENGAGÉES PAR BNP PARIBAS CONTRE LA SELARL PHARMACIE DE L'OPERA MASSY, SES MANDATAIRES JUDICIAIRES ET LES CAUTIONS

- Fixer les créances de BNP PARIBAS au passif de la procédure collective de la SELARL PHARMACIE DE L'OPERA MASSY (RCS EVRY 390 301 521) à hauteur des sommes suivantes :

- 297.087,84 € à titre privilégié et nanti, au titre du solde débiteur du compte-courant n° [...],

- 3.599,80 € à titre chirographaire outre intérêts contractuels au taux de 7,15% du 19 février 2015 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt souscrit le 4 juin 2008,

- 859.050,28 € à titre privilégié et nanti outre intérêts contractuels au taux de 7,65% du 19 février 2015 jusqu'à parfait paiement au titre du prêt souscrit le 19 juillet 2006,

- condamner solidairement Madame Irma Y... et Madame Maud Z... née Y..., en leur qualité d'ayants droits de Monsieur G... Y..., caution de la SELARL PHARMACIE DE L'OPERA MASSY, à payer à BNP PARIBAS une somme de 300.000 € en vertu de l'engagement de caution souscrit par Monsieur G... Y... le 25 août 2011 outre intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014,

- Condamner Madame Irma Y..., en son nom personnel et en sa qualité de caution, à payer à BNP PARIBAS une somme de 300.000 € au titre de son engagement de caution souscrit le 25 août 2011, outre intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2014, date de mise en demeure,

- Ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code Civil,

- Déclarer irrecevables et Débouter Madame Irma Y..., Madame Maud Z... et la SELARL PHARMACIE DE L'OPERA MASSY et ses mandataires en l'ensemble de leurs demandes et moyens dirigées contre BNP PARIBAS,

III- SUR LES AUTRES DEMANDES

- Confirmer le jugement du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MELUN du 20septembre 2016 en ce qu'il a alloué à BNP PARIBAS une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE et condamner les débiteurs aux entiers dépens de première instance.

Y AJOUTANT,

- Condamner in solidum Madame Irma Y..., Madame Maud Z..., la SELARL PHARMACIE DE L'OPERA MASSY et Maitre Alain François C... ès qualités à payer à BNP PARIBAS une somme complémentaire de 12.000 € sur le fondement de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE ainsi que les entiers dépens dont distraction au profit de Maitre Christophe E... sur le fondement de l'article 699 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE.'



Par ses seules conclusions en date du 17 février 2017, Maître Alain C... en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la SELARL Pharmacie de l'Opéra Massy la société BNP Paribas expose qu'il s'en rapporte à justice, sollicite qu'il lui en soit donné acte et que tous succombant soit condamné aux dépens.



Maître J..., en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SELARL Pharmacie de l'Opéra Massy n'a pas constitué avocat, la déclaration d'appel lui ayant été signifiée par acte d'huissier du 12 décembre 2016.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2018.




MOTIFS



Sur le désistement de Mme Maud Z...



Par acte notarié en date du 5 juillet 2002, homologué par jugement en chambre du conseil du tribunal de grande instance de Melun du 9 septembre 2003, les époux Y... ont adopté le régime de la communauté universelle avec attribution de toute la communauté au dernier survivant, lequel stipule, en outre, d'une part, 'par dérogation aux dispositions de l'article 1404 du code civil, les biens propres par leur nature à chacun des époux tomberont également dans la communauté universelle' et, d'autre part, que la stipulation d'attribution de communauté 's'appliquera, qu'il existe ou non des enfants du mariage, et s'il en use, le survivant sera seul tenu d'acquitter toutes les dettes de communauté'.



Il résulte ainsi de cet acte et des articles 1404, 1524, 1525 et 1527 du code civil qu'aucune succession n'est ouverte, que Mme Irma X... est entièrement tenue des dettes de la communauté, tant en qualité de codébitrice solidaire qu'en celle d'attributaire de la totalité, active et passive, de la communauté et que Mme Maud Z... n'est pas tenue à ces dettes en vertu de l'article 873, n'étant pas héritière.



Il y a donc lieu de débouter la société BNP Paribas de toutes ses demandes à l'égard de Mme Maud Z... sans qu'il n'y ait toutefois lieu de prononcer de condamnation en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au profit de cette dernière, compte tenu de la tardiveté de la communication de l'acte notarié de modification du régime matrimonial.



Sur les nullités des contrats de prêt consentis aux époux Y...



Les deux prêts principaux consentis aux époux Y... et destinés à l'acquisition de 320 et 155 parts sociales de la pharmacie de L'Opéra à Massy, conjointement avec M. Xavier F... pour 25 parts le concernant, sont datés des 13 et 31 juillet 2006.



Un troisième et dernier prêt de 79773,80 euros leur a été consenti le 14 février 2007 pour permettre le rachat des 25 parts de M. Xavier F....



Mme Y... fait valoir que les dits contrats sont nuls, d'une part, pour absence de cause ou fausse cause et, d'autre part, pour violence.



L'article 1304 du code civil dispose, sans distinguer les nullités relatives ou absolues, que l'action est soumise, dans tous les cas où elle n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, à la prescription quinquennale.



Il résulte des décomptes de créance et il est par ailleurs constant que les premiers impayés, encore ont-ils été partiellement régularisés, datent de 2012.



Or si l'exception de nullité d'un acte peut être opposée au créancier, même après l'expiration du délai de prescription pour faire obstacle à son exécution, c'est à la condition que ledit acte n'ait pas déjà reçu exception, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, de sorte que les actions en nullité doivent être déclarées irrecevables comme prescrites, Mme X... veuve Y..., signataire sans contestations des contrats de prêt, ne pouvant sérieusement prétendre en avoir ignoré l'existence.



Il doit être ajouté, sur la nullité contradictoirement soulevée à la fois pour absence de cause ou cause illicite, que les emprunts faits par les deux époux pour l'acquisition de parts de la SELARL de pharmacie ont été valablement souscrits.



En, effet, tenant compte de la subordination de la propriété d'une officine à la qualité de pharmacien faite par le code de la santé publique, l'acte d'acquisition ne mentionne aucune atteinte à l'exploitation exclusive par G... Y..., titulaire du diplôme, stipulant au contraire que les épouses présentes à l'acte ne le sont qu'en qualités de créancières de la valeur des parts sans revendiquer celle d'associées de la société, conformément à la distinction, usuelle en la matière, du titre et de la finance.



S'agissant de la nullité fondée sur la violence exercée sur sa personne par feu G... Y..., Mme Irma X... veuve Y... ne pourrait faire reculer le point de départ de la prescription quinquennale à la date de cessation de cette violence en vertu de l'article 1111 du code civil dès lors que seule la violence exercée par celui au profit duquel la convention a été faite ou par un tiers peut fonder une nullité et non celle d'un codébiteur solidaire.



En tout état de cause, ce vice du consentement doit s'apprécier au moment où le contrat est souscrit et s'il est certain que les attestations et certificats médicaux produits par l'appelante objectivent une consommation excessive d'alcool d'G... Y..., dans les années ayant précédé son décès et, consécutivement, des relations rendues difficiles pour son épouse en dépit de l'affection qu'il témoignait pour sa famille, elle ne caractérisent pas une violence exercée sur Mme Irma X... veuve Y... au cours des années 2006 et 2007, les difficiles épisodes relatés étant postérieurs à l'année 2012.



En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de déclarer les demandes en nullité irrecevables comme prescrites, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur caractère nouveau au sens de l'article 564 du code de procédure civile.



Sur l'exception d'inexécution



Il est constant que les époux Y... ont disposé des fonds prêtés et il résulte de ce qui précède que la société BNP Paribas ne peut nullement se voir reprocher une inexécution du contrat à l'égard de Mme Irma X... veuve Y... puisque les prêts lui ont été valablement consentis, encore doit-il être ajouté, premièrement, que l'inexécution n'est pas sanctionnée, en vertu de l'article 1184 ancien du code civil, par l'inopposabilité du contrat invoquée par l'appelante et, deuxièmement, que Mme Irma X... est tenue des dettes non seulement en qualité de codébitrice solidaire mais aussi en celle d'attributaire de l'ensemble de la communauté.



Les mêmes motifs conduisent au rejet de l'action tendant à voir reconnaître un manque de loyauté de la banque au motif qu'elle a accordé le prêt à Mme X... veuve Y... qui n'est pas pharmacienne alors que la communauté pouvait acquérir des parts d'une SELARL exploitant le fond de commerce de pharmacie et alors qu'étant co emprunteuse solidairement tenue, l'acquisition n'était nullement soumise à la nécessité d'un consentement de l'époux en vertu de l'article 1415 du code civil, seulement exigé lorsque l'un d'entre eux s'engage seul.



Sur la manquement à l'obligation d'information et de mise en garde de la société BNP Paribas à l'égard des époux X... en qualités d'emprunteurs et de cautions



Les prêts consentis sont de nature professionnelle et non soumis aux dispositions des articles L311-1 et suivants anciens du code de la consommation, Mme X... ne caractérisant pas particulièrement, dans ses écritures, de manquement de la banque à son obligation d'information.



S'agissant de l'obligation de mise en garde de la banque à l'égard de l'emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt, il y a lieu de rappeler qu'elle ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non pas sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée.



Dès lors que Mme X... oppose à la banque un manquement à son obligation de mise en garde aux fins seulement subsidiairement d'obtenir des dommages-intérêts équivalent aux sommes dues mais, principalement, d'obtenir le débouté des prétentions de la banque, elle se prévaut d'un moyen de défense au fond, sur lequel la prescription invoquée par la société BNP Paribas est sans incidence.



Ainsi qu'il résulte de ce qui précède et avant même que ne soit considérée la qualité d'emprunteur avertie de Mme X... veuve Y..., il est justifié, ainsi que l'a retenu le tribunal, que G... Y..., pharmacien, était quant à lui un emprunteur averti puisqu'il procédait au moyen des prêts litigieux à l'acquisition de sa quatrième officine, et que la qualité prétendument non avertie de Mme X..., considérée comme co emprunteuse, est sans incidence dès lors qu'elle est également tenue à la dette comme attributaire de la communauté comprenant la dette de G... Y....



En tout état de cause, la banque n'est redevable envers les emprunteurs d'une obligation de mise en garde que s'il existe un risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt, or le tribunal a relevé à juste titre que le patrimoine des époux Y... au moment de leur souscription, constitué outre leurs revenus de 8 000 euros mensuels, d'une police d'assurance-vie, au demeurant donnée en nantissement et valorisé à 900 000 euros en 2009, et de trois biens immobiliers à Saint-Malo, Brie-Compte-Robert et Pornichet, ne caractérisait pas un endettement excessif né de la souscription des trois prêts représentant une somme empruntée de 1692976,40 euros.



Mme X... veuve Y... fait toutefois également valoir que la banque a manqué à son obligation de mis en garde en sa qualité d'emprunteuse à raison des prêts concomitamment consentis à la SELARL qu'elle se proposait d'acquérir avec son époux, de 1,9 millions d'euros.



L'opération a, en effet, été sollicitée par G... Y... et son épouse avec le concours de la société spécialisée en financement des professions libérales Interfimmo de manière globale, soit , d'une part des prêts au couple aux fins d'acquisition de la valeur des parts de l'entreprise exploitant l'officine, d'autre part, un prêt à cette dernière d'un peu moins de deux millions d'euros aux fins de financer l'encours, de refinancer les comptes courant d'associés, des frais divers et du fonds de roulement.



La société BNP Paribas fait cependant valoir, à juste titre, qu'elle est tenue d'un devoir de non immixtion dans les affaires de ses clients, de sorte qu'elle n'avait pas à se prononcer ni à alerter sur le prix d'acquisition et l'opportunité économique de l'opération étant observé qu'elle soutient que cette dernière n'était nullement vouée à l'échec dès le départ puisque si le prix des parts sociales avait augmenté entre la cession de 1999 et celle litigieuse, la chiffre d'affaire avait lui également augmenté puisqu'il est passé de 1426933 euros en 1999 à 3587433 euros au 31 décembre 2002, 3587433 euros au 31 décembre 2004 et 3852007 euros au 31 décembre 2005, le déficit de résultat de cette dernière année - en dépit d'un résultat d'exploitation en augmentation de 224 438 euros - s'expliquant par une augmentation des charges financières et une dotation exceptionnelle aux amortissements.



Mme X... veuve Y... ne démontre donc pas que la conjugaison de l'amortissement des prêts personnellement consentis pour l'acquisition (1692976,40 euros) et celui des prêts consentis à l'EURL avant qu'elle ne devienne SELARL (1927 500 euros représentant un remboursement mensuel de 15 435,45 euros ) était voué à l'échec dès l'origine compte tenu de la situation comptable de l'EURL acquise qui deviendra la SELARL L'Opéra de Massy, étant observé, au surplus, que les deux types de prêt ont été remboursés sans incidents pendant six années et que les difficultés ne sont apparues qu'après que le chiffre d'affaire a baissé à 2898000 euros en 2011, 2710 000 en 2012 puis chuté en 2013 à 2142000 euros, pour des motifs non prévisibles et évidemment indépendants de la banque.



Il n'est donc pas démontré que la banque aurait manqué à son obligation de mise en garde à l'égard des époux Y... tant en ce qui concerne leur emprunt professionnel que celui accordé à la SELARL qu'ils acquéraient, faute de démonstration d'un risque d'endettement excessif au moment de leur octroi et sans compter la qualité d'emprunteur averti de G... Y... et de la SELARL qu'il gérait.



Dès lors que la disproportion des engagements de cautions solidaires souscrits le 25 août 2011 dans la limite de 300 000 euros n'est plus soutenue en cause d'appel et compte tenu de ce que cette adjonction de garantie ne faisait pas naître un risque d'endettement excessif au regard des biens du couple Y... compte tenu de leurs revenus et patrimoine, la banque n'était pas tenue, même envers Mme X... veuve Y..., d'une obligation de mise en garde, de sorte que cette dernière doit être déboutée de ses demandes de ce chef.



Sur l'appel incident de la société BNP Paribas



Mme X... veuve Y... ne forme plus de demandes, en cause d'appel, fondée sur la régularité des modalités de mise à disposition des fonds, sur les polices d'assurance des prêts ainsi que sur la régularité de l'indication des TEG des différents contrats non plus que sur la régularité formelle de la déclaration de créance au passif de la SELARL compte tenu des pouvoirs conférés au déclarant dont il est justifié.



Le tribunal a relevé que le décompte fourni par la banque au titre du solde du crédit consenti à la SELARL le 19 juillet 2006 ne comportait pas de distinction entre le capital restant dû et la part du capital des échéances impayées.



Il est toutefois justifié par le décompte annexé à la déclaration de créance et par un nouveau décompte de sorte qu'il y a lieu de fixer la créance à ce titre à la somme de (831536,44 + 27513,84 )= 859050,28 euros avec intérêts au taux conventionnel de 7,65% sur la somme de 831536,44 à compter du 19 février 2015.



En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de réformer le jugement, non autrement critiqué, comme indiqué et en tenant compte du décès de G... Y....



Mme Irma X... veuve Y..., qui succombe en toutes ses prétentions, est condamnée au dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société BNP Paribas la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



Déboute la société BNP Paribas de toutes ses demandes à l'encontre de Mme Maud Z...;



Réforme le jugement entrepris et statuant à nouveau,



Déclare irrecevable comme prescrites les actions en nullité des prêts formées par Mme Irma X... veuve Y... ;



Déboute Mme Irma X... veuve Y... de toutes ses demandes ;



En conséquence,



Condamne Irma X... veuve Y... à payer à la société BNP Paribas les sommes suivantes :

- 654.558,95 € outre intérêts contractuels au taux majoré de 5,67% a compter du 26 Juin 2014 jusqu'à parfait paiement ;

- l94.735,47 € outre intérêts contractuels au taux majoré de 5,88% a compter du 30 janvier 2015 jusqu'à parfait paiement ;

- 40.060,38 € outre intérêts contractuels au taux majoré de 6,57% a compter du 26 Juin 2014 jusqu'à parfait paiement ;



Fixe les créances de la banque BNP Paribas au passif de la liquidation judiciaire de la SELARL Pharmacie de l'Opéra Massy à hauteur des sommes suivantes :

- 297.087,84 € à titre privilégie et nanti, au titre du solde débiteur du compte-courant n° [...] ;

- 3.599,80 € à titre chirographaire outre intérêts contractuels au taux de 7,15 % du 19 février 2015 jusqu'a parfait paiement au titre du prêt souscrit le 4 juin 2008 ;

- 859050,28 euros avec intérêts au taux conventionnel de 7,65% sur la somme de 831536,44 à compter du 19 février 2015 au titre du solde débiteur du prêt souscrit le 19 juillet 2006 ;



Condamne Mme Irma X... veuve Y..., en sa qualité de caution de la SELARL Pharmacie de l'Opéra Massy à payer à la banque BNP Paribas la somme de 300.000 €, outre intérêts au taux légal a compter du 7 novembre 2014 ;



Condamne Mme Irma X... veuve Y... en sa qualité d'ayant-droit de M. G... Y..., en sa qualité de caution de la SELARL Pharmacie de l'Opéra Massy à payer à la banque BNP Paribas la somme de 300.000 €, outre intérêts au taux légal a compter du 7 novembre 2014 ;



Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;



Condamne Mme Irma X... veuve Y... à payer à la banque BNP Paribas la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne Mme Irma X... veuve Y... aux dépens d'appel qui seront recouvrés par Maître Christophe E... euros en application de l'article 699 du code de procédure civile.



LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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