14 November 2018
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/01471

Pôle 1 - Chambre 3

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 14 NOVEMBRE 2018



(n° 606 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01471 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B42XW



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Décembre 2017 -Président du TGI de MEAUX - RG n° 17/00608



APPELANTS



Monsieur [T] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 2]



Madame [G] [V]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 3]



Représentés par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistés par Me Michel GENTILHOMME , avocat au barreau de PARIS, toque : E1729



INTIMES



Monsieur MAIRE LA COMMUNE DE CHELLES, représentée par son Maire en exercice, Monsieur [K] [A]

[Adresse 2]

[Localité 1]



Commune COMMUNE DE CHELLES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés , en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentés et assistés par Me Henri GERPHAGNON, avocat au barreau de MEAUX, toque : D3479



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Octobre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie GRALL, Conseillère et Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère, chargées du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre

Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère

Mme Sophie GRALL, Conseillère



Qui ont en délibéré,



Greffier, lors des débats : Mme Anaïs SCHOEPFER



ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Martine ROY-ZENATI, Première Présidente de chambre et par Anaïs SCHOEPFER, Greffière.



Suivant acte notarié en date du 20 avril 2004, M. [V] [P], Mme [C] [V], M. [U] [X] et Mme [G] [V] ont reçu chacun donation de M. et Mme [B] de parcelles respectivement cadastrées AK [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], provenant de la division de la parcelle cadastrée AK [Cadastre 5] d'une superficie totale de 6 993 m², située en zone Nda du plan d'occupation des sols de la commune de Chelles, les donataires bénéficiant également d'un droit de passage commun cadastré section AK [Cadastre 6] et [Cadastre 7].



Par jugement en date du 6 mai 2009, le tribunal correctionnel de Meaux a déclaré Mme [G] [V] coupable d'édification irrégulière de clôture soumise à déclaration préalable, d'exécution de travaux non autorisés, d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme ou du plan d'occupation des sols, et d'installation irrégulière de caravane pendant plus de trois mois par an hors terrain de camping ou parc résidentiel de loisirs sans déclaration préalable, et l'a condamnée à une peine d'amende ainsi qu'à la remise en état des parcelles cadastrées AK [Cadastre 6], AK [Cadastre 7] et AK [Cadastre 4] dans l'état où elles se trouvaient le 20 avril 2004 par la démolition des ouvrages en litige et la ré-affectation du sol dans un délai de six mois et sous astreinte de 30 euros par jour de retard.



Par arrêt en date du 8 décembre 2011, la cour d'appel de Paris a confirmé les dispositions de ce jugement concernant notamment les démolitions ordonnées mais l'a infirmé en ce qui concerne la remise en état des parcelles dans l'état où elles se trouvaient et la ré-affectation du sol.



Suivant acte d'huissier en date du 14 novembre 2013, la commune de Chelles, a saisi le juge des référés sur le fondement de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, aux fins d'obtenir, préalablement à la démolition, l'expulsion de Mme [G] [V], ainsi que de tous occupants de son chef.



Par ordonnance en date du 5 mars 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes d'expulsion présentées par la commune de Chelles à l'encontre notamment de Mme [G] [V] ainsi que de tous occupants de son chef.



Suivant acte d'huissier en date du 10 mai 2017, la commune de Chelles a fait assigner Mme [G] [V] et M. [T] [X] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux aux fins d'obtenir la désignation d'un huissier chargé notamment de relever l'état et la composition des bâtiments et constructions réalisées sur les parcelles et d'établir la liste du mobilier.



Par ordonnance en date du 22 juin 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux a désigné la SCP [F] [M] [G], huissier de justice à [Localité 1], aux frais avancés de la commune, afin de :

- Se rendre sur place,

- Pénétrer dans les lieux,

- Relever l'identité des occupants présents et déclarés dont il serait justifié,

- Relever et décrire l'état et la composition des bâtiments et constructions réalisées,

- Établir la liste du mobilier présent dans les bâtiments et constructions.



Un procès-verbal de constat d'huissier a été dressé en exécution de cette ordonnance le 21 juillet 2017.



Suivant acte d'huissier en date du 17 octobre 2017, la commune de Chelles a fait assigner Mme [G] [V] et M. [T] [X] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux aux fins d'obtenir, au visa du PLU de la commune, de l'article 809 du code de procédure civile, de l'article L 480-9 du code de l'urbanisme, de l'article L 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, et à raison de l'existence d'un trouble manifestement illicite, l'enlèvement de nouvelles installations sur la parcelle AK [Cadastre 4], ainsi que l'expulsion préalable de tous occupants des dites constructions avec enlèvement et gardiennage des meubles et véhicules avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier pour procéder aux opérations d'expulsion.



Par ordonnance en date du 20 décembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

- Rejeté les fins de non-recevoir,

- Constaté que les aménagements du terrain de type, notamment, enrobé bitumeux et pavage, coffrets électriques, plaques et poteaux en béton, point d'alimentation en eau et électricité, barbecue et la construction édifiée de type chalet en bois sur la parcelle AK [Cadastre 4], propriété de Mme [G] [V], selon constat du 21 juillet 2017, l'ont été en violation manifeste des règles d'urbanisme applicables en zone N aux termes du PLU de la ville de [Localité 1],

- Ordonné, à défaut de départ volontaire dans les formes et délais prévus par les articles L 412-1 à L 412-8 du code des procédures civiles d'exécution, l'expulsion de Mme [G] [V] et M. [T] [X] et de tous occupants de leur chef de ces constructions sur la parcelle AK [Cadastre 4] sise à [Adresse 1], et dont la présence a été constatée par la SCP [F] [M] [G], huissiers de justice à [Localité 1], dans son procès-verbal du 21 juillet 2017, ainsi que l'enlèvement et le gardiennage des objets mobiliers se trouvant dans ces constructions au jour de l'expulsion (sauf à ce que ces objets soient emportés par les personnes expulsées), ainsi que le déplacement des véhicules, et ce, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique,

- Rejeté la demande de Mme [G] [V] et M. [T] [X] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Mme [G] [V] et M. [T] [X], in solidum, aux entiers dépens de l'instance,

- Rappelé que la décision bénéficiait de l'exécution provisoire.



Suivant déclaration d'appel en date du 10 janvier 2018, Mme [G] [V] et M. [T] [X] ont interjeté appel de cette décision, à l'encontre de la commune de Chelles, représentée par son maire en exercice, en ce qu'elle a rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité à agir et d'intérêt à agir de la commune de Chelles, constaté que les aménagements du terrain et la construction de la parcelle AK [Cadastre 4] violeraient le PLU de ladite ville et ordonné, à défaut de départ volontaire, leur expulsion et l'enlèvement et le gardiennage de leurs objets mobiliers et véhicules.



Par ordonnance de référé rectificative en date du 7 mars 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux, saisi sur requête en date du 9 janvier 2018 par la commune de Chelles, a :

- Ordonné la rectification de l'omission de statuer affectant l'ordonnance du 20 décembre 2017,

- Dit que le dispositif de la décision serait complété comme suit,

Ordonnons mais uniquement à l'expiration du délai d'expulsion, la démolition aux frais avancés de la commune de Chelles (mais pour le compte de Mme [G] [V] et de M. [T] [X]) de la construction édifiée de type chalet en bois sur la parcelle AK [Cadastre 4], propriété de Mme [G] [V] sise [Adresse 3],

- Laissé les dépens de l'instance à la charge du Trésor Public,

- Rappelé que la décision bénéficiait de l'exécution provisoire.



Suivant déclarations d'appel en date du 17 avril 2018 et du 2 mai 2018, Mme [G] [V] et M. [T] [X] ont interjeté appel de l'ordonnance rectificative de référé rendue le 7 mars 2018, venant compléter l'ordonnance de référé rendue le 20 décembre 2017, en ce qu'elle a ordonné mais uniquement à l'expiration du délai d'expulsion, la démolition aux frais avancés de la commune de Chelles (mais pour leur compte) de la construction édifiée de type chalet en bois sur la parcelle AK [Cadastre 4], propriété de Mme [G] [V] sise [Adresse 3].



Par ordonnances en date du 15 mai 2018 et du 2 octobre 2018, la jonction de ces différentes instances a été prononcée.



Suivant conclusions déposées et notifiées le 9 octobre 2018 par le RPVA, Mme [G] [V] et M. [T] [X] demandent à la cour de :

Vu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales,

Vu l'article 9 du code civil,

Vu l'article 463 du code de procédure civile,

Vu la requête en annulation devant le tribunal administratif de Melun,

- Annuler l'ordonnance de référé du 20 décembre 2017 et l'ordonnance rectificative du 7 mars 2018.

- Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du 20 décembre 2017 et l'ordonnance rectificative du 7 mars 2018.

- Rejeter les demandes de la commune de Chelles.

Subsidiairement,

- Surseoir à statuer sur la demande de démolition et d'expulsion de la commune de Chelles.

- Condamner la commune de Chelles à leur verser la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Mme [G] [V] et M. [T] [X] font valoir essentiellement ce qui suit :

* Sur la nullité de l'ordonnance rendue le 7 mars 2018 :


- Du fait de l'appel interjeté le 10 janvier 2018, le juge des référés était dessaisi et ne pouvait plus statuer sur la demande de rectification, la cour ayant, en raison de l'effet dévolutif, entière et totale connaissance du litige.

- S'agissant d'une omission de statuer, la juridiction disposait, en application de l'article 463 du code de procédure civile, d'un délai d'un an pour compléter sa décision après qu'elle soit passée en force de chose jugée.

- La demande de rectification présentée par la commune de Chelles le 9 janvier 2018 est tardive dans la mesure où, elle a été formée après qu'une année civile se soit écoulée, la décision rendue le 20 décembre 2017, bénéficiant de droit de l'exécution provisoire, étant revêtue dès cette date de la force de chose jugée.

* Sur l'irrecevabilité de la demande de démolition présentée par la commune de Chelles :

- La commune de Chelles est dépourvue de qualité à agir dès lors que l'action en démolition et en expulsion engagée sur le fondement de l'illégalité de la construction édifiée relève de la compétence de l'Etat ou du maire agissant au nom de l'Etat.

- La commune de Chelles n'a pas non plus intérêt à agir dans la mesure où elle ne justifie d'aucun préjudice, la ville ayant autorisé en 1974 l'installation d'une casse automobile sur le terrain, la réalisation d'une construction de type chalet en bois sur la parcelle ne saurait porter une atteinte supplémentaire à la zone naturelle dans laquelle elle est située.

- L'intervention volontaire du maire de la commune ne permet pas de régulariser la procédure.

* Sur l'absence de trouble manifestement illicite :

- La commune de Chelles, qui entend mettre en oeuvre les dispositions de l'article L 480-9 du code de l'urbanisme, ne peut se fonder sur l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 8 décembre 2011, pour justifier son action contre la construction existante (maison individuelle de type chalet en bois), dès lors que la demande de démolition présentée porte sur des ouvrages distincts de ceux visés par la procédure pénale. L'ordonnance rendue le 20 décembre 2017, dont les motifs ont été adoptés par l'ordonnance du 7 mars 2018, est donc illégale en ce qu'elle se méprend sur l'autorité de chose jugée de l'arrêt rendu le 8 décembre 2011.

- La commune de Chelles ne peut invoquer devant le juge des référés les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile et prétendre au vu du règlement de la zone NC que le juge des référés est en présence d'un trouble manifestement illicite dès lors que,

' l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est pas établie au regard du PLU de la commune, Mme [G] [V] ayant déposé une demande de permis de construire le 6 novembre 2017, et ayant formé un recours devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté du maire qui a refusé la demande de permis de construire.

' le classement en zone NC de ce secteur qui accueillait une fourrière depuis 1974 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Mme [G] [V] est recevable à contester par voie d'exception devant le juge judiciaire la légalité du zonage du PLU de la ville de [Localité 1]. Il existe un doute sérieux quant à la légalité du classement en zone N de la parcelle dont Mme [G] [V] est propriétaire dans la mesure où le secteur concerné est très largement urbanisé avec de très nombreuses constructions pavillonnaires de l'autre côté de la rue, que les terrains ont une vocation industrielle depuis 1974, qu'ils sont situés à l'angle de deux axes majeurs dont une route départementale et qu'ils sont équipés en eau, électricité et réseaux d'assainissement.

* Sur l'atteinte disproportionnée à la vie familiale normale au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme et de l'article 9 du code civil :

- Les décisions entreprises sont critiquables en ce qu'elles ne prennent pas en compte la réalité des faits, le juge des référés s'étant abstenu de vérifier si la démolition qui implique l'expulsion du logement n'était pas de nature à constituer une ingérence disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale dès lors qu'ils habitent sur le terrain avec leurs enfants depuis 2004, que M. [T] [X] est inscrit au registre des métiers à cette adresse et que leur fille [G] [X] est scolarisée à [Localité 1]. Ce droit ne peut être garanti par le fait que l'expulsion porte sur les constructions à vocation d'habitation et non sur l'ensemble de la parcelle. La décision d'expulsion méconnaît également les dispositions de l'article 2 du 1er protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme qui garantit le droit à l'instruction et l'article 3 de la Convention de New York, relative aux droits de l'enfant, de 1989.




Suivant conclusions déposées et notifiées le 8 octobre 2018 par le RPVA, la commune de Chelles, représentée par son maire en exercice, M. [K] [A], et le maire de [Localité 1], M. [K] [A], demandent à la cour de :

Vu le règlement de la zone N du PLU de la commune de Chelles,

Vu les articles 461 à 464, 481 et 809 du code de procédure civile,

Vu l'article L 480-9 du code de l'urbanisme,

Vu l'article L 411-1 du code des procédures civiles d'exécution,

- Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 7 mars 2018;

- Condamner Mme [G] [V] et M. [T] [X] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

- Condamner Mme [G] [V] et M. [T] [X] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La commune de Chelles fait valoir essentiellement ce qui suit :

* Sur la nullité prétendue de l'ordonnance du 7 mars 2018 :

- Le juge des référés était compétent pour rectifier son ordonnance en application des articles 463 et 481 du code de procédure civile.

- La demande de rectification a été présentée dans le délai d'un an prévu à l'article 463 du code de procédure civile.

* Sur la recevabilité des demandes de la commune :

- La commune de Chelles a qualité à agir, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, pour solliciter la démolition des nouveaux bâtiments infractionnels, ainsi que pour solliciter l'expulsion, sur le fondement de l'article L 411-1 du code des procédures civiles d'exécution et s'il y a lieu de l'article L 480-9 du code de l'urbanisme, en cas de présence d'autres occupants que les propriétaires déclarés. Ce n'est que lorsque le maire agit pour exécuter d'office une décision rendue qu'il agit ès qualités de représentant de l'Etat. En tant que de besoin, le maire de la commune intervient à la procédure.

- La question de l'intérêt à agir de la commune pour défendre la règle d'urbanisme a déjà été tranchée, notamment par l'arrêt rendu le 8 décembre 2011 par la cour d'appel de Paris, des constructions plus importantes que celles dont la démolition avait été ordonnée portant une atteinte supplémentaire à la zone naturelle dans laquelle elles sont situées.

* Sur le trouble illicite constitué par les constructions :

- La demande de permis de construire, qui est la conséquence de l'assignation délivrée, est purement dilatoire.

- Les dispositions de la zone N interdisent manifestement toute construction à usage d'habitation sur la parcelle.

* Sur la contestation du PLU :

- Les appelants, qui prétendent soulever par voie d'exception la régularité du PLU, ne s'expliquent aucunement sur le fondement légal de leur demande qui n'est du reste pas précisée dans le dispositif de leurs écritures.

- Il n'appartient pas au juge judiciaire d'effectuer un contrôle sur le classement en zone naturelle.

- En tout état de cause, les photographies aériennes produites par les appelants démontrent que leur terrain est précisément situé dans une zone naturelle sans contradiction avec le zonage du PLU.

- Le terrain a été classé comme Espace Naturel Sensible par une décision du conseil général de Seine et Marne du 30 janvier 1995 et est également inscrit depuis 1990 dans un 'plan vert' de la commune destiné à valoriser ses milieux naturels sensibles.

- Le précédent propriétaire du terrain a lui même été condamné pour des constructions irrégulières sur le terrain qui était alors classé en zone agricole.

* Sur l'atteinte à la vie de famille :

- Le droit protégé par l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ne fait pas obstacle aux demandes présentées qui ont pour finalité le respect des règles d'urbanisme.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 octobre 2018.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.




MOTIFS DE LA DÉCISION



* Sur la demande de nullité de l'ordonnance rectificative en date du 7 mars 2018 :



En vertu de l'article 463 du code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.

Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.

La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.



En l'espèce, le premier juge a été saisi par la commune de Chelles d'une demande de rectification d'une omission affectant l'ordonnance de référé rendue le 20 décembre 2017, par requête en date du 9 janvier 2018, soit dans le délai d'un an après que ladite décision est passée en force de chose jugée.



Il ne saurait dès lors lui être fait grief d'avoir, conformément à la procédure prévue à l'article 463 précité, réparé l'omission de statuer affectant sa décision.



La demande présentée par les appelants tendant à voir annuler la décision rectificative rendue le 7 mars 2018 doit donc être rejetée.



* Sur les fins de non-recevoir :



L'action engagée par la commune de Chelles tendant à voir ordonner la démolition de nouvelles constructions réalisées sur la parcelle AK [Cadastre 4], dont elle invoque le caractère illicite au regard des règles d'urbanisme, ainsi que l'expulsion de leurs occupants, étant principalement fondée sur les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile, il s'ensuit que sa qualité et son intérêt à agir ne sont pas valablement remis en cause dans le cadre de la présente instance, étant observé, au surplus, que le maire de la commune est intervenu, en tant que de besoin, à la procédure.



* Sur les demandes de démolition et d'expulsion :



En vertu de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



L'application de ce texte n'est pas subordonnée à la preuve de l'urgence de la mesure sollicitée, ni à la preuve de l'absence de contestation sérieuse.



Pour s'opposer aux demandes de démolition et d'expulsion présentées, les appelants font valoir, en l'espèce, que l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est pas établie dès lors que les constructions concernées ne sont pas celles visées par les décisions pénales qui ont été rendues, qu'elles n'ont donné lieu à l'établissement d'aucun procès-verbal d'infraction, et qu'elles font l'objet d'une demande de permis de construire déposée le 6 novembre 2017.

Ils soutiennent, en outre, que le classement de la parcelle AK [Cadastre 4] en zone NC du plan local d'urbanisme de la commune de Chelles est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.



Un procès-verbal de constat d'huissier a été dressé par la SCP [F] [M] [G], le 21 juillet 2017, en exécution de l'ordonnance de référé du 22 juin 2017, confirmée par un arrêt rendu le 12 avril 2018 par la cour d'appel de ce siège, qui a relevé la présence sur la parcelle AK [Cadastre 4] d'aménagements du terrain (enrobé bitumeux et pavage, coffrets électriques, plaques et poteaux en béton, points d'alimentation en eau et électricité) ainsi que d'une construction de type chalet en bois servant d'habitation à Mme [G] [V] et M. [T] [X].



Il n'est pas contesté que ledit chalet, dont la démolition est sollicitée par la commune, est une construction nouvelle, distincte de celles visées par l'arrêt définitif rendu le 8 décembre 2011 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Paris.



La réalité du trouble manifestement illicite invoqué par la commune ne saurait pour autant être appréciée sans tenir compte du fait que de précédentes constructions réalisées sur la même parcelle ont déjà été déclarées irrégulières par ladite décision qui a déclaré Mme [G] [V] coupable d'infractions au code de l'urbanisme.



Il résulte, à cet égard, des pièces versées aux débats que la parcelle AK [Cadastre 4], issue de la division de parcelle AK [Cadastre 5], a été classée par décision du conseil général de Seine et Marne du 30 janvier 1995 dans le périmètre des Espaces Naturels Sensibles puis en zone naturelle de type NDa au plan d'occupation des sols de la commune révisé et approuvé le 25 juin 1999, classement maintenu en zone naturelle dans le plan local d'urbanisme de 2008, que la zone NDa est un 'secteur à vocation dominante agricole et forestière', laquelle est restrictive quant aux possibilités d'utilisation du sol et que celles-ci, prévues à l'article N2.2 du plan local d'urbanisme, permettent seulement 'l'aménagement, l'extension mesurée ou la reconstruction après sinistre des bâtiments existants, sans changement de destination, ni création de logements supplémentaires' et 'l'agrandissement ou la transformation des établissements artisanaux ou agricoles'.



Les photographies aériennes produites par les appelants relatives à l'environnement de la parcelle et le fait qu'ils invoquent selon lequel M. [B], précédent propriétaire de la parcelle AK [Cadastre 5], avait obtenu du maire de la commune, en 1974, l'autorisation d'y transférer son activité de récupération de pièces automobiles ne sont pas de nature à remettre valablement en cause le classement en zone naturelle de la parcelle AK [Cadastre 4], issue de sa division, dès lors que la commune de Chelles justifie de ce que M. [B] a été déclaré coupable d'infractions au plan d'occupation des sols de la commune et condamné à remettre en état le terrain qui était alors classé en zone agricole.



S'il ressort des documents versés aux débats par les appelants que Mme [G] [V] a déposé une demande de permis de construire le 6 novembre 2017, soit postérieurement à la délivrance de l'assignation, et qu'une instance est pendante devant le tribunal administratif de Melun, par elle saisi d'une demande d'annulation de l'arrêté du maire de la commune du 28 novembre 2017, qui a refusé ladite demande, il apparaît que les dispositions du plan local d'urbanisme font manifestement obstacle à la régularisation des constructions édifiées sur la parcelle, la construction nouvelle réalisée ne relevant nullement des dispositions de l'article N2.2 précitées.



La demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction administrative présentée par les appelants ne saurait, en conséquence, être accueillie.



Il résulte, par ailleurs, des énonciations de l'ordonnance du 20 décembre 2017, qui ne sont pas remises en cause sur ce point, que l'acte notarié du 20 avril 2004, contenant donation, précise expressément que les donataires ont pris connaissance, tant par eux-mêmes que par la lecture qui leur en a été faite par le notaire, des divers certificats d'urbanisme desquels il résulte notamment que le bien est situé en zone naturelle de protection paysagère à vocation forestière et agricole où toute autre occupation des sols est interdite, ledit acte mentionnant en outre que le terrain est 'non viabilisé et non constructible'.



Il apparaît, dès lors, que Mme [G] [V], qui était informée, dès 2004, des règles d'urbanisme applicables à la parcelle AK [Cadastre 4], et qui a été condamnée par une décision pénale définitive pour y avoir contrevenu, a néanmoins fait le choix de réaliser, sans avoir même tenté au préalable d'obtenir une décision l'y autorisant, une nouvelle construction à vocation d'habitation sur ce terrain sur lequel toute construction demeurait prohibée en vertu de la réglementation en vigueur.



Le droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile ne fait pas obstacle à la protection de l'environnement assurée par des dispositions d'urbanisme impératives destinées à préserver l'intérêt public de la commune et de ses habitants.



Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les droits fondamentaux invoqués par les appelants ne sauraient ôter au trouble que constitue la violation réitérée et en toute connaissance de cause des règles d'urbanisme en vigueur son caractère manifestement illicite, et que les mesures de démolition et d'expulsion sollicitées sont proportionnées au droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des appelants, étant précisé que l'expulsion doit s'entendre, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, des constructions à vocation d'habitation édifiées sur la parcelle AK [Cadastre 4] et non de l'ensemble de la parcelle puisque Mme [G] [V] en est propriétaire.



Il convient, par conséquent, de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 20 décembre 2017 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux ainsi que l'ordonnance rectificative du 7 mars 2018.



Il y a lieu, en outre, compte tenu de la solution donnée au présent litige, de condamner Mme [G] [V] et M. [T] [X] aux dépens d'appel, de les débouter de leur demande au titre des frais irrépétibles et de les condamner à payer à la commune de Chelles la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.









PAR CES MOTIFS



Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 20 décembre 2017 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux ainsi que l'ordonnance rectificative rendue le 7 mars 2018 ;



Y ajoutant ;



Condamne Mme [G] [V] et M. [T] [X] à payer à la commune de Chelles, représentée par son maire, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



Condamne Mme [G] [V] et M. [T] [X] aux dépens d'appel.



LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

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