29 January 2019
Cour d'appel de Paris
RG n° 17/02846

Pôle 4 - Chambre 4

Texte de la décision

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANÇAISE


délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS





Pôle 4 - Chambre 4





ARRÊT DU 29 JANVIER 2019





(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/02846 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2TCN





Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2016 -Tribunal d'Instance de [...] - RG n° 11-16-000528








APPELANTE





SCI LES CIMES


pris en la personne de ses représentants légaux


[...]





Représentée par Maître Cécile D... , avocat au barreau de PARIS, toque : E1286





Ayant pour avocat plaidant Maître Joanne X... avocat au barreau de PARIS,


toque : E1286








INTIMEE





Madame Y... Z... veuve A...


[...]





Représentée par Maître Laurent B..., avocat au barreau de PARIS, toque : E1567





(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/011231 du 31/05/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)


















































COMPOSITION DE LA COUR :





L'affaire a été débattue le 10 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:





M. Christian E..., Président


Mme Marie MONGIN, Conseiller


M François BOUYX, Conseiller





qui en ont délibéré.





Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie MONGIN, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.








Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA








ARRÊT :





- CONTRADICTOIRE





- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.





- signé par M. Christian E..., Président et par Cécile FERROVECCHIO, Greffier présent lors de la mise à disposition






*****





EXPOSÉ DU LITIGE





La SCI Les Cimes, SCI ayant pour associés M. et Mme Frédéric C... ainsi que leur fils, Cédric C..., est propriétaire d'un appartement sis [...] arrondissement de Paris. Cet appartement a été donné à bail à Madame Y... A... née Z..., suivant engagement de location verbal avec son défunt mari, M. Julien A..., en application de la loi du 1er septembre 1948.





Par acte du 22 juin 2015, la SCI Les Cimes a fait signifier un congé à Mme Y... A... pour reprise au bénéfice de M. Cédric C... à effet au 31 décembre 2015.





Mme Y... A... n'ayant pas quitté les lieux, la SCI Les Cimes l'a fait assigner par acte du 10 mai 2016, devant le tribunal d'instance du 18ème arrondissement de Paris, aux fins de voir :


- Valider le congé,


- Ordonner l'expulsion de Madame A...,


- Fixer l'indemnité d'occupation à 1 000 euros par mois avec indexation sur le coût de la


construction et prestation en sus,


- Condamner Madame A... au paiement de la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts et de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,


- Ordonner l'exécution provisoire.





Par jugement en date du 12 décembre 2016 le tribunal d'instance du 18ème arrondissement de Paris, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a:


- Déclaré nul le congé délivré le 22 juin 2015 pour le 31 décembre 2015,


- Débouté la SCI Les Cimes de ses demandes,


- Condamné la SCI Les Cimes à payer à Maître B... la somme de 400 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,


- Ordonné l'exécution provisoire,


- Condamné la SCI aux dépens.





Par déclaration en date du 6 février 2017, la SCI Les Cimes a interjeté appel de cette décision et, dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 12 novembre 2018, elle demande à la cour de :


- Se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de radiation,


- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,


- Valider le congé du 22 juin 2015 pour le 31 décembre 2015,


En conséquence,


- Prononcer l'expulsion de Madame Y... veuve A... née Z... et de toute personne de son chef dans les lieux et ce avec l'assistance de la force publique si nécessaire,


- Fixer l'indemnité d'occupation à 1 000 euros mensuels avec indexation sur le coût de la


construction, et prestations en sus,


- Débouter Madame A... de toutes ses demandes,


- Condamner Madame Y... veuve A... née Z... en [...] € à titre de dommages et intérêts et à 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.





Dans ses conclusions signifiées le 31 juillet 2017, Mme A..., intimée, demande à la cour de :


In limine litis,


- Ordonner la radiation de l'affaire du rôle en l'absence d'exécution des causes du jugement rendu par le tribunal d'instance du 18ème arrondissement de Paris en date du 12 décembre 2016,


A titre principal,


- Constater que le contrat de bail conclu est soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948,


- Constater que la société SCI Les Cimes ne saurait se prévaloir d'une quelconque exception lui permettant de pouvoir déroger aux dispositions des articles 19 et 20 de loi du 1er septembre 1948,


- Confirmer, en conséquence, le jugement rendu par le tribunal d'instance du 18ème arrondissement de Paris en date du 12 décembre 2016 en l'ensemble de ses termes et dispositions,


- Déclarer le congé pour reprise délivré à Madame A... le 22 juin 2015 comme étant nul et de nul effet,


- Débouter la SCI Les Cimes de toutes ses demandes, fins et conclusions,


- Condamner la SCI Les Cimes à la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; somme qui sera recouvrée directement par Maître Laurent B..., avocat aux offres de droit, et pour son propre compte,


A titre subsidiaire,


- Constater que la société SCI Les Cimes n'a effectué aucune offre de relogement conformément aux dispositions de l'article 19 de la loi du 1er septembre 1948,


- Déclarer le congé pour reprise délivré à Madame A... le 22 Juin 2015 comme étant nul et de nul effet, pour défaut de proposition de relogement,


A titre infiniment subsidiaire,


- Accorder à Madame A... un délai de 36 mois pour quitter les lieux,


En tout état de cause,


- Débouter la SCI Les Cimes de sa demande en condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,


- Débouter la SCI Les Cimes de sa demande de majoration de l'indemnité d'occupation,


- Condamner la SCI Les Cimes aux entiers dépens.





L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 novembre 2018.






SUR CE,





Considérant, en premier lieu, que la demande de radiation de l'affaire formée en application de l'article 526 du Code de procédure civile, ne peut, comme le soutient à juste titre l'appelante, être formée que devant le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état ; que cette demande adressée à la cour est donc irrecevable ;





Considérant, au fond, que les dispositions des articles 19 et 20 bis de la loi du 1er septembre 1948 ne permettent aux membres d'une personne morale d'exercer le droit de reprise prévu au premier de ces textes que si ladite personne morale est une société ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance au sens de l'article L 212-1 du Code de la construction et de l'habitation et ce, sur les logements qui leur sont attribués en jouissance ;





Qu'en l'espèce, l'appelante ne conteste pas que les conditions posées par ce texte ne sont pas réunies, mais se prévaut de l'article 13 de la loi du 6 juillet 1989 - lequel prévoit que le droit de reprise pour habiter peut être invoqué lorsque le bailleur est une société civile constitué exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus, par la société au profit de l'un de ses associés - auquel les dispositions de l'article 2 de ladite loi confèrent un caractère d'ordre public ;





Considérant, cependant, que cette argumentation ne peut être retenue dès lors que cette qualification d'ordre public vise l'impossibilité pour les parties de déroger aux dispositions prévues par ce texte, sauf pour stipuler des conditions plus protectrices, mais exclusivement pour les conventions qui sont soumises à cette loi du 6 juillet 1989 ;





Que dès lors qu'il n'est pas contesté que la location litigieuse est régie par la loi du 1er septembre 1948 et non par la loi du 6 juillet 1989, c'est en vain que le bailleur sollicite l'application de l'article 13 de ce dernier texte législatif ;





Considérant que la bailleresse fait également valoir que les dispositions précitées de la loi du 1er septembre 1948 constituent une discrimination injustifiée entre les personnes physiques et les SCI familiales, et contreviennent donc, tant à l'article 1 de la Constitution qu'à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au sens de son article 14 tel qu'interprété par la Cour de Strasbourg ;





Considérant, s'agissant de la conformité de ces dispositions législatives à l'article 1 de la Constitution, qu'il n'appartient pas au juge judiciaire de l'apprécier, observation étant faite que l'appelante n'a pas cru utile de solliciter que soit posée une question prioritaire de constitutionnalité ;





Que, s'agissant de la conformité des dispositions applicables de la loi du 1er septembre 1948 à la convention internationale précitée, il doit être relevé que selon la cour de Strasbourg : «pour qu'un problème se pose au regard de l'article 14 il doit y avoir une différence dans le traitement de personnes placées dans des situations comparables. Une telle distinction est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s'il n'y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.» mais que «les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d'autres égards analogues justifient des distinctions de traitement (...) Cette marge est d'ordinaire ample lorsqu'il s'agit de prendre des mesures d'ordre général en matière économique ou sociale » ;





Qu'il apparaît que la distinction entre les droits conférés aux membres d'une société civile immobilière familiale et ceux dont peut être titulaire une personne physique est une justification objective et raisonnable permettant une différence de traitement au regard du droit de reprise offert au propriétaire d'un local d'habitation, différence poursuivant un but légitime ; que les moyens employés sont proportionnés au but visé dès lors que les membres de certaines personnes morales peuvent bénéficier de ce droit de reprise d'un local à condition de pouvoir se prévaloir d'un droit de jouissance sur celui-ci ;





Considérant, en conséquence, qu'il n'y a pas lieu de juger que les dispositions des articla 19 et 20 bis de la loi du 1er septembre 1948 contreviennent à l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;





Considérant que le jugement sera donc confirmé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens et demandes subsidiaires de l'intimée ;





Considérant que l'appelante qui succombe en son appel sera condamné aux dépens d'appel, l'équité ne commandant pas l'application de l'article 37de la loi du 10 juillet 1991 ;





PAR CES MOTIFS,





La Cour, statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe ;





- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;





Y ajoutant ;





- Dit irrecevable la demande de radiation fondée sur l'article 526 du Code de procédure civile ;





- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;





- Condamne la SCI Les Cimes aux dépens d'appel.








LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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