20 October 2010
Cour de cassation
Pourvoi n° 08-21.161

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2010:C100933

Titres et sommaires

COMMUNAUTE EUROPEENNE - Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 - Compétence judiciaire en matière de responsabilité parentale - Déplacement ou non-retour illicite d'un enfant - Ordre de retour dans l'Etat de sa résidence habituelle - Dispositions adéquates prises par les autorités locales pour assurer la protection de l'enfant à son retour - Office du juge - Portée

C'est en faisant application à bon droit de l'article 11 4° du Règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 et en se fondant sur la réponse donnée par le ministère de la justice italien, autorité centrale désignée au titre de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, l'informant de la prise des dispositions adéquates auprès des autorités judiciaires et des services sociaux locaux pour assurer la protection des enfants à leur retour en Italie, qu'une cour d'appel a pu ordonner le retour des enfants dans l'Etat de leur résidence habituelle, le père n'ayant présenté, pour s'opposer à leur retour, aucun élément de preuve autre que les déclarations de ses plus jeunes filles, entendues d'office par le premier juge et dont l'intérêt a été pris en compte

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de La Haye du 25 octobre 1980 - Aspects civils de l'enlèvement international d'enfants - Article 13 § b - Non-retour de l'enfant - Obligation d'ordonner le retour de l'enfant - Exclusion - Cas - Exposition de l'enfant à un risque grave de danger physique ou psychique - Caractérisation - Défaut - Applications diverses

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 octobre 2010




Rejet


M. CHARRUAULT, président



Arrêt n° 933 F-P+B+I

Pourvoi n° S 08-21.161








R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. [K] [S], domicilié 44 rue de Verdun, 51050 Reims,

contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2008 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, section famille), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [U] [G], domiciliée rue Del Bizantini n° 34, 88046 Lamerzia Terme (CZ) (Italie),

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Reims, domicilié 201 rue des Capucins, 51096 Reims cedex,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 21 septembre 2010, où étaient présents : M. Charruault, président, Mme Vassallo, conseiller référendaire rapporteur, M. Pluyette, conseiller doyen, Mme Falletti, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vassallo, conseiller référendaire, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de M. [S], de Me Blondel, avocat de Mme [G], l'avis oral de Mme Falletti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :

Attendu que M. [S] et Mme [G] se sont mariés le 24 août 1991 ; que trois filles sont nées en Italie de leur union, [I], le 24 août 1992, [E], le 16 avril 1995 et [W], le 6 mai 1997 ; qu'une décision d'un tribunal italien a prononcé, le 11 février 2004, la séparation de corps et de biens des époux et accordé à la mère un droit de garde exclusif sur les trois enfants, le père disposant d'un droit de visite sur le territoire italien ; que le 31 août 2007, M. [S] a déplacé ses deux plus jeunes filles en France ; que, saisi par le procureur de la République de Reims d'une demande de retour, le juge aux affaires familiales, après avoir procédé d'office à l'audition de [E] et [W], puis, le jour de l'audience, à celle de leur soeur [I], a sursis à statuer et ordonné un examen médico-psychologique de l'ensemble de la famille ;

Attendu que M. [S] fait grief à l'arrêt attaqué (Reims, 2 octobre 2008), d'avoir ordonné le retour de [E] et [W] en Italie, alors, selon le moyen :

1°/ que dans une procédure de demande de retour d'enfant déplacé, celui-ci doit être entendu ; qu'en statuant sans entendre les deux jeunes filles, ni se prononcer sur la valeur de leurs déclarations devant le premier juge, la cour d'appel a violé les articles 11-2 du Règlement CE 2201/2003, 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 3 de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

2°/ que l'autorité judiciaire n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque cette mesure l'expose à un danger physique ou psychique ou le place dans une situation intolérable ; que cette exception ne joue pas s'il est établi que les dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour ; qu'en se bornant à prendre en compte les affirmations générales des autorités italiennes, sans se prononcer sur la réalité des déclarations des enfants quant aux faits de maltraitance dont elles se plaignaient, ni vérifier que des mesures avaient été effectivement prises pour protéger les enfants de tels comportements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 11-4 du Règlement CE 2201/2003, 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 3 de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

3°/ que la décision de retour doit être prise en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en ne se prononçant pas sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 11-4 du Règlement CE 2201/2003, 13 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 3 de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'hormis les déclarations de ses deux plus jeunes filles, entendues d'office par le premier juge, et dont l'intérêt a été pris en compte, M. [S] ne présentait, pour s'opposer à leur retour, aucun autre élément de preuve, la cour d'appel, faisant application à bon droit de l'article 11 4° du Règlement CE du 27 novembre 2003 et se fondant sur la réponse donnée par le ministère de la justice italien, autorité centrale désignée au titre de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, l'informant de la prise des dispositions adéquates auprès des autorités judiciaires et des services sociaux locaux pour assurer la protection des enfants à leur retour en Italie, a pu ordonner le retour de [E] et [W] dans l'Etat de leur résidence habituelle ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [S] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour M. [S]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné le retour des enfants [E] et [W] [S] en Italie ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur [K] [S] invoque les pressions psychologiques et physiques de la mère sur les filles, son désintérêt ainsi que ses violences et maltraitantes, la malnutrition, la séquestration et les menaces de mort avant que les enfants ne se réfugient chez lui en juillet 2007 et conclut que celles-ci seraient placées dans une situation intolérable si elles devaient retourner en Italie ; à l'appui de ses allégations, le père se fonde sur les déclarations de ses filles lorsqu'elles ont été entendues, ainsi que le prévoit l'article 11 du règlement CE n° 2201/2003, par le premier juge ; les arguments de Monsieur [K] [S] pour s'opposer au retour ne sont étayés par aucun élément de preuve pour caractériser l'exception prévue par l'article 13, point b, de la convention de La Haye ; d'après l'article 11§ 4 du règlement 2001/2003, une juridiction ne peut pas toutefois refuser le retour de l'enfant en vertu de l'article 13 point 4 de la convention de La Hay s'il est établi que les dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour ; précisément, le ministère de la justice italien, autorité centrale désignée au titre de la convention de 1980, informe qu'il « pourrait prendre attache avec le compétent tribunal civile de Lamezia Terme, qui a déjà eu connaissance de la présente affaire (…) ainsi qu'avec le service social de la ville de Lamezia Terme, dans le but de faire adopter les mesures de protection nécessaires à l'égard des deux enfants » ; l'ordonnance de la juge aux affaires familiales rémoise doit être infirmée et le retour des enfants en Italie, auprès de leur mère, ordonné ;

1°) – ALORS D'UNE PART QUE, dans une procédure de demande de retour d'enfant déplacé, celui-ci doit être entendu ; qu'en statuant sans entendre les deux jeunes filles, ni se prononcer sur la valeur de leurs déclarations devant le premier juge, la Cour d'Appel a violé les articles 11-2 du règlement CE 2201/2003, 13 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

2°) – ALORS D'AUTRE PART QUE l'autorité judiciaire n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant lorsque cette mesure l'expose à un danger physique ou psychique ou le place dans une situation intolérable ; que cette exception ne joue pas s'il est établi que les dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour ; qu'en se bornant à prendre en compte les affirmations générales des autorités italiennes, sans se prononcer sur la réalité des déclarations des enfants quant aux faits de maltraitance dont elles se plaignaient, ni vérifier que des mesures avaient été effectivement prises pour protéger les enfants de tels comportements, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 11-4 du règlement CE 2201/2003, 13 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;

3°) – ALORS ENFIN QUE la décision de retour doit être prise en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'en ne se prononçant pas sur ce point, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 11-4 du règlement CE 2201/2003, 13 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 et 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant.

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