29 May 2019
Cour d'appel de Douai
RG n° 17/00862

Sociale B salle 1

Texte de la décision

ARRÊT DU


29 Mai 2019











N° 968/19





N° RG 17/00862 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QTA5





MD/AG








RO



















































Jugement du


Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE


en date du


06 Janvier 2017


(RG F 16/00264 -section 4)

































































GROSSE :





aux avocats





le 29/05/19








République Française


Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI


Chambre Sociale


- Prud'Hommes-








APPELANT :





M. O... H...


[...]


Représenté par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Sabine MOUGENOT, avocat au barreau de PARIS








INTIMÉE :





SASU VESTNER FRANCE


[...] 16


Représentée par Me Louis VANEECLOO, avocat au barreau de LILLE assisté de Me Gwenaelle VAUTRIN, avocat au barreau de COMPIEGNE








DÉBATS : à l'audience publique du 12 Mars 2019





Tenue par Monique DOUXAMI


magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,


les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.





GREFFIER : Audrey CERISIER





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ








Monique DOUXAMI


: PRÉSIDENT DE CHAMBRE




Alain MOUYSSET


: CONSEILLER




Patrick SENDRAL


: CONSEILLER












ARRÊT : Contradictoire


prononcé par sa mise à disposition au greffe le 29 Mai 2019,


les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Alain MOUYSSET, Conseiller et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12 juin 2017, avec effet différé jusqu'au 12 février 2019



EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES





Monsieur O... H... a été embauché par la SAS Vestner France en qualité de responsable régional des ventes par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2013.





Sa rémunération comprenait une partie fixe et une partie variable.





Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9janvier2016, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.





Par demande reçue au greffe le 22février2016, il a saisi le conseil de prud'hommes de Lille aux fins d'obtenir un rappel de salaire sur la part variable de sa rémunération et de voir attribuer à la prise d'acte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.





Par jugement rendu le 6 janvier 2017, la juridiction prud'homale :


-a dit que la prise d'acte produisait les effets d'une démission;


-a condamné la SAS Vestner France à payer à Monsieur O... H... la somme de 1005,49euros au titre de remboursement de la note de frais du mois de février 2016 et à lui remettre documents de fin de contrat ainsi que la fiche de paie de février 2016 ;


-a condamné Monsieur O... H... à payer à la SAS Vestner France la somme de 6750euros au titre de dommages et intérêts pour inexécution du préavis et celle de 500euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;


-a débouté les parties du surplus de leurs demandes ;


-a condamné Monsieur O... H... aux dépens.





Par déclaration transmise au greffe par voie électronique le 6avril2017, Monsieur O... H... a relevé appel de cette décision.





Il demande à la cour de :


-infirmer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la SAS Vestner France au paiement d'une somme de 1005,49euros au titre du remboursement de note de frais ;


-condamner la SAS Vestner France au paiement, outre des dépens, des sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes :


*6750euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis et 675euros au titre des congés payés y afférents,


*2376,99euros au titre d'indemnité de licenciement,


*3483,84euros au titre d'indemnité compensatrice de congés payés,


*45.000euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,


*23.333,33euros au titre de rappel de rémunération sur objectifs et 2333,33euros au titre des congés payés y afférents,


*2000euros de dommages et intérêts pour le retard dans le paiement des salaires et la remise des documents obligatoires de fin de contrats,


*3000euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;


-condamner la SAS Vestner France à lui remettre le certificat de travail, le solde de tout compte l'attestation Pôle emploi et les bulletins de paie conformes sous astreinte définitive de 50 euros par jour de retard et par document.





Il soutient en substance que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail a été motivée par l'absence de paiement de la partie variable de son salaire durant l'intégralité de la période contractuelle, l'absence de mise à disposition des moyens nécessaires à la bonne exécution de ses prestations malgré ses nombreuses alertes et les conditions de travail difficiles et anxiogènes liées en particulier aux relations devenues tendues avec les salariés, les clients et les fournisseurs en raison du défaut de réaction de la SASU Vestner à ses alertes et l'absence d'assurance pour les accidents pouvant survenir sur les chantiers à compter du 13janvier2016.





La SAS Vestner France demande à la cour de :


-confirmer le jugement déféré ;


-condamner Monsieur O... H... au paiement, outre des dépens des sommes suivantes :


*6750euros au titre de l'inexécution de son préavis,


*3000euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.





Elle fait valoir en substance que la prise d'acte de la rupture des relations contractuelles doit produire les effets d'une démission dès lors qu'aucun manquement ne peut lui être reproché en ce que :


-Monsieur O... H... s'est vu assigner des objectifs écrits repris en annexe du contrat de travail pour l'année 2013 qui ont été maintenus sur le même niveau les années suivantes conformément aux discussions régulières avec sa hiérarchie. Il n'a jamais atteint les objectifs au cours de la relation de travail ;


-les conditions de travail dénoncées par Monsieur O... H... résultent de son comportement dès lors qu'il n'a pas respecté le mode de fonctionnement normal de communication, s'adressant directement à la direction du groupe en Allemagne et non à son supérieur hiérarchique, Monsieur U... D... ;


-il a dépendu naturellement des fonctions de responsable régional des ventes de Monsieur O... H... de gérer des situations relationnelles complexes, parfois même conflictuelles, sans que ses conditions de travail s'en soient trouvées dégradées au delà d'un cadre professionnel normal et elle a été assurée de manière continue pour les accidents pouvant survenir sur les chantiers.





Pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique :


-le 23avril2018 par Monsieur O... H... ;


-le 26juillet2018 par la SAS Vestner France.





L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2017 avec effet différé au 12 février 2019.






MOTIFS DE LA DECISION





Sur le rappel de salaire





Le paragraphe 4.1 du contrat de travail sur la rémunération est ainsi libellé : « En contrepartie de sa prestation de travail, le salarié percevra un salaire annuel brut à hauteur de 54000euros payables en douze mensualités brutes fixes à hauteur de 4500euros chacune, et après déduction des charges sociales légales. ['] Par ailleurs, le salarié bénéficie d'un intéressement sur les ventes réalisées, suivant le schéma décrit en annexe».





L'annexe 1 dudit contrat précise :


«Objectifs de O... H... pour 2013


Les objectifs dans les différentes activités sont :


- contrat de maintenance ascenseurs = + 100 unités


- vente modernisation et travaux 1000K€


- vente neuve : 30 appareils


Part variable sur les objectifs de vente, de modernisation et travaux, vente neuve (nb d'ascenseurs) et progression (+ 100 asc)


A 80 % de l'objectif 4000€


A 90 % de l'objectif 5000€


A 100 % de l'objectif 7000euros


Au delà de 1000k€, 1,5 % du chiffre d'affaires réalisé avec un plafond de primes à 10000€ cumulé


A calculer au prorata temporis pour le dernier trimestre 2013.»





S'agissant de l'année 2013, il résulte de ce qui précède que Monsieur O... H... s'est bien vu assigner des objectifs chiffrés. Il ne conteste pas ne pas les avoir réalisés et soutient qu'ils n'étaient pas réalisables. La SAS Vestner France ne fournit aucun élément de nature à déterminer s'ils l'étaient. En conséquence, la rémunération variable est due au prorata temporis.





S'agissant des années 2014 et 2015, la SAS Vestner France ne communique aucun document corroborant ses allégations selon lesquelles les objectifs 2013 ont été maintenus sur le même niveau les années suivantes conformément aux discussions régulières entre Monsieur O... H... et sa hiérarchie. Par ailleurs, si la formule de calcul décrite dans l'annexe 1 du contrat de travail est reconductible d'une année sur l'autre, les objectifs chiffrés sur lesquels elle se fonde ne peuvent s'interpréter autrement que pour la seule année 2013, sans tacite reconduction possible pour les années suivantes. Dès lors que la SAS Vestner France n'a pas fixé d'objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement.





En conséquence, la SAS Vestner France sera condamnée à payer à Monsieur O... H... la somme de 23.333,33euros correspondant aux rémunérations variables dues au titre des exercices 2013, 2014 et 2015 et celle de 2.333,33euros au titre des congés payés y afférents. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.





Sur la prise d'acte et ses effets.





La prise d'acte de la rupture entraîne la cessation immédiate du contrat de travail.





La rupture n'est justifiée qu'en cas de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat, ce qu'il appartient aux juges d'apprécier souverainement sans se limiter aux seuls griefs mentionnés dans la lettre de prise d'acte.





Lorsque la prise d'acte est justifiée, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul en cas de harcèlement ou si les faits invoqués sont discriminatoires ou si le salarié est protégé. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.





En l'espèce, Monsieur O... H... soutient que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail est justifiée par les manquements suivants de la SAS Vestner France:


-absence de paiement de la partie variable de son salaire durant l'intégralité de la relation contractuelle en raison du caractère irréalisable des objectifs définis pour 2013 et de l'absence de fixation d'objectifs pour les années suivantes,


-absence de mise à disposition des moyens nécessaires à l'exécution de ses prestations,


-conditions de travail difficiles et anxiogènes.





Il résulte des développements qui précèdent que le premier de ces manquements est établi.





Compte tenu de son incidence sur la rémunération du salarié et de son renouvellement pendant plusieurs années, il est suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.





En conséquence, la prise d'acte produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et Monsieur O... H... est fondé à obtenir l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, l'indemnité légale de licenciement qu'il sollicite dont les montants ne sont pas discutés. La SAS Vestner France Hainaut sera en outre déboutée de sa demande tendant à la condamnation de Monsieur O... H... au paiement d'une indemnité pour préavis non exécuté. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.





Compte tenu de son ancienneté, de son âge au moment de la rupture du contrat de travail, de son salaire de référence et de sa situation postérieure, ayant repris une activité de directeur dès le 1er mars 2016 dans une entreprise concurrente, le préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi sera exactement réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 32500 euros. Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.





Monsieur O... H... prétend que 24 jours de congés payés non pris n'ont pas fait l'objet d'une indemnisation au moment du solde de tout compte. Il fournit un bulletin de paie objet de la pièce 23 qui est inexploitable faute d'être lisible. Toutefois, la SAS Vestner France ne conteste pas la réalité de ces 24 jours de congés payés acquis et non pris et se borne à indiquer que Monsieur O... H... n'explique pas en quoi ce solde ne lui a pas été réglé alors qu'il lui appartient d'en établir le paiement.





En conséquence, la SAS Vestner France sera condamnée au paiement de la somme que Monsieur O... H... sollicite au titre d'indemnité compensatrice de congés payés, dont elle ne discute pas le montant, et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.





Sur les autres demandes





Le jugement déféré sera confirmé sur la condamnation de la SAS Vestner France à rembourser la note de frais du mois de février 2016 qui n'est discutée ni dans son principe ni dans son montant.





Quand bien même la remise des documents de fin de contrat et le paiement de la note de frais auraient été tardifs, Monsieur O... H... ne justifie pas d'un préjudice qui en serait résulté pour lui.





En conséquence, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ces chefs et le jugement déféré sera confirmé.





La SAS Vestner France sera condamnée à remettre à Monsieur O... H... les documents de fin de contrat et les bulletins de paie conformes au présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte qui n'est pas nécessaire.





En application des dispositions de l'article L.235-4 du code du travail, la SAS Vestner France devra rembourser aux organismes concernés les indemnités chômage versées à Monsieur O... H... dans la limite de 6 mois.





Il convient de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS Vestner France de sa convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances de nature salariale et de la décision qui les alloue pour les créances indemnitaires et les frais irrépétibles.





Les parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.





La SAS Vestner France sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.





PAR CES MOTIFS





La cour,





Statuant par arrêt contradictoire mis à disposition par les soins du greffe,





Confirme le jugement rendu le 6 janvier 2017 par le conseil de prud'hommes de Lille en ses dispositions sur les dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et bulletins de paie ainsi que pour retard dans le paiement de la note de frais de février 2016 et sur le remboursement de la dite note de frais ;





L'infirme pour le surplus ;





Statuant à nouveau et y ajoutant,





Condamne la SAS Vestner France à verser à Monsieur O... H... les sommes suivantes :


-23.333,33euros au titre de rappel de salaire sur la rémunération variable pour les exercices 2013, 2014 et 2015 et 2333,33euros au titre des congés payés y afférents,


-32500 euros au titre de dommages-intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi,


-6750euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 675euros au titre des congés payés y afférents,


-2376,99euros au titre d'indemnité de licenciement ,


-3483,84 euros au titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;





Condamne la SAS Vestner France à remettre à Monsieur O... H... les documents de fin de contrat et les bulletins de paie confomes au présent arrêt ;





Dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;





Dit que la SAS Vestner France devra rembourser aux organismes concernés les indemnités chômage versées à Monsieur O... H... dans la limite de 6 mois ;





Rappelle que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la SAS Vestner France de sa convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances de nature salariale et de la décision qui les alloue pour les créances indemnitaires et les frais irrépétibles ;





Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;





Condamne la SAS Vestner France aux dépens de première instance et d'appel.








LE GREFFIER, POUR LE PRESIDENT EMPECHE,








N. BERLY. A. MOUYSSET, Conseiller.

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