13 March 2012
Cour de cassation
Pourvoi n° 10-28.635

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2012:CO00304

Titres et sommaires

COMPENSATION - Compensation légale - Effets - Cautionnement - Créance personnelle opposée par la caution au créancier - Portée - Absence d'effet extinctif sur la dette principale

Il résulte de la combinaison des articles 1234, 1294, alinéa 2, et 2288 du code civil que la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de la caution

CAUTIONNEMENT - Extinction - Compensation - Créance personnelle opposée par la caution au créancier - Portée - Absence d'effet extinctif sur la dette principale

Texte de la décision

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 mars 2012


Rejet


Mme FAVRE, président


Arrêt n° 304 FS-P+B

Pourvoi n° H 10-28.635





R E P U B L I Q U E F R A N C A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ Mme [Y] [V], épouse [J], domiciliée 35 rue des Ormeaux, 41120 Cormeray,

2°/ la société du Domaine des Ormeaux, société civile immobilière, dont le siège est 35 rue des Ormeaux, 41120 Cormeray,

contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2010 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences et des procédures d exécution), dans le litige les opposant à la caisse fédérale de crédit mutuel du Centre, dont le siège est place de l'Europe, 105 rue du faubourg Madeleine, 45920 Orléans cedex 9,

défenderesse à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 février 2012, où étaient présents : Mme Favre, président, Mme Riffault-Silk, conseiller rapporteur, M. Gérard, conseiller doyen, Mme Levon-Guérin, M. Espel, Mme Jacques, M. Laborde, conseillers, Mme Guillou, MM. Lecaroz, Arbellot, Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, Texier, conseillers référendaires, Mme Bonhomme, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Riffault-Silk, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme [V] et de la société du Domaine des Ormeaux, de Me Balat, avocat de la caisse fédérale de crédit mutuel du Centre, l'avis de Mme Bonhomme, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 27 octobre 2010), que Mme [V] s'est rendue caution solidaire à concurrence de 103 142,64 euros, des engagements souscrits par la SCI du domaine des ormeaux (la SCI) auprès de la caisse de crédit mutuel de Blois devenue la caisse fédérale du crédit mutuel du Centre (la caisse) ; que par arrêt devenu irrévocable du 25 octobre 2007, Mme [V] a été condamnée à payer une certaine somme à la caisse dans la limite de son engagement, tandis que la caisse a été condamnée à lui payer, à titre de dommages-intérêts, une somme équivalente à celle réclamée, la compensation entre ces créances réciproques étant ordonnée ; que la caisse a engagé à l'encontre de la SCI, débiteur principal, une procédure de saisie immobilière ; que la SCI et Mme [V] se sont prévalues de l'extinction partielle de la créance de la caisse résultant de la compensation ordonnée par l'arrêt ;

Attendu que Mme [V] et la SCI font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes, alors, selon le moyen, qu'une procédure de saisie immobilière ne peut être poursuivie pour le paiement d'une créance éteinte ; que la dette cautionnée est éteinte du fait de la compensation avec une créance de dommages-intérêts dont l'une ou plusieurs des cautions sont titulaires à l'encontre du créancier principal ; qu'en l'espèce, par un arrêt devenu irrévocable du 25 octobre 2007, la cour d'appel, tout en condamnant Mme [V] à exécuter son engagement de caution, a condamné la caisse à lui payer une somme de 103 142,64 euros à titre de dommages-intérêts et a ordonné la compensation des créances réciproques entre la caisse et Mme [V] ; qu'en affirmant que la dette de la SCI n'a pas été éteinte par compensation avec la créance de dommages-intérêts de Mme [V] quand la compensation des créances réciproques de Mme [V] et de la caisse ordonnée par l'arrêt du 25 octobre 2007 avait éteint la dette de la banque à l'encontre de la SCI à hauteur de 103 142,64 euros, la cour d'appel a violé les articles 1234, 1351 et 2191 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 1234, 1294, alinéa 2, et 2288 du code civil que la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de la caution ; qu'ayant retenu par motifs propres et adoptés, que l'arrêt du 25 octobre 2007 avait sanctionné le comportement fautif de la banque en anéantissant son recours contre la caution par l'effet d'une condamnation pécuniaire se compensant avec sa propre dette, la cour d'appel en a exactement déduit que le recours de la caisse contre la SCI débitrice principale demeurait intact ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [V] et la SCI du Domaine des Ormeaux aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le conseiller doyen qui en a délibéré, en remplacement du président, à l'audience publique du treize mars deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour Mme [V] et la société du Domaine des Ormeaux.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SCI du domaine des ormeaux et [Y] [V] de toutes leurs contestations, d'AVOIR constaté que la Caisse de crédit mutuel du Centre est munie d'un titre exécutoire remplissant les conditions des articles 2191 et 2194 du Code civil, d'AVOIR mentionné que le montant de la créance de la Caisse fédérale de crédit mutuel du Centre est de 131.985,82 euros, d'AVOIR ordonné la vente forcée des biens appartenant à la SCI du domaine des ormeaux ayant fait l'objet du commandement de payer du 13 août 2009, d'AVOIR rejeté les demandes de la SCI du domaine des ormeaux du chef de son offre de payer la somme de 10.648,31 euros et d'AVOIR débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il convient de rappeler qu'aux termes d'un acte notarié en date du 27 octobre 2001, la SCI du domaine des ormeaux a acquis divers biens immobiliers situés à Cormeray (41) ; que pour l'acquisition de ces biens, la SCI du domaine des ormeaux a contracté auprès de la Caisse fédérale de crédit mutuel du centre un prêt contenu dans l'acte notarié ; que par le même acte, M. [M] [D] [J] et Mme [Y] [V] épouse [J] se sont portés cautions solidaires de la SCI du domaine des ormeaux au profit du Crédit Mutuel ; que la SCI du domaine des ormeaux s'étant montrée défaillante dans le remboursement de ses obligations, le Crédit Mutuel a été amené à prononcer la déchéance du terme et à engager une action à l'encontre des cautions, M. [J] et Mme [Y] [V] épouse [J] ; que c'est dans ces conditions qu'un jugement du tribunal de grande instance de Blois en date du 7 septembre 2006 a condamné M. [J] au paiement de diverses sommes au profit du Crédit Mutuel et solidairement monsieur [J] et Mme [Y] [V] épouse [J] au paiement d'autres sommes ; que ces deux derniers ayant interjeté appel dudit jugement, la cour de céans a rendu le 25 octobre 2007 un arrêt qui a fait l'objet d'un pourvoi de la part du Crédit Mutuel lequel a donné lieu à un rejet par un arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2009 ; que par l'arrêt aujourd'hui définitif du 25 octobre 2007, la cour d'appel d'Orléans a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Blois sur le principe de la dette des cautions envers le Crédit Mutuel et en ce qu'il les a condamnées à exécuter leur engagement, a infirmé pour le surplus ledit jugement, a sanctionné le Crédit Mutuel à raison de manquements à ses obligations de conseil et de mise en garde à l'égard des cautions en condamnant la banque à payer à Mme [Y] [V] épouse [J] la somme de 103.142,64 euros à titre de dommages et intérêts et a ordonné la compensation des créances réciproques entre le Crédit Mutuel et Mme [Y] [V] épouse [J] ; qu'en revanche, s'agissant de la SCI du domaine des ormeaux, la cour d'appel a rejeté la demande de cette dernière tendant à l'allocation d'une somme à titre de dommages et intérêts, décision devenue définitive depuis l'arrêt de la Cour de cassation ; que le litige opposant le Crédit Mutuel d'une part, à la SCI du domaine des ormeaux, d'autre part, n'a donc pas été purgé par l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, contrairement à ce qu'affirment les appelants, qui soutiennent encore à tort que la créance du Crédit Mutuel à l'encontre de la SCI du domaine des ormeaux aurait été éteinte par la procédure ci-dessus rappelée ; que le premier juge a pu dans ces conditions justement énoncer que si l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 25 octobre 2007 a sanctionné le comportement fautif du Crédit Mutuel contre le débiteur principal, la SCI du domaine des ormeaux, demeurait en revanche intact, madame [Y] [V] épouse [J] n'ayant pas exécuté son engagement de caution en payant la dette de la SCI du domaine des ormeaux mais ayant obtenu une décision mettant fin à ses obligations ; que le jugement entrepris mérite par conséquence confirmation en ce qu'il a validé le commandement de saisie immobilière, dit que la créance du Crédit Mutuel remplissait les conditions prévues aux articles 2191 et 2193 du Code civil, rappelé que son montant était de 131.985,82 euros et ordonné la vente forcée du bien saisi ; que c'est donc encore vainement que la SCI du domaine des ormeaux reproche au Crédit Mutuel de ne pas avoir accepté pour solde de tout compte son offre de régler la somme de 10.648,31 euros, alors que cela ne correspond en rien à la créance du Crédit Mutuel, qui n'est pas valablement contestable, s'agissant d'un acte authentique, le décompte figurant dans le commandement et régissant les rapports entre le Crédit Mutuel, d'une part, et la SCI du domaine des ormeaux, d'autre part, n'étant d'ailleurs pas sérieusement contesté ; que la SCI du domaine des ormeaux doit en conséquence être déboutée de toutes ses demandes formées du chef de son offre de paiement de la somme précitée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE si l'arrêt du 25 octobre 2007 a sanctionné le comportement fautif de la Caisse en anéantissant son recours contre [Y] [V] par le biais d'une condamnation pécuniaire se compensant avec la dette de celle-ci, le recours de celle-ci contre le débiteur principal, la SCI du domaine des ormeaux demeure intact, [Y] [V] n'ayant pas exécuté son engagement de caution en payant la dette de celui-ci mais ayant obtenu une décision mettant fin à ses obligations ; que la contestation n'étant pas fondée, le commandement sera validé ;

ALORS QU'une procédure de saisie immobilière ne peut être poursuivie pour le paiement d'une créance éteinte ; que la dette cautionnée est éteinte du fait de la compensation avec une créance de dommages-intérêts dont l'une ou plusieurs des cautions sont titulaires à l'encontre du créancier principal ; qu'en l'espèce, par un arrêt devenu irrévocable du 25 octobre 2007, la cour d'appel d'Orléans, tout en condamnant Mme [V] à exécuter son engagement de caution, a condamné la Caisse de Crédit mutuel de Blois à lui payer une somme de 103.142,64 euros à titre de dommages et intérêts et a ordonné la compensation des créances réciproques entre la Caisse de Crédit mutuel de Blois et Mme [V] ; qu'en affirmant que la dette de la SCI du domaine des ormeaux n'a pas été éteinte par compensation avec la créance de dommages-intérêts de Mme [V] quand la compensation des créances réciproques de Mme [V] et de la Caisse de Crédit mutuel ordonnée par l'arrêt du 25 octobre 2007 avait éteint la dette de la banque à l'encontre de la SCI du domaine des ormeaux à hauteur de 103.142,64 euros, la cour d'appel a violé les articles 1234, 1351 et 2191 du Code civil.

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