12 September 2019
Cour d'appel de Versailles
RG n° 17/01512

11e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



11e chambre



ARRET N° 459/19



CONTRADICTOIRE



DU 12 septembre 2019



N° RG 17/01512 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RNEJ



AFFAIRE :



[Y] [S] [R]





C/

SAS BIOGEN FRANCE











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Février 2017 par le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F 14/01174



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



la SELARL MINAULT PATRICIA



Expédition numérique délivrée à : Pôle Emploi

le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



Madame [Y] [S] [R]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 6] (ROYAUME UNI)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1757458

Représentant : Me Juliette BOYER CHAMMARD, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0928







APPELANTE

****************





SAS BIOGEN FRANCE SAS

[Adresse 1]

[Localité 5]

N° SIRET : 398 410 126

Représentant : Me Jean-Marc ALBIOL du PARTNERSHIPS OGLETREE DEAKINS INTERNATIONAL LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R034

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20170164







INTIMEE

****************





Composition de la cour :



L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 juin 2019, madame Bérangère MEURANT, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :



Madame Hélène PRUDHOMME, président,

Madame Bérangère MEURANT, conseiller,


Madame Marie-Christine PLANTIN, magistrat honoraire,



qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Stéphanie HEMERY









Le 19 décembre 1996, Mme [Y] [R] était embauchée par la société Biogen Idec France en qualité de directrice internationale du Marketing par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention collective de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, para-pharmaceutique et vétérinaire.



Le 1er janvier 2003, elle accédait à la fonction de directrice France et le 27 avril 2009, elle était nommée vice-présidente de la SAS Biogen Idec France.



Le 25 septembre 2014, l'employeur la convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement.



Le 16 octobre 2014, il lui notifiait son licenciement pour faute grave, lui reprochant d'avoir perçu une somme de 100 000 euros de son subordonné direct pour des raisons de pure convenance personnelle, en l'absence de toute autorisation et de toute information de sa hiérarchie.



Le 7 novembre 2014, Mme [R] contestait le bien fondé de son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Versailles.



Elle saisissait par ailleurs cette juridiction, statuant en référé, d'une demande portant sur le paiement de l'indemnité de non-concurrence le 10 novembre 2014.



Par ordonnance du 3 avril 2015, le conseil disait n'y avoir lieu à référé. Cette décision était confirmée par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 3 mai 2016 .



Vu le jugement du 14 février 2017, rendu en formation départage par le conseil de prud'hommes de Versailles qui a :

- jugé que les primes CSPU et MSU ont la nature d'une rémunération,

- fixé la moyenne des douze derniers mois de salaire à la somme brute de 122 830,69 euros (septembre 2013 à août 2014),

- fixé la moyenne des 12 derniers mois de salaire à la somme brute de 121 658,23 euros pour le calcul de l'indemnité de non concurrence,

- jugé le licenciement de Mme [Y] [R] par la société Biogen France SAS fondé sur une faute personnelle de la salariée,

En conséquence,

- condamné la société Biogen France SAS à verser à Mme [Y] [R] les sommes suivantes :

- 20 274,63 euros correspondant au salaire de mise à pied conservatoire du 25 septembre au 17 octobre 2014,

- 2 027,46 euros au titre des congés payés afférents,

- 81 183,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 8 118,33 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 105 476,23 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 128 946,42 euros à titre de rappel de bonus 2014,

- 663 769,08 euros à titre de rappel d'indemnité de non concurrence du 17 octobre 2014 au 16 octobre 2015,

- 66 376,93 euros au titre des congés payés afférents,

-1 001 867,08 euros au titre des primes payables en février/mars 2015 se décomposant en CSPU pour 416 761,32 euros et MSU pour 585 105,76 euros,

- 523 068,05 euros au titre des primes payables en février/mars 2016 se décomposant en CSPU pour 235 745,97 euros et MSU pour 287 322,08 euros,

- 231 775,49 euros au titre des primes payables en février/mars 2017 se décomposant en CSPU pour 81 408,07 euros et MSU pour 150 367,42 euros,

- ordonné à Mme [Y] [R] de remplir et de signer le formulaire d'autorisation afin que la société puisse récupérer la somme de 4 585,70 euros auprès d'American Express,

- condamné la société Biogen France SAS à payer à Mme [Y] [R] les intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction pour les créances salariales et à compter du jugement pour les créances indemnitaires,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, à compter du 10 novembre 2014,

- ordonné la remise à Mme [Y] [R] par la société Biogen France SAS d'un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision et ce, sous astreinte de 10 euros par jour de retard qui commencera à courir le 21ème jour suivant la notification du jugement pendant 3 mois, le Conseil des prud'hommes se réservant le pouvoir de liquider l'astreinte sur simple requête,

- rejeté en tant que de besoin toute autre demande,

- condamné la société Biogen France SAS au paiement des dépens de l'instance,

- condamné en outre la société Biogen France SAS à payer à Mme [Y] [R] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les condamnations visées à l'article 1454- 28 du code du travail et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile pour le surplus des condamnations.



Vu la notification de ce jugement le 24 février 2017



Vu l'appel régulièrement interjeté par Mme [Y] [R] le 22 mars 2017.




Vu les conclusions de Mme [R] notifiées le 3 juin 2019, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- fixer une audience collégiale,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement fondé sur une faute personnelle de la salariée, débouté Mme [Y] [R] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour préjudice moral, et de sa demande en paiement de l'indemnité de départ des cadres dirigeants.

- le réformer

- juger que l'acompte sur salaire de 100 000 euros figurant sur le bulletin de salaire du mois de février 2014 bénéficie d'une présomption d'acompte non combattue et n'a pas la nature d'une avance,

- juger que la somme de 100 000 euros à l'origine du licenciement constituait un acompte sur la rémunération variable acquise au titre de l'année 2013 et payable au mois de février 2014,

- juger que l'acompte prévu par la loi, la convention collective et l'usage ne peut être refusé au salarié qui le demande selon la procédure interne en vigueur,

- juger que remplir un formulaire de demande d'acompte sur des sommes dues au titre d'un travail déjà effectué, conformément aux procédures de l'entreprise, ne peut constituer une faute,

En conséquence,

- juger le licenciement pour faute grave dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Biogen France à la somme de 1 658 214,32 euros (13,5 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger le licenciement vexatoire,

- condamner la société Biogen France à la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice,

- juger que l'indemnité résultant du Plan régissant les conditions de licenciement des Vice-Présidents Internationaux a la nature d'un engagement unilatéral de l'employeur,

- condamner la société Biogen France à la somme de 453 679,62 euros au titre de l'indemnité de licenciement résultant du Plan applicable aux Vice-Présidents Internationaux,

- confirmer le jugement pour le surplus

- juger que les primes CSPU et MSU ont la nature d'une rémunération versée à raison de l'emploi de Mme [Y] [R] et de sa performance individuelle,

- fixer la moyenne des 12 derniers mois de salaire à la somme brute de mois de 122 830,69 euros (septembre 2013 à août 2014),

- fixer la moyenne des 12 derniers mois de salaire à la somme brute de : 121 658,23 euros pour le calcul de l'indemnité de non concurrence (article 11 avenant III convention collective),

En conséquence

- condamner la société Biogen France à verser à Mme [Y] [R] :

- Salaire de mise à pied conservatoire du 25 septembre au 17 octobre 2014 : 20 274,63 euros

- Congés payés afférents : 2 027,46 euros

- Indemnité compensatrice de préavis : 81 183,30 euros

- Congés payés afférents : 8 118,33 euros

- Indemnité conventionnelle de licenciement : 1 105 476,23 euros

- Rappel de bonus 2014 : 128 946,42 euros

- Rappel d'indemnité de non concurrence du 17 octobre 2014 au 16 octobre 2015 : 663 769,08 euros

- Congés payés afférents : 66 376,93 euros

- Primes payables en février/mars 2015 : 1 001 867,08 euros

(se décomposant ainsi : CSPU : 416 761,32 euros ; MSU : 585 105,76 euros)

- Primes payables en février/mars 2016 : 523 068,05 euros

(se décomposant ainsi : CSPU : 235 745,97 euros ; MSU : 287 322,08 euros)

- Primes payables en février/mars 2017 : 231 775,49 euros

(se décomposant ainsi : CSPU : 81 408,07 euros ; MSU : 150 367,42 euros)

Toutes sommes assorties des intérêts au taux légal sur l'ensemble des sommes à compter de l'introduction de la demande.

A titre subsidiaire

- condamner la société Biogen France à payer à Mme [R] la somme totale de 1 756 710,62 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de percevoir les primes LTI octroyées avant la rupture au titre des années antérieures et payables en 2015, 2016 et 2017.

En tout état de cause

- ordonner la capitalisation des intérêts article 1154 du code civil,

- ordonner la remise des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé,

- condamner la société Biogen France à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.



Vu les écritures de la SAS Biogen France notifiées le 28 mai 2019, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- déclarer Mme [R] mal fondée en son appel.

- déclarer la société Biogen France SAS recevable et bien fondée en son appel.

Et y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris.

Statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement de Mme [R] procède d'une faute grave ;

- dire et juger que les CSPU et MSU ne constituent pas des éléments de rémunération devant être pris en compte pour la base de calcul du salaire moyen de Mme [R] ;

- dire et juger que le montant de 25 791,39 euros bruts qui a été versé mensuellement à Madame [R] à titre d'indemnité de non-concurrence est conforme aux dispositions de la convention collective.

En conséquence :

- débouter Mme [R] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire, si la cour considérait que le licenciement de Mme [R] procédait d'une faute simple :

- fixer le salaire de référence de Mme [R] à la somme de 38 691,60 euros en excluant les CSPU et MSU de la base de calcul.

En conséquence,

- limiter l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 348 224,4 euros en excluant les CSPU et MSU de la base de calcul du salaire de référence;

- débouter Mme [R] de sa demande de rappel d'indemnité de non concurrence ;

- débouter Mme [R] du surplus de ses demandes

A titre infiniment subsidiaire si la cour considérait que le licenciement de Mme [R] procédait d'une faute simple :

- fixer le salaire de référence de Mme [R] à la somme de 55 646,90 euros en valorisant seulement la part des CSPU et MSU avant application du coefficient multiplicateur

En conséquence,

- limiter l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 500 822,1 euros ;

- limiter le rappel d'indemnité de non concurrence à la somme de 128 406,80 euros bruts et l'indemnité compensatrice de congés payés afférents à la somme de 12 840,68 euros.;

- débouter Mme [R] du surplus de ses demandes

En tout état de cause :

- lui ordonner de remplir et signer le formulaire d'autorisation qui permettra à la société Biogen France SAS de récupérer la somme de 4 858,70 euros auprès d'American Express, au titre des sommes créditées sur le compte personnel de Mme [R] pour des frais qu'elle n'a pas dû engager ;

- la condamner à verser à la société Biogen France SAS la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Patricia Minault agissant par Maître Patricia Minault avocat et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure.



Vu l'ordonnance de clôture du 14 juin 2019.



Vu la lettre de licenciement.




SUR CE,



Sur la rupture du contrat de travail :



- Sur la prescription du fait fautif



Mme [R] soulève la prescription du manquement invoqué datant de plus de deux mois avant l'introduction de la procédure de licenciement le 25 septembre 2014. Elle considère que l'employeur disposait de toutes les pièces relatives à la remise des fonds depuis février 2014, au regard notamment de la mention de la déduction de la somme de 100 000 euros de son salaire figurant sur sa fiche de paie du mois de février 2014 et des opérations de contrôle interne réalisées aux 1er et 2nd trimestre 2014. Elle ajoute que Monsieur [K], directeur administratif et financier, était informé de la remise des fonds et qu'il disposait à son égard du pouvoir disciplinaire.



L'article L.1332-4 du Code du travail dispose qu''aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance'



L'employeur produit les attestations de M. [M] et de Mme [F] établissant que la remise de la somme de 100 000 euros à Mme [R] ne lui a été révélée qu'à l'occasion d'un audit interne des opérations comptables au sein de la filiale française du groupe Biogen réalisé au cours du mois d'août 2014. Si le remboursement de la somme figure effectivement sur le bulletin de salaire du mois de février 2014, il doit être relevé que la remise des fonds n'est en revanche pas mentionnée sur la fiche de paie du mois de janvier 2014. Au surplus, la seule mention de la déduction d'un « acompte » de 100 000 euros sur le bulletin de salaire du mois de février 2014 ne peut suffire à établir la connaissance par l'employeur de la remise des fonds au regard de la fonction de présidente et directrice de la filiale de Mme [R], qui n'avait pas de supérieur hiérarchique au sein de la SAS Biogen France. Contrairement à ce que prétend la salariée, il ne saurait être soutenu que Monsieur [K] était son supérieur hiérarchique, dès lors qu'il ressort de l'organigramme produit par l'appelante elle-même en pièce 73-1 qu'il était, au contraire, sous sa supervision directe.



L'employeur ayant initié la procédure de licenciement par la convocation de Mme [R] à l'entretien préalable le 25 septembre 2014, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la prescription du fait fautif.



- Sur le bien fondé



La SAS Biogen France fait valoir qu'à l'occasion d'un audit réalisé à la fin du mois d'août 2014, elle a découvert qu'au mois de janvier 2014, l'appelante s'était faite consentir, sur les fonds de l'entreprise et sans autorisation, ni information préalable de sa hiérarchie, la remise d'une somme de 100 000 euros, qui n'apparaît pas sur le bulletin de paie de Madame [R] du mois de janvier 2014 et qui a ensuite été déduite des sommes versées à la salariée au mois de février 2014. L'employeur considère que ce comportement ne pouvait être toléré compte tenu du niveau de responsabilité qui était le sien et de son appartenance au comité de direction de la société, caractérisant un manquement de la salariée à son obligation de loyauté et au code de conduite professionnelle de Biogen.



Mme [R] conteste toute dissimulation, man'uvre et mauvaise foi. Elle explique qu'elle a, conformément à la procédure interne, souhaité bénéficier d'un acompte sur sa rémunération de février 2014 et qu'elle a présenté sa demande régulièrement et en toute transparence au directeur administratif et financier, M. [K]. Elle affirme que le versement d'un acompte n'était pas soumis à accord hiérarchique préalable et qu'il s'agissait d'un droit pour tous les salariés de Biogen, conformément aux règles légales et conventionnelles, ainsi qu'à un usage d'entreprise.



L'article L 3242-1 du Code du travail dispose que « Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois. Un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande. »



Les dispositions de l'article précité font clairement référence au salaire mensuel et au paiement d'une « quinzaine » du mois en cours, dont Mme [R] reconnaît qu'elle doit être accomplie. Compte tenu du montant de la remise de fonds, payée en sus du salaire du janvier 2014 en fin de mois, elle ne peut revêtir la qualification d'acompte au sens de l'article susvisé.



L'article 18 de la convention collective de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, para-pharmaceutique et vétérinaire prévoit que :

« 5. Les salaires doivent être payés au moins une fois par mois à date fixe.

Toutefois, les salariés peuvent bénéficier du paiement d'acomptes sur le travail exécuté pendant le mois en cours selon les modalités propres à chaque entreprise. »



A nouveau, le montant de la remise de fonds est incompatible avec la notion d'acompte telle qu'elle est définie par la convention collective qui se réfère explicitement au « travail exécuté pendant le mois en cours ».



En revanche, la salariée établit avoir formulé une demande d' « avance sur salaire » auprès de M. [U] [L] par courriel du 13 janvier 2014 :

« [T],

Suite à notre discussion, est-ce que je peux te demander de faire une avance sur mon salaire du mois de février, pour un montant de 100 000 euros.

J'aimerais que l'argent soit sur mon compte pour le 6 février, car je dois ensuite transmettre le montant chez mon notaire ».



M. [U] [L] a répondu à ce message en indiquant : « aucun pb ' j'organise cela avec [V] », en mettant M. [V] [H], directeur financier senior, en copie de son mail.



Mme [R] établit, par ailleurs, avoir rempli, le 13 janvier 2014, un formulaire de l'entreprise « Biogen Idec France » intitulé « Demande d'acompte/ d'avance sur salaire / prêt ». Elle y demande une « avance » d'un montant de 100 000 euros sur le salaire du mois de février 2014 à verser au plus tard le 6 février 2014.



Il ressort ainsi de ce formulaire qu'il existait au sein de la SAS Biogen France un usage permettant aux salariés de bénéficier d'un acompte, d'une avance ou d'un prêt de la part de l'entreprise.



La Cour relève que ce formulaire n'est pas soumis à la validation, ni même à l'information préalable du supérieur hiérarchique, puisqu'il ne prévoit la validation que du « Paye Dept » et du « Finance Management », étant souligné que la demande de Mme [R] a été validée le 13 janvier 2014 par ces deux services.



Par ailleurs, le formulaire ne comprend aucune limitation concernant le montant de la somme demandée.



En outre, il ressort des attestations de M. [M] et de Mme [F] que ces remises de fonds étaient usuelles au sein de la SAS Biogen France. Ainsi, M. [M] relate : « le 10 septembre 2014, j'ai discuté avec [T] [U] [L], directeur financier France. Il m'a confirmé avoir approuvé l'avance et ne pas avoir discuté ni recherché d'autorisation s'y rapportant en dehors de la filiale. Il a également indiqué qu'en France, ces avances sont fréquentes et que dans la filiale existait une politique non écrite sur les avances, conforme au droit du travail français ».



Mme [F] explique par ailleurs : « A la demande de M. [M], j'ai demandé à M. [V] [H], directeur financier senior, le motif de l'avance de salaire et si elle avait été déclarée à des personnes autres qu'au sein de la filiale pour examen et approbation. M. [H] m'a informé que la transaction correspondait à des paiements incitatifs prévus (par exemple, prime annuelle, mesures incitatives en actions sur le long terme (')) devant être versés dans les 60 jours et que Mme [R] avait utilisé l'avance pour acheter une maison. Par ailleurs, il a indiqué qu'il pensait que l'avance ne devait pas être déclarée à des personnes autres qu'au sein de la filiale pour examen et approbation ».



Ces témoignages, qui rapportent les dires de M. [U] [L] et de M. [H] concernant les pratiques en cours au sein de la SAS Biogen France confirment l'existence d'un usage d'entreprise autorisant la remise de fonds au titre d'une avance, d'un acompte ou d'un prêt, sans approbation, ni même information préalable du supérieur hiérarchique. S'il ressort de l'attestation de M. [M] que ce type de versement s'avère très rare dans les autres filiales du groupe et qu'elle impliquerait l'autorisation préalable de la hiérarchie, il n'en demeure pas moins que l'employeur ne justifie pas que la remise des fonds accordée à Mme [R] sur la base d'un formulaire de l'entreprise, était soumise à l'autorisation, ou même l'information préalable du supérieur hiérarchique de cette dernière. Le fait que M. [U] [L], ou même Mme [R], aient pu reconnaître, a posteriori, qu'il aurait effectivement fallu consulter M. [D], supérieur de la salariée, est sans effet sur la procédure en cours dans l'entreprise à la date des faits litigieux.



L'existence d'une volonté de dissimulation ne peut sérieusement être soutenue, alors que Mme [R] a échangé avec M. [U] [L] depuis sa messagerie professionnelle, que son courriel est parfaitement explicite sur l'avance sur salaire sollicitée, dont elle a indiqué la raison en toute transparence, et qu'elle a rempli un formulaire de l'entreprise pour soumettre sa demande aux services comptable et financier de la SAS Biogen France qui ont, tous deux, validé la remise des fonds, dont le montant n'apparaît nullement disproportionné au regard du niveau de rémunération de la salariée.



Enfin, il ne saurait être argué d'une violation des obligations issues du code de conduite professionnelle, alors que Mme [R] a respecté la procédure interne de demande d'avance, qu'elle n'a profité d'aucun avantage indu, puisque l'avance a été intégralement remboursée dès le mois de février 2014, et que l'employeur ne caractérise aucun manquement aux « normes les plus élevées de bonne conduite professionnelle conformes à l'éthique ».



Il résulte de ces éléments que l'employeur échoue à rapporter la preuve d'un fait imputable à la salariée, qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.



Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le licenciement ne repose pas davantage sur une cause réelle et sérieuse, dès lors que l'employeur ne démontre pas que la remise des fonds était soumise à une quelconque approbation ou information préalable de la hiérarchie.



Dans ces conditions, le jugement entrepris sera infirmé et le licenciement de Mme [R] sera déclaré sans cause réelle et sérieuse.



- Sur les conséquences financières



Les parties s'opposent sur la nature des CSPU « Cash-settled Performance Units » et MSU « Market Stock Units » accordées par la SAS Biogen à ses vice-présidents en application du Plan de Rémunération à Long Terme LTI, question qui conditionne l'assiette de calcul des indemnités de rupture et des rappels de primes.



Madame [R] prétend que les long-term incentives (LTI) revêtent la nature d'une rémunération, versée en contrepartie de son travail. Elle explique qu'il s'agit d'un complément de salaire résultant d'un engagement unilatéral de l'employeur, cette rémunération variable étant versée en contrepartie de son contrat de travail et non de son mandat social, sur la base de son niveau de performance individuelle apprécié par son supérieur hiérarchique, donnant lieu à une conversion en unités CSPU et MSU, qui sont ensuite affectées d'un coefficient multiplicateur lié aux performances de la société et payées par tiers les trois années suivantes.



Elle affirme que les sommes qui sont versées à titre de CSPU et MSU de manière annuelle en février et mars, apparaissant sur ses bulletins de paie et soumises à cotisations sociales et fiscales, sont traitées comme des salaires et constituent nécessairement des éléments de rémunération au sens du droit du travail et plus précisément, de rémunération variable.



La SAS Biogen France explique que les unités d'actions accordées à l'ensemble des dirigeants de Biogen dans le cadre d'un plan d'actionnariat, afin de les fidéliser et de les associer aux performances du groupe Biogen et de l'action Biogen sur le marché américain, ne revêtent pas la nature de rémunération.



Il soutient que les LTI dépendent exclusivement des performances financières du groupe et des filiales mondiales et du cours de l'action de la société tête de groupe sur le marché américain, qu'ils ne sont aucunement liés à la notation ou à l'atteinte des objectifs individuels du salarié, les unités d'actions étant attribuées de manière discrétionnaires par l'employeur. 



Pour remettre en cause le jugement du conseil des prud'hommes, il explique que s'agissant d'actions accordées au niveau mondial par une société de droit américain et en vertu d'un plan d'actionnariat régi par le droit américain, ces actions ne sont pas soumises aux dispositions du code de commerce français sur les attributions gratuites d'actions et ne bénéficient pas des exonérations de cotisations sociales y afférentes, ce qui explique que les LTI dont a bénéficié Madame [R] ont été soumises aux cotisations françaises de sécurité sociale. Il ajoute qu'il ne peut être déduit de la mention des LTI sur les fiches de paie leur nature de rémunération, compte tenu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur ce point et dès lors, que c'est l'assujettissement de ces sommes aux cotisations sociales et aux prélèvements fiscaux qui nécessitent leur mention sur les bulletins de salaire. Il souligne que de nombreux engagements unilatéraux ou contractuels de l'employeur ne portent pas sur la rémunération.



- Sur le montant du salaire mensuel moyen



Il ressort des écritures des parties que le litige se cristallise autour de la qualification des sommes versées au titre du programme de LTI dont bénéficiait Mme [R] et de leur prise en considération pour le calcul des indemnités dus au titre de la rupture du contrat de travail.



La lecture des pièces produites et notamment du plan de rémunération à long terme établit qu'au titre des CSPU, le dirigeant se voit attribuer annuellement et de manière gratuite un nombre d'unités d'action qui sont multipliées par un taux de performance, évalué en fonction des résultats du groupe Biogen, permettant de déterminer le nombre total d'unités d'action acquises par le salarié pour trois ans. Chaque année, le salarié perçoit la contrepartie financière du tiers des unités d'action acquises, multiplié par le cours de l'action à la date de dévolution.



La valeur des unités d'action attribuée à la salariée au titre des MSU, qui contrairement aux CSPU ne sont pas converties en argent, est déterminée selon un mécanisme similaire.



Il ne ressort donc pas de cette procédure que la performance individuelle de Mme [R] intervient dans l'évaluation des primes allouées au titre des CSPU et des MSU, qui dépendent uniquement des résultats financiers du groupe Biogen, seul facteur déterminant le taux de performance appliqué aux unités d'action accordées gratuitement et discrétionnairement. Il s'agit donc pour l'entreprise de permettre aux dirigeants de participer aux résultats du groupe Biogen auxquels ils contribuent.



Le programme de LTI des dirigeants précise d'ailleurs qu'il a pour finalité de récompenser la performance du groupe Biogen à laquelle participent les dirigeants : « Les plans de rémunération à longs terme sont adoptés tous les ans pour motiver et récompenser la performance mesurée par la réalisation des objectifs à long terme. Ils sont destinés à :

- [E] les intérêts des dirigeants avec la réalisation de notre stratégie à long terme et les intérêts de nos actionnaires à travers des programmes motivants et compétitifs par rapport au marché,

- Récompenser de façon très importante les performances élevées sur lesquelles les cadres dirigeants ont une influence directe,

- Attirer et retenir les dirigeants de haut niveau ».



Il s'agit donc bien de motiver les dirigeants en les associant aux résultats de l'entreprise et non pas de récompenser leur performance individuelle. Si, comme le soutient Mme [R], le niveau de performance de chaque dirigeant a effectivement une influence directe sur les résultats financiers du groupe, lesquels déterminent le taux de performance appliqué aux unités d'action, il n'en demeure pas moins que ce ne sont pas les résultats individuels de la salariée qui sont pris en compte, mais ceux de la collectivité des salariés et dirigeants constituant l'entreprise.



Si la salariée se prévaut du relevé de sa rémunération totale mentionnant le taux d'augmentation au mérite, il apparaît que ce pourcentage ne concerne que le salaire de base et qu'il n'est pas appliqué aux LTI. Par ailleurs, la grille de « recommandations pour les primes au mérite LTI 2013/2014 en fonction de l'évaluation » ne s'applique manifestement pas à Mme [R], dès lors que les niveaux de poste varient de 1 à 13, alors que le relevé de rémunération produit par Mme [R] établit qu'elle était cadre dirigeant dont le niveau de poste s'élèvait à 20, ce qu'elle ne conteste pas. En outre, le relevé de rémunération qu'elle produit mentionnant un niveau de poste 12 évoque, au titre des LTI, l'attribution de RSU, « restricted Stock Units » et non de CSPU et MSU. La pièce n°37-4 mentionne également ces RSU pour les « Directeurs seniors et en dessous » et les distingue des CSPU et MSU octroyés aux « VP+ », soit les vices présidents comme Mme [R]. Ces éléments démontrent ainsi qu'un autre programme de LTI était appliqué aux salariés dont le niveau de poste était inférieur au sien. S'il ressort des pièces communiquées par la salariée, notamment des pièces n°32-6, 33-13 à 17, 34-2, que l'évaluation de la performance individuelle influe sur les LTI, rien ne permet d'établir que ces documents internes à l'entreprise concernent les dirigeants, alors qu'il résulte des autres pièces produites que pour les salariés de niveau de poste 1 à 13, le programme de LTI qui leur est appliqué tient compte de la performance individuelle. Le plan de rémunération à long terme invoqué par l'employeur s'applique précisément aux cadres dirigeant et ne fait aucune référence à une grille d'évaluation correspondant au niveau de Mme [R], dont la salariée ne justifie d'ailleurs pas. Le versement des LTI en exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur, qui ne concerne que l'origine de l'avantage, est insuffisant à lui attribuer la nature de rémunération du travail du salarié. Il en va de même de l'assujettissement des LTI aux cotisations sociales et prélèvements fiscaux. S'agissant de l'intitulé des versements figurant sur les bulletins de salaire, l'employeur verse aux débats une attestation de M. [J], directeur administratif et financier de la SAS Biogen Idec France, qui explique :

« - que  les mentions « avantage en nature actions » et « prime exceptionnelle hors CP » utilisées sur les bulletins de paie de Biogen Idec correspondent aux MSU et CSPU qui sont des « awards » spécialement octroyés par le groupe Biogen à ses dirigeants,

- que le libellé « avantage en nature actions » est utilisé pour les MSU (unités d'actions) afin de les valoriser sur les bulletins de paie et de les soumettre à cotisations de sécurité sociales,

- que le libellé « primes exceptionnelle hors CP » utilisé pour les CSPU (unités d'action converties en cash) a été choisi pour des raisons de commodité puisque cette rubrique à ce jour n'existe pas, étant précisé que Mme [R] était la seule à bénéficier de ces versements en France dû à son statut de vice-présidente ».



Les sommes litigieuses n'étant pas la contrepartie du travail de Mme [R], elles ne doivent pas être intégrées au salaire annuel pour évaluer le montant du salaire mensuel moyen de la salariée.



Les dispositions de l'article 4 de l'accord du 26 février 2014 ayant pour objet de fixer les Rémunérations Minimales Mensuelles Garanties (RMMG) et les Rémunérations Annuelles Garanties (RAG) et celles de l'article 15 de la convention collective applicable sont sans effet sur ce point.





En effet, l'article 4 précité prévoit que : « Les éléments de rémunération à retenir pour établir la comparaison avec la Rémunération Annuelle Garantie (RAG) sont, outre le salaire de base et et le complément différentiel de salaire ou JRTT :

- Les avantages en nature,

- Toutes les primes ayant le caractère d'un complément de salaire », tandis que l'article 15 de la convention collective relatif à l'indemnité de licenciement dispose que : « Le salaire à prendre en considération pour l'indemnité de licenciement est la rémunération moyenne brute des douze derniers mois ou des trois derniers mois.

Pour le calcul de cette rémunération entrent en ligne de compte tous les éléments du salaire qui, par leur nature, sont soumis aux cotisations de sécurité sociale. »



Or, les sommes versées en contrepartie d'actions gratuites ne sont ni un élément de salaire, ni une prime.



De même, les dispositions de l'article 15 de la convention collective applicable font référence aux éléments de salaire, auxquels n'appartiennent pas les CSPU et MSU.



Dans ces conditions, le salaire mensuel moyen de Mme [R] doit être évalué à la somme de 38 691,60 euros.



- Sur les indemnités de rupture et le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire



Au regard de la convention collective applicable, notamment des articles 3 et 8 de l'avenant III à la convention collective, relatif aux dispositions particulières aux cadres, il convient d'évaluer les indemnités de rupture dues à Mme [R] comme suit :

- 81 183,30 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 8 118,33 euros au titre des congés payés afférents,

- 348 224,40 euros, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.



Par ailleurs, la décision entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a condamné l'employeur à payer à Mme [R] la somme de 20 274,63 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, outre celle de 2 027,46 euros au titre des congés payés afférents, dès lors qu'à la lecture du bulletin de salaire du mois d'octobre 2014, il apparaît que la somme retenue est limitée à 18 282,81 euros. La SAS Biogen France sera condamnée au paiement de cette somme, outre celle de 1 828,28 euros au titre des congés payés afférents.



Lors de la rupture du contrat de travail, la salariée bénéficiait d'une ancienneté de plus de deux ans et la SAS Biogen France employait de manière habituelle au moins 11 salariés.



En application de l'article L1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.



Comme indiqué précédemment, à la date du licenciement, Mme [R] percevait une rémunération mensuelle brute de 38 691,60 euros. Elle était âgée de 50 ans et bénéficiait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de presque 18 ans. Il est établi qu'elle a retrouvé un emploi en 2015. Dans ces conditions, il convient de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 320 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.



- Sur l'indemnité contractuelle de départ



La SAS Biogen France ne conteste pas qu'aux termes du courrier du 29 avril 2009 et de l'Omnibus Equity Plan 2008, une indemnité contractuelle de départ est prévue au bénéfice de la salariée : « Indemnités de départ des cadres dirigeants : Dans certaines circonstances, vous serez en droit de recevoir des indemnités de départ dans le cadre du plan d'indemnités de départ pour les Vice-Présidents Internationaux. Vos indemnités de départ sont détaillées dans le document ci-joint ».



S'il est soutenu par l'employeur que cette indemnité n'est pas due lorsque la rupture intervient pour une cause réelle et sérieuse, définie par l'omnibus [Adresse 7] 2008, comme « une malhonnêteté à l'égard de la société ou d'une filiale, une insubordination, une importante malversation ou non-exécution grave de ses fonctions, ' », il apparaît, pour les motifs précités, que le licenciement de Mme [R] est dénué de cause réelle et sérieuse, aucune faute n'ayant été caractérisée à son encontre. Dans ces conditions, l'indemnité contractuelle de départ est due. Son montant est déterminé selon une formule détaillée au courrier du 29 avril 2009. Compte tenu de l'ancienneté de Mme [R], du montant de sa rémunération de base annuelle et du montant de son bonus annuel à la date de la rupture du contrat de travail, tels qu'ils ressortent des pièces produites, l'employeur doit être condamné à payer à la salariée la somme de 453 679,62 euros. Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.



- Sur la demande de paiement d'un bonus pour 2014



Mme [R] sollicite le versement de la somme de 128 946,42 euros au titre du bonus 2014, soutenant avoir rempli ses objectifs de performance au titre de l'année 2014.



La SAS Biogen France répond que le plan de bonus pour l'année 2014 subordonne le paiement du bonus 2014 à la présence du salarié dans les effectifs de la société Biogen au 31 décembre 2014, de sorte que Mme [R], qui a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 16 octobre 2014 ne peut y prétendre.



Toutefois, le caractère contractuel de la condition invoquée par l'employeur n'est pas justifié. En outre et en tout état de cause, la condition tenant à la présence du salarié dans l'entreprise toute l'année, et en particulier au moment du versement de la prime, est réputée accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement, notamment en prononçant le licenciement sans cause réelle et sérieuse du salarié.



L'employeur ne conteste pas l'affirmation de la salariée selon laquelle elle avait rempli les objectifs qui lui avaient été assignés pour l'année 2014. Au regard du taux contractuel du bonus de Mme [R], du montant annuel brut de sa rémunération et du relevé de rémunération totale pour l'année 2014, il convient d'allouer à Mme [R] la somme de 128 946,42 euros.



- Sur la demande de versement des LTI au titre des années 2015, 2016 et 2017



Madame [R] sollicite le paiement de 1 756 711,07 euros au titre des LTI qui auraient dû lui être réglés en 2015, 2016 et 2017 si elle n'avait pas été licenciée par la société Biogen en octobre 2014. Subsidiairement, elle sollicite une indemnisation équivalente sur le fondement de la perte de chance de recevoir des CSPU et MSU en 2015, 2016 et 2017.



L'employeur s'y oppose expliquant que les LTI constituent des instruments de fidélisation des dirigeants de Biogen, de sorte que leur versement est différé dans le temps et assorti d'une condition de présence. Il ajoute qu'aucune perte de chance indemnisable n'est caractérisée, dès lors que Mme [R] a été licenciée pour faute grave.



La condition de présence dans l'entreprise, qui se déduit des stipulations de la convention d'attribution des CSPU et MSU dans le cadre du plan général de 2008 (paragraphe C) ne peut faire échec à la demande de la salariée pour les motifs précités, au regard de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement infligé à Mme [R]. En revanche, il ressort des éléments précités que le préjudice de Mme [R] ne peut consister qu'en une perte de chance de percevoir les LTI, dès lors que leur montant dépend, à la fois, de l'attribution décidée par l'employeur, de la performance du groupe et du cours de l'action. Or, si leur paiement apparaît régulier sur les fiches de paie communiquées, rien n'établit que Mme [R] aurait, de façon certaine, toujours été salariée de la SAS Biogen France en 2015, 2016 et 2017 et qu'elle aurait donc rempli les conditions de paiement de ces LTI à la date de leur versement. Il convient en conséquence de lui accorder au titre de ce préjudice la somme de 1 100 000 euros.



- Sur la demande de rappel d'indemnité de non-concurrence



Mme [R] réclame le paiement un rappel d'indemnité de non-concurrence d'un montant de 663 769,08 euros, outre 66 376,93 euros au titre des congés payés afférents, évaluant son salaire mensuel moyen à la somme de 121 658,23 euros. L'employeur s'y oppose indiquant que la salariée a été remplie de ses droits par le paiement d'une somme mensuelle de 25 791,39 euros outre 2 759,14 euros au titre des congés payés afférents, les CSPU et MSU devant être exclus de la base de calcul de l'indemnité de non-concurrence dès lors qu'ils ne sont pas des éléments de rémunération variable.



Le contrat de travail de Mme [R] comporte une clause de non concurrence rédigée comme suit : « Pendant une période d'un (1) an suivant la date de la cessation du présent contrat de travail, la salariée s'engage à n'exercer, dans les Etats membres de l'Union Européenne, aucune activité identique ou similaire à celle exercée par la salariée pour la société au cours de l'emploi auprès de tout concurrent de la société ou de sociétés affiliées à la société, sans avoir recueilli l'approbation préalable et écrite de la société.

(') Dans l'hypothèse où la société déciderait de façon discrétionnaire d'invoquer totalement ou partiellement l'engagement de non concurrence stipulé à la clause 12.1 ci-dessus, la société dédommagera la salariée de son manque à gagner pendant la durée totale de la période de non concurrence en versant à la salariée deux-tiers (2/3) de sa rémunération, telle que définie par la Convention Collective ' ».



L'article 11 de l'avenant relatif aux cadres de la convention collective Facophar dispose que : 'Le traitement pris en considération pour le calcul de l'indemnité sera le traitement du dernier mois ; en cas de rémunération variable, la partie variable de cette rémunération sera calculée sur la moyenne des douze derniers mois.'



Cependant, les sommes versées au titre des LTI, pour les motifs précités, ne s'analysent pas en des éléments de rémunération, puisqu'il s'agit d'avantages qui ne sont pas versés en contrepartie de la prestation de travail de la salariée.



Dans ces conditions, Mme [R] doit être déboutée de sa demande de rappel d'indemnité de non concurrence, de sorte que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.



Sur la demande de dommages et intérêts au titre du licenciement vexatoire



L'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ne suffit pas à en caractériser la nature vexatoire, qui, de surcroît, ne ressort d'aucun élément de la procédure. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [R] de sa demande.



Sur le remboursement par l'employeur à l'organisme des indemnités de chômage



En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités.



Sur les intérêts



Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation. S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées. Ces intérêts seront capitalisés en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.



Sur la remise de bulletins de paie



La SAS Biogen France sera condamnée à remettre à Mme [R] un bulletin de paie conforme à la présente décision. Le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire, dès lors qu'il n'est pas démontré que l'employeur entend se soustraire à l'exécution de l'arrêt.



Sur la demande reconventionnelle de la SAS Biogen France



L'employeur justifie du solde créditeur de la carte American Express établie au nom de Mme [R] pour financer ses frais professionnels. Dès lors que la salariée est titulaire de la carte de crédit, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle lui a ordonné de remplir et signer le formulaire autorisant la SAS Biogen France à percevoir de la société American Express le solde de 4 858,70 euros figurant au crédit de la carte.



Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens



Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la SAS Biogen France.



La demande formée par Mme [R] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 8 000 euros.





PAR CES MOTIFS



LA COUR,



statuant publiquement et contradictoirement



Infirme le jugement entrepris en ses dispositions hormis celles relatives à l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, au rappel de bonus 2014, au débouté de la demande de dommages et intérêts au titre du licenciement vexatoire, à la signature du formulaire d'autorisation concernant la carte American express, aux frais irrépétibles et aux dépens qui sont confirmés ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Dit que le licenciement de Mme [Y] [S] [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;



Condamne la SAS Biogen France à payer à Mme [S] [R] les sommes suivantes :

- 18 282,81 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire,

- 1 828,28 euros au titre des congés payés afférents,

- 348 224,40 euros, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 320 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 453 679,62 euros au titre de l'indemnité contractuelle de départ,

- 1 100 000 euros au titre de la perte de chance de percevoir les LTI 2015 à 2017,



Déboute Mme [Y] [S] [R] de sa demande de rappel d'indemnité de non-concurrence,



Ordonne à la SAS Biogen France de remettre à Mme [Y] [S] [R] dans le mois de la notification du jugement, les bulletins de paie récapitulatifs des sommes allouées ;



Dit n'y avoir lieu à astreinte ;



Ordonne le remboursement par la SAS Biogen France, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à Mme [Y] [S] [R] dans la limite de 6 mois d'indemnités en application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail ;



Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;



Dit que ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;



Déboute les parties de leurs autres demandes ;



Condamne la SAS Biogen France aux dépens d'appel ;



Condamne la SAS Biogen France à payer à Mme [Y] [S] [R] la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Stéphanie HEMERY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le GREFFIERLe PRESIDENT

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