16 January 2020
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 17/05794

CHAMBRE SOCIALE SECTION B

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX





CHAMBRE SOCIALE - SECTION B





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ARRÊT DU : 16 JANVIER 2020





(Rédacteur : Madame Emmanuelle LEBOUCHER, Conseillère)





PRUD'HOMMES





N° RG 17/05794 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KCMU











Monsieur A... C...








c/





SAS [...]


























Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée aux avocats le :





à :


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 septembre 2017 (R.G. n°F 14/01014) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 13 octobre 2017,








APPELANT :





Monsieur A... C..., de nationalité Française, demeurant [...]


assisté et représenté par Me Frédéric GODARD-AUGUSTE, avocat au barreau de BORDEAUX








INTIMÉE :





SAS [...], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [...]


N° SIRET : 389 749 045


assistée et représentée par de Me Jean-David BOERNER, avocat au barreau de BORDEAUX








COMPOSITION DE LA COUR :





L'affaire a été débattue le 20 novembre 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :








Monsieur Eric Veyssière, président,


Catherine Mailhes, conseillère,


Mme Emmanuelle Leboucher, cConseillère,





qui en ont délibéré.





greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,








ARRÊT :





- contradictoire





- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.



























EXPOSE DU LITIGE





M. C... a été engagé en qualité de technico-commercial par la société [...] en 1970.





En 1987, il est désigné comme administrateur ; en 1990, il est nommé directeur général ; en 1992, président du conseil d'administration. En 1993, il démissionne de ses fonctions de président du conseil d'administration et est nommé directeur général et en 2006, directeur général délégué.





Le 25 février 2014, la société [...] a résilié le mandat social de M. C....





La société [...] a porté plainte contre M. C... du chef d'abus de confiance.





Le 7 avril 2014, M. C... a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de :


voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société [...],

voir condamner la société [...] au paiement des sommes suivantes : 38 412 euros à titre d'indemnité de préavis et 3 841 euros au titre des congés payés afférents,

89 628 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

192 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile



se voir payer les salaires jusqu'à la date de rupture du contrat de travail soit celle du jugement,

se voir remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement, les documents de fin de contrat et les bulletins de salaire.






Par jugement de départage du 19 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :


rejeté toutes les demandes formulées par M. C...,

condamné M. C... au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.






Par déclaration du 13 octobre 2017, M. C... a relevé appel du jugement en ce qu'il a :


rejeté sa demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en indemnité conventionnelle de licenciement, en indemnité compensatrice de préavis et congés payés sur préavis et en remise des documents de rupture sous astreinte,

l'a condamné au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.







Par ses dernières conclusions du 9 juillet 2018, M. C... sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement et, statuant à nouveau :


prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société [...] et lui attribue les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,









condamne la société [...] au paiement des sommes suivantes :
38 412,00 euros à titre d'indemnités de préavis et 3 841,00 euros au titre des congés payés afférents,

115 236 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement si l'ancienneté salariale de 44 ans est reconnue, subsidiairement celle de 70678euros si l'ancienneté salariale de 20 ans est reconnue,

192 000 euros à titre de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,



condamne la société [...] au paiement des salaires jusqu'à la date de rupture du contrat de travail, soit jusqu'au prononcé de la décision,

ordonne la remise des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision.






M. C... revendique l'existence d'un contrat de travail estimant qu'il exerçait des fonctions techniques distinctes de son mandat social ; il indique que ses fonctions de mandataire social étaient honorifiques et qu'il exerçait surtout les missions de directeur commercial comme en témoignent ses bulletins de salaire, son manque d'autonomie dans ses fonctions salariées, l'attribution de la médaille du travail ou les contrats commerciaux.





Il expose qu'il n'a jamais démissionné de son poste de salarié, un procès-verbal de conseil d'administration ne pouvant être assimilé à une lettre de démission, peu important qu'il ait renoncé à sa rémunération salariée et qu'il ait renoncé à son mandat de président du conseil d'administration.





Il soutient démontrer l'existence d'un lien de subordination et sa rémunération pour son activité salariée.





A titre subsidiaire, il invoque la suspension de son contrat de travail le temps du mandat social.





Il soutient que la résiliation judiciaire de son contrat de travail doit être prononcée puisqu'il a été mis dans l'impossibilité d'exercer son travail.





Il précise ses demandes financières.





Aux termes de ses dernières conclusions du 18 juillet 2019, la société [...] sollicite de la cour:


à titre principal, qu'elle sursoit à statuer dans l'attente du jugement rendu par le tribunal correctionnel à l'issue de son audience fixée le 9 décembre 2019,

à titre subsidiaire, qu'elle : juge qu'il n'existe aucun contrat de travail entre M. C... et elle,

déclare M. C... irrecevable en son appel,

rejette les demandes formulées par M. C...,

confirme le jugement,

condamne M. C... au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la société Boerner conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
















La société [...] demande qu'il soit sursis à statuer car M. C... est convoqué devant le tribunal correctionnel prochainement pour être jugé pour abus de confiance dont elle est victime.





Elle soutient que M. C... a été recruté en 1971 comme technico-commercial, que son contrat n'a pas été maintenu en 1991 lorsqu'il a pris des fonctions de mandataire social comme en atteste son absence sur le relevé de créances de 2005 avant sa reprise; qu'il ne versait pas de cotisations salariales et qu'il a renoncé au bénéfice de son contrat de travail en 1990.





Elle expose que M. C... ne pouvait prétendre au cumul de son mandat social avec un contrat de travail puisqu'il ne démontre pas avoir exercé des fonctions techniques distinctes avec des attributions propres séparées de celles du mandat social ; qu'il percevait une rémunération salariée et qu'il se trouvait dans un lien de subordination. Ce lien de subordination étant impossible avec les fonctions de directeur général aux pouvoirs étendus et non honorifiques. Elle précise qu'il a signé des contrats en qualité de directeur général. Elle ajoute que M. C... ne démontre pas avoir perçu une rémunération en tant que salarié.





Elle s'oppose à la suspension du contrat de travail.





Elle estime qu'aucune résiliation du contrat ne peut être prononcée en l'absence de contrat de travail.





La clôture a été fixée au 6 novembre 2019.





Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.









MOTIVATION





Sur le sursis à statuer :





L'article 378 du code de procédure civile dispose que la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.





Il résulte de la combinaison des articles 73, 74 et 108 du code de procédure civile que l'exception de sursis à statuer fondée sur les dispositions de l'article 4 du code de procédure pénale tendant à faire suspendre le cours de l'instance, doit, à peine d'irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond, et qu'une telle irrecevabilité doit être relevée d'office alors même que la partie à laquelle est opposée l'exception n'invoquerait pas sa tardiveté.





Il est constant que la demande de sursis à statuer doit, sous peine d'irrecevabilité, être soumise avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, au magistrat de la mise en état.





Il est constant que la société [...] a sollicité par courrier et par 'conclusions d'intimé responsives et récapitulatives n°3" du 18 juillet 2019 le sursis à statuer.





La société [...] n'a donc pas saisi le conseiller de la mise en état de sa demande de sursis à statuer.





La société [...] est par conséquent irrecevable à solliciter le sursis à statuer devant la cour lors de l'audience de plaidoirie.





Sur la résiliation du contrat de travail :





sur l'existence du contrat de travail :






L'existence d'un contrat de travail suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir l'exécution d'une tâche, rémunérée en contrepartie, et exécutée dans un rapport de subordination.





En application de l'article 1221-1 du code du travail le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun et il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter. S'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence, la présence d'un contrat de travail apparent impose à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.





Il ressort de l'examen du procès-verbal du conseil d'administration du 28 décembre 1990 que 'M. A... C..., directeur général, déclare renoncer au bénéfice de son contrat de travail et ne sera plus rémunéré au titre de ce dernier. Sa rémunération au titre de son mandat social sera fixée ultérieurement'. Il en résulte qu'à compter de ce conseil d'administration, M. C... n'était plus lié à la société [...] par un contrat de travail. Cette déclaration claire et non équivoque correspond à une démission de l'activité salariée de M. C....





De plus, les bulletins de salaires produits aux débats postérieurement au mois de décembre 1990 mentionnent dirigeant comme catégorie, directeur général comme emploi et un salaire forfaitaire, éléments qui ne permettent pas de déduire l'existence de la qualité de salarié.





Comme l'a indiqué à juste titre le premier juge, le relevé de créance de 2005 lors du dépôt de bilan ne fait pas apparaître M. C... comme salarié.





En outre, M. C... ne démontre pas s'être trouvé dans une situation de subordination, les fonctions de directeur commercial ou responsable de zone export, sa présence à des réunions de présentation des résultats de la société n'étant pas synonymes de la qualité de salarié. Contrairement à ce qu'il affirme, les courriels produits ne caractérisent pas son absence d'autonomie mais reflètent des échanges et demandes d'avis courants entre dirigeants d'importants secteurs. L'attribution de la médaille du travail n'est pas réservée aux seuls salariés.





Ainsi, la renonciation à son contrat de travail par M. C... est claire et sans équivoque et aucun élément ne permet de conclure que le contrat a été suspendu et a repris ultérieurement, aucune date de reprise n'étant par ailleurs indiqué par l'appelant.





Le jugement est par conséquent confirmé.











sur la rupture de la relation contractuelle :






L'absence de contrat de travail après 1990 empêche toute possibilité de résiliation d'un contrat de travail et l'ensemble des sommes réclamées au titre de la rupture du contrat de travail deviennent sans objet.





Il en est de même des demandes au titre du paiement des salaires soit jusqu'à la date de rupture du contrat de travail, soit jusqu'au prononcé de la décision et la remise des documents de fin de contrat et des bulletins de salaire.





Sur les dépens :





M. C... succombant est condamné aux dépens.





Sur l'article 700 du code de procédure civile :





Tenu aux dépens, M. C... est condamné à payer à la société [...] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.








PAR CES MOTIFS





Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par la société [...],





Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 19 septembre 2017,





Y ajoutant,





Condamne M. A... C... à payer à la société [...] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,





Condamne M. A... C... aux dépens de la procédure d'appel avec distraction au profit de la SCP Boerner.








Signé par Monsieur Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








Sylvaine Déchamps Eric Veyssière

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