30 January 2020
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 17/19704

Chambre 4-4

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 4-4





ARRÊT AU FOND


DU 30 JANVIER 2020





N° 2020/


GB/FP-D

















Rôle N° RG 17/19704 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BBNGI











SAS HOTEL DU CAP-EDEN-ROC








C/





K... H...
































Copie exécutoire délivrée


le :


30 JANVIER 2020


à :





Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-


PROVENCE








Me Véronique BOLIMOWSKI, avocat au barreau de GRASSE














Décision déférée à la Cour :





Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de GRASSE en date du 27 Octobre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00502.








APPELANTE





SAS HOTEL DU CAP-EDEN-ROC, demeurant [...]


représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE


et par Me Cédric GARNIER, avocat au barreau de PARIS,








INTIME





Monsieur K... H..., demeurant [...]


représenté par Me Véronique BOLIMOWSKI, avocat au barreau de GRASSE




















*-*-*-*-*


COMPOSITION DE LA COUR








En application des dispositions des articles 785, 786, 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 27 novembre 2019, en audience publique, les avocats ayant été invités à l'appel des causes à demander à ce que l'affaire soit renvoyée à une audience collégiale s'ils n'acceptaient pas de plaider devant les magistrats rapporteurs et ayant renoncé à cette collégialité, l'affaire a été débattue devant Madame Marie-Noëlle ABBA, Président, et Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.





Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :





Madame Marie-Noëlle ABBA, Président de chambre


Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller


Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller











Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2020.











ARRÊT





contradictoire,





Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Janvier 2020,





Signé par Madame Marie-Noëlle ABBA, Président de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






***





















































PROCÉDURE








Par déclaration électronique réceptionnée le 31 octobre 2017, la SAS Hôtel du Cap-Eden-Roc a interjeté appel du jugement rendu le 27 octobre 2017 par la formation de départage du conseil de prud'hommes de Grasse la condamnant à verser à Mme K... H... les sommes suivantes :





3 580 euros au titre de l'indemnité de requalification,


872,35 euros en rappel de salaire au titre d'un reliquat de congés payés,


539,19 euros en rappel d'une prime sur TVA,


7 160 euros au titre d'une indemnité volontaire de départ à la retraite,


282 480 euros à titre de dommages-intérêts au titre d'une perte de pension de retraite,


1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.





Le premier juge condamne la société Hôtel du Cap-Eden-Roc à délivrer à Mme H... ses documents sociaux de rupture rectifiés en fonction de sa décision.





Par déclaration électronique réceptionnée le 7 novembre 2017, Mme H... a relevé appel incident.





Par conclusions numérotées 3, notifiées le 31 octobre 2019, la société Hôtel du Cap-Eden-Roc conclut à l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement qu'elle défère à la censure de la cour, ainsi qu'au rejet des fins de l'appel incident, sans préjudice de l'allocation d'une indemnité de 2 500 euros pour ses frais irrépétibles.





Par conclusions numérotées 3, notifiées le 8 novembre 2019, Mme H... poursuit la condamnation de la société Hôtel du Cap-Eden-Roc à lui verser les sommes suivantes :





7 936,22 euros pour préavis, ainsi que 793,62 euros au titre des congés payés afférents,


43 648,97 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,


95 234,64 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


383 191,50 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire du 1er avril 1976 au 31 décembre 1997,


149 185,70 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire du 1er janvier 1998 au 1er novembre 2010,


7 596 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire du 1er novembre 2010 au 31 décembre 2010,


18 408,44 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire sur l'année 2011,


21 824,62 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire sur l'année 2012 13 815,40 euros au titre du maintien de son salaire sur l'année 2009,


300 000 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de revenus de pension civile,


3 580 euros au titre de l'indemnité de requalification,


7 596,78 euros au titre d'une indemnité de départ à la retraite, avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 7 mars 2013,


539,19 euros en rappel de la prime spécifique TVA,


4 415 euros au titre de 10 jours fériés garantis sur la période de 2009 à 2012 inclus,


8 000 euros pour ses frais non répétibles.





Mme H... sollicite la remise, sous astreinte, de certains bulletins de salaire et de documents de rupture rectifiés en fonction de l'arrêt à intervenir.





La cour renvoie pour plus ample exposé au jugement déféré et aux écritures des parties.





La clôture de l'instruction de ces affaires, jointes le 18 janvier 2018, a été prononcée le 12 novembre 2019.









MOTIFS DE LA DÉCISION








Pour réclamer la requalification des contrats saisonniers successifs l'ayant liée à la société Hôtel du Cap-Eden-Roc, de 1976 à 2012, Mme H... dénonce l'absence d'un support écrit pour certains contrats, non énumérés, se prévaut de l'article 14-2 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (HCR) du 30 avril 1997, applicable à la relation de travail entre les parties, et estime que son emploi de femme de chambre entrait dans l'activité normale et permanente de cet hôtel.





Sur l'exigence de l'écrit, il est versé aux débats les contrats signés par Mme H... pour les saisons 2005 à 2010 incluses, et de plus anciens encore, ce qui ne met pas en défaut l'employeur tenu de conserver cinq ans ce type de document social.





Par ailleurs, si aux termes de l'article 14, 2°, de la convention HCR 'les contrats saisonniers conclus pendant trois années consécutives à partir de la date d'application de la convention collective et couvrant toute la période d'ouverture de l'établissement pourront être considérés comme établissant avec le salarié une relation de travail à durée indéterminée sur la base des périodes effectives de travail', ce texte, qui a pour seule vocation de favoriser l'emploi, ne fait pas obstacle à la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier sans aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation globale à durée indéterminée.





Dans ce cas de figure, seule la non-reconduction de la relation de travail sur la saison suivante s'analyse en un licenciement devant être motivé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque Mme H... a travaillé chaque jour pendant les périodes d'ouverture à la clientèle de l'hôtel, limitées à la belle saison, que son engagement a été reconduit chaque année durant les périodes nécessitant les services d'une femme de chambre, soit environ six mois et demi par an - à la différence des personnels occupant un emploi au sein de l'établissement les douze mois de l'année (direction, administration, gardiennage, entretien des espaces verts...) - et que la rupture de la relation indéterminée de travail s'est produite à son initiative, l'intéressée ayant fait part à son employeur de sa volonté de prendre sa retraite le 15 octobre 2012 (sa lettre recommandée du 1er août 2012).





Ce dont il résulte que sont mal-fondées les demandes de Mme H... tendant à obtenir le paiement des sommes suivantes :





3 580 euros au titre de l'indemnité de requalification,


7 936,22 euros pour préavis, ainsi que 793,62 euros au titre des congés payés afférents,


43 648,97 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,


95 234,64 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


383 191,50 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire du 1er avril 1976 au 31 décembre 1997,


149 185,70 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire du 1er janvier 1998 au 1er novembre 2010,


7 596 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire du 1er novembre 2010 au 31 décembre 2010,


18 408,44 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire sur l'année 2011,


21 824,62 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de salaire sur l'année 2012, 13 815,40 euros au titre du maintien de son salaire sur l'année 2009,


300 000 euros au titre de l'indemnisation d'une perte de revenus de pension civile.





.../...





Pour réclamer le paiement de la somme de 7 596,78 euros au titre de l'indemnité volontaire de départ à la retraite édictée par l'article L. 1237-9 du code du travail, Mme H... expose remplir les conditions d'admission de la loi, ce que son contradicteur ne conteste pas.





Sur la base d'une période effective de travail de six mois et demi par an, pour une période de trente-sept ans, la salariée additionne une ancienneté comprise entre vingt et trente ans, ouvrant droit à une indemnité égale à un mois et demi de salaire.





Sur la base d'un salaire mensuel brut de 3 574,30 euros, Mme H... recevra une indemnité de 5 361,45 euros à ce titre.





Cette somme portera intérêts au taux légal capitalisés à compter du 14 mars 2014, date de la réception par la débitrice du pli recommandé la convoquant à une audience de 'suivi des dossiers', valant première mise en demeure identifiable.





.../...





Pour réclamer le bénéfice de la prime spécifique TVA, en vigueur de 2010 à 2013, Mme H... expose ne pas avoir perçu cette prime en 2010, avoir perçu en 2011 et 2012 la somme totale de 210,86 euros à ce titre, et réclame le différentiel de 539,14 euros (750 € - 210,86 €).





La salariée ayant introduit son action en paiement devant le conseil de prud'hommes de Grasse le 30 octobre 2013 (instance enrôlée sous le n° 13/01135, radiée le 3 mars 2014), sa demande en paiement, formulée dans le délai de cinq ans du temps pour prescrire alors en vigueur, sera reçue.





Pour s'opposer sur le fond à cette demande, l'employeur rappelle que l'avenant n°6 du 15 décembre 2009 de la convention HCR a instauré, à compter du 1er juillet 2010, cette prime destinée à compenser la baisse du taux de TVA applicable dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration (passage de 19,5 % à 5,5 %).





Cependant cette prime variait selon l'activité de l'entreprise.





Dans le cas de l'hôtel du Cap-Eden-Roc (hôtel avec restaurant), cette prime était pour un mi-temps plafonnée à 125 euros par an.





Le juste décompte figurant à la page 42 des écritures de l'employeur fait que cette salariée, au prorata de son temps de présence de 6,5 mois, devait percevoir à ce titre les sommes suivantes :





115,64 euros en 2010,


135,41 euros en 2011,


135,41 euros en 2012.





Ayant perçu à ce titre la somme totale de 210,86 euros, la cour entrera en voie de condamnation à hauteur de la somme de 175,60 euros.





.../...





Invoquant le bénéfice de l'avenant n° 6 du 15 décembre 2009, Mme H... soutient ne pas avoir bénéficié de dix jours fériés garantis à compter de 2009 pour réclamer la somme de 4 415 euros à ce titre.





Mais, en premier lieu, l'employeur réplique utilement que les dispositions conventionnelles dont la salariée se réclame n'ont été applicables qu'à compter du 1er mars 2010, ce qui exclut de prendre en compte une demande pour l'année 2009.





L'article 6.1 de cet avenant prévoit 'Dans les établissements saisonniers et pour les salariés sous contrats saisonniers' le bénéfice 'le cas échéant, des jours fériés (arrondis à l'entier supérieur), au prorata de la durée du contrat de travail, selon les modalités d'application définies au 1 de l'article 6 du présent avenant' soit '6 jours fériés garantis'.





En second lieu, la société Hôtel du Cap-Eden-Roc fait à bon droit valoir que la salariée n'a été présente que le lundi de Pâques et qu'elle ne démontre pas s'être tenue à sa disposition durant les périodes interstitielles, durant lesquelles elle était inscrite au Pôle emploi, de sorte qu'elle ne pouvait en aucun cas prétendre à un crédit de dix jours fériés garantis par an susceptibles d'être monétisé.





La position de l'employeur est exacte dans la mesure qu'au prorata de la durée de son contrat de travail (6,5 mois par an), Mme H... pouvait seulement prétendre à 3,25 jours fériés, arrondis à 4 jours fériés garantis de 2010 à 2012 (6,5/12 x 6).





Mme H... était en activité lors de la survenance des jours fériés suivants : la Victoire des Alliés, le jeudi de l'Ascension, le lundi de Pentecôte, la Fête Nationale et l'Assomption.





Les bulletins de salaire dont dispose la cour (pièces 31 à 35) mentionnent le paiement de treize jours fériés, sur la période 2010 à 2012, ce qui est supérieur aux seuls huit jours garantis par le droit conventionnel.





La demande en paiement à ce titre ne peut donc être accueillie.





.../...





La société Hôtel du Cap-Eden-Roc, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette remise d'une mesure d'astreinte, délivrera à Mme H... un bulletin de salaire mentionnant le règlement des créances de nature salariale, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi mentionnant ces créances salariales.





Il n'y a lieu d'ordonner la délivrance d'un certificat de travail unique, l'employeur ayant ponctuellement remis à la salariée ses certificats de travail à l'issue de chaque contrat saisonnier.





.../...





L'employeur, qui succombe en partie, supportera les entiers dépens.








PAR CES MOTIFS


La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile.








Infirme le jugement.





Statuant à nouveau, condamne la SAS Hôtel du Cap-Eden-Roc à payer à Mme H... les sommes suivantes :





5 361,45 euros au titre de l'indemnité de départ volontaire à la retraite, avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 14 mars 2014,


175,60 euros au titre de la prime TVA.





Rappelle que les sommes ci-dessus allouées sont exprimées pour leur montant brut.





Dit que la SAS Hôtel du Cap-Eden-Roc délivrera à Mme H... un bulletin de salaire mentionnant le règlement des créances de nature salariale, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi mentionnant ces créances salariales.





Rejette les demandes plus amples ou contraires.





Condamne l'appelante aux entiers dépens.





Vu l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à application.





LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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