18 February 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/08184

Pôle 5 - Chambre 1

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 18 FÉVRIER 2020



(n°035/2020, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 18/08184 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5RP3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Avril 2018 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2017008015





APPELANTE



RASSEMBLEMENT DES OPTICIENS DE FRANCE (ROF), anciennement dénommé SYNDICAT NATIONAL DES OPTICIENS REUNIS (SNOR), syndicat professionnel immatriculé sous le numéro SIRET 784 951 832 00027, et ce, suite à la conclusions d'un traité de rapprochement entraînant la transmission universelle de patrimoine de l'UDO au ROF

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Stanislas PANON de la SELEURL PANON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2023

Assistée de Me Laura JEGOU de la SELEURL PANON AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2023









INTIMÉE



SARL I.M.D OPTIC

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 502 488 141

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Valérie ABOUCAYA de la SELAS ABHEURT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2473

Assistée de Me Nicolas DABRETEAU de la SELAS ABHEURT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2473



















COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 07 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur David PEYRON, Président de chambre

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère

M. François THOMAS, Conseiller



qui en ont délibéré.



Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.



Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON









ARRÊT :




Contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par David PEYRON, Président de chambre et par Karine ABELKALON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire











***





EXPOSÉ DU LITIGE



L'UNION DES OPTICIENS (l'UDO) se présente comme un syndicat professionnel représentant en France 1 200 magasins d'opticiens, indépendants ou sous grandes enseignes, soit 10 % des points de vente et 20 % des parts de marché. Elle précise qu'elle a but la défense des intérêts matériels et moraux des opticiens-lunetiers et pour mission de les représenter devant diverses instances, en France comme à l'étranger, et également de moraliser et défendre l'éthique de la profession des opticiens-lunetiers.



Elle expose que depuis 2004, date de la signature de la Charte éthique avec la Fédération Française des Sociétés d'Assurance, elle se mobilise pour lutter contre les pratiques frauduleuses de certains opticiens consistant à augmenter le prix des verres, davantage pris en charge par les mutuelles des clients, et diminuer en contrepartie le prix des montures, ce qui permet aux clients d'être mieux remboursés par leur mutuelle.



C'est ainsi que l'UDO a envoyé plusieurs 'clients-mystère' chez la société IMD OPTIC, opticien indépendant à [Localité 4].



Invoquant les témoignages de deux de ces 'clients-mystère', qui relatent que la société IMD OPTIC a reporté une partie du prix des montures sur le prix des verres, l'UDO, par acte en date du 30 janvier 2017, a assigné la société IMD OPTIC devant le tribunal de commerce afin, notamment, de faire constater qu'elle a commis des faits de concurrence déloyale en employant des moyens illégaux et porté atteinte à l'intérêt collectif de la profession des opticiens-lunetiers.



Par jugement du 10 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris a :




déclaré irrecevables les deux attestations présentées par l'UNION DES OPTICIENS et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

condamné l'UNION DES OPTICIENS à payer à la société IMD OPTIC la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

ordonné l'exécution provisoire,

débouté les parties de leurs autres demandes,

condamné l'UNION DES OPTICIENS aux dépens.




Par déclaration du 19 avril 2018, le syndicat UNION DES OPTICIENS a fait appel de ce jugement.



La société IMD OPTIC a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident tendant à voir prononcer la nullité de la déclaration d'appel de l'UNION DES OPTICIENS pour défaut de capacité à interjeter appel et l'irrecevabilité de ses demandes, motif pris de la disparition de la personnalité morale de l'UDO au jour de la déclaration d'appel suite à une fusion-absorption et à la transmission universelle de son patrimoine au profit du SYNDICAT DES OPTICIENS DE FRANCE REUNIS (SNOR), devenu ensuite le RASSEMBLEMENT DES OPTICIENS DE FRANCE (ROF).



Par ordonnance du 1er octobre 2019, le conseiller de la mise en état a notamment :


rejeté les demandes de la société IMD OPTIC,

constaté qu'à compter du 1er janvier 2018, suite à l'opération de fusion-absorption, une transmission universelle de patrimoine de l'UNION DES OPTICIENS a été effectuée au profit du SYNDICAT NATIONAL DES OPTICIENS REUNIS (SNOR), lequel est devenu le RASSEMBLEMENT DES OPTICIENS DE FRANCE (ROF) et que ce dernier a acquis de plein droit la qualité de partie à l'instance.




Dans ses dernières conclusions transmises le 24 juin 2019, l'UDO demande à la cour :



à titre liminaire :


de constater l'intérêt et la qualité pour agir de l'UDO dans le cadre de la présente action et de la dire recevable et bien fondée en son action,




sur le fond,


d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement et,




statuant à nouveau, de :


de dire que les attestations produites ne sont pas déloyales,

de constater que la société I.M.D. OPTIC a commis des faits de concurrence déloyale en employant des moyens illégaux,

de constater l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession des opticiens-lunetiers,




par conséquent :


d'ordonner la cessation immédiate de ces agissements, sous astreinte de 5 000 € par infraction constatée après le prononcé de l'arrêt à intervenir,

de condamner la société I.M.D. OPTIC à lui verser la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à l'intérêt collectif de la profession,

d'ordonner la publication du 'jugement' à intervenir dans le journal Le Parisien, dans les revues professionnelles suivantes : Bien Vu et L'Opticien Lunetier, ainsi que sur la page d'accueil du site internet Acuité.fr et du site internet UDO, le tout aux frais de la société I.M.D. OPTIC pendant un mois et ce sous astreinte de 1 000 € par jour de retard,

de condamner la société I.M.D. OPTIC à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.










Dans ses dernières conclusions numérotées 2 transmises le 18 juin 2019, la société IMD OPTIC demande à la cour :



à titre principal,


de dire l'UNION DES OPTICIENS mal fondée en son appel, de la débouter de l'ensemble de ses demandes et de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,




à titre subsidiaire :


de juger que l'UNION DES OPTICIENS ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice,

de juger que les demandes indemnitaires de l'UNION DES OPTICIENS sont disproportionnées et devront être limitée à 1 € symbolique,

d'ordonner les plus larges délais pour permettre à la société IMD OPTIC de s'acquitter des dommages et intérêts alloués à l'UNION DES OPTICIENS en réparation de son préjudice s'ils venaient à être fixés à une somme supérieure à l'euro symbolique,

de juger que les éventuels frais de publication de l'arrêt à intervenir qui serait mis à la charge de la société IMD OPTIC seront limités à la somme de 500 €,




en tout état de cause :


de condamner l'UNION DES OPTICIENS à verser à la société IMD OPTIC la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.




L'ordonnance de clôture est du 29 octobre 2019.



A l'audience du 7 janvier 2020, sur une question de la cour, l'avocat de l'appelant a indiqué que les écritures de son client devaient être entendues comme prises au nom du syndicat RASSEMBLEMENT DES OPTICIENS DE FRANCE (ROF) et non, comme indiqué par erreur, au nom de l'UNION DES OPTICIENS (UDO). Le conseil de la société IMD OPTIC a indiqué ne soulever aucune difficulté à ce égard (cf. Plumitif de l'audience).






MOTIFS DE L'ARRET



En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.



Sur les demandes du syndicat ROF



Pour soutenir que les attestations des clients-mystère qu'il produit aux débats n'ont pas été obtenues de façon déloyale et sont donc recevables, et pour demander l'infirmation du jugement sur ce point, le syndicat ROF fait valoir que la pratique des visites mystère est légale, extrêmement courante dans le monde des affaires et désormais prévue par la loi (article 104 de la loi du 17 mars 2014 dite loi HAMON, aujourd'hui article L.512-7 du code de la consommation créé par l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016). Elle soutient qu'en l'espèce, les attestations produites sont conformes aux exigences légales et jurisprudentielles dès lors qu'elle a informé par courriers, dès le mois de novembre 2015, les opticiens de la ville de [Localité 4] et de sa proche banlieue que des clients mystère allaient être envoyés dans les magasins d'optique dans le but de contrôler le respect des bonnes pratiques, que la société IMD OPTIC a bien été destinataire de ce courrier et a en outre été informée de ces visites mystère par des communiqués dans la presse professionnelle, qu'en tout état de cause, aucun procédé déloyal de nature à pousser les opticiens à la faute n'a été mis en oeuvre, que le recrutement et la rémunération des clients mystère par une société tierce n'ôtent rien à la réalité et au sérieux de leurs attestations, que leur rémunération n'est pas liée à la constatation d'une faute. Elle soutient qu'en tout état de cause les devis et factures fournis suffisent à eux seuls à démontrer l'existence de la faute.



La société IMD OPTIC demande la confirmation du jugement pour les motifs qu'il comporte. Elle rappelle que le recours aux clients mystère est encadré par des conditions que l'UDO n'a pas respectées, elle-même n'ayant jamais reçu d'information préalable sur la visite de clients mystère ni été informée par la presse professionnelle et qu'elle a été provoquée à la faute par les deux clientes mystère, rémunérées par une société QUALIVOX avec laquelle l'UDO entretient des relations d'affaires établies.



Il n'est pas contesté que les deux clientes mystères qui ont rédigé les attestations versées aux débat par le syndicat ROF à l'appui de ses demandes, Mesdames [X] et [O], étaient rémunérées par une société QUALIVOX. La société IMD OPTIC justifie par ailleurs de l'existence de trois affaires distinctes dans lesquelles l'UDO (ROF) a assigné des opticiens, au début de l'année 2017, sur la base d'attestations rédigées par ces deux mêmes clientes mystère (ses pièces 116 à 118). Il en résulte l'existence de relations d'affaires entre le ROF et la société QUALIVOX et une certaine professionnalisation de ces deux clientes mystère, de nature à faire douter de leur parfaite neutralité dans l'établissement des témoignages produits dans la présente affaire, aucun élément n'étant apporté quant au mode de rémunération des clients mystère par la société QUALIVOX et le ROF affirmant, mais sans l'établir, que de nombreux clients mystère ont été envoyés dans des magasins d'optique sans constater de comportements déloyaux de la part des opticiens.



En outre, le ROF soutient que la société IMD OPTIC a reçu un courrier circulaire adressé en novembre 2015 aux opticiens de [Localité 4] et de la proche banlieue pour les prévenir de l'envoi des clients mystère, courrier relayé par des communiqués dans la presse professionnelle. Mais, comme les premiers juges l'ont relevé, la liste qu'elle fournit des destinataires du courrier du 17 novembre 2015 mentionne comme correspondant à l'adresse de l'intimée - [Adresse 2] - une société FIRST OPTICAL, ce qui ne correspond ni à la dénomination sociale ni au nom commercial (NATION OPTIC) de la société IMD OPTIC, de sorte qu'il n'est pas établi que celle-ci ait effectivement reçu le courrier. Il n'est pas plus établi qu'elle ait eu connaissance des communiqués de presse 'Dites NON à la FRAUDE' des 19 novembre 2015 et 20 février 2017.



Enfin, le contenu même des attestations, qui montre que les clientes mystère ont d'emblée appelé l'attention des opticiens sur les montants de prise en charge des verres et montures par leur mutuelle (70 euros pour la monture et 140 euros maximum par verre), ne permet pas d'écarter la thèse de l'intimée selon laquelle les opticiens ont été incités à la fraude, le remboursement des produits par la mutuelle ne pouvant être perçu par les opticiens que comme un élément déterminant de la vente.



En conséquence, il ne peut être retenu que les attestations des deux clientes mystère envoyées auprès de la société IMD OPTIC, ainsi que les devis et factures qui les accompagnent, ont été obtenus dans des conditions conformes au principe de loyauté dans l'administration de la preuve.



Pour ces raisons, le jugement déféré sera confirmé, sauf à préciser que le syndicat ROF sera débouté de l'ensemble de ses demandes.





Sur les dépens et les frais irrépétibles



Le syndicat ROF, partie perdante, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamné à verser à la société IMD OPTIC une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 2 500 euros.



Les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance sont confirmées.





PAR CES MOTIFS,



LA COUR,



Confirme le jugement et déboute le syndicat RASSEMBLEMENT DES OPTICIENS DE FRANCE (ROF) de l'ensemble de ses demandes,



Condamne le syndicat RASSEMBLEMENT DES OPTICIENS DE FRANCE (ROF) aux dépens d'appel et au paiement à la société IMD OPTIC de la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







LE PRÉSIDENTLE GREFFIER

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