18 May 2016
Cour de cassation
Pourvoi n° 14-16.234

Chambre commerciale financière et économique - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00463

Titres et sommaires

RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 - Interprétation par le juge national du droit interne au regard de la directive - Conditions

Le droit interne applicable au litige relatif à un produit mis en circulation après le 30 juillet 1988, date d'expiration du délai de transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant en droit français cette directive, doit être interprété à la lumière de cette dernière. Une cour d'appel doit rechercher, au besoin d'office, si, eu égard à la date de mise en circulation du produit défectueux, qui n'est pas nécessairement celle de la vente, le droit interne dont elle fait application à toutes les parties ne doit pas être interprété à la lumière de la directive précitée pour les dommages entrant dans le champ d'application de celle-ci

RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 - Domaine d'application - Dommages - Interprétation par le juge national du droit interne au regard de la directive - Recherche nécessaire - Date de mise en circulation du produit défectueux

Texte de la décision

OMM.

LM

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 18 mai 2016


Cassation


Mme MOUILLARD, président


Arrêt n° 463 FS-P+B

Pourvois n°K 14-16.234
Y 14-25.331JONCTION




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Statuant sur le pourvoi n° K 14-16.234 formé par :

- la Société des automobiles [X], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

contre l'arrêt rendu le 4 février 2014 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [V] [Q] veuve [U], domiciliée [Adresse 8],

2°/ à Mme [I] [U] épouse [Y], domiciliée [Adresse 5],

3°/ à Mme [E] [J], domiciliée [Adresse 6], prise tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de son fils mineur [R] [U],

4°/ à la société Renault Trucks, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11],

5°/ à la société Iveco France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée Irisbus France,

6°/ à la société Allianz Global Corporate & Specialty AG, dont le siège est [Adresse 12] (Allemagne), venant aux droits de la société AGF IART,

7°/ à Mme [S] [W],

8°/ à M. [M] [U],

9°/ à M. [D] [U],

domiciliés tous trois [Adresse 7],

10°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Vosges, dont le siège est [Adresse 3],

11°/ à la société GAN assurances IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10],

12°/ à la société Covea Fleet, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation ;

II - Statuant sur le pourvoi n° Y 14-25.331 formé par :

1°/ la société GAN assurances IARD,

2°/ la société Covea Fleet,

contre le même arrêt rendu dans le litige les opposant :

1°/ à la société Renault Trucks,

2°/ à la société Allianz Global Corporate & Specialty, dont le siège est [Adresse 9],

3°/ à la société Iveco France, anciennement dénommée Irisbus France,

4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Vosges,

5°/ à la Société des automobiles [X],

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse au pourvoi n° K 14-16.234 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi n° Y 14-25.331 invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 30 mars 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Lecaroz, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, MM. Zanoto, Guérin, Mme Vallansan, MM. Marcus, Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, conseillers, M. Arbellot, Mmes Robert-Nicoud, Schmidt, Jollec, Barbot, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Lecaroz, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la Société des automobiles [X] et des sociétés GAN assurances IARD et Covea Fleet, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat des sociétés Renault Trucks et Allianz Global Corporate & Specialty, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Iveco France, l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n° 14-16.234 et 14-25.331, qui attaquent le même arrêt ;

Donne acte à la Société des automobiles [X] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Mme [V] [U], Mme [I] [Y], Mme [E] [J], agissant en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de M. [R] [U], Mme [S] [W], M. [M] [U] et M. [D] [U] ;

Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles 1147 et 1382 du code civil ;

Attendu que le droit interne applicable au litige relatif à un produit mis en circulation après le 30 juillet 1988, date d'expiration du délai de transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant en droit français cette directive, doit être interprété à la lumière de cette dernière ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 5 juin 1991, la société Renault véhicules industriels, aux droits de laquelle vient la société Renault Trucks, a vendu un autocar à la Société des automobiles [X] (la société [X]) ; qu'en janvier 1999, la société Renault véhicules industriels a apporté à la société Irisbus, devenue Iveco France, sa branche d'activités "autocars et autobus" ; que le 24 juin 1999, l'autocar acquis par la société [X] a subi un accident, entraînant le décès du chauffeur, [T] [U], et des blessures aux passagers ; que le 7 juin 2005, la société [X], ainsi que la société GAN assurances, assureur de sa responsabilité civile, et la société Covea Fleet, assureur des dommages au véhicule, faisant valoir que l'accident avait été causé par la rupture d'un élément de roue de celui-ci, ont assigné les sociétés Iveco et Renault Trucks ainsi que l'assureur de ce dernier, la société Allianz Global Corporate & Specialty en responsabilité ; que les ayants cause de [T] [U] sont intervenus à l'instance ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes de la société [X], de la société Covea Fleet et de la société GAN assurances, l'arrêt retient que le point de départ du délai de prescription décennale de l'article L. 110-4 du code de commerce s'entend du jour de la livraison du bien, objet du contrat, et qu'il est constant que l'autocar litigieux a été livré à son acquéreur au mois de juin 1991, de telle sorte que le délai de prescription était expiré à la date de l'assignation délivrée tant à la société Renault Trucks qu'à la société Iveco, soit le 7 juin 2005 ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, au besoin d'office, si, eu égard à la date de mise en circulation du produit défectueux, qui n'est pas nécessairement celle de la vente, le droit interne dont elle faisait application à toutes les parties ne devait pas être interprété à la lumière de la directive précitée pour les dommages entrant dans le champ d'application de celle-ci, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 février 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Laisse à chacune des parties la charge des ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt


Moyen produit au pourvoi n° K 14-16.234 par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la Société des automobiles [X]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement entrepris, déclaré irrecevables les demandes formées par la société des Automobiles [X] à l'encontre de la société Renault Trucks et de la société Iveco et le confirmant pour le surplus et y ajoutant de l'avoir condamnée au paiement de différentes sommes à chacune de ces sociétés en application de l'article 700 du code de procédure civile.

AUX MOTIFS QUE « L'article L. 110- du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Ces dispositions sont incontestablement applicables à la vente de l'autocar intervenue entre la société Renault Véhicules Industriels, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Renault Trucks, et la société des Automobiles [X], vente qui sert de fondement à l'action en responsabilité intentée par cette dernière société.
Il sera en effet rappelé que la société des Automobiles [X] invoque d'une part un vice de la chose vendue, d'autre part un défaut d'information de la part du vendeur.
Or, dans le cas d'un contrat de vente, le point de départ du délai de prescription décennale de l'article L. 110-4 s'entend du jour de la livraison du bien objet du contrat En l'espèce, il est constant que l'autocar litigieux a été livré à son acquéreur au mois de juin 1991, de telle sorte que le délai de prescription était largement expiré à la date de l'assignation délivrée tant à la société Renault Trucks qu'à la société Iveco, soit le 7 juin 2005 » (arrêt p. 8 ¿ 9).

ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en ayant jugé que dans le cas d'un contrat de vente le délai de prescription décennale courait à compter du jour de la livraison du véhicule vendu, soit le 5 juin 1991, et non du jour de l'accident révélant le dommage, soit le 24 juin 1999, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable.Moyens produits au pourvoi n° Y 14-25.331 par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour les sociétés GAN assurances IARD et Covea Fleet

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par la société Covea Fleet ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que ces dispositions sont incontestablement applicables à la vente de l'autocar intervenue entre la société Renault Véhicules Industriels, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Renault Trucks, et la société des Automobiles [X], vente qui sert de fondement à l'action en responsabilité intentée par cette dernière société ; qu'il sera en effet rappelé que la Société des Automobiles [X] invoque d'une part un vice de la chose vendue, d'autre part un défaut d'information de la part du vendeur ; qu'or, dans le cas d'un contrat de vente, le point de départ du délai de prescription décennale de l'article L. 110-4 s'entend du jour de la livraison du bien objet du contrat ; qu'en l'espèce, il est constant que l'autocar litigieux a été livré à son acquéreur au mois de juin 1991, de telle sorte que le délai de prescription était largement expiré à la date de l'assignation délivrée tant à la société Renault Trucks qu'à la société Iveco, soit le 7 juin 2005 ; que, force est de constater, que les demandes formées par la Société des Automobiles [X] et par ses assureurs sont irrecevables ;

ALORS QUE le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle exercée par l'acquéreur d'une chose contre son vendeur court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à l'acquéreur si celui-ci établit qu'il n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en jugeant que le point de départ de la prescription de l'action en réparation des préjudices consécutifs à un accident, fondée sur la responsabilité contractuelle du vendeur du véhicule, était la date de livraison du véhicule vendu, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par la société Gan assurances ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ; que ces dispositions sont incontestablement applicables à la vente de l'autocar intervenue entre la société Renault Véhicules Industriels, aux droits de laquelle se trouve désormais la société Renault Trucks, et la Société des Automobiles [X], vente qui sert de fondement à l'action en responsabilité intentée par cette dernière société ; qu'il sera en effet rappelé que la Société des Automobiles [X] invoque d'une part un vice de la chose vendue, d'autre part un défaut d'information de la part du vendeur ; qu'or, dans le cas d'un contrat de vente, le point de départ du délai de prescription décennale de l'article L. 110-4 s'entend du jour de la livraison du bien objet du contrat ; qu'en l'espèce, il est constant que l'autocar litigieux a été livré à son acquéreur au mois de juin 1991, de telle sorte que le délai de prescription était largement expiré à la date de l'assignation délivrée tant à la société Renault Trucks qu'à la société Iveco, soit le 7 juin 2005 ; que, force est de constater, que les demandes formées par la Société des Automobiles [X] et par ses assureurs sont irrecevables ;

1°) ALORS QUE le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité contractuelle exercée par l'acquéreur d'une chose contre son vendeur court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à l'acquéreur si celui-ci établit qu'il n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en jugeant que le point de départ de la prescription de l'action en réparation des préjudices consécutifs à un accident, fondée sur la responsabilité contractuelle du vendeur du véhicule, était la date de livraison du véhicule vendu, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS subsidiairement QUE l'action exercée par l'assureur subrogé dans les droits des victimes d'un accident de la circulation contre un coauteur et son assureur est soumise à la prescription extracontractuelle de droit commun ; qu'en jugeant que le point de départ de la prescription de l'action subrogatoire de la société Gan en réparation des préjudices subis par les victimes de l'accident de la circulation qu'elle avait d'ores et déjà indemnisées -ce dont elle justifiait-, était la date de livraison du véhicule vendu, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1251 du code civil.

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