22 May 2020
Cour d'appel de Toulouse
RG n° 17/04772

4eme Chambre Section 1

Texte de la décision

22/05/2020



ARRÊT N°2020/132



N° RG 17/04772 - N° Portalis DBVI-V-B7B-L3YO

S.BLUMÉ/C.DELVER



Décision déférée du 04 Décembre 2013 - Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de PARIS

























[B] [W]





C/



Société FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE (FIVA)







































































REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT DEUX MAI DEUX MILLE VINGT

***



APPELANTE :



Madame [B] [W], ès-qualités d'administrateur ad'hoc de [E] [Y], mineur

[Adresse 1]

[Localité 2]



représentée par la SELARL LUDOVIC RIVIERE, avocat au barreau de TOULOUSE





INTIMEE :



Société FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE (FIVA)

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]



représentée par Me DINETY, SELARL DINETY AVOCATS, barreau de BORDEAUX









COMPOSITION DE LA COUR



En application des dispositions de l'article 945.1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mars 2020, en audience publique, devant S. BLUME, chargée d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :



S. BLUME, présidente

C. KHAZNADAR, conseillère

C. PAGE, conseillère



Greffier, lors des débats : C. DELVER







ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour après avis aux parties

- signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.












EXPOSE DU LITIGE :



Le 8 juin 2013 M.[H] [F] est décédé à l'âge de 64 ans des suites d'un cancer broncho pulmonaire reconnu en maladie professionnelle au tableau n° 30 bis par son organisme de sécurité sociale la CPAM de l'Yonne .



Le 21 octobre 2013 le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) a été saisi d'une demande d'indemnisation au titre du préjudice personnel subi par l'enfant mineur [E] [Y] né le [Date naissance 3] 2005 du fait du décès de son grand-père maternel M.[H] [F].



La proposition d'indemnisation a été adressée par le FIVA à Mme [D] [F] par une lettre recommandée avec accusé de réception du 30 décembre 2013 remise le 3 janvier 2014 en réparation du préjudice d'affection subi par son fils mineur.

Le juge des tutelles saisi le 4 mars 2014 a , par ordonnances du 10 mars 2015, rejeté la demande d'homologation de transaction formée par M.[O] [Y] et Mme [D] [F] agissant en qualité d'administrateurs légaux des biens de leur enfant mineur [E] [Y], et désigné Mme [B] [W] en qualité d'administrateur ad hoc afin de représenter l'enfant mineur dans la procédure devant la cour d'appel afin de contester l'indemnisation proposée par le FIVA.



Par déclaration d'appel du 17 avril 2015, Mme [W] a saisi la cour d'appel d'une contestation de l'offre d'indemnisation du FIVA au profit de [E] [Y] et sollicite l'indemnisation du préjudice d'affection subi par cet enfant à hauteur

de 10 000 euros ainsi que la condamnation du FIVA au paiement de la somme

de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .



Après radiation de l'affaire par arrêt de la cour du 18 novembre 2016, l'affaire a été réinscrite au rôle le 28 septembre 2017.



Dans ses écritures auxquelles elle s'est expressément référée à l'audience du 11 mars 2020 Mme [W], ès qualités d'administrateur ad'hoc de [E] [Y], mineur, demande à la cour de déclarer recevable son recours, de condamner le FIVA à lui payer ès qualités 10 000 euros au titre du préjudice d'affection outre 2500 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et 700 du code de procédure civile en sus des entiers dépens.



Elle rappelle qu'en vertu de la jurisprudence le délai de deux mois prévu pour saisir la cour d'appel est suspendu entre la date de saisine du juge des tutelles et la date de sa décision.



En réponse à la fin de non -recevoir soulevée par le FIVA tirée de la forclusion pour agir au motif que le juge des tutelles aurait été saisi après expiration du délai de deux mois, elle fait valoir que l'offre d'indemnisation n'a été notifiée qu'à Mme [F] à l'exclusion de M.[Y] administrateur légal, de sorte que le délai de deux ans imparti pour former un recours est inopposable à ce dernier et que le recours exercé le 17 avril 2015 par l'administratrice ad hoc est recevable.



A titre subsidiaire elle conclut à l'inconventionnalité de l'article 23 du décret du 23 octobre 2001 en ce qu'il ne garantit pas un recours en justice effectif pour les mineurs dépendants du bon vouloir de leurs parents. Elle soutient également que le délai préfix énoncé par ce décret contrevient à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant selon lequel l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.



Dans ses écritures auxquelles il se réfère expressément, le FIVA conclut à l'irrecevabilité du recours pour forclusion, le recours ayant été formé hors délai par Mme [W] . Il demande à la cour de constater le caractère définitif de l'offre faite le 30 décembre 2013. Subsidiairement il demande la confirmation de la proposition d'indemnisation à hauteur de 3 300 euros et le rejet des prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Il fait valoir que pour que le délai du recours soit suspendu , ainsi que le soutient l'appelante sur la base d'un arrêt de la cour de cassation du 8 septembre 2016, encore faut-il que le juge des tutelles ait été saisi dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision du FIVA , ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque le juge des tutelles a été saisi le 4 mars 2014, soit deux mois et un jour suivant la notification par LRAR de l'offre d'indemnisation à Mme [F] le 3 janvier 2014.



Il soutient en conséquence que le recours est irrecevable et que son offre est devenue définitive.



Il ajoute qu'en vertu de l'article 382 -1du code civil, 'lorsque l'administration légale est exercée en commun par les deux parents, chacun d'eux est réputé à l'égard des tiers avoir reçu de l'autre le pouvoir de faire seul les actes d'administration portant sur les biens du mineur'.



Mme [F] l'ayant saisi d'une demande d'indemnisation en qualité d'administratrice légale de son fils [E], elle est réputée avoir reçu le pouvoir seule de saisir le FIVA. Dès lors l'offre d'indemnisation a été notifiée à la requérante conformément à l'article 22 du décret du 23 octobre 2001, sans que s'impose une obligation de notifier l'offre au père de l'enfant.



Subsidiairement elle soutient que l'article 25 du décret du 23 octobre 2001 est conforme à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.



Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
















MOTIFS DE LA DECISION :



Sur la recevabilité du recours :



L'article 20 du décret du 23 octobre 2001 dispose que ' L'offre d'indemnisation est notifiée par le directeur du fonds au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception; elle est accompagnée, le cas échéant, de la copie des décomptes produits par les personnes ou organismes débiteurs des prestations ou indemnités mentionnées au premier alinéa du IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée.

Si les conditions d'indemnisation ne sont pas réunies, le fonds en fait part au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en lui en indiquant les motifs, et en joignant l'avis de la commission d'examen des circonstances de l'exposition à l'amiante lorsqu'il a été recueilli. La notification indique les délais et voies de recours contre les décisions du fonds.'



En vertu de l'article 25 de ce décret, 'le délai pour agir devant la cour d'appel est de deux mois. Ce délai court à partir de la notification, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de l'offre d'indemnisation ou du constat établi par le fonds que les conditions d'indemnisation ne sont pas réunies.



Si, à l'expiration du délai prévu au IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée, le demandeur n'a pas reçu notification de la décision du fonds, sa demande doit être considérée comme rejetée et le délai imparti pour saisir la cour d'appel court du jour où intervient cette décision implicite de rejet.'



Il est constant en l'espèce que l'enfant mineur [E] [Y] était soumis à l'administration légale pure et simple de ses deux parents M [O] [Y] et Mme [D] [F] qui exercent en commun l'autorité parentale .



Il résulte de la combinaison des articles 389-5, 389-6, 389-7, 496 et 504 à 506 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 que dans le régime de l'administration légale pure et simple les pouvoirs des administrateurs légaux sont essentiellement définis par référence à ceux du tuteur (article 389-5, 389-6 et 389-7 du code civil). Ainsi les parents accomplissent ensemble tous les actes que le tuteur ne pourrait faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille. Selon l'article 389-5 du code civil , ce n'est qu'en cas de désaccord entre eux ou dans six cas expressément prévus par la loi que l'autorisation du juge des tutelles est nécessaire. Par application de l'article 506 du code civil le tuteur ne peut , sans autorisation, transiger ou compromettre au nom du mineur protégé.



Dès lors , l'acceptation de l'offre d'indemnisation faite par le FIVA en faveur de l'enfant mineur emportant renonciation à un droit devait être soumise à l'approbation préalable au juge des tutelles.



Il est admis par la jurisprudence que le délai de deux mois imparti par l'article 25 du décret précité pour contester l'offre du FIVA est suspendu entre la date de saisine du juge des tutelles et la date de sa décision.



Le FIVA soutient que le délai de deux mois qui était imparti à compter de la date de notification par LRAR du 4 janvier 2013 pour former un recours était expiré lorsque Mme [F] a saisi le juge des tutelles le 4 mars 2014, de sorte que Mme [W] est forclose dans son recours.



Il résulte des mentions portées sur le formulaire de demande d'indemnisation adressé au FIVA, que celui-ci verse aux débats (pièce 4) que seule l'identité de l'enfant mineur et de son grand-père décédé est mentionnée, à l'exclusion de celle de ses parents administrateurs légaux. La cour constate en outre que la signature portée sur ce document correspond au nom de [Y] , sans qu'il soit possible d'attribuer cette signature au père de l'enfant. (pièce11 du FIVA).



Par suite, le FIVA ne pouvait avoir aucune certitude sur l'identité du demandeur, il ne rapporte pas la preuve que la demande d'indemnisation a été formée par Mme [F].



Etant informé par la copie du livret de famille qu'il produit dans la procédure que l'enfant était soumis à l'administration légale de ses deux parents, la notification de l'offre devait être effectuée aux deux administrateurs légaux .



A défaut , le délai de recours de deux mois n'a pas couru à l'égard de M.[O] [Y] qui n'a pas reçu notification de l'offre d'indemnisation.



Par suite est inopérant le moyen opposé par le FIVA tiré de la forclusion de Mme [W] dans ses demandes, motif pris que le juge des tutelles a été saisi tardivement le 4 mars 2014, soit deux mois et un jour près la notification de l'offre reçue par Mme [D] [F] le 3 janvier 2014 .



A défaut de notification de l'offre d'indemnisation à M.josselin par LRAR, le délai de recours n'a commencé à courir à son égard qu'à l'expiration du délai de 6 mois prévu au IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 qui emportait décision implicite de rejet.



Ce délai expirait en l'espèce le 30 juin 2014, soit 6 mois après l'offre d'indemnisation du 30 décembre 2013.



Le délai ayant été suspendu entre la saisine du juge des tutelles le 4 mars 2014 et le 10 mars 2015, le recours formé par Mme [W] le 17 avril 2015 est recevable.





Sur le fond :



L'enfant [E] [Y] était âgé de 8 ans lors du décès de M.[H] [F]. A défaut d'élément précis justifiant de la régularité et de la proximité des relations entret cet enfant et son grand-père, le préjudice d'affection qu'il subit du fait du décès de celui-ci des suites d'une exposition à l'amiante justifie réparation à hauteur de 4 200 euros, somme qui sera versée à Mme [W] en qualité d'administrateur ad hoc de l'enfant mineur.





Sur les frais et dépens :



Les dépens sont à la charge du Trésor Public.



Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non remboursables engagés dans l'instance alors que le Fonds a rempli sa mission d'offre d'indemnisation même si le montant a été judiciairement réévalué et dont les paiements relèvent d'un fonds de solidarité.





PAR CES MOTIFS



LA COUR :



Déclare recevable le recours formé par Mme [B] [W] ès qualités d'administratrice ad hoc de l'enfant mineur [E] [Y] né le [Date naissance 3] 2005 ,



Fixe à 4 200 euros l'indemnité due par le FIVA à Mme [B] [W] ès qualités d'administratrice ad hoc de l'enfant [E] [Y] en réparation du préjudice d'affection,



Dit que copie du présent arrêt sera adressée au juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Toulouse chargé de la protection des mineurs,



Dit que les dépens sont à la charge du Trésor Public,



Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Le présent arrêt a été signé par S.BLUME, présidente et par C.DELVER, greffière.





La greffière, La Présidente,









C.DELVER S.BLUME

























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