9 June 2020
Cour d'appel de Grenoble
RG n° 19/04869

Ch. Sociale -Section A

Texte de la décision

VC



N° RG 19/04869 - N° Portalis DBVM-V-B7D-KIOB



N° Minute :

































































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE



Me Frédéric MATCHARADZE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 9 JUIN 2020





Ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Chambéry en date du 13 mai 2019

Désaisissement par arrêt de la Cour d'Appel de CHAMBÉRY en date du 26 novembre 2019 (N° RG 19/00934) au profit de la Cour d'appel de GRENOBLE



APPELANTE :



SAS FEU VERT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant

Me Pascal GEOFFRION, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant





INTIME :



Monsieur [J] [C]

né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représenté par Me Frédéric MATCHARADZE, avocat au barreau de CHAMBERY







COMPOSITION DE LA COUR :



LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseillère,







DÉBATS :



A l'audience publique du 09 Mars 2020,

Mme Valéry CHARBONNIER, chargée du rapport, et Mme Blandine FRESSARD, ont entendu les parties en leurs conclusions, assistées de Mme Sophie ROCHARD, Greffier, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile.



L'affaire a été mise en délibéré au 12 Mai 2020, délibéré prorogé au 9 juin 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.






Exposé du litige :



M. [J] [C] est employé par la société Feu Vert depuis le 9 avril 2002 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de responsable accueil montage. Il est affecté au magasin d'[Localité 5].



M. [J] [C] exerce les mandats de conseiller prud'homal, de représentant syndical au comité d'établissement, de membre du CHSCT, et de défenseur syndical.



En août 2018, la société Feu Vert a demandé au salarié de reprendre une activité effective au sein du centre auto d'[Localité 5] car la durée de ses mandats ne couvrait pas l'intégralité de son temps de travail contractuel.



M. [J] [C] a informé son employeur qu'il était détaché par son syndicat d'appartenance, mais que la CFDT n'a pas souhaité signer une convention de détachement avec lui.



M. [C] a saisi le conseil des prud'hommes de Chambéry en date du 25 juillet 2018 d'une demande de résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur ainsi que différentes indemnités.



Par courrier du 19 septembre 2018, M. [C] ajoutait à ses prétentions initiales une demande de condamnation provisionnelle dès l'audience de conciliation de son employeur à lui payer une provision sur son salaire du mois d'août 2018 d'un montant de 1.070,19 euros outre 107,02 euro de congés payés afférents.



Par décision en date du 2 octobre 2018, le bureau de conciliation et d'orientation ordonnait :

' à M. [C] de fournir le détail des heures réalisées au titre des mandats de conseiller prud'homal et de défenseur syndical

' à la SAS FEU VERT de verser à titre de provision l'intégralité du salaire du mois d'août 2018



M. [J] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Chambéry en sa formation de référé le 21 février 2019 et demandait à son employeur :

' de lui verser un rappel de salaire d'un montant de 2.373,15euros outre 237,32 euros pour congés payés afférents, au titre des retenues sur salaire injusti'ées opérées d'octobre 2018 à janvier 2019,

' de lui donner acte de ce qu'il fournira à la société le détail des heures réalisées au titre des mandats de conseiller prud'homal et défenseur syndical

' de condamner la SAS FEU VERT à lui verser une indemnité de 3.000 euros au titre du préjudice distinct subi du fait du paiement irrégulier du salaire et du fait de la résistance abusive de celui-ci

' outre une somme de 1 .440 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





Par ordonnance de référé en date du 13 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Chambéry a :

- dit n'y avoir lieu à référé,

- débouté l'employeur de sa demande de dépaysement, le conseil de prud'hommes de Chambéry étant limitrophe avec celui d'[Localité 5],

- ordonné à l'employeur de verser au salarié à titre provisoire la somme de 2 .373,15 euros à titre de rappel de salaire outre 237,32 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents, en compensation des absences diverses retirées sur les payes d'octobre, novembre, décembre 2018 et janvier 2019 ;

- condamné l'employeur à verser au salarié l'intégralité des salaires pour le temps passé à l'exercice de ses mandats et donné acte à celui-ci de fournir les heures réalisées au titre de ses mandats ;

- débouté le salarié de sa demande d'indemnité au titre du préjudice subi,

- condamné la société Feu Vert à verser au salarié la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La SAS FEU VERT a fait appel de cette ordonnance.





Par arrêt en date du 26 novembre 2019, la chambre sociale de la cour d'appel de Chambéry a :

' In'rmé l'ordonnance de référé en date du 13 mai 2019 rendue par le conseil de prud'hommes de Chambéry, du chef de la compétence,

' Dit que M. [J] [C] en saisissant le conseil de prud'hommes de Chambéry n'a pas respecté les dispositions impératives de l'article 47 du code de procédure civile,

' Dit le conseil de prud'hommes de Chambéry n'était pas compétent pour connaître du litige,

' Ordonné le renvoi de l'affaire devant la cour d'appel de Grenoble

' Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par les parties en première instance et en cause d'appel,

' Condamné M. [J] [C] aux entiers dépens d'appel.





Par conclusions en date du 10 février 2020, la SA FEU VERT demande à la cour d'appel de Grenoble :

- INFIRMER l'ordonnance de référé dans toutes ses dispositions,

- DIRE et JUGER que Monsieur [C] ne justifie pas d'heures de délégation correspondant au rappel de salaire demandé,

- DEBOUTER Monsieur [C] de l'ensemble de ses demandes,

- CONDAMNER Monsieur [C] à verser à la société FEU VERT 1.500 € sur le fondement de

l'article 700 du CPC



Par conclusions récapitulatives en date du 29 janvier 2020 M. [C] demande à la cour d'appel de Grenoble :

' DIRE ET JUGER les demandes et l'appel reconventionnel formés par Monsieur [J] [C] recevables et bien fondés ;

' PRONONCER le dépaysement de l'affaire au profit de la Cour d'appel de Grenoble, par application de l'article 47 du Code de procédure civile ;

' CONFIRMER la compétence du Conseil de prud'hommes, statuant en référé, pour connaître de l'affaire ;

' CONDAMNER la société FEU VERT à payer à Monsieur [C], chaque mois, son salaire dans son intégralité ;

' DONNER ACTE à Monsieur [C] qu'il transmettra, chaque mois, les heures réalisées au titre de ses mandats ;

' CONFIRMER l'ordonnance de référé rendue par le Conseil de prud'hommes de Chambéry le 13 mai2019 en ce qu'elle a condamné la société FEU VERT à payer à Monsieur [C] :

' un rappel de salaire d'un montant de 2. 373.15 €, outre 237,32 € de congés payés afférents,au titre des retenues sur salaire injustifiées opérées en octobre 2018, novembre 2018,décembre 2018 et janvier 2019

'une somme de 1.200,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' CONDAMNER à titre provisionnel la société FEU VERT à payer à Monsieur [C] une indemnité d'un montant de 3.000.00 € au titre du préjudice distinct subi du fait du paiement irrégulier du salaire et du fait de la résistance abusive ;

' CONDAMNER la société FEU VERT à payer à Monsieur [C] une somme de 1.980,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

' CONDAMNER la société FEU VERT aux entiers dépens de l'instance et d'exécution, dont notamment les éventuels droits proportionnels de recouvrement.





Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.


 















SUR QUOI :



Sur la compétence du juge des référés :



Le droit applicable :



Selon les dispositions des articles R.1455-5 et suivants du code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.



La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



Les moyens des parties :



M. [C] soutient que sa situation était d'une particulière urgence lorsqu'il a saisi la formation des référés puisqu'il ne disposait plus du paiement de son salaire en intégralité depuis le 1er septembre 2018 malgré divers courriers adressés à son employeur. Il soutient également que la situation demeure urgente, la question des salaires devant être traitée dans l'attente de la décision du conseil des prud'hommes de Grenoble qui devait être plaidée le 3 mars 2020 au fond et que le contrat de travail est toujours en cours d'exécution. Il fait valoir que la société ne lui avait jamais demandé la moindre information au titre des mandats extérieurs à l'entreprise. La société l'admettant elle-même dans ses conclusions : elle a fait cette demande pour la première fois le 11 octobre 2018, et Monsieur [C] lui a transmis l'ensemble des justificatifs à peine quelques jours plus tard.



La SA FEU VERT estime pour sa part que la demande de M. [C] excède manifestement la compétence du juge des référés pour les raisons suivantes :

' l'absence de trouble manifestement illicite : C'est à tort que dans sa décision du 13 mai 2019, le Conseil de prud'hommes de Chambéry a ordonné le paiement intégral du salaire de M. [C] pour les mois d'octobre 2018 à janvier 2019 alors que les heures non rémunérées correspondent à des absences injustifiées qui ne coïncident avec l'exercice d'aucun mandat. M. [C] ne justifie d'aucun mandat, ni d'aucune activité, pour environ 1/3 de son temps. Selon les mois, il est dans l'incapacité de justifier des absences, de l'ordre de 30 et 50 heures mensuelles. La SA FEU VERT affirme que conformément à ses obligations légales, elle paye à échéance normale les heures de délégation découlant des mandats de l'entreprise dont elle a connaissance, ainsi que des heures de réunion qui sont considérées comme du temps de travail effectif. S'agissant des mandats de Conseiller prud'homme et de défenseur syndical, la société paye les heures dont elle a connaissance, lorsqu'elles sont déclarées par le salarié. Cette règle ne peut évidemment fonctionner que si le salarié exerçant des mandats déclare l'utilisation de ses heures au fur et à mesure de sorte que son employeur soit en mesure de les prendre aussitôt en compte. Or, selon l'employeur, M. [C] n'étant jamais présent à son poste de travail, il n'adresse jamais de bon de délégation et n'informe pas son employeur des périodes sur lesquelles il pose ses heures de délégation. M. [C] adresse avec plusieurs mois de décalage des décomptes de ses mandats extérieurs à l'entreprise, générant pour le service paie, des contraintes matérielles et des pertes de temps inhabituelles, dans la gestion administrative de son dossier. Le décalage de paiement n'est donc dû qu'au retard de transmission de ses justificatifs par le demandeur.

' la démonstration de circonstances exceptionnelles relève de la compétence du juge du fond et ne peut être tranchée en référé :Non seulement Monsieur [C] ne prétend pas avoir réalisé des heures de délégation excédentaires dans des circonstances exceptionnelles, mais en tout état de cause, cette question ne pourrait pas être tranchée en référé.







Sur ce,



Il ressort des dispositions de l'article L.2143-17 du code du travail que les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. L'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire.



La demande de M. [C] devant la formation référé du conseil des prud'hommes de Chambéry concerne le paiement d'un montant de 2.373,15 euros outre 237,32 euros pour congés payés afférents, au titre des retenues sur salaire opérées par l'employeur d'octobre 2018 à janvier 2019 pour les heures de délégation liées à l'exercice du droit syndical.



Les dites retenues non contestées par la SAS FEU VERT posent le débat de la justification par le salarié de ses heures de délégation et de représentation syndicales (conseiller prud'homal et défenseur syndical) pendant cette période, les parties étant en désaccord sur le fait que les mandats représentatifs de M. [C] couvrent désormais l'intégralité de son temps de travail.



Toutefois, l'employeur qui conteste l'utilisation conforme des heures de délégation par son salarié ne peut en refuser le paiement, compte tenu du principe de présomption d'utilisation conforme, et il lui appartient de saisir a posteriori la juridiction compétente.



Ainsi il appartenait à la SAS FEU VERT de régler les heures de délégation de M. [C] à échéance en considération de la périodicité de la paie et ensuite de saisir le juge du fond d'une contestation éventuelle.



Par conséquent, il y a lieu de constater, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 1455-6 du code du travail susvisé, le conseil des prud'hommes de Chambéry s'est déclaré valablement compétent pour statuer en référé sur les rappels de salaires sollicités par le salarié à titre provisionnel relatives aux retenues concernant les heures de délégations et il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SAS FEU VERT à régler à M. [C] à titre provisionnel la somme de 2.373,15 euros outre 237,32 euros pour congés payés afférents, au titre des retenues sur salaire opérées par l'employeur pour la période d'octobre 2018 à janvier 2019.



Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :



Les moyens des parties :



M. [C] soutient qu'il a non seulement subi un préjudice entraîné par le défaut de paiement des salaires dans leur intégralité jusqu'à janvier 2019 mais que malgré la réception des documents dont la production a été ordonnée par le conseil des prud'hommes en bureau de conciliation, la SAS FEU VERT a continué à opérer des retenues dont elle fixait d'ailleurs elle-même arbitrairement le montant. M. [C] se serait ainsi vu privé de la moitié de son salaire certains mois.



La SAS FEU VERT ne conclut pas sur ce point.



Sur ce,



Il est de principe qu'il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.



Faute pour la SAS FEU VERT de justifier du paiement intégral des salaires de M. [C] à compter de février 2019 dans l'attente du jugement au fond sur la contestation du quotas des heures de délégations syndicales par le conseil des prud'hommes compte tenu de la présomption de conformité, il convient par voie de réformation de l'ordonnance déférée de dire que M. [C] a subi un préjudice lié au défaut de paiement en intégralité de ses salaires qu'il convient d'évaluer à la somme de 2.000 €.



Sur les demandes accessoires :



Il convient de condamner la SAS FEU VERT partie perdante, aux entiers dépens et à la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS :



La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,



DECLARE la SAS FEU VERT recevable en son appel,



CONFIRME l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a débouté M. [J] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,



INFIRME l'ordonnance déférée pour le surplus,



Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y Ajoutant :



CONDAMNE la SAS FEU VERT à payer à M. [J] [C] la somme de 2.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive,



CONDAMNE la SAS FEU VERT à payer à M. [J] [C] la somme de 1.000 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.



CONDAMNE la SAS FEU VERT aux dépens.





Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Madame FRESSARD, Présidente, et par Madame ROCHARD, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

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