12 June 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/07703

Pôle 6 - Chambre 12

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 12 JUIN 2020



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/07703 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B542M



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/02228





APPELANTE

Société GIE FOX PATHE EUROPA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 substitué par Me Patrick DANIS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE



INTIMEE

CAISSE NATIONALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES INDEPENDANTS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G0759



Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 1]

[Adresse 1]

avisé-non comparant





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 20 Février 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, conseiller

Mme Bathilde CHEVALIER, Conseillère

qui en ont délibéré





Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt initialement prévu le 07 mai 2020 prorogé au 12 juin 2020 au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile



-signé par M. Pascal PEDRON, Président de chambre et M Fabrice LOISEAU greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





La cour statue sur l'appel interjeté par le GIE Fox Pathé Europa (le GIE) d'un jugement rendu le 17 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF Provence-Alpes-Cotes d'Azur, Recouvrement C3S (l'URSSAF).




FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES



Le GIE a fait l'objet d'un redressement au titre de la contribution sociale de solidarité (C3S) relatif aux années 2003 à 2006 pour la somme de 2 499 960 € (dont 851.603 € de majorations de retard).



Après mise en demeure du 03 novembre 2009, le GIE s'est acquitté à titre conservatoire du principal ; par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 30 juin 2011, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 juin 2015, le redressement a été validé.



Par courrier RAR du 15 décembre 2015, distribué à son destinataire la 16 décembre 2015, la Caisse Nationale Déléguée pour la Sécurité Sociale des Travailleurs Indépendants a demandé au GIE le paiement de la somme de 856 603 €, correspondant à 5 000 € d'indemnités allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à 851 603 € de majorations de retard.



Le GIE ayant refusé d'acquitter le montant relatif aux majorations au motif que la demande de règlement était atteinte par la prescription, la caisse a établi le 24 avril 2017 une contrainte pour un montant de 851 603 € signifiée au GIE le 27 avril 2017. Le GIE a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris d'une opposition à contrainte le 09 mai 2017.



Le tribunal, par jugement du 17 mai 2018, a validé la contrainte pour la somme de 851603 €, sans préjudice des majorations de retard ayant continué à courir depuis l'émission de la contrainte et jusqu'à parfait paiement, outre les frais de signification s'élevant à 72,32 €, et a condamné le GIE à verser à la caisse la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Le GIE a interjeté appel précisant les chefs de jugement critiqués le 14 juin 2018 de ce jugement qui lui avait été notifié le 06 juin 2018.



Par ses conclusions écrites « en réponse n°1 et récapitulatives » soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, d'annuler la contrainte du 27 avril 2017 pour son entier montant et de condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 8 000 € au titre des frais irrépétibles, faisant valoir pour l'essentiel que :



-le tribunal a fait une application erronée des règles définies par l'article L 244-11 du code de la sécurité sociale et par l'article 2241 et suivants du code civil.

-au regard des majorations qui étaient également visées par la mise en demeure du 07 novembre 2009, aucun évènement interruptif de prescription n'est intervenu avant l'expiration du délai de prescription quinquennale de l'action en recouvrement de l'article L 244-11 susvisé



-en premier lieu, l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale retenu par le tribunal ne pouvait pas lui être opposé comme étant inapplicable en la matière: en effet, l'effet interruptif défini par ce texte ne peut viser que les seules contributions de sécurité sociale ; et la C3S ayant la nature d'une imposition, seul le pouvoir législatif selon l'article 34 de la Constitution, dispose de la compétence pour établir les règles relatives à son assiette, son taux et ses modalités de recouvrement ; le pouvoir réglementaire était donc incompétent pour édicter une cause interruptive de prescription du délai de recouvrement d'une imposition de toute nature.

-en second lieu, en application de l'article 2241 du code civil, seule une action engagée à l'encontre du débiteur est de nature à interrompre la prescription, de telle sorte que les conclusions qu'il avait déposé le 07 avril 2011 devant le tribunal à l'occasion de la contestation du redressement n'ont pas interrompu la prescription, pas plus que celles déposées alors par la caisse qui tendaient uniquement au rejet de la demande du GIE.



Par ses conclusions « d'intimée » soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, l'URSSAF demande à la cour de confirmer le jugement déféré, et en conséquence, de valider la contrainte signifiée le 27 avril 2017 pour son entier montant, soit la somme de 851.603 € au titre des majorations de retard restant dues par la société au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle exigibles en 2003, 2004, 2005 et 2006, de condamner le GIE à régler ladite contrainte, ainsi qu'aux frais de signification soit 72,32 €, outre la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, faisant valoir en substance que :



-il s'infère des articles L 244-2, L 244-11, et R 244-1 du code de la sécurité sociale que tout recours contentieux introduit à l'encontre d'une mise en demeure notifiée par un organisme de sécurité sociale selon les modalités prévues par l'article L 244-2 interrompt le délai visé à l'article L 244-11, et que ce délai ne recommence à courir qu'à compter du jour où le jugement est définitif.

-le juge judiciaire n'est compétent que pour écarter l'application d'un acte administratif manifestement illégal selon une jurisprudence administrative établie, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

-en tout état de cause, les dispositions de l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale restent pleinement applicables à la contribution sociale de solidarité puisque le législateur a entendu laisser au pouvoir réglementaire le soin de fixer certaines modalités de recouvrement de la C3S qu'il a lui-même instituée, parmi lesquelles figurent les modalités de recouvrement par voie de contrainte, auxquelles il a choisi de faire suivre le régime des cotisations de sécurité sociale.

-le législateur a fixé le principe de prescription quinquennale prévu à l'article L 244-11 du code de la sécurité sociale, et le pouvoir réglementaire a quant à lui édicté la cause interruptive de prescription prévue à l'article R 244-1, auxquelles le législateur et le pouvoir réglementaire ont régulièrement entendu se référer au titre de la C3S.

-en tout état de cause, les conclusions constituent une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil et sont à ce titre interruptives de prescription.



Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 20 février 2020 qu'elles ont soutenues oralement.




SUR CE, LA COUR



L'article L 244-2 du code de la sécurité sociale applicable dispose que : « Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée du directeur régional des affaires sanitaires et sociales invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant. »



Selon l'article L244-11 dudit code applicable, « L'action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard dues par un employeur ou un travailleur indépendant, intentée indépendamment ou après extinction de l'action publique, se prescrit par cinq ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3 » 


Il résulte du dernier alinéa de l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale que « Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant qui fait l'objet de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, saisit la juridiction compétente dans les conditions prévues à l'article R. 133-2, la prescription des actions mentionnées aux articles L. 244-7 et L. 244-11 est interrompue et de nouveaux délais recommencent à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif. »


L'article L 651-8 du code de la sécurité sociale alors applicable disposait que « Les contestations relatives à la contribution sociale de solidarité sont soumises aux juridictions mentionnées aux chapitres 2 et 4 du titre IV du livre Ier. », l'article L 651-7 du même code alors applicable précisant que « Les sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité sont soumises aux dispositions des articles L. 133-1, L. 133-3, L. 244-1 à L. 244-5, L. 244-7, L. 244-9 et L. 244-11 à L. 244-14. »

L'article L 651-9 du code de la sécurité sociale alors applicable disposait que «Un décret fixe les conditions d'application des articles L. 651-1 à L. 651-8. Il détermine en particulier les modalités de recouvrement de la contribution  et des majorations (...)»

Il en résulte que, même si la C3S a le caractère d'imposition de toute nature, les modalités de recouvrement de la contribution obéissent à l'ensemble des dispositions fixées en la matière au code de la sécurité sociale, y compris en ses dispositions de nature réglementaire auxquelles le législateur a spécialement renvoyées .



Les dispositions de l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale, qui s'intègrent au dispositif général de prescription des actions en recouvrement prévu au code de la sécurité sociale s'appliquent donc au recouvrement de la C3S et des majorations prononcées.

En l'espèce, la mise en demeure du 03 novembre 2009 porte notamment sur 851 603 € de majorations de retard. Le GIE qui fait l'objet de la mise en demeure prévue à l'article L. 244-2, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 26 novembre 2009 dans les conditions prévues à l'article R. 133-2, de telle sorte que la prescription de l'action en recouvrement des majorations de l'article L. 244-11 a été interrompue jusqu'au 11 juin 2015 au moins, date de l'arrêt confirmatif de la cour d'appel de Paris, un nouveau délai de 05 ans recommençant à courir à compter dudit jour . La contrainte en recouvrement des majorations pour un montant de 851 603 € ayant été établie le 24 avril 2017 et signifié au GIE le 27 avril 2017, l'action en recouvrement n'est pas prescrite.



Le jugement ayant validé la contrainte sera donc confirmé et le GIE condamné à en payer les causes, soit la somme de 851 603 € au titre des majorations de retard restant dues par la société au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle exigibles en 2003, 2004, 2005 et 2006.


Le GIE sera condamné à payer à l'URSSAF une somme supplémentaire de 2 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.





PAR CES MOTIFS:



LA COUR,



DECLARE l'appel recevable.



CONFIRME le jugement déféré.



-Condamne le GIE Fox Pathé Europa à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Cotes d'Azur la somme de 851 603 € au titre des majorations de retard restant dues par la société au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la contribution additionnelle exigibles en 2003, 2004, 2005 et 2006.



-Condamne le GIE Fox Pathé Europa à payer à l'URSSAF Provence-Alpes-Cotes d'Azur une somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.



-Condamne le GIE Fox Pathé Europa aux dépens d'appel.




Le greffier Le président

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