24 June 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/04856

Pôle 5 - Chambre 3

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 24 JUIN 2020



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/04856 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5GWF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Janvier 2018 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 16/04483





APPELANT



M. [Y] [M]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020, avocat postulant

Assisté de Me Frédéric NAIM de la SELARL CABINET F.NAIM, avocat au barreau de PARIS toque C 1703





INTIMÉE



SCI MAYER agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

domiciliée chez son administrateur de biens, le Cabinet IMMOSOULT

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Florian TOSONI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1192







COMPOSITION DE LA COUR :



En application :



- de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;

- de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;

- de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;



L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 11 mai 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure;



La cour composée comme suit en a délibéré :



Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Elisabeth GOURY, conseillère



ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.




*****



EXPOSE DU LITIGE



Par acte sous seing privé du 22 octobre 2014, la SCI MAYER, représentée par la société IMMOSOULT, a conclu un bail commercial avec la société L'UNIQUE pour des locaux situés à PONTAULT-COMBAULT.

Ce bail a été conclu pour une durée de 9 ans moyennant un loyer annuel de 33 600 euros.



Par acte du 22 octobre 2014, M. [Y] [M] s'est porté caution solidaire de la société L'UNIQUE.



La société L'UNIQUE a été défaillante dans l'exécution de ses obligations.



Par acte d'huissier de justice du 15 décembre 2016, la SCI MAYER a assigné M. [Y] [M], en sa qualité de caution solidaire de la société L'UNIQUE, afin d'obtenir notamment sa condamnation au paiement de la somme de 24 005,92 euros, à parfaire au jour du prononcé du jugement.



Par jugement en date du 23 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Melun a :

- Condamné M. [Y] [M] à payer à la SCI MAYER la somme de 55 865,92 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2015,

- Débouté la SCI MAYER de sa demande de dommages et intérêts,

- Condamné M. [Y] [M] aux dépens qui seront recouvrés directement par Maître TOSONI,

- Condamné M. [Y] [M] à payer à la SCI MAYER la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire de la décision.



Par déclaration du 5 mars 2018, M. [Y] [M] a interjeté appel de ce jugement.



Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 5 juin 2018, M. [Y] [M] demande à la Cour de :

Vu les articles L341-2 et suivants du code de la consommation

Vu les articles 1108 et suivants du Code civil,

Vu la jurisprudence,

Vu les pièces,

- REFORMER le jugement du TGI de MELUN du 23/01/2018,

- INFIRMER le jugement du TGI de MELUN du 23/01/2018 en toutes ses dispositions,

- STATUER à nouveau :



A titre principal :

- CONSTATER la nullité de l'acte de caution solidaire de Monsieur [M] du 22/10/2014 pour défaut de mentions manuscrites conformes aux prescriptions légales et nombreuses irrégularités affectant le sens et l'étendue de l'engagement rendant la compréhension difficile pour la caution,

- DIRE ET JUGER nul et de nul effet la caution personnelle et solidaire donnée par Monsieur [M] au profit de la SCI MAYER,

A titre subsidiaire :

- CONSTATER la disproportion de l'engagement de caution pour 150 120 € et la juger excessive compte tenu du revenu fiscal de référence et des charges de famille de Monsieur [M], et la réduire,

A titre infiniment subsidiaire :

- CONSTATER que Monsieur [M] a valablement dénoncé son engagement de caution par courrier du 27/06/2016 et limiter l'engagement à la somme restant due par la débitrice la SAS L'UNIQUE à cette date, soit la somme de 11 555,92 €.

Dans tous les cas :

- CONDAMNER la SCI MAYER à payer à Monsieur [M] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ;

- CONDAMNNER la SCI MAYER aux entiers dépens.



Par acte en date du 5 mai 2018, déposé à l'étude, signifié selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile, M. [M] a notifié la déclaration d'appel en date du 5 mars 2018 à la SCI MAYER.

Par acte en date du 15 juin 2018, déposé à l'étude, signifié selon les modalités de l'article 656 du code de procédure civile, M. [M] a notifié ses conclusions d'appelant en date du 5 juin 2018 à la SCI MAYER.

La SCI MAYER a constitué avocat mais n'a pas conclu.



Par ordonnance rendue le 28 octobre 2019, le magistrat chargé de la mise en état a :



- Rejeté la demande de nullité des actes de signification de la déclaration d'appel du 5 mai 2018 et des conclusions d'appelant du 15 juin 2018,

- Rejeté en conséquence la demande de caducité de la déclaration d'appel du 5 mars 2018,

- Déclaré ledit appel recevable,

- Condamné la SCI MAYER à payer à M. [Y] [M] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SCI MAYER aux dépens de l'incident.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mars 2020.



Les parties ont accepté le recours à la procédure sans audience de plaidoiries en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020.






MOTIFS DE LA DÉCISION



M. [Y] [M] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en invoquant la nullité de l'acte de cautionnement sur le fondement duquel sa condamnation à paiement a été prononcée. A cet effet, il se prévaut, à titre principal, des dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, faisant valoir, d'une part, que la SCI MAYER a la qualité de créancier professionnel et, d'autre part, que la mention manuscrite portée sur son engagement est irrégulière au regard des prescriptions légales.



La SCI MAYER, qui n'a pas conclu, est réputée s'approprier les motifs du jugement critiqué en application des dispositions de l'article 954 alinéa 6 du code de procédure civile.



Si ce moyen de nullité n'a pas été soulevé en première instance, il est recevable au regard des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile s'agissant d'une défense au fond tendant à faire écarter les prétentions adverses.





La cour rappelle qu'aux termes de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement celle-ci "En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du capital, des intérêts, et le cas échéant,

des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X...n'y satisfait pas lui-même".



L'article L. 341-3 du même code dispose par ailleurs : "Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : "en renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X..".



Il s'en suit que toute personne physique, qu'elle soit ou non avertie, doit, dès lors qu'elle s'engage par acte sous seing privé en sa qualité de caution envers un créancier professionnel, faire précéder sa signature, à peine de nullité de son engagement, qu'il soit commercial ou civil, des mentions manuscrites exigées.



Le créancier professionnel au sens des dispositions ci-dessus rappelées s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale.



En l'espèce, la SCI MAYER a sollicité le cautionnement litigieux pour garantir le paiement des sommes dues en vertu d'un bail commercial portant sur des locaux situés à [Adresse 6], dans une zone industrielle au sein de laquelle il n'est pas discuté qu'elle est propriétaire d'autres locaux également loués. Cet engagement de caution est la contrepartie de la mise à disposition des locaux par le bail et se rattache ainsi à l'exercice de l'activité professionnelle du bailleur qui a dès lors la qualité de créancier professionnel. Les dispositions du code de la consommation sont en conséquence applicables.



La mention manuscrite portée par M. [Y] [M] est ainsi libellée :

"Je me porte caution solidaire sens bénéfice de discussion et de division, jusqu'à la date du 15 XI 2023 pour une montante maximum 150 120 euros (chiffres et toutes lettres) et de son révision, chaque année, sur la base de l'indise de referente des loyers du 2ème trimestre 2014 d'une valeur de recuperables, repartitions, locatives et frais éventuels de procedure, ces obligations résultant d'un CONTRAT DE LOCATION dont j'ai reçu un exemplaire.

Je confirme avoir une parfaite connessance de la nature et de l'étendue de mon engagement.

CONTRAT DE LOCATION conclu en appllication du présent titre ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la caution peut le résilier unilatéralement.

la résiliation prend effe au terme du contrat de location, qu'il s'agisse du contrat initial ou d'un contrat reconduit ou renouvelé, au cours duquel le bailleur resoit notification de la résiliation".

(orthographe d'origine conservée)



La cour ne peut que relever que cette mention ne respecte pas le formalisme protecteur de la caution et que cette irrégularité n'est pas constitutive d'une simple erreur matérielle mais d'une omission de nature à priver M. [Y] [M] de la possibilité de comprendre la portée et le sens de son engagement qui sera en conséquence déclaré nul. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé.



Sur les demandes accessoires :



La SCI MAYER qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel et la condamnation de M. [Y] [M] au paiement d'une indemnité de procédure sera infirmée.





Il est par ailleurs équitable de contraindre la SCI MAYER à participer à hauteur de 1.500 euros aux frais irrépétibles exposés par M. [Y] [M] en cause d'appel.





PAR CES MOTIFS



La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,



Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



Statuant à nouveau,



Déclare nul l'engagement de caution souscrit par M. [Y] [M],



Condamne la SCI MAYER à payer à M. [Y] [M] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Condamne la SCI MAYER aux entiers dépens.









LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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