7 February 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-26.892

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C100162

Titres et sommaires

REGIMES MATRIMONIAUX - communauté entre époux - partage - attribution préférentielle - communauté dissoute par divorce, séparation de corps ou séparation de biens - soulte à la charge de l'attributaire - paiement - paiement dans un délai déterminé par le juge - défaut - sanctions - déchéance (non)

L'article 1476, alinéa 2, du code civil ne prévoit aucune cause de déchéance du droit à l'attribution préférentielle qu'il institue au profit d'un époux, lorsque la communauté a été dissoute par divorce, séparation de corps ou séparation de biens. Viole ce texte une cour d'appel qui décide qu'à défaut de paiement par l'époux de la somme mise à sa charge à titre de soulte, dans un délai déterminé par le juge, il sera procédé à la mise en vente amiable de l'immeuble indivis qui lui a été attribué préférentiellement, et, à défaut, à sa licitation à la barre du tribunal

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 février 2018




Cassation partielle


Mme X..., président



Arrêt n° 162 F-P+B

Pourvoi n° M 16-26.892







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. Alain Y..., domicilié [...],

contre l'arrêt rendu le 1er septembre 2016 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme D... B..., domiciliée [...],

défenderesse à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 janvier 2018, où étaient présents : Mme X..., président, Mme Z..., conseiller rapporteur, M. Reynis, conseiller doyen, Mme Pecquenard, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z..., conseiller, les observations de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de M. Y..., l'avis de M. A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme B... et homologué la convention réglant les conséquences du divorce, laquelle prévoyait qu'il n'y avait pas lieu de liquider le régime matrimonial et que l'immeuble ayant constitué le domicile conjugal, bien commun des époux, serait attribué au mari ; que Mme B... a assigné ce dernier en liquidation de leur régime matrimonial ;

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office, suggéré en demande par un mémoire complémentaire :

Vu l'article 1476, alinéa 2, du code civil ;

Attendu que ce texte ne prévoit aucune cause de déchéance du droit à l'attribution préférentielle qu'il institue au profit d'un époux, lorsque la communauté a été dissoute par divorce, séparation de corps ou séparation de biens ;

Attendu que l'arrêt décide qu'à défaut de paiement par M. Y... de la somme mise à sa charge à titre de soulte, dans le délai de six mois à compter de la signification de la décision, il sera procédé à la mise en vente amiable de l'immeuble indivis qui lui a été attribué préférentiellement, et à défaut à sa licitation à la barre du tribunal ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'à défaut de versement de la soulte dans le délai de six mois à compter de la signification de la décision, il sera procédé à la vente amiable et à défaut à la licitation de l'immeuble situé lot 39 du lotissement Erima îlot C, cadastré section [...], pour une contenance de 5 a 20 ca, l'arrêt rendu le 1er septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne Mme B... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. Y....

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 10 800 000 francs la créance de Mme B... à l'égard de M. Y... au titre de l'occupation par ce dernier de l'immeuble indivis entre le 1er juin 2006 et le 1er juin 2011 et d'avoir dit que M. Y... est également redevable envers l'indivision issue de la dissolution de la communauté matrimoniale de son mariage avec Mme B... d'une indemnité d'occupation de l'immeuble indivis d'un montant de 180 000 francs CFP par mois à compter du 1er juillet 2011 jusqu'au 9 novembre 2015 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la convention du 30 septembre 2004 réglant les effets du divorce entre les époux, tout en déclarant qu'il n'y avait pas lieu de procéder à la liquidation de leur régime matrimonial, a stipulé que « M. Alain Y... habitera dans la maison principale (appartenant conjointement aux deux époux) sise à [...], lotissement [...], lot n° 39 C » ; qu'à la demande d'Alain Y..., l'agence immobilière Degout a estimé la valeur du bien le 1er avril 2012 ; qu'il résulte du procès-verbal de difficultés dressé le 3 novembre 2014 par Me C..., notaire à Papeete, que les époux relèvent du régime de la communauté légale de biens, qu'ils ont acquis le 2 juin 1989 le lot n° 39 sur lequel ils ont fait construire leur maison, que les prêts contractés pour financer cette opération ont été soldés, que les parties sont d'accord pour que le terrain et la maison, évalués à 35 800 000 francs CFP, soient attribués à Alain Y... ;

ET QUE le jugement dont appel a mis à la charge d'Alain Y... une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 180 000 francs CFP pour la période non prescrite du 1er juin 2006 au 1er juin 2011, en retenant qu'il occupe un immeuble indivis, et que la convention, étant muette sur ce point, n'a pas dérogé au principe du versement d'une indemnité à l'indivision ; qu'Alain Y... fait valoir qu'Hélène B... avait accepté qu'aucune indemnité d'occupation ne soit prévue, avant de se raviser tardivement en 2015, et que sa renonciation tacite lui est opposable ; qu'Hélène B... conclut que la valeur locative retenue correspond à l'estimation du bien, et que l'indemnité d'occupation est due jusqu'à la fin de l'indivision ; que Me C..., dans son projet, a exactement fixé au 18 février 2005 la date de jouissance divise, c'est-à-dire celle du jugement de divorce qui a homologué la convention, dans laquelle aucune autre date n'a été prévue ; que le jugement a ainsi exactement retenu qu'Alain Y..., qui occupe un bien indivis, est redevable de l'indemnité d'occupation prévue par l'article 815-9 du code civil pour la période non prescrite ; qu'il ne peut en effet être déduit du silence de la convention, quant au paiement par Alain Y... d'une indemnité pour son occupation privative du bien commun, que les parties auraient expressément entendu déroger au droit commun qui fait de cette indemnité la règle ; que les errements d'une procédure qui a évolué d'un divorce sur requête conjointe en demande de liquidation et partage, montrant la persistance d'un désaccord patrimonial, ne permettent pas non plus de présumer qu'Hélène B... aurait, fut-ce tacitement, renoncé à son droit de demander une indemnité afférente à une indivision post-communautaire dont la durée est maintenant devenue considérable ; que par des motifs complets et pertinents, que ne remettent pas en cause les moyens d'appel, et que la cour fait siens, le premier juge a exactement apprécié, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une nouvelle expertise, le montant de l'indemnité d'occupation due par Alain Y... à l'indivision, en se fondant sur les éléments débattus devant lui, qui étaient les mêmes que ceux présentement soumis, notamment l'évaluation du bien par l'agence Degout ; que la décision sera donc également confirmée de ce chef, la créance de l'indivision étant toutefois actualisée au jour des conclusions à cet effet de l'intimée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; qu'en l'espèce, et tel qu'il est indiqué dans la convention définitive de divorce, M. Y... occupe l'immeuble commun sans que lui et Mme B... n'aient explicitement prévu que cette occupation se fasse à titre gratuit ; qu'en effet, le seul fait que ce point n'ait pas été tranché dans la convention définitive, ne suffit pas à déduire que Mme B... ait renoncé à réclamé une indemnité d'occupation ; que M. Y... sera donc redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation ; que s'agissant de la question de la prescription, l'indemnité d'occupation est en effet assujettie à la prescription quinquennale de l'article 815-10 du code civil de sorte que Mme B... ne pourra la réclamer que concernant les 5 dernières années qui précèdent sa requête soit du 1er juin 2006 au 1er juin 2011, le surplus étant prescrit ; que M. Y... qui prétend qu'en tout état de cause les impôts et dépenses engagées pour l'entretien du bien viendraient en compensation de l'indemnité d'occupation due n'en justifie pas ; que sur le montant de ladite indemnité, Mme B... propose la valeur mensuelle de 180.000 francs par mois, ce qui n'appelle aucune observation de la part de M. Y... ; que cette somme est susceptible de correspondre à la valeur locative du bien (6% de la valeur vénale) et sera en conséquence retenue ; que M. Y... sera, en conséquence, tenue envers l'indivision d'une indemnité d'occupation de 180.000 francs mensuels entre le 1er juin 2006 et le 1er juin 2011, soit sur une période de 60 mois, soit une somme totale de 10.800.000 francs ;

ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; que la convention conclue entre les époux prévoyait expressément que M. Y... occuperait le bien commun des époux et que les parties déclaraient qu'il n'y avait « pas lieu, de reprise ni de règlement de créance entre eux, si ce n'est la reprise en nature de leurs effets et habillement composant leur garde-robe et bijoux, pour leur usage personnel, ce qui est déjà le cas, et que par ailleurs, il n'y avait pas lieu de procéder à la liquidation de leur régime matrimonial » ; qu'en retenant qu'il ne pouvait être déduit du silence de la convention quant au paiement par M. Y... d'une indemnité d'occupation que Mme B... avait renoncé au droit de demander une indemnité afférente à l'indivision post-communautaire, la cour d'appel a méconnu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

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