5 April 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 16-24.491

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:SO00535

Texte de la décision

SOC.

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 avril 2018




Cassation partielle


Mme A..., conseiller doyen faisant fonction de président



Arrêt n° 535 F-D

Pourvoi n° B 16-24.491







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme Angélique X..., domiciliée [...]                                                                                  ,

contre l'arrêt rendu le 28 juin 2016 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Sorim - Société réunionnaise immobilière, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...]                                                          ,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;


Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 6 mars 2018, où étaient présents : Mme A..., conseiller doyen faisant fonction de président, M. Y..., conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Z..., avocat général, Mme Dumont, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Y..., conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme X..., de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Sorim - Société réunionnaise immobilière, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 4 septembre 2007 par la société Sorim - Société réunionnaise immobilière - en qualité de négociateur immobilier ; qu'elle a été convoquée le 1er avril 2011 à un entretien préalable au licenciement prévu le 11 avril 2011 ; que, par courrier recommandé du 18 avril 2011, elle a démissionné ; que, le 19 avril 2011, la salariée a été licenciée pour faute grave ; que, le 17 juin 2011, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes consécutives à la rupture de son contrat de travail ;

Sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1235-1 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu que pour dire que la rupture du contrat de travail résultait du licenciement pour faute grave notifié par lettre recommandée avec avis de réception le 19 avril 2011, l'arrêt retient que dès lors que la démission de la salariée est intervenue dans le cadre d'une procédure de licenciement disciplinaire et qu'il n'est pas démontré que l'employeur a réceptionné le courrier de démission daté du 18 avril 2011 avant de notifier le licenciement pour faute grave le 19 avril 2011, il convient de considérer que la rupture du contrat de travail a été provoquée par ledit licenciement ;




Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la salariée avait, par lettre recommandée envoyée le 18 avril 2011, adressé à l'employeur sa démission, de sorte que la rupture du contrat de travail était intervenue à cette date et qui lui appartenait en conséquence de rechercher si la démission était équivoque, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail de la salariée résulte du licenciement pour faute grave notifié par lettre recommandée avec avis de réception du 19 avril 2011, juge que ce licenciement était justifié, et déboute celle-ci de l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement, l'arrêt rendu le 28 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne la société Sorim aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la rupture du contrat de travail de Madame Angélique X... résultait du licenciement pour faute grave notifié par lettre recommandée avec avis de réception du 19 avril 2011, jugé que ce licenciement était justifié, débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS "sur la nature de la rupture du contrat de travail (prise d'acte ou licenciement) et son bien fondé QUE dès lors que la démission de la salariée est intervenue dans le cadre d'une procédure de licenciement disciplinaire et qu'il n'est pas démontré que l'employeur a réceptionné le courrier de démission daté du 18 avril 2011 avant de notifier le licenciement pour faute grave en date du 19 avril 2011, il convient de considérer, à l'instar des premiers juges, que la rupture du contrat de travail a été provoquée par ledit licenciement ;

QUE le licenciement de Madame X..., prononcé pour faute grave, présente un caractère disciplinaire (
) ; que (
) la lettre de licenciement fixe définitivement les limites du litige (
) ; que le comportement de Madame X... caractérise une faute grave qui a rendu impossible son maintien dans l'entreprise (
)" ;

ET AUX MOTIFS adoptés QUE "en date du 1er avril 2011 [Madame X...] est convoquée à un entretien préalable fixé au lundi 11 avril 2011 (
) en vue d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement ; qu'en date du 4 avril 2011, elle est en mise à pied à titre conservatoire avec effet immédiat, dans l'attente des conclusions de la procédure en cours ; qu'en date du 18 avril 2011, Madame X... présente sa démission contrainte et forcée avec effet immédiat ; que lors de l'entretien préalable, on a fait le reproche à Madame X... d'avoir conservé un chèque de la commission agence à son domicile et de ne le remettre que le 3 janvier 2011 ; que Madame X... était en congé annuel et hors du département au moment de la signature de l'acte définitif ; qu'effectivement, elle était en congés annuels de la période du 16 décembre 2010 au 31 décembre 2010 ; qu'en date du 19 avril 2011, Madame X... est licenciée pour fautes graves professionnelles et disciplinaires ; que ce ne sont pas les mêmes griefs reprochés à Madame X... lors de l'entretien préalable ;

QUE le conseil doit statuer sur une démission contrainte et forcée en même temps qu'un licenciement pour fautes graves professionnelles et disciplinaires ;

QU'en l'espèce, la procédure de licenciement était engagée depuis le 1er avril 2011 par l'envoi d'une convocation à entretien préalable ; que l'entretien préalable a eu lieu le lundi 11 avril 2011 ; que la démission de Madame X... intervient juste avant l'envoi de la lettre de licenciement ; qu'il appartenait à Madame X... d'attendre la décision de la procédure en cours ; qu'en conséquence le Conseil dit que le prononcé du licenciement pour faute emporte renonciation de l'employeur à se prévaloir de la démission équivoque de la salariée (
)" ;

1°) ALORS QUE la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié aux torts de l'employeur, qui emporte cessation immédiate de la relation de travail, se situe à la date à laquelle le salarié a manifesté sa volonté de rupture par l'envoi à l'employeur de la lettre la notifiant ; que le licenciement prononcé ultérieurement est non avenu ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'à la date du 18 avril 2011, "
Madame X... a présenté sa démission contrainte et forcée avec effet immédiat" ; qu'en retenant cependant que "
dès lors que la démission de la salariée est intervenue dans le cadre d'une procédure de licenciement disciplinaire et qu'il n'est pas démontré que l'employeur a réceptionné le courrier de démission daté du 18 avril 2011 avant de notifier le licenciement pour faute grave en date du 19 avril 2011, il convient de considérer, à l'instar des premiers juges, que la rupture du contrat de travail a été provoquée par ledit licenciement" la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QUE lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; qu'en retenant que la rupture du contrat de travail de Madame X... avait été provoquée par son licenciement notifié le 19 avril 2011 sans rechercher si, peu important la procédure de licenciement disciplinaire en cours, les griefs d'accusations diffamatoires et de défaut de paiement des salaires invoqués à l'appui de la "démission contrainte et forcée" notifiée par Madame X... le 18 avril précédent étaient fondés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du Code du travail.




DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Angélique X... de sa demande en paiement d'une somme de 10 978 € à titre de remboursement de frais kilométriques ;

AUX MOTIFS QUE "sur la demande au titre des frais kilométriques : la salariée sollicite un montant de 10.978 euros au titre du remboursement des frais engendrés par les 30.000 kilomètres qu'elle aurait effectués avec son véhicule personnel pour son activité professionnelle dans le temps de la relation contractuelle, après déduction de la somme de 1.800 euros qui lui a déjà été réglée par l'employeur pour ses frais d'essence ; qu'elle rappelle que la jurisprudence considère qu'à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu que le salarié en conserverait la charge, les frais exposés par un salarié pour son travail doivent être remboursés par l'employeur, contrairement à la motivation retenue par les premiers juges ; que la SARL Sorim répond quant à elle que seul le remboursement des frais d'essence et du complément de prime d'assurance ayant été prévu par le contrat de travail, Madame X... devra être déboutée de cette demande ;

QU'il est constant que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent lui être remboursés sans qu'il puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, sous réserve qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme suffisante fixée à l'avance de manière forfaitaire ;

QU'en l'espèce, le contrat de travail ayant lié les parties stipule bien dans son article 4 que Madame X... utilisera son véhicule personnel pour ses déplacements professionnels, sans prévoir aucune modalité de remboursement des frais engagés par la salariée à ce titre, hormis la prise en charge mensuelle et plafonnée de ses seuls frais de carburant, et du complément d'assurance (article 5), prise en charge manifestement insuffisante pour couvrir le coût des frais professionnels engagés à ce titre ;

QU'il en résulte que la salariée serait bien fondée à solliciter le remboursement desdits frais engagés par elle à ce titre mais force est de constater qu'elle ne rapporte pas la preuve ni le moindre justificatif des quanta kilométriques qu'elle expose avoir effectués dans le cadre de son activité professionnelle, se contentant d'alléguer avoir effectué 10.000 km par an de septembre 2007 à septembre 2010, ce qui constitue une forfaitisation et non une justification de frais ;



QUE la salariée ne démontrant pas plus par une quelconque pièce la nature du véhicule (cylindrée, nature du carburant...) utilisé par ses soins au cours de son activité professionnelle, il n'est pas plus possible de déduire des bons d'essence qui lui ont été remboursés par son employeur à hauteur de 1.800 euros le nombre de kilomètres réellement effectués par elle ; que dans ces conditions, elle ne pourra qu'être déboutée de sa demande insuffisamment justifiée" ;

1°) ALORS QU'en retenant, à l'appui de sa décision, que "
la salariée ne démontrant pas plus par une quelconque pièce la nature du véhicule (cylindrée, nature du carburant...) utilisé par ses soins au cours de son activité professionnelle, il n'est pas plus possible de déduire des bons d'essence qui lui ont été remboursés par son employeur à hauteur de 1.800 euros le nombre de kilomètres réellement effectués par elle", la Cour d'appel a dénaturé par omission l'attestation d'assurance du 13 juillet 2010, délivrée par la Banque Populaire pour un véhicule Peugeot 206 7 CV diesel, versée par Madame X... aux débats, figurant sur la liste annexée à ses écritures (pièce n° 40) et dont la communication n'avait donné lieu à aucune contestation ; qu'elle a ainsi enfreint l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ;

2°) ALORS en outre QUE le juge ne peut s'abriter derrière l'insuffisance des preuves pour refuser d'évaluer une créance dont il constate l'existence dans son principe ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Madame X... a perçu de son employeur une somme de 1 800 € au titre des frais d'essence exposés pour son compte, et que cette somme "est manifestement insuffisante pour couvrir les frais kilométriques engagés" au service de la SARL Sorim, de sorte qu'elle "serait bien fondée à solliciter le remboursement desdits frais" ; qu'en la déboutant de sa demande, motif pris de l'insuffisance des preuves rapportées par elle pour justifier des kilomètres parcourus dans le cadre de son activité professionnelle, quant il lui appartenait d'évaluer, le cas échéant après toute mesure d'instruction utile, la créance ainsi constatée, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code civil .

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame Angélique X... de sa demande en remboursement d'une somme de 1 875 € au titre du remboursement de l'assurance de son véhicule personnel imposée par son contrat de travail ;

AUX MOTIFS QUE " La salariée sollicite un montant de 1.875 euros au titre du remboursement de l'assurance de son véhicule personnel imposée par son contrat de travail ; qu'en défense, l'employeur rétorque que s'il était bien prévu contractuellement qu'il paie le complément de prime d'assurance engagé par Madame X... au titre de son activité professionnelle, cette dernière ne rapporte aucune preuve de la dépense engagée à ce titre ;

QUE force est en effet de constater que Madame X... ne démontre par aucun élément le coût réel des frais d'assurance du véhicule personnel utilisé pendant la relation contractuelle et devra donc également être déboutée de sa demande insuffisamment justifiée de ce chef ; que le jugement déféré est confirmé de ce chef, par substitution de motifs (
)" ;

ALORS QU'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a dénaturé par omission l'attestation d'assurance du 13 juillet 2010, délivrée par la Banque Populaire pour un véhicule Peugeot 206 7 CV diesel utilisé à usage de "promenade et trajet – travail" moyennant un coût annuel de 838,65 € versée par Madame X... aux débats, figurant sur la liste annexée à ses écritures (pièce n° 40) et dont la communication n'avait donné lieu à aucune contestation ; qu'elle a ainsi enfreint l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis.

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