6 June 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-20.672

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2018:C100576

Titres et sommaires

SEPARATION DES POUVOIRS - autoroute - défaut d'entretien normal de l'ouvrage public - dommage causé à un usager - lien contractuel avec le concessionnaire - absence - effet - compétence

En l'absence de lien contractuel entre l'usager d'une autoroute et la société concessionnaire, la juridiction administrative est seule compétente pour connaître du litige relatif aux dommages imputés par cet usager à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juin 2018




Cassation sans renvoi


Mme BATUT, président



Arrêt n° 576 F-P+B

Pourvoi n° W 17-20.672










R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), société anonyme, dont le siège est [...],

contre le jugement rendu le 10 avril 2017 par la juridiction de proximité de Dijon, dans le litige l'opposant à Mme Esther X..., épouse Y..., domiciliée [...],

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 2 mai 2018, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Z..., conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Z..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme Y..., l'avis de M. A..., avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen relevé d'office, suggéré en demande :

Vu l'article 92, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que le moyen pris de l'incompétence du juge judiciaire peut être relevé d'office par la Cour de cassation ;

Attendu que le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, a accueilli la demande en paiement de dommages-intérêts formée à l'encontre de la société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône par Mme Y..., dont le véhicule a été endommagé après avoir heurté des morceaux de glissière de sécurité dispersés sur la chaussée de l'autoroute A5 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de lien contractuel entre l'usager d'une autoroute et la société concessionnaire, la juridiction administrative est seule compétente pour connaître du litige relatif aux dommages imputés par cet usager à un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et méconnu le second des textes susvisés ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, dont l'application est sollicitée par le mémoire en demande ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 10 avril 2017, entre les parties, par la juridiction de proximité de Dijon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître du litige ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Autoroutes Paris-Rhin-Rhône.

PREMIER MOYEN DE CASSATION, qu'il est suggéré à la Cour de cassation de relever d'office

Le jugement attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a retenu sa compétence, pour statuer sur les demandes de Madame Y..., puis alloué à cette dernière deux indemnités de 2.600 euros et 500 euros ;

AUX MOTIFS QUE « en défense, la société APRR soulève l'incompétence de la juridiction de proximité au profit de la juridiction administrative, et à titre subsidiaire demande d'être exonéree de tout règlement en raison de l'absence de faute ; que cependant, la société APRR n'est ni présente ni représentée à l'audience pour soutenir ses prétentions ; que le principe étant l'oralité des débats, les arguments avancés par la société APRR seront rejetés » ;

ALORS QUE, l'usager d'une autoroute, qu'il soit abonné ou non, est dans une situation unilatérale et réglementaire à l'égard de la société en charge de son exploitation ; que le contentieux qui l'oppose à l'exploitant relève de la juridiction administrative ; qu'en retenant sa compétence, le juge de proximité a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de la séparation des pouvoirs.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Le jugement attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a retenu sa compétence, pour statuer sur les demandes de Madame Y..., puis alloué à cette dernière deux indemnités de 2.600 euros et 500 euros ;

AUX MOTIFS QUE « la responsabilité de la société APRR est engagée, cette dernière ayant l'obligation d'assurer la sécurité de ses usagers ; qu'il sera fait droit à la demande principale » ;

ALORS QUE, dans les hypothèses où la compétence judiciaire est retenue, alors que le contentieux concerne un rapport de droit public, il incombe alors au juge judiciaire d'appliquer les règles du droit administratif ; qu'en cas de dommages invoqués par l'usager d'un ouvrage public, telle qu'une autoroute, il la victime doit faire état demande faits révélant un défaut d'entretien, et le juge doit constater ce défaut ; qu'en s'abstenant de ce faire, le juge du fond a privé sa décision de base légale au regard de la règle, issue du droit administratif, selon laquelle la responsabilité à raison d'un ouvrage public suppose un défaut d'entretien.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.