6 June 2018
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-14.288

Chambre sociale - Formation restreinte RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2018:SO10787

Texte de la décision

SOC.

IK



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juin 2018




Rejet non spécialement motivé


M. X..., conseiller doyen
faisant fonction de président



Décision n° 10787 F

Pourvoi n° H 17-14.288







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la société Bressor, société anonyme, dont le siège est [...] ,

contre l'arrêt rendu le 13 janvier 2017 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme Y... Z..., domiciliée [...] ,

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 2018, où étaient présents : M. X..., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme I..., conseiller rapporteur, Mme Basset, conseiller, Mme Lavigne, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Bressor, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme Z... ;

Sur le rapport de Mme I..., conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;


Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bressor aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bressor à payer à Mme Z... la somme de 1 500 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-huit. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Bressor

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Madame Y... Z... est dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SA Bressor à payer à Madame Y... Z... les sommes suivantes 1.263,12 € au titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire, 126,31 € au titre des congés payés afférents, 1.282,59 € bruts au titre de la prime de fin d'année, 83,95 € au titre des congés payés afférents, 1.290,99 € bruts au titre de l'indemnité de licenciement, 3. 347,92 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 334,79 € bruts au titre des congés payés afférents, 12.500 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'avoir ordonné d'office à la société Bressor le remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Madame Y... Z... dans la limite de trois mois d'indemnisation, et d'avoir condamné la société Bressor à payer à Madame Y... Z... la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Qu'en l'espèce la société BRESSOR invoque des faits de harcèlement moral commis par Y... Z... au préjudice de Aurélie A... et Paula B... ; que la société BRESSOR est donc tenue d'en rapporter la preuve. Qu'aux termes de la lettre de licenciement, il apparaît que la société BRESSOR reproche à Y... Z... en ce qui concerne Aurélie A... de s'abstenir de la saluer, de la désigner non pas par son prénom mais par l'expression « l'autre », d'être mutique devant les consignes communiquées par Aurélie A... en sa qualité de conductrice de ligne, de déposer du fromage écrasé sur ses feuilles de contrôle, de lui tenir publiquement des propos humiliants tels que « regardez là elle ne fout rien » et « va t'asseoir sur les toilettes pour faire moins de bruit », et d'avoir provoqué avec Augustine C... l'altercation du 1er avril 2014 avec pour but, selon Aurélie A..., de la faire « craquer » ou de la pousser à la faute pour obtenir son exclusion de l'emballage; que ces agissements ont conduit le médecin du travail à préconiser un changement de service de Aurélie A.... Mais attendu qu'il convient de constater que la société BRESSOR s'est seulement limitée à procéder dans la lettre de licenciement à la retranscription des agissements dénoncés par Aurélie A... dans son propre courrier du 2 avril 2014; que l'altercation du 1er avril 2014 est décrite par l'employeur dans la version rapportée par Aurélie A... et ne se trouve corroborée par aucune pièce; que pour le surplus des faits, force est de constater qu'ils ne sont pas datés et sont donc d'une totale imprécision de sorte qu'ils ne peuvent fonder le licenciement litigieux; qu'il apparaît que pour justifier le grief de harcèlement moral, la société BRESSOR s'appuie sur quatre attestations de salariés (Claire D..., Carole E..., Christophe F... et Olivier G...) dont aucune ne fait allusion aux agissements dont auraient été victimes Aurélie A... de la part de Y... Z... ; qu'en outre, il convient pour l'honnêteté des débats de relever que le courrier du médecin du travail du 4 avril 2014 n'impute pas l'état de santé dégradé de Aurélie A... aux agissements de Y... Z...; que le praticien a indiqué en effet: "II semble exister des conflits dans l'équipe incompatibles avec un travail serein et normal qui contribuent grandement à la dégradation de l'état de santé de la salariée" ; que les faits concernant Aurélie A... ne sont donc pas justifiés ; que s'agissant de Paula B..., la société BRESSOR reproche à Y... Z... de tenir des propos humiliants et dégradants dans l'entreprise au sujet de la salariée; que Y... Z... a déclaré à des salariés intérimaires en évoquant Paula B...: "elle est sale, elle n'a aucune hygiène, elle mange des choses pas fraîches", en disant à ces mêmes intérimaires de ne pas s'approcher de Paula B... car "elle est malade et contagieuse" et "elle pue, elle a les cheveux dégueulasses". Mais que la cour ne peut qu'une fois encore constater que la société BRESSOR reproduit en très large partie les termes du courrier de dénonciation de la salariée du 9 avril 2014 sans les étayer par aucune pièce ; qu'en outre, force est de constater qu'aucun témoignage direct des intérimaires n'est produit aux débats; que l'employeur ne produit en réalité qu'un tableau établi par Claire D..., responsable des ressources humaines, mentionnant des faits que lui ont rapportés par des intérimaires dont au surplus certains ont refusé de révéler leur identité; qu'il y a donc lieu de dire que les faits concernant Paula B... ne sont pas démontrés ; qu'en définitive, la société BRESSOR n'établit pas la matérialité de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble ou séparément, soient de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral à l'égard de Aurélie A... et de Paula B... en ce qu'ils auraient eu pour objet ou pour effet une dégradation de leurs conditions de travail susceptibles notamment d'altérer leur santé physique ou mentale ; que le grief reposant sur les faits de harcèlement moral au préjudice de Aurélie A... et de Paula B... doit donc être écarté.1.2. sur le comportement délétère qu'il ressort de la lettre de licenciement que la société BRESSOR reproche à Y... Z... d'avoir eu un comportement vexatoire visant à humilier Christophe F..., responsable du service emballage, en arrivant systématiquement en retard aux réunions ou aux animations auxquelles, en outre, Y... Z... prenait la parole de manière inappropriée et démontrait du dédain pour le contenu des informations fournies par Christophe F...; qu'enfin, Y... Z... ne suivait pas les consignes de rotation des postes au suremballage malgré les relances du manager. Mais que ces faits, qui ne sont que la retranscription de l'attestation établie par Christophe F... lui-même et qui-, est versée au dossier, ne sont étayés par aucune pièce: qu'il y a donc lieu de dire qu'ils ne sont pas suffisamment établis ; que la société BRESSOR reproche enfin à Y... Z... tout une série d'agissements visant à humilier deux salariés intérimaires. Mais que la cour relève d'emblée que la société BRESSOR admet dans la lettre de licenciement que les intérimaires concernés souhaitent conserver l'anonymat: que dès lors, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les agissements en cause, il convient de dire que les faits commis au préjudice de deux personnes qu'aucun élément ne permet d'identifier ne sauraient fonder un licenciement pour faute grave ; que le grief reposant sur le comportement délétère .à l'égard de deux intérimaires doit donc être écarté ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société BRESSOR ne justifie aucun des faits qu'elle impute à Y... Z... ; que ces faits ne sont donc pas établis ; que la cour considère après analyse des pièces du dossier que l'employeur, quelques jours après une altercation survenue au sein de l'équipe du service emballage, a manifestement pris une décision hâtive en mettant en oeuvre une procédure disciplinaire à l'encontre de Y... Z... sur la base de dénonciations émanant de Aurélie A... et de Paula B..., sans prendre au préalable la précaution de mener une enquête interne visant à vérifier la réalité des faits en cause ; que faute de preuve de la violation par Y... Z... des obligations découlant de son contrat de travail telle qu'elle rend impossible le maintien de cette salariée dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, il y a lieu de dire que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef. 2 - sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail que le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse la salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ainsi qu'à une indemnité de licenciement; qu'aucune des parties ne remet en cause, même à titre subsidiaire, les bases sur lesquelles le conseil de prud'hommes a liquidé les droits de Y... Z...: que le jugement déféré sera confirmé en ce qui concerne l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement ; qu'en vertu des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail Y... Z... a droit à une indemnité mise à la charge de la société BRESSOR qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'en considération de son ancienneté, du montant de sa rémunération au moment de la rupture et des circonstances du licenciement, le préjudice résultant pour Y... Z... de la rupture de son contrat de travail a justement été apprécié par le conseil de prud'hommes qui lui a alloué la somme de 12 500 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef. 3 - sur les rappels de salaires qu'il résulte de ce qui précède que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que la société BRESSOR est en conséquence redevable en vertu des dispositions de l'article L 1332-3 du code du travail des salaires dont il a privé Y... Z... durant la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents; que le jugement déféré sera confirmé de ces chefs ; que la société BRESSOR est en outre redevable, en vertu de l'article 39 de la convention collective applicable à la relation de travail de la prime de fin d'année dont il a privé Y... Z... et des congés payés afférents; que le jugement déféré sera confirmé de ces chefs » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, QUE « "la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail et des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l' entreprise même pendant la période du préavis" (Cour de Cassation, Chambre Sociale du 27 Septembre 2007 n°06-43.867) ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe exclusivement à l'employeur (Cour de Cassation. Chambre Sociale du 9 Octobre 2001 n'99-42.204) ; que lorsqu'il existe un doute sur la faute grave reprochée, le doute profite au salarié ; qu'en l'espèce, la Société BRESSOR n'a pas respecté dans son enquête sur les faits révélés, le caractère contradictoire qui s'imposait, tant par une consultation des représentants du personnel qu'au cours des réunions d'information de l'ensemble du personnel ; que les salariés, ayant accepté de témoigner pour Madame Z..., déplorent l'absence d'enquête menée et le fait de ne pas avoir, par conséquent, été entendus au soutien de Madame Z... ; qu'il subsiste un doute sur la réalité de l'ensemble des faits reprochés et sur leur imputabilité à Madame Z... ; que pour l'ensemble des motifs susvisés la Société BRESSOR ne rapporte pas la preuve de la faute grave reprochée à Madame Z..., motivant le licenciement du 30 Avril 2014, lequel est ainsi dépourvu de toute cause réelle et sérieuse » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'article L.1152-5 du Code du travail qui amène l'employeur à faire usage d'un pouvoir disciplinaire spécial pour mettre fin à des agissements de harcèlement imputables à certains salariés dont sont victimes d'autres salariés n'est pas une disposition de droit commun ; qu'en reprochant au chef d'entreprise de fonder le licenciement sur les dénonciations des victimes qui, à son égard, constituent des témoignages directs, et de ne pas avoir levé intégralement l'anonymat des autres témoins, sans exiger de Madame Z... une démonstration inverse et qui, en conséquence, fait supporter à l'employeur la charge entière de la preuve d'une situation conflictuelle à laquelle il est personnellement étranger, la cour de Lyon a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la responsabilité de l'employeur est engagée envers les victimes de harcèlement commis par les salariés de l'entreprise et qu'il lui incombe, pour satisfaire à l'obligation de sécurité de résultat dont il est débiteur envers l'ensemble du personnel de prendre sans délai des mesures propres à faire cesser un tel trouble ; qu'étant admis que le comportement de Madame Z... avait donné lieu le 2 avril à la plainte d'une salariée, le 4 avril à une alerte du médecin du travail, le 9 avril à la plainte d'une autre salariée, corroborées par le recueil des témoignages de plusieurs intérimaires, et par les responsables successifs du service, Madame H... et Monsieur F..., la cour d'appel, qui se contente d'émettre un doute qu'il lui incombait de lever pour décider que l'employeur ne pouvait prononcer un licenciement destiné à mettre un terme aux faits de harcèlement dont il était saisi, ne met pas la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur cette mesure disciplinaire et prive sa décision de base légale au regard des articles L.1152-1, L.1152-3 et L.1152-5 et L.4121 du Code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART ET SUBSIDIAIREMENT, QU'une absence de faute grave ne dispense nullement le juge de rechercher si le comportement du salarié impliqué dans des faits de harcèlement ne constitue pas cependant une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en énonçant obscurément que ne serait pas « impossible le maintien de cette salariée dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis » et que, en conséquence, « le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse » (p.7 al.1), la cour d'appel ne met pas davantage la Cour de cassation en mesure de se prononcer sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse, indépendante de l'exécution ou de l'inexécution d'un préavis ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard tant des articles L.1234-1, L.1234-4, L.1234-5 du Code du travail que des articles L.1152-4, L.1152-5 et L.4121-1 du même Code ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les victimes ayant désigné Madame Z... comme auteur direct de leur harcèlement, lequel était confirmé par d'autres agents ou d'autres salariés, aucun texte n'imposait à l'employeur de procéder de surcroît à une enquête interne spécifique, le contradictoire étant légalement assuré par la convocation régulière à l'entretien préalable de la personne mise en cause ; qu'en faisant reproche à la société Bressor d'avoir eu recours à la procédure disciplinaire « sans prendre au préalable la précaution de mener une enquête interne » (p.7 al.1) la cour de Lyon ajoute à la loi une condition qui n'y figure nullement en violation des articles L.1152-4 et L.1152-5 du Code du travail ainsi que les articles L.1232-1, L.1232-2, L.1232-3 et L.1232-5 du même Code.

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