6 March 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 17-28.503

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:SO00373

Texte de la décision

SOC.



CF







COUR DE CASSATION

______________________





Audience publique du 6 mars 2019









Rejet





M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président







Arrêt n° 373 F-D



Pourvoi n° G 17-28.503



















R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



_________________________



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________





LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Statuant sur le pourvoi formé par :



1°/ la société Odyssée, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] ,



2°/ le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société Gosier les Bains, dont le siège est [...] ,



contre le jugement rendu le 9 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la société Gosier les Bains, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,



défenderesse à la cassation ;



Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;



Vu la communication faite au procureur général ;



LA COUR, en l'audience publique du 30 janvier 2019, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Basset, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;



Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Odyssée et du CHSCT de la société Gosier les Bains, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Gosier les Bains, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue en la forme des référés (président du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, 9 novembre 2017), que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Gosier les Bains a, le 27 juin 2017, décidé d'une expertise, confiée à la société Odyssée, aux fins d'analyser le projet de réagencement des espaces de travail et des postes sous l'angle des conditions de travail et de la santé des salariés ; que, le 27 juillet 2017, la société Gosier les Bains a saisi le président du tribunal de grande instance en réduction du coût prévisionnel de l'expertise ;



Sur le premier moyen :



Attendu que la société Odyssée et le CHSCT font grief à la décision de dire la société Gosier les Bains recevable en son action, alors selon le moyen, que l'employeur qui entend contester le coût prévisionnel de l'expertise décidée par un CHSCT tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, doit saisir le président du tribunal de grande instance en la forme des référés dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du CHSCT à peine de forclusion ; que ce délai n'est pas prorogeable dès lors que la loi n'impose pas de communiquer à l'employeur le coût prévisionnel d'une expertise décidée par le CHSCT et que l'employeur a le droit de contester le coût final de l'expertise dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été informé de ce coût ; qu'en considérant que la société est fondée à revendiquer que la forclusion se trouvait suspendue à son bénéfice puisqu'elle était dans l'impossibilité d'agir, le devis prévisionnel étant encore inconnu d'elle, l'empêchant d'agir, qu'il s'en déduit qu'elle était dans l'impossibilité de contester un devis prévisionnel qui ne lui a été transmis que vingt et un jours après la délibération du CHSCT soit au-delà du délai de contestation de quinze jours et qu'en conséquence, le délai n'a commencé à courir qu'à compter de la date de remise du devis prévisionnel, ce dont il résulte que la société est donc recevable à contester le devis prévisionnel transmis le 18 juillet 2017, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 4614-13 et L. 4614-13-1 du code du travail ;



Mais attendu qu'il résulte des articles L. 4614-13 et L. 4614-13-1 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprétés à la lumière de l'article 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le délai de quinze jours pour contester le coût prévisionnel de l'expertise ne court qu'à compter du jour où l'employeur en a été informé ;



Et attendu qu'ayant relevé que le devis prévisionnel n'avait été communiqué que le 18 juillet 2017 à l'employeur, le président du tribunal a légalement justifié sa décision ;





Sur le second moyen :



Attendu que la société Odyssée et le CHSCT font grief à la décision de dire que le coût de l'expertise décidée par délibération du 27 juin 2017 du CHSCT et réalisée par la société Odyssée sera d'un montant maximal de 26 850 euros HT soit 29 240,75 euros TTC, de dire que les travaux de l'expert obéiront au phasage couplé au nombre de jours de travaux correspondant à 19.25 journées organisées comme demandé par la société, de dire que le total des frais (déplacement, hébergement, restauration) engagés par la société Odyssée ne pourra excéder la somme totale de 4 000 euros et sera remboursé sur justificatifs et de condamner la société Odyssée à payer à la société Gosier les Bains la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :



1°/ que si le juge peut réduire le coût prévisionnel de l'expertise sans qu'il soit nécessaire d'attendre la réalisation de celle-ci pour apprécier le montant des honoraires de l'expert, c'est uniquement en cas d'abus ; qu'en retenant que le coût prévisionnel de l'expertise était excessif pour la raison qu'il n'était pas déterminé en ce qu'il incluait des variables portant sur les frais ayant pour objet le déplacement, l'hébergement et la restauration, quand l'abus ne peut résulter de la seule indétermination de ces frais, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail ;



2°/ que si le juge peut réduire le coût prévisionnel de l'expertise sans qu'il soit nécessaire d'attendre la réalisation de celle-ci pour apprécier le montant des honoraires de l'expert, c'est uniquement en cas d'abus ; qu'en retenant que le coût prévisionnel de l'expertise était excessif aux motifs que « l'état estimatif des travaux d'expertise et son coût produit par [l'employeur] est justifiée à la procédure et apparaît conforme avec la réalité de l'objectif de l'expertise », le président du tribunal de grande instance, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un abus, a violé l'article L. 4614-13 du code du travail ;



Mais attendu qu'après avoir apprécié la valeur et la portée des pièces produites, le président du tribunal a souverainement estimé le coût prévisionnel de l'expertise en fonction de la mission confiée à l'expert ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :



REJETTE le pourvoi ;



Condamne la société Odyssée aux dépens ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande présentée par la société Odyssée et le CHSCT de la société Gosier les Bains et condamne la société Odyssée à payer à la société Gosier les Bains la somme de 3 000 euros ;



Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt



Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la société Odyssée et le CHSCT de la société Gosier les Bains



PREMIER MOYEN CASSATION



Le moyen fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit la société Gosier les Bains recevable en son action.



AUX MOTIFS QUE l'article L4614-13 du code du travail précise que l'employeur qui entend contester le coût prévisionnel de l'expertise tel qu'il ressort du devis, saisit le juge judiciaire dans un délai de 15 jours à compter de la délibération du CHSCT ; qu'en l'espèce la délibération est intervenue le 27 juin 2017 et le devis prévisionnel a été communiqué à la requérante le 18 juillet 2017 ; que la requérante est fondée à revendiquer que la forclusion se trouvait suspendue à son bénéfice puisqu'elle était dans l'impossibilité d'agir, le devis prévisionnel étant encore inconnu d'elle, l'empêchant d'agir ; qu'il s'en déduit que la requérante était dans l'impossibilité de contester un devis prévisionnel qui ne lui a été transmis que 21 jours après la délibération du CHSCT soit au-delà du délai de contestation de 15 jours ; qu'en conséquence, le délai n'a commencé à courir qu'à compter de la date de remise du devis prévisionnel et la requérante est donc recevable à contester le devis prévisionnel transmis le 18 juillet 2017 par la SARL ODYSSEE.



ALORS QUE l'employeur qui entend contester le coût prévisionnel de l'expertise décidée par un CHSCT tel qu'il ressort, le cas échéant, du devis, doit saisir le président du tribunal de grande instance en la forme des référés dans un délai de quinze jours à compter de la délibération du CHSCT à peine de forclusion ; que ce délai n'est pas prorogeable dès lors que la loi n'impose pas de communiquer à l'employeur le coût prévisionnel d'une expertise décidée par le CHSCT et que l'employeur a le droit de contester le coût final de l'expertise dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle il a été informé de ce coût ; qu'en considérant que la société est fondée à revendiquer que la forclusion se trouvait suspendue à son bénéfice puisqu'elle était dans l'impossibilité d'agir, le devis prévisionnel étant encore inconnu d'elle, l'empêchant d'agir, qu'il s'en déduit qu'elle était dans l'impossibilité de contester un devis prévisionnel qui ne lui a été transmis que vingt et un jours après la délibération du CHSCT soit au-delà du délai de contestation de quinze jours et qu'en conséquence, le délai n'a commencé à courir qu'à compter de la date de remise du devis prévisionnel, ce dont il résulte que la société est donc recevable à contester le devis prévisionnel transmis le 18 juillet 2017, le président du tribunal de grande instance a violé les articles L. 4614-13 et L. 4614-13-1 du code du travail.



SECOND MOYEN CASSATION (subsidiaire)



Le moyen fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que le coût de l'expertise décidée par délibération du 27 juin 2017 du CHSCT et réalisée par la société Odyssée sera d'un montant maximal de 26 850 euros HT soit 29 240,75 euros TTC, d'AVOIR dit que les travaux de l'expert obéiront au phasage couplé au nombre de jours de travaux correspondant à 19.25 journée organisée comme demandé par la société, d'AVOIR dit que le total des frais (déplacement, hébergement, restauration) engagés par la société Odyssée ne pourra excéder la somme totale de 4 000 euros et sera remboursé sur justificatifs et d'AVOIR condamné la société Odyssée à payer à la société Gosier les Bains la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



AUX MOTIFS QUE il résulte de la procédure que la requérante a pour objet social l'organisation de jeux de hasard et d'argent ; Qu'elle a pris des engagements dans son cahier des charges du 25 février 2016 ; Qu'il a été prévu de redéfinir les espaces commerciaux, de réimplanter le cabaret et d'agrandir la salle des machines à sous, de faire migrer les locaux administratifs et de créer des vestiaires pour le personnel ; Que dans le cadre de l'information du CHSCT de la SAS GOSIER LES BAINS, les plans de travaux ont été communiqués à la réunion ordinaire du 15 juin 2017 ; Qu'à la demande de membres du CHSCT, une réunion extraordinaire est intervenue le 27 juin 2017 à l'issue de laquelle a été voté le recours à l'expert de la SARL ODYSSEE aux fins d'analyser le projet de réagencement des espaces de travail et des postes sous l'angle des conditions de travail et de la santé des salariés, notamment en examinant les caractéristiques fonctionnelles et techniques des nouveaux espaces de travail ; que dans ce but, il est demandé à l'expert d'analyser les situations de travail actuelles ainsi que les projets de transformation et de fournir un pronostic de leurs effets sur les conditions de travail, la santé et la sécurité des salariés ; Que le 18 juillet 2017, l'expert de la SARL ODYSSEE a communiqué à la requérante sa lettre de mission incluant un devis prévisionnel fixant la rémunération à la somme de 70000 euros HT soit 75950 euros TTC avec mention que seront ajoutés des frais de déplacement, d'hébergement et de restauration qui devront être remboursés par la requérante ; Que la requérant explique que le montant de ces frais n'est pas précisé et laisse présager un coût indéterminé car ne permettant aucune maîtrise des frais supplémentaires et fixés discrétionnairement par l'expert ; Que dans ces conditions, la requérante considère que le coût de l'expertise apparaît excessif ; Qu'il résulte des pièces versées au débat que la requérante démontre que le coût de l'expertise proposée par la SARL ODYSSEE qui n'est pas déterminé puisque sont incluses des variables est excessif ; Que l'état estimatif des travaux d'expertise et son coût produit par la requérante est justifié à la procédure et apparaît conforme avec la réalité de l'objectif de l'expertise ; que la requérante a déjà communiqué au CHSCT une information détaillée sur les travaux projetés accompagnée d'un mémoire d'exécution des travaux incluant un phasage des travaux tous corps d'état précisant des mesures de sécurité à chaque étape du chantier ; Que les défendeurs n'apportent au débat aucun élément permettant de contredire les demandes du requérant ; Qu'en conséquence de tous ces éléments, il y a lieu de considérer que le coût de l'expertise sera fixé à hauteur de 29240,75 euros TTC ; que les frais de déplacement et d'hébergement seront limités à hauteur de 4000 euros.



1° ALORS QUE si le juge peut réduire le coût prévisionnel de l'expertise sans qu'il soit nécessaire d'attendre la réalisation de celle-ci pour apprécier le montant des honoraires de l'expert, c'est uniquement en cas d'abus ; qu'en retenant que le coût prévisionnel de l'expertise était excessif pour la raison qu'il n'était pas déterminé en ce qu'il incluait des variables portant sur les frais ayant pour objet le déplacement, l'hébergement et la restauration, quand l'abus ne peut résulter de la seule indétermination de ces frais, le président du tribunal de grande instance a violé l'article L. 4614-13 du code du travail.



2° ALORS QUE si le juge peut réduire le coût prévisionnel de l'expertise sans qu'il soit nécessaire d'attendre la réalisation de celle-ci pour apprécier le montant des honoraires de l'expert, c'est uniquement en cas d'abus ; qu'en retenant que le coût prévisionnel de l'expertise était excessif aux motifs que « l'état estimatif des travaux d'expertise et son coût produit par [l'employeur] est justifiée à la procédure et apparaît conforme avec la réalité de l'objectif de l'expertise », le président du tribunal de grande instance, qui a statué par des motifs impropres à caractériser un abus, a violé l'article L. 4614-13 du code du travail.

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