6 June 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-17.910

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:C200765

Titres et sommaires

APPEL CIVIL - Infirmation - Motifs - Réfutation des motifs du jugement entrepris - Conditions - Détermination - Portée

La cour d'appel, à laquelle est demandée l'infirmation ou l'annulation du jugement d'une juridiction du premier degré ne doit, pour statuer à nouveau en fait et en droit, porter une appréciation que sur les moyens que les parties formulent expressément dans leurs conclusions à l'appui de leurs prétentions sur le litige ou sur les motifs du jugement déféré que l'intimé est réputé avoir adopté dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile. Par conséquent, l'appelant principal qui n'a pas lui-même repris à son compte dans ses conclusions d'appel un motif du jugement déféré ne peut pas reprocher à la cour d'appel qui infirme ce jugement sur l'appel incident de l'intimé d'avoir omis de réfuter ce motif du jugement déféré

APPEL CIVIL - Infirmation - Motifs - Conclusions de l'appelant - Appropriation des motifs du jugement déféré - Défaut - Portée

Texte de la décision

CIV. 2

LG

COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juin 2019


Rejet


Mme FLISE, président


Arrêt n° 765 F-P+B+I

Pourvoi n° Q 18-17.910



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par M. S... I..., domicilié [...], contre l'arrêt rendu le 22 mars 2018 par la cour d'appel de Chambéry (2e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Mutuelle d'assurance MMA, dont le siège est [...],

2°/ au groupement Reunica, dont le siège est [...], 92599 Levallois-Perret cedex,

3°/ à la société MSA des Alpes, dont le siège est [...], [...], 73000 Chambéry,

4°/ à la société Cavamac, dont le siège est [...], 75014 Paris,

5°/ à la société Carsat Sud-Est, dont le siège est [...], 13006 Marseille 06,

6°/ à la société MSA, dont le siège est [...], défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, Mme Mainardi, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de Me Brouchot, avocat de M. I..., de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Mutuelle d'assurance MMA, l'avis de Mme Vassallo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à M. I... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le groupement Reunica, la MSA des Alpes, la société Cavamac, la Carsat Sud-Est et la MSA ;

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 mars 2018), que, se prévalant de créances constatées dans plusieurs décisions de justice, la société Mutuelle d'assurance MMA (la société MMA) a sollicité du juge d'un tribunal d'instance la saisie des rémunérations de M. I..., qui a formé diverses contestations puis relevé appel du jugement autorisant la saisie pour un certain montant ; que la société MMA a formé un appel incident ;

Attendu que M. I... fait grief à l'arrêt d'autoriser la saisie de ses rémunérations au profit de la société MMA pour la somme de 115 818,60 euros en principal et intérêts au 15 mars 2016, outre 1 822,58 euros au titre des frais et de rejeter toute autre demande, alors, selon le moyen, que, toute décision devant être motivée, les juges d'appel doivent expressément réfuter les motifs du jugement qu'ils infirment ; que le jugement avait déduit de la dette principale de la société MMA, la créance de M. I... au titre des intérêts sur sa créance à concurrence de la somme de 27 418,23 euros établie par un huissier de justice ; qu'en s'abstenant d'indiquer les motifs qui l'ont conduite à ne pas déduire cette somme de la créance de la société MMA sur M. I..., la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, à laquelle est demandée l'infirmation ou l'annulation du jugement d'une juridiction du premier degré ne doit, pour statuer à nouveau en fait et en droit, porter une appréciation que sur les moyens que les parties formulent expressément dans leurs conclusions à l'appui de leurs prétentions sur le litige ou sur les motifs du jugement déféré que l'intimé est réputé avoir adopté dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile ;

Et attendu que M. I..., appelant principal, n'allègue pas avoir repris à son compte, dans les conclusions d'appel qu'il a prises, les motifs aux termes desquels le premier juge avait déduit de la créance détenue par la société MMA à son encontre une créance réciproque d'intérêts ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique annexé, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation, et en sa deuxième branche, qui est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. I... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; le condamne à payer à la société Mutuelle d'assurance MMA la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour M. I...

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR autorisé la saisie des rémunérations de M. I... au profit de la société MMA pour la somme de 115.818,60 euros en principal et intérêts au 15 mars 2016, outre 1.822,58 euros au titre des frais et d'AVOIR rejeté toute autre demande ;

AUX MOTIFS QUE le 17 mars 2016, la Selarl D..., huissier de justice, a déposé une requête en saisie des rémunérations à l'encontre de M. I... pour avoir paiement d'une somme en principal, intérêts et frais de 202.258,18 euros ; que, contrairement à ce qui est indiqué par M. I... devant la cour d'appel, il est fait mention dans cet acte et pour le calcul des sommes dues, de plusieurs décisions de justice en date des 2 décembre 2003, 15 avril 2004, 4 septembre 2007 et 9 juin 2011 ; que les titres servant de fondement à la mesure d'exécution sont donc visés et qu'il n'y a pas irrégularité à cet égard ; que, sur le caractère liquide et exigible de la créance : la créance qui résulte de la mise à exécution de différentes décisions de justice portant condamnation est exigible, liquide et déterminable par un calcul appliqué aux dispositifs desdites décisions avec compensation ordonnée d'ailleurs entre les dettes et créances réciproques par la décision prononcée par le tribunal de grande instance de Carpentras, le 4 septembre 2007, confirmée par la cour d'appel de Nîmes, le 19 janvier 2010 pour l'essentiel de ses dispositions ; que, sur les modalités de la compensation : il a été rappelé que le point de départ des intérêts n'est pas identique pour les conditions prononcées ; que le juge de l'exécution de Chambéry, lorsqu'il a été saisi d'une demande de mainlevée d'une saisie attribution en date du 6 septembre 2011, a rappelé les principes applicables au décompte entre les parties, mais sans procéder au calcul détaillé de la dette, se bornant à constater compte tenu de l'importance des sommes dues par M. I... qu'il n'était pas fondé à contester la mesure d'exécution alors examinée ; que dans sa décision, il n'a pas, et contrairement à ce que le plaide la société d'assurances MMA, jugé que la quittance donnée à hauteur de 40.349 euros était une erreur et ne devait pas être prise en compte, mais uniquement indiqué un manque d'explications à cet égard par la compagnie d'assurances en estimant cependant par des motifs partiellement dubitatifs, que la « hauteur conséquente de la dette finale
n'autorisait pas la mainlevée sollicitée » alors que la saisie alors opérée bloquait seulement un montant de 4.025 euros ; que selon l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, « en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d'adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé. Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant » ; que cette réduction ne peut donc, selon le texte être appliquée d'office ; que M. I... n'a pas sollicité à son bénéfice la minoration de l'intérêt de 5 points, ses conclusions tendent seulement à ce qu'il en bénéficie également à l'égard de la société MMA, ce qui est sensiblement différent ; qu'à cet égard, il sera souligné que la société MMA n'a appliqué dans la requête en saisie des rémunérations, cette majoration que sur les termes du jugement, après compensation, qu'à partir du 6 avril 2013 ; que cette demande de majoration des intérêts moratoires par M. I..., n'aura cependant aucun effet dès lors que sa créance a été fixée le 4 septembre 2007 par la décision du tribunal de grande instance de Carpentras mais aussitôt compensée selon cette même décision ; que le principal dû par la société MMA aura disparu et seul le différentiel de créance, au profit de la compagnie d'assurances continuera de produire des intérêts sur 105.604,77 euros comme le propose l'huissier de justice à savoir 227.984,60 euros + 13.147,04 euros - 135.604,77 euros ; que le décompte des sommes dues en reprenant la présentation faite par l'huissier dans la requête en saisie des rémunérations est donc de 126.204,77 euros à recouvrer au 15 mars 2016 ; que de ce montant doivent encore être déduits les acomptes qui ont pu être versés par le débiteur, M. I... ; qu'à cet égard, par une quittance en date du 14 octobre 2015, la SCP Mornay, huissier de justice à Orange, aurait délivré mainlevée pour avoir perçu une somme de 40.349 euros à la suite d'un certificat de non appel sur la décision du 2 décembre 2003 tandis que la saisie avait été mise en place le 27 mars 2001 ; qu'aucune pièce complémentaire n'est fournie par l'une ou l'autre des parties permettant de vérifier le décompte des sommes prélevées, celles obtenues par le créancier, de plus le document produit est incomplet ; qu'il est soutenu par la compagnie d'assurance qu'il s'agit d'une erreur, et M. I... ne communique pas davantage les éléments confirmant le versement effectif de cette somme ; qu'il convient donc de ne déduire, alors qu'il appartient à celui qui invoque le paiement d'en établir la preuve suffisante, que le montant admis par le créancier soit la somme de 10.386,17 euros figurant à la pièce n° 6 de convocation en audience reprenant les éléments de la requête en saisie des rémunérations ; que la dette reste donc de 126.204,77 euros - 10.386,17 euros au 15 mars 2016 soit 115.818,60 euros de sorte que la mise en place de la saisie des rémunérations doit être validée pour ce montant ; que les frais ne sont pas contestés en leur montant, tel qu'il ressort de la décision de première instance ; qu'ils seront donc retenus pour la somme de 1.822,58 euros ;

1°) ALORS QUE seul le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur, la créance n'étant liquide que lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation ; que dans ses conclusions d'appel, M. I... avait critiqué les motifs du jugement déféré en ce que le tribunal d'instance avait retenu que la créance alléguée par la société MMA à son encontre était liquide et exigible en se fondant sur les dispositions de condamnation de quatre décisions de justice tandis que dans la requête saisissant ces premiers juges, la société MMA n'avait invoqué, comme titre exécutoire fondant sa demande de saisie des rémunérations, que le seul jugement du tribunal de grande instance de Carpentras du 2 décembre 2003 ; qu'en retenant également que la créance de la société MMA serait liquide et exigible en se fondant sur des décisions judiciaires de condamnation autres que celle du tribunal de grande instance de Carpentras rendue le 2 décembre 2003, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 111-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution qu'elle a ainsi violés ;

2°) ALORS QUE seul le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur, la créance n'étant liquide que lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation ; que dans ses conclusions d'appel, M. I... avait fait valoir l'absence de caractère liquide et exigible de la créance alléguée par la société MMA à son encontre compte tenu de l'absence de déduction des sommes perçues par le fruit des saisies attributions effectuées par l'huissier de justice diligenté par la compagnie d'assurance ; que tout en constatant que l'huissier, dont les affirmations font foi jusqu'à inscription de faux, avait établi une quittance pour avoir perçu la somme de 40.349 euros, la cour d'appel qui a cependant écarté cet élément probatoire en ce qu'il ne serait pas corroboré par d'autres éléments de preuve, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et observations au regard des articles L. 111-2 et L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution qu'elle a ainsi violés ;

3°) ALORS QUE toute décision devant être motivée, les juges d'appel doivent expressément réfuter les motifs du jugement qu'ils infirment ; que le jugement avait déduit de la dette principale de la société MMA, la créance de M. I... au titre des intérêts sur sa créance à concurrence de la somme de 27.418,23 euros établie par un huissier de justice ; qu'en s'abstenant d'indiquer les motifs qui l'ont conduite à ne pas déduire cette somme de la créance de la société MMA sur M. I..., la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

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