9 December 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 18-86.767

Assemblée plénière

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2019:CR90650

Titres et sommaires

PREUVE - Libre administration - Etendue - Limites - Atteinte au principe de la loyauté des preuves - Cas - Règles de procédure - Contournement ou détournement - Atteinte à un droit essentiel ou à une garantie fondamentale

Toute méthode d'investigation qui contribuerait à provoquer la commission de l'infraction est proscrite, le stratagème ainsi employé étant alors de nature à entraîner la nullité des actes de procédure. En dehors de cette hypothèse, le recours, par les autorités publiques, à un stratagème tendant à la constatation d'une infraction ou l'identification de ses auteurs ne constitue pas, en soi, une atteinte au principe de loyauté de la preuve. Pour qu'une telle atteinte soit constituée, il est nécessaire que le procédé employé, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, ait pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie

Texte de la décision

COUR DE CASSATION FB


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE


Audience publique du 9 décembre 2019 Rejet


Mme ARENS, première présidente

Arrêt n° 650 P+B+R+I
Pourvoi n° J 18-86.767





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 9 DÉCEMBRE 2019


REJET sur le pourvoi formé par :

1°/ M. J... A..., 2°/ M. J... U..., 3°/ M. I... Y..., (aide juridictionnelle totale, décision du bureau d'aide juridictionnelle du 10 juillet 2019), contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 3e section, en date du 8 novembre 2018, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 11 juillet 2017, n° 17-80.313), dans l'information suivie contre eux des chefs de complicité de tentative de chantage, tentative de chantage et association de malfaiteurs, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure.

Par arrêt du 19 juin 2019, la chambre criminelle a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière.

Les demandeurs au pourvoi invoquent, devant l'assemblée plénière, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Ces moyens ont été formulés dans des mémoires déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi et Sureau, avocat de MM. J... A... et J... U..., d'une part, et par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. I... Y..., d'autre part.

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. K... G..., suivi d'un mémoire complémentaire.

Une constitution en défense a été déposée au greffe de la Cour de cassation par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la Fédération française de football, qui n'a pas été suivie de mémoire.

Le rapport écrit de Mme Fontaine, conseiller, et l'avis écrit de M. Desportes, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties .

Sur le rapport de Mme Fontaine, conseiller, assistée de Mmes Cottereau et Guillemain, auditeurs au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez et de la SCP Matuchansky Poupot et Valdelièvre, l'avis de M. Desportes, premier avocat général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SCP Spinosi et Sureau a répliqué, après débats en l'audience publique du 25 novembre 2019 où étaient présents Mme Arens, première présidente, Mme Mouillard, MM. Chauvin, Pireyre, Soulard, Cathala, présidents, Mme Kamara, doyen de chambre faisant fonction de président, Mme Fontaine, conseiller rapporteur, MM. Prétot, Pers, Huglo, Maunand, Rémery, doyens de chambre, Mme Auroy, conseiller faisant fonction de doyen de chambre, M. Echappé, Mme Planchon, M. Acquaviva, Mmes Leprieur, Renault-Malignac, conseillers, M. Desportes, premier avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,

la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée de la première présidente, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, et après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

I.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. G..., s'estimant victime d'une tentative de chantage après avoir été approché le 3 juin 2015 par une personne prétendant détenir un enregistrement audiovisuel à caractère sexuel dans lequel il apparaissait, a déposé plainte le 8 juin 2015. Un officier de police judiciaire, autorisé par le procureur de la République à se faire passer dans les négociations pour l'homme de confiance du plaignant, a, en usant d'un pseudonyme, eu du 20 juin au 12 octobre 2015 plusieurs échanges téléphoniques avec une personne se présentant comme l'intermédiaire des malfaiteurs.

3. Une information a été ouverte le 31 juillet 2015 et l'enquête a permis d'établir l'existence de cet enregistrement.

4. Les principaux protagonistes de l'affaire ont été interpellés le 13 octobre 2015. Ont notamment été mis en examen, le 14 octobre 2015, M. Y... du chef de chantage et association de malfaiteurs, le 16 octobre 2015, M. Q... du chef de tentative de chantage en récidive et association de malfaiteurs, le 5 novembre 2015, M. A... du chef d'association de malfaiteurs et complicité de tentative de chantage et, le même jour, M. U..., pour association de malfaiteurs et complicité de tentative de chantage en état de récidive légale.

5. Par arrêt du 16 décembre 2016, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a rejeté les requêtes déposées par MM. Q..., U... et A... sur le fondement de l'article 173 du code de procédure pénale et la demande de nullité formée par mémoire par M. Y..., tendant à l'annulation de la procédure en raison notamment de la provocation à l'infraction dont ils auraient fait l'objet de la part d'un fonctionnaire de police. La Cour de cassation (Crim., 11 juillet 2017, pourvoi n° 17-80.313), statuant sur les pourvois formés par les seuls MM. A... et U..., a cassé et annulé cet arrêt.

6. Par arrêt du 8 novembre 2018, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, saisie sur renvoi, a dit la saisine recevable et, au fond, a dit n'y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure. MM. A..., U... et Y... ont formé des pourvois en cassation, qui ont été joints par une ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 janvier 2019 prescrivant leur examen immédiat. Par arrêt du 19 juin 2019, la chambre criminelle a renvoyé l'affaire en Assemblée plénière.

II.

Examen des moyens

Sur les moyens proposés par M. Y... dans ses mémoires personnels et le moyen, pris en ses trois premières branches, proposé pour M. Y...

Enoncé des moyens

7. Les deux premiers moyens du premier mémoire personnel de M. Y... et le premier moyen de son second mémoire personnel sont pris de la violation des règles de l'opération d'infiltration, prévues par les articles 706-81 à 706-87 du code de procédure pénale, et des règles de l'enquête sous pseudonyme, prévues par les articles 706-81 à 706-87 et 706-87-1 du code de procédure pénale.

8. Ils critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il n'a pas statué sur le moyen de nullité tiré du non respect des règles relatives à l'opération d'infiltration, alors :

1°/ que le procédé d'enquête utilisé par l'enquêteur, par lequel il s'est substitué à la victime en usant d'un pseudonyme et se faisant passer pour un intermédiaire mandaté par ladite victime, ne peut être appréhendé que comme une opération d'infiltration ;

2°/ qu'aucune pièce de la procédure ne permet d'appréhender l'autorisation écrite délivrée par le parquet à l'enquêteur ;

3°/ que dans son arrêt du 11 juillet 2017 (pourvoi n° 17-80.313), la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé qu'en application de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article préliminaire du code de procédure pénale, « porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique ».

9. Le troisième moyen du premier mémoire personnel de M. Y... et le second moyen de son second mémoire personnel, qui sont identiques, sont pris de la violation du principe de loyauté des preuves, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale.

10. Ils critiquent l'arrêt en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'existence d'une provocation à la commission de l'infraction, alors que, toute provocation à la commission d'une infraction étant prohibée et l'intervention de l'agent ne pouvant avoir pour effet que de révéler des infractions déjà commises ou en train de se commettre et d'en arrêter la continuation, la chambre de l'instruction ne pouvait écarter l'existence d'une provocation à la commission de l'infraction sans mieux rechercher le rôle actif joué par ce représentant de l'autorité publique.

11. En ses trois premières branches, le moyen du mémoire déposé pour M. Y... est pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 450-1, 450-3, 312-10, 312-13 du code pénal, des articles préliminaire, 591 à 593 du code de procédure pénale, de la violation du principe de la loyauté procédurale et des droits de la défense, de défaut de motifs et de réponse à conclusions.

12. Il critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité tiré de l'existence d'une provocation à la commission de l'infraction en raison de l'intervention active et déloyale du policier alias « C... », alors :

« 1°/ que porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique ; qu'en l'espèce, il ressort tant des pièces de la procédure que des énonciations de l'arrêt que d'une part, le procureur de la République avait donné instruction à un officier de police judiciaire de se substituer à K... G... dans les négociations avec les auteurs de l'infraction supposée, que cet enquêteur avait entretenu plusieurs conversations téléphoniques, tant à son initiative qu'à celle de ces interlocuteurs, notamment avec l'un d'entre eux des mois de juin à octobre 2015, qu'enfin cet officier de police judiciaire ne s'était identifié au cours de ces communications qu'en qualité de représentant de K... G... et sous le pseudonyme de « C... », d'autre part, ces conversations, dont certaines ont fait l'objet d'interceptions, ont conduit à l'interpellation des mis en cause ; qu'une telle participation directe et active de l'autorité publique à l'obtention des preuves vicie la procédure ; que dès lors, en refusant de constater l'atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a ainsi violé les textes et principes susvisés ;

2°/ que la chambre de l'instruction, pour écarter l'atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves, s'est bornée à relever que l'action du commissaire de police s'inscrivait dans le cours de la réalisation de l'infraction instantanée et complexe de tentative de chantage de telle sorte qu'elle ne constituait ni un stratagème ou une machination ayant été de nature à déterminer les agissements délictueux, portant atteinte à la loyauté de la preuve, ni une provocation ayant été de nature à inciter les mis en examen à commettre une infraction qu'autrement ils n'auraient pas commise ; qu'en se prononçant par un tel motif inopérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ;

3°/ que M. Y... faisait valoir à l'appui de la demande de nullité de la procédure que l'infraction de chantage ne rentre pas dans le champ des infractions pour lesquelles le recours au pseudonyme ou à l'infiltration est possible ; qu'en refusant de prononcer la nullité du procédé utilisé par l'autorité publique, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ».

Réponse de la Cour

13. Les moyens sont réunis.

14. Il résulte des dispositions combinées des articles 567 et 609-1 du code de procédure pénale qu'après cassation, l'affaire est dévolue à la chambre de l'instruction de renvoi dans les limites de l'acte de pourvoi et dans celles fixées par l'arrêt rendu sur le pourvoi. En conséquence, seules sont recevables à proposer des moyens de nullité devant la chambre de l'instruction de renvoi les parties sur le pourvoi desquelles la cassation a été prononcée (Crim, 19 mars 2019, pourvoi n° 01-88.240).

15. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu'est irrecevable, faute d'intérêt, le moyen qui reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté une exception qu'elle aurait dû en réalité déclarer irrecevable.

16. En l'espèce, M. Y..., qui ne s'était pas pourvu contre l'arrêt du 16 décembre 2016 annulé par la Cour de cassation, était sans qualité pour proposer devant la juridiction de renvoi un moyen pris de la nullité de la procédure. En conséquence, il ne peut être admis à critiquer les motifs par lesquels la chambre de l'instruction de Paris a dit n'y avoir lieu à annulation de pièces de la procédure.

17. Les moyens sont donc irrecevables.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche, présenté pour M. Y...

Enoncé du moyen

18. Le moyen est pris de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles préliminaire, 450-1, 450-3, 312-10, 312-13 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, du principe de la loyauté procédurale et des droits de la défense.

19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il rejette le moyen de nullité tiré de l'existence d'une provocation à la commission de l'infraction en raison de l'intervention active et déloyale du policier alias « C... », alors que « les juges en charge d'examiner les moyens de nullité de la procédure ne peuvent pas se prononcer sur la culpabilité des personnes uniquement mises en examen et non définitivement jugées ; dès lors, en faisant référence à la culpabilité de M. Y..., par l'utilisation d'expressions telles que « le malfaiteur » ou « le maître-chanteur », la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une violation de la présomption d'innocence ainsi que des textes et principes susvisés ».

Réponse de la Cour

20. Ce moyen est recevable comme étant né de la décision attaquée.

21. Il est mentionné en page 4 de l'arrêt que : « dès le 20 juin, C... prenait contact avec le malfaiteur » et « le malfaiteur adressait ensuite, le 11 août », puis « le 25 septembre, le maître-chanteur adressait deux SMS ».

22. Ces mentions figurent dans le descriptif détaillé des faits et il ressort de la procédure, exposée dans l'arrêt, que cette personne allait être ultérieurement identifiée comme étant M. Y....

23. Cependant, il n'en résulte pas que la chambre de l'instruction a tenu pour établie la culpabilité de M. Y... de sorte qu'elle n'a pas méconnu la présomption d'innocence.

24. Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, présenté pour MM. A... et U...

Enoncé du moyen

25. Le moyen est pris de la violation du principe de loyauté des preuves, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale.

26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il rejette le moyen de nullité tiré de la violation du principe de la loyauté des preuves, alors que, « en vertu du principe de loyauté de la preuve, toute provocation à la commission d'une infraction est prohibée, l'intervention de l'agent ne pouvant avoir pour effet que de révéler des infractions déjà commises ou en train de se commettre et d'en arrêter la continuation ; que c'est par des motifs erronés que la chambre de l'instruction a considéré, pour retenir que l'intervention de l'officier de police judiciaire ne constituait pas une provocation à la commission d'une infraction, que le délit de tentative de chantage est une infraction complexe dont les différents actes matériels, qui la constituent, seraient en l'espèce intervenus entre le 3 juin 2015 et l'interpellation de l'exposant, au mois d'octobre, lorsque chacun de ces actes matériels s'analyse comme un commencement d'exécution et donc autant de tentatives de chantage, autonomes et distinctes les unes des autres ».

Réponse de la Cour

27. Constitue une violation du principe de loyauté de la preuve toute provocation à la commission de l'infraction de la part des agents de l'autorité publique.

28. Pour dire n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de procédure, l'arrêt retient que l'obtention frauduleuse de l'enregistrement vidéo, les tractations entre les personnes mises en cause pour trouver le meilleur moyen d'exercer un chantage sur M. G..., les appels téléphoniques et les messages adressés à cet effet à ce dernier, les instructions qui lui ont été données pour qu'il trouve un intermédiaire, les rendez-vous fixés à Alger puis à Paris ou encore la rencontre organisée avec M. A... à Clairefontaine constituent des agissements étroitement liés les uns aux autres et accomplis dans le dessein unique d'obtenir la remise de fonds par M. G....

29. L'arrêt ajoute que les laps de temps plus ou moins longs qui se sont écoulés entre ces différents épisodes ne sauraient être assimilés à des désistements de la part des mis en cause, dès lors qu'il ressort clairement de la procédure que ces derniers avaient un plan très abouti pour parvenir à la remise des fonds. Il en déduit que le policier qui a tenu un rôle d'intermédiaire s'est inséré dans un processus infractionnel indivisible caractérisant une entreprise de chantage et n'a en aucune manière provoqué à la commission de l'infraction.

30. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a méconnu ni le principe ni les textes invoqués.

31. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Sur le moyen, pris en sa première branche, présenté pour MM. A... et U...

Enoncé du moyen

32. Le moyen est pris de la violation du principe de loyauté des preuves, de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale.

33. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il rejette le moyen de nullité tiré de la violation du principe de la loyauté des preuves, alors que « porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique ; qu'en écartant le moyen de nullité, quand il ressort pourtant des pièces de la procédure et de l'arrêt attaqué que, sur instruction du procureur de la République, M. X..., commissaire de police, s'est substitué à M. G... dans les négociations avec les auteurs des infractions supposées, et qu'en se faisant passer pour « C... », représentant de la partie civile, il a entretenu des conversations avec ces derniers, entre le 20 juin 2015 et le mois d'octobre de la même année, à plusieurs reprises à son initiative, lesquelles ont conduit à l'interpellation des mis en cause, la chambre de l'instruction a violé le principe susvisé ».

Réponse de la Cour

34. Le stratagème employé par un agent de l'autorité publique pour la constatation d'une infraction ou l'identification de ses auteurs ne constitue pas en soi une atteinte au principe de loyauté de la preuve.

35. Seul est proscrit le stratagème qui, par un contournement ou un détournement d'une règle de procédure, a pour objet ou pour effet de vicier la recherche de la preuve en portant atteinte à l'un des droits essentiels ou à l'une des garanties fondamentales de la personne suspectée ou poursuivie.

36. En l'espèce, le moyen, qui se borne à invoquer le fait que le procédé prétendument déloyal a conduit à l'interpellation de MM. A... et U..., sans démontrer ni même alléguer une atteinte à l'un de leurs droits, n'est pas fondé.

37. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le neuf décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour MM. A... et U...

Violation du principe de loyauté des preuves, des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

En ce que la Chambre de l'instruction a rejeté le moyen de nullité tiré de la violation du principe de la loyauté des preuves ;

Aux motifs que : « Considérant que la procédure porte notamment sur l'infraction de tentative de chantage ou de complicité de tentative de chantage ; que le chantage, infraction instantanée n'est consommée que lorsque la contrepartie a été obtenue ; que le commencement d'exécution de la tentative de chantage recouvre donc les faits qui précèdent et tendent à la remise ; que cette infraction nécessite plusieurs actes matériels de nature différente se succédant sur une période de temps relativement étalée, chacun de ces actes étant en relation l'un avec l'autre, ressortant d'un dessein d'ensemble de sorte qu'ils ne peuvent être appréciés isolément ; que ces actes successifs forment une indivisibilité dès lors qu'ils sont dans un rapport de dépendance étroit, et sont la suite nécessaire l'un de l'autre ; qu'ainsi la tentative de chantage, infraction instantanée apparaît-elle de manière plus précise comme étant une infraction instantanée et complexe composée de plusieurs actes matériels différents et indivisibles ;

Considérant que K... G... a déposé plainte le 8 juin 2015, alors que l'infraction était déjà en train de se structurer ; qu'en effet l'acquisition frauduleuse de la vidéo par F..., les tractations répétées entre les mis en cause pour trouver le meilleur moyen de faire chanter G..., les appels téléphoniques et par messageries à ce dernier pour parvenir à leurs fins, l'ordre à lui donné de se trouver un intermédiaire pour négocier et se rendre à ALGER dans un premier temps puis à Paris le 13/10 dans un second temps, le rendez-vous du 6/10 à Clairefontaine où A... fait pression sur M. G... sont autant de faits de nature différente, se succédant sur plusieurs mois qui ne sont commis qu'en relation les uns avec les autres, dans le dessein unique d'obtenir la remise des fonds par G... ; que cet ensemble de faits constitue un tout indivisible qui constitue l'infraction de tentative de chantage ou de complicité de tentative de chantage.

Considérant que le commissaire de police V... X... qui a servi d'intermédiaire à G... s'est inséré dans ce processus infractionnel indivisible et n'a en aucune manière provoqué les malfaiteurs à la commission de l'infraction ; que son intervention, si elle a permis la constatation de l'infraction dénoncée par K... G... n'en a pas déterminé sa commission ; que les laps de temps plus ou moins longs entre chaque élément de l'infraction ne sauraient s'assimiler à des désistements de la part des mis en cause dès lors qu'il ressort clairement de la procédure et notamment des écoutes et transcription de SMS que les malfaiteurs avaient, tout au long de la procédure, un plan très abouti pour parvenir à la remise de fond par M. G... ;

Considérant dès lors que l'action du commissaire de police ainsi décrite s'inscrivant dans le cours de la réalisation de l'infraction instantanée et complexe de tentative de chantage, ne constitue ni un stratagème ou une machination ayant été de nature à déterminer les agissements délictueux, portant atteinte à la loyauté de la preuve, ni une provocation ayant été de nature à inciter les mis en examen à commettre une infraction qu'autrement ils n'auraient pas commis ; que le moyen tiré de la déloyauté de la preuve devra être rejeté » ;

Alors que, d'une part, porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique ; qu'en écartant le moyen de nullité, quand il ressort pourtant des pièces de la procédure et de l'arrêt attaqué que, sur instruction du procureur de la République, M. X..., commissaire de police, s'est substitué à M. G... dans les négociations avec les auteurs des infractions supposées, et qu'en se faisant passer pour « C... », représentant de la partie civile, il a entretenu des conversations avec ces derniers, entre le 20 juin 2015 et le mois d'octobre de la même année, à plusieurs reprises à son initiative, lesquelles ont conduit à l'interpellation des mis en cause, la chambre de l'instruction a violé le principe susvisé ;

Alors que, d'autre part, en vertu du principe de loyauté de la preuve, toute provocation à la commission d'une infraction est prohibée, l'intervention de l'agent ne pouvant avoir pour effet que de révéler des infractions déjà commises ou en train de se commettre et d'en arrêter la continuation ; que c'est par des motifs erronés que la Chambre de l'instruction a considéré, pour retenir que l'intervention de l'officier de police judiciaire ne constituait pas une provocation à la commission d'une infraction, que le délit de tentative de chantage est une infraction complexe dont les différents actes matériels, qui la constituent, seraient en l'espèce intervenus entre le 3 juin 2015 et l'interpellation de l'exposant, au mois d'octobre, lorsque chacun de ces actes matériels s'analyse comme un commencement d'exécution et donc autant de tentatives de chantage, autonomes et distinctes les unes des autres. Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. Y...

Pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, l'article préliminaire, les articles 450-1, 450-3, 312-10, 312-13 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale, ensemble violation du principe de la loyauté procédurale et des droits de la défense,

En ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité tiré de l'existence d'une provocation à la commission de l'infraction en raison de l'intervention active et déloyale du policier V... X... alias « C... » ;

AUX MOTIFS QUE la procédure porte notamment sur l'infraction de tentative de chantage ou complicité de tentative de chantage ; le chantage, infraction instantanée n'est consommée que lorsque la contrepartie a été obtenue ; le commencement d'exécution de la tentative de chantage recouvre donc les faits qui précèdent et tendent à la remise ; cette infraction nécessite plusieurs actes matériels de nature différente se succédant sur une période de temps relativement étalée, chacun de ces actes étant en relation l'un avec l'autre, ressortant d'un dessein d'ensemble de sorte qu'ils ne peuvent être appréciés isolément ; ces actes successifs forment une indivisibilité dès lors qu'ils sont dans un rapport de dépendance étroit, et sont la suite nécessaire l'un de l'autre ; ainsi la tentative de chantage, infraction instantanée apparaît-elle de manière plus précise comme étant une infraction instantanée et complexe composée de plusieurs actes matériels différents et indivisibles ; K... G... a déposé plainte le 8 juin 2015, alors que l'infraction était déjà en train de se structurer ; en effet l'acquisition frauduleuse de la vidéo par F..., les tractations répétées entre les mis en cause pour trouver le meilleur moyen de faire chanter G..., les appels téléphoniques et par messageries à ce dernier pour parvenir à leurs fins, l'ordre à lui donné de se trouver un intermédiaire pour négocier et se rendre à Alger dans un premier temps puis à Paris le 13/10 dans un second temps, le rendez-vous du 6/10 à Clairefontaine où A... fait pression sur M. G... sont autant de faits de nature différente, se succédant sur plusieurs mois qui ne sont commis qu'en relation les uns avec les autres, dans le dessein unique d'obtenir la remise des fonds par G... ; cet ensemble de faits constitue un tout indivisible qui constitue l'infraction de tentative de chantage ou de complicité de tentative de chantage ; le commissaire de police V... X... qui a servi d'intermédiaire à G... s'est inséré dans ce processus infractionnel indivisible et n'a en aucune manière provoqué les malfaiteurs à la commission de l'infraction ; que son intervention, si elle a permis la constatation de l'infraction dénoncée par K... G... n'en a pas déterminé sa commission ; que les laps de temps plus ou moins longs entre chaque élément de l'infraction ne sauraient s'assimiler à des désistements de la part des mis en cause dès lors qu'il ressort clairement de la procédure et notamment des écoutes et transcription de SMS que les malfaiteurs avaient, tout au long de la procédure, un plan très abouti pour parvenir à la remise de fond par M. G... ; dès lors que l'action du commissaire de police ainsi décrite s'inscrivant dans le cours de la réalisation de l'infraction instantanée et complexe de tentative chantage, ne constitue ni un stratagème ou une machination ayant été de nature à déterminer les agissements délictueux, portant atteinte à la loyauté de la preuve, ni une provocation ayant été de nature à inciter les mis en examen à commettre une infraction qu'autrement ils n'auraient pas commise ; le moyen tiré de la déloyauté de la preuve devra être rejeté ;

1°) ALORS QUE porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de la force publique ; qu'en l'espèce, il ressort tant des pièces de la procédure que des énonciations de l'arrêt que d'une part, le procureur de la République avait donné instruction à un officier de police judiciaire de se substituer à K... G... dans les négociations avec les auteurs de l'infraction supposée, que cet enquêteur avait entretenu plusieurs conversations téléphoniques, tant à son initiative qu'à celle de ces interlocuteurs, notamment avec l'un d'entre eux des mois de juin à octobre 2015, qu'enfin cet officier de police judiciaire ne s'était identifié au cours de ces communications qu'en qualité de représentant de K... G... et sous le pseudonyme de « C... », d'autre part, ces conversations, dont certaines ont fait l'objet d'interceptions, ont conduit à l'interpellation des mis en cause ; qu'une telle participation directe et active de l'autorité publique à l'obtention des preuves vicie la procédure ; que dès lors, en refusant de constater l'atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves, la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatation et a ainsi violé les textes et principes susvisés ;

2°) ALORS QUE la chambre de l'instruction, pour écarter l'atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves, s'est bornée à relever que l'action du commissaire de police s'inscrivait dans le cours de la réalisation de l'infraction instantanée et complexe de tentative chantage de telle sorte qu'elle ne constituait ni un stratagème ou une machination ayant été de nature à déterminer les agissements délictueux, portant atteinte à la loyauté de la preuve, ni une provocation ayant été de nature à inciter les mis en examen à commettre une infraction qu'autrement ils n'auraient pas commise ; qu'en se prononçant par de un tel motif inopérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ;

3°) ALORS QUE M. Y... faisait valoir à l'appui de la demande de nullité de la procédure que l'infraction de chantage ne rentre pas dans le champ des infractions pour lesquelles le recours au pseudonyme ou à l'infiltration est possible ; qu'en refusant de prononcer la nullité du procédé utilisé par l'autorité publique, sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés ;

4°) ALORS QUE les juges en charge d'examiner les moyens de nullité de la procédure ne peuvent pas se prononcer sur la culpabilité des personnes uniquement mises en examen et non définitivement jugées ; que dès lors, en faisant référence à la culpabilité de I... Y..., par l'utilisation d'expressions telles que « le malfaiteur » ou « le maître chanteur », la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'une violation de la présomption d'innocence ainsi que des textes et principes susvisés.

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