19 December 2019
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-15.296

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2019:CO00977

Texte de la décision

COMM.

COUR DE CASSATION



LM


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 19 décembre 2019




NON-LIEU À RENVOI


M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 977 F-D

Pourvoi n° U 19-15.296









R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 19 DÉCEMBRE 2019

Par mémoire spécial présenté le 16 octobre 2019, M. D... O..., domicilié [...] ), a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° U 19-15.296 qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans une instance l'opposant à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié pôle fiscal parisien 1, pôle juridictionnel judiciaire, [...] .

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daubigney, conseiller, les observations de Me Rémy-Corlay, avocat de M. O..., de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2019 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Daubigney, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

1. M. O... demande de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions ainsi rédigées :

Première question :

« Les articles L. 23 C et L. 71 du livre des procédures fiscales et l'article 755 du code général des impôts, issus de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 (article 8), sont-ils contraires à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont il s'évince que "nul n'est tenu de s'accuser" en ce qu'ils obligent l'administré à fournir, sous peine d'une taxation d'office à 60 %, dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie ? »

Deuxième question :

« Les articles L. 23 C et L. 71 du livre des procédures fiscales et l'article 755 du code général des impôts, issus de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 (article 8), sont-ils contraires à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont il s'évince que la loi pénale ne peut s'appliquer rétroactivement, en ce qu'ils obligent l'administré à fournir, sous peine d'une taxation d'office à 60 %, dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie alors même que les personnes qui auraient omis de déclarer leur compte avant l'entrée en vigueur de la loi de 2012, ne pouvaient antérieurement faire l'objet d'une telle sanction ? »

Troisième question :

« Les articles L. 23 C et L. 71 du livre des procédures fiscales et l'article 755 du code général des impôts, issus de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 (article 8), sont-ils contraires à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont il s'évince le principe de nécessité des délits et des peines, en ce qu'ils obligent l'administré à fournir, sous peine d'une taxation d'office à 60 %, dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie avant l'entrée en vigueur de la loi de 2012, sans que le juge puisse d'une quelconque façon modifier la sanction prévue de façon automatique et adapter la peine à la personne poursuivie ? »

Quatrième question :

« Les articles L. 23 C et L. 71 du livre des procédures fiscales et l'article 755 du code général des impôts, issus de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 (article 8), sont-ils contraires à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dont il s'évince le principe d'égalité devant les charges publiques, en ce qu'ils obligent l'administré à fournir, sous peine d'une taxation d'office à 60 %, dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie avant l'entrée en vigueur de la loi de 2012, instaurant ainsi une présomption quasi irréfragable, lorsque ces sommes se trouvent sur ces comptes depuis plusieurs années si bien qu'il est impossible d'en déterminer l'origine, que les avoirs bancaires étrangers non déclarés seraient un patrimoine acquis à titre gratuit par donation de tiers ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

2. L'article L. 23 C du livre des procédures fiscales énonce : « Lorsque l'obligation prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou à l'article 1649 AA du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie.
Lorsque la personne a répondu de façon insuffisante aux demandes d'informations ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. »

3. L'article L. 71 du livre des procédures fiscales énonce : « En l'absence de réponse ou à défaut de réponse suffisante aux demandes d'informations ou de justifications prévues à l'article L. 23 C dans les délais prévus au même article, la personne est taxée d'office dans les conditions prévues à l'article 755 du code général des impôts.
La décision de mettre en œuvre cette taxation d'office est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat, qui vise à cet effet la notification prévue à l'article L. 76. »

4. L'article 755 du code général des impôts énonce : « Les avoirs figurant sur un compte ou un contrat d'assurance-vie étranger et dont l'origine et les modalités d'acquisition n'ont pas été justifiées dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales sont réputés constituer, jusqu'à preuve contraire, un patrimoine acquis à titre gratuit assujetti, à la date d'expiration des délais prévus au même article L. 23 C, aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé mentionné au tableau III de l'article 777.
Ces droits sont calculés sur la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées. »

5. Les dispositions concernées sont applicables au présent litige, lequel porte sur la contestation par M. O... des droits de mutation à titre gratuit mis à sa charge par l'administration fiscale à la suite de la mise en évidence d'avoirs détenus par ce dernier sur des comptes bancaires ouverts à l'étranger.

6. Les dispositions contestées n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

7. Les questions posées ne portent pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application. Elle ne sont, par conséquent, pas nouvelles.

8. Les trois premières questions posées ne présentent pas un caractère sérieux en ce que les dispositions critiquées, qui prévoient que, dans l'hypothèse où un contribuable n'a pas répondu aux demandes d'information de l'administration fiscale quant à l'origine d'avoirs figurant sur un compte étranger, ces avoirs sont réputés constituer un patrimoine acquis à titre gratuit et, comme tels, taxés au taux de droit commun le plus élevé du barème des droits de mutation à titre gratuit fixé par l'article 777 du code général des impôts et non par application d'un taux particulier visant à sanctionner une fraude, ne visent qu'à établir l'assiette d'une imposition et ne peuvent être qualifiées de sanction ayant un caractère punitif.

9. La quatrième question ne présente pas, non plus, un caractère sérieux en ce que les dispositions contestées, qui visent à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, objectif à valeur constitutionnelle, n'établissent aucune discrimination entre les détenteurs d'avoirs fiscaux à l'étranger, qui sont placés dans une situation identique.

De plus, ces dispositions n'interdisent pas au contribuable, au cours de la procédure fiscale, de justifier de l'origine des avoirs détenus sur ses comptes bancaires étrangers et, ainsi, de combattre la présomption simple de l'origine des fonds retenue par l'administration fiscale.

10. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf.

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