9 November 2020
Cour d'appel de Paris
RG n° 18/16772

Pôle 2 - Chambre 3

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3



ARRÊT DU 09 NOVEMBRE 2020



(n° 2020/ 123, 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/16772 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B57KK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juin 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/05898





APPELANTE



Compagnie d'assurances GMF

[Adresse 3]

[Localité 6]



représentée et assistée de Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120







INTIMÉS



Monsieur [B] [E]

[Adresse 5]

[Localité 1]



représenté par Me Laurent PETRESCHI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0283



LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'AISNE

[Adresse 4]

[Localité 2]



défaillante





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre, et de Mme Nina TOUATI, Présidente assesseur, chargée du rapport.



Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, Présidente assesseur

Mme Sophie BARDIAU, Conseillère





Greffier, lors des débats : Madame Laure POUPET



ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre et par Joëlle COULMANCE, greffière présente lors du prononcé.






******

FAITS ET PROCÉDURE



Le 16 avril 2015, alors qu'il effectuait des travaux sur le toit de son garage, M. [B] [E] a trébuché et est tombé au travers de la lucarne du garage de son voisin, M. [V], heurtant dans sa chute le véhicule de ce dernier qui y était stationné.



Après la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise amiable, M. [E] a assigné la société GMF, assureur du véhicule de M. [V], en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.



Par jugement du 8 juin 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :



- dit que M. [E] a été victime, le 16 avril 2015, d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule appartenant à M. [V] et assuré par la GMF,

- dit que le droit à indemnisation de M. [E] des suites de cet accident de la circulation est entier,

- avant dire droit sur la liquidation du préjudice corporel de M. [E], ordonné une mesure d'expertise médicale confiée à M. [D] avec mission habituelle,

- condamné la société GMF à verser à M. [E] une indemnité provisionnelle de 12'000'euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel,

- déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne,

- condamné la société GMF aux dépens et à payer à M. [E] la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,

- dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du même code,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.



La société GMF a relevé appel de ce jugement, critiquant ses dispositions relatives à l'application de la loi du 5 juillet 1985 et au droit à indemnisation intégral de M. [E].




Dans ses dernières conclusions notifiées le 20 février 2020, la société GMF demande'à

la cour de :



- infirmer le jugement rendu le 8 juin 2018 en ce qu'il a jugé que la loi du 5 juillet 1985 était applicable à l'accident du 16 avril 2015,

- statuant à nouveau, juger que la loi du 5 juillet 1985 est inapplicable à l'accident en date du 16 avril 2015,

- en conséquence, débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, juger que M. [E] a commis une faute inexcusable, ayant contribué de manière exclusive à la réalisation de son dommage,

- dire que la faute commise par M.[E] est de nature à exclure son droit à indemnisation,

- débouter M.[E] de sa demande de provision,

- en tout état de cause, condamner M. [E] à payer à la société GMF la somme de 4'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [E] aux entiers dépens.



La société GMF fait valoir que la loi du 5 juillet 1985 n'est pas applicable lorsque l'accident est survenu, comme en l'espèce, sur une voie non ouverte à la circulation.



Elle soutient que M. [E] n'a pas été victime d'un accident de la circulation mais d'une chute d'un toit et que l'origine de cet l'accident est sans rapport avec la fonction de déplacement du véhicule, lequel s'est seulement trouvé sur la trajectoire de la victime.



Elle considère, en effet, qu'un véhicule stationné dans un lieu fermé et privé n'a aucune fonction de déplacement et qu'il s'agit d'un simple 'outil'.



Elle fait observer que l'accident se serait produit même en l'absence du véhicule, ce dont elle déduit qu'il n'a joué aucun rôle actif dans la production du dommage et qu'il n'est pas impliqué dans l'accident au sens de l'article 1er de loi du 5 juillet 1985.



A titre subsidiaire, la société GMF soutient que M. [E] aurait dû avant de monter sur le toit prendre certaines précautions, notamment s'assurer du bon état du moyen d'accès en hauteur, utiliser un filet anti-chute ou un harnais de protection, mettre en place des planchers temporaires permettant d'intervenir sur des matériaux fragiles.



Elle fait valoir qu'en montant sur le toit sans équipement de protection , alors qu'il avait connaissance de la présence d'une lucarne sur le toit voisin qui ne pouvait supporter le poids d'une personne, M. [E], qui avait conscience du danger auquel il s'exposait, a commis une faute inexcusable qui est la cause exclusive de l'accident et justifie l'exclusion de son droit à indemnisation.



Selon ses dernières conclusions notifiées le 5 février 2020, M. [E] demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de



- débouter la société GMF de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement rendu le 8 juin 2018 en ce qu'il a':

> dit que M.[E] a été victime, le 16 avril 2015, d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule appartenant à M. [V] et assuré par la GMF,

> dit que le droit à indemnisation de M.[E] des suites de cet accident de la circulation est entier,

> nommé le docteur [D] aux fins d'expertiser M.[E],

> alloué à M.[E] une provision d'un montant de 12'000'euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel,

> déclaré le jugement commun à la CPAM de l'Aisne,

> condamné la société GMF aux dépens et à payer à M.[E] la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- y ajoutant, condamner la société GMF à verser à M.[E] une provision complémentaire de 25'000'euros à valoir sur son indemnisation définitive,

- condamner la société GMF à verser à M.[E] la somme de 3 500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Laurent Petreschi, avocat aux offres de droit,

- déclarer l'arrêt commun à la CPAM de l'Aisne.



M. [E] fait valoir qu'est impliqué dans un accident de la circulation tout véhicule intervenu à quelque titre que ce soit dans sa survenance, que la société GMF ne conteste nullement le fait que M. [E] a percuté le véhicule de M. [V] , ce qui suffit à caractériser son implication .



M. [E] soutient, en outre, que la circonstance que le véhicule soit sur une voie publique ou sur une voie privée est sans incidence sur l'application de la loi du 5 juillet 1985.



Il expose enfin qu'il n'a, au vu des circonstances dans lesquelles l'accident est survenu, commis aucune faute



La caisse primaire d'assurance maladie de l'Aisne, destinataire de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée le 11 septembre 2018 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.






MOTIFS DE L'ARRÊT



1- Sur l'application de la loi du 5 juillet 1985



Aux termes de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 'Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques et semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramway circulant sur des voies qui leur sont propres.'



Dans le cas de l'espèce, les circonstances de l'accident de M. [E] ne sont pas discutées et il est constant, qu'étant monté sur son toit pour effectuer des travaux de réparation, il a trébuché et est tombé au travers de la lucarne du toit du garage de son voisin, percutant dans sa chute le véhicule qui y était stationné.



Contrairement à ce que soutient la société GMF, l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985 n'exige pas que l'accident se produise sur une voie ouverte à la circulation.



Ces dispositions ont ainsi vocation à s'appliquer, y compris lorsque le véhicule impliqué est en stationnement dans un garage privé, étant observé que le stationnement d'un véhicule terrestre à moteur constitue en tant que tel un fait de circulation .



Par ailleurs, est impliqué dans un accident de la circulation, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985,tout véhicule en mouvement ou en stationnement, qui a joué un rôle quelconque dans sa réalisation.



M. [E] ayant heurté dans sa chute le véhicule de M. [V], il est établi que celui-ci a joué un rôle dans la survenance de l'accident, ce qui suffit à caractériser son implication .



On relèvera, enfin que la chute de M. [E] met en cause le véhicule lui-même et non un élément d'équipement étranger à la fonction de déplacement.



Le jugement déféré sera, par conséquent confirmé, en ce qu'il a dit que M.[E] avait été victime, le 16 avril 2015, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule appartenant à M. [V], assuré par la société GMF.





2- Sur le droit à indemnisation de M. [E]



La société GMF conclut à titre subsidiaire que M. [E] a commis une faute inexcusable qui est la cause exclusive de l'accident et justifie l'exclusion de son droit à indemnisation.



Aux termes de l'article 3 de la loi 'Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident'.



Est inexcusable, au sens de ce texte, la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité, exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.



La simple imprudence commise par M. [E] qui est monté sur le toit de son garage pour y effectuer des réparations sans mettre en oeuvre de mesure particulière de protection, ne saurait caractériser une telle faute inexcusable



Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu'il a dit que le droit à indemnisation de M.[E] était entier.



3- Sur la demande provision



M. [E] qui produit le rapport d'expertise judiciaire déposé par M. [D], sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué une indemnité provisionnelle de 12 000 euros et sollicite le bénéfice d'une provision complémentaire de 25 000 euros.



La société GMF s'oppose à cette demande en faisant observer, notamment, qu'elle a déjà versé des provisions d'un montant total de 14 000 euros.



Au vu des éléments médicaux versés aux débats, notamment du rapport d'expertise judiciaire établi par M. [D] dont il résulte que M. [E] a présenté à la suite de l'accident du 16 avril 2015 une fracture de la cheville gauche, un traumatisme crânien sans perte de connaissance et une plaie faciale superficielle ayant entraîné des souffrances qualifiées de modérées, un préjudice esthétique léger et un déficit fonctionnel permanent de 10,5% , il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [E] une indemnité provisionnelle de 12 000 euros, étant observé que selon l'expert, un état antérieur et des affections postérieures viennent interférer avec la symptomatologie actuellement présentée par M. [E].





4- Sur les demandes accessoires



Le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.



La société GMF qui succombe, sera condamnée, en cause d'appel, à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée aux dépens d'appel, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et par mise à disposition au greffe,



Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant, condamne la société GMF à payer à M. [B] [E] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Déboute la société GMF de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne la société GMF aux dépens d'appel ;



Dit que Maître Laurent Petreschi, avocat de M. [E], pourra, en application de l'article 699 du code de procédure civile, recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision ;



LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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