9 July 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-17.626

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2020:C200588

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - imputabilité - preuve - présomption d'imputation - période couverte par la présomption - détermination - portée

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire. Viole les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1315, devenu 1353, du code civil la cour d'appel qui, pour déclarer inopposable à l'employeur la prise en charge des soins et arrêts de travail au titre d'un accident survenu le 18 février 2011, prescrits à compter du 24 avril 2011, retient que la caisse se contente de verser une attestation de paiement des indemnités journalières sur la période du 18 février au 30 octobre 2012, mais ne produit pas les certificats médicaux d'arrêt de travail postérieurs au certificat médical initial du 21 février 2011, qui a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 24 avril 2011 inclus et ajoute que la caisse ne met pas ainsi la cour d'appel en mesure de vérifier qu'il existe bien une continuité des soins et des symptômes depuis la fin de cet arrêt de travail jusqu'à la consolidation, ni d'apprécier le lien de causalité pouvant exister entre l'accident et les lésions ayant pu justifier les arrêts de travail postérieurs

Texte de la décision

CIV. 2

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juillet 2020




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 588 F-P+B+I

Pourvoi n° 19-17.626




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUILLET 2020

La caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° B 19-17.626 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2019 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Endel, dont le siège est [...] ,

2°/ au ministre chargé de la sécurité sociale, domicilié 14 avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vieillard, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Endel, et l'avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 mai 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Vieillard, conseiller rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 avril 2019), M. J..., salarié de la société Endel (l'employeur), a été victime, le 18 février 2011, d'un accident qui a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan (la caisse) au titre de la législation professionnelle et indemnisé jusqu'à la consolidation fixée au 30 octobre 2012.

2. Contestant la durée des arrêts de travail pris en charge, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen relevé d'office

3. Conformément aux articles 620, alinéa 2, et 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1315 devenu 1353 du code civil :

4. La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

5. Pour déclarer inopposable à l'employeur la prise en charge des soins et arrêts de travail au titre de l'accident survenu le 18 février 2011, prescrits à compter du 24 avril 2011, l'arrêt retient que la preuve de la continuité de symptômes et de soins est à la charge de la partie qui se prévaut de la présomption d'imputabilité, qu'en l'espèce, la caisse se contente de verser une attestation de paiement des indemnités journalières sur la période du 18 février au 30 octobre 2012, mais ne produit pas les certificats médicaux d'arrêt de travail postérieurs au certificat médical initial du 21 février 2011, qui a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 24 avril 2011 inclus.

6. Il ajoute que la caisse ne met pas ainsi la cour d'appel en mesure de vérifier qu'il existe bien une continuité des soins et des symptômes depuis la fin de cet arrêt de travail jusqu'à la consolidation, ni d'apprécier le lien de causalité pouvant exister entre l'accident et les lésions ayant pu justifier les arrêts de travail postérieurs.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la caisse avait versé des indemnités journalières jusqu'au 30 octobre 2012, date de la consolidation, ce dont il résultait que la présomption d'imputabilité à l'accident prévue par l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale continuait à s'appliquer jusqu'à cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Endel aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Endel et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan.

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR déclaré inopposable à la société Endel la prise en charge des soins et arrêts de travail au titre de l'accident survenu à Monsieur J... le 18 février 2011, prescrits à compter du 24 avril 2011

AUX MOTIFS QUE la présomption d'imputabilité des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant la guérison complète ou la consolidation de l'état de la victime ; que la preuve de la continuité de symptômes et de soins est à la charge de la partie qui se prévaut de la présomption d'imputabilité ; que dans le cas d'espèce, la Caisse se contente de verser une attestation de paiement des indemnités journalières sur la période du 18 février au 30 octobre 2012, mais ne produit pas les certificats médicaux d'arrêt de travail postérieurs au certificat médical initial du 21 février 2011, qui a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 24 avril 2011 inclus ; que la Caisse primaire d'assurance maladie ne met ainsi pas la Cour d'appel en mesure de vérifier qu'il existe bien une continuité des soins et des symptômes depuis la fin de cet arrêt de travail jusqu'à la consolidation, ni d'apprécier le lien de causalité pouvant exister entre l'accident et les lésions ayant pu justifier les arrêts de travail postérieurs ; que la Cour d'appel note que la durée, même apparamment longue des arrêts de travail, ne permettait pas à l'employeur de présumer que ceux-ci n'étaient pas la conséquence de l'accident du travail ; qu'il convient de faire droit à la demande d'inopposabilité des arrêts de travail postérieurs au 24 avril 2011, sans qu'il soit pertinent de recourir à une expertise médicale ;

1) ALORS QUE la question de savoir s'il existe ou non une continuité de symptômes et de soins et s'il existe un lien de causalité entre un accident du travail et les lésions ayant justifié des arrêts de travail postérieurs à la fin de l'arrêt de travail prescrit par le certificat médical initial, est une question d'ordre médical ; que la Cour d'appel était dès lors obligée d'ordonner l'expertise médicale obligatoire prescrite par l'article L 141-1 du code de la sécurité sociale ; que la Cour d'appel a donc violé l'article L 141-1 du code de la sécurité sociale ;

2) ALORS QUE la Caisse primaire d'assurance maladie n'avait pas à communiquer à l'employeur ou au juge les éléments du dossier de l'assuré couverts par le secret médical, ces éléments ne devant être éventuellement communiqués que dans le cadre de l'expertise médicale obligatoire prévue par l'article L 141-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sous prétexte que la Caisse ne produisait pas les certificats médicaux postérieurs au certificat initial, la Cour d'appel a violé les articles L 411-1 et R 411-1 du code de la sécurité sociale.

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