10 September 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-10.108

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:C201032

Texte de la décision

CIV. 2

COUR DE CASSATION



FB


______________________

QUESTION PRIORITAIRE
de
CONSTITUTIONNALITÉ
______________________





Audience publique du 10 septembre 2020




NON-LIEU A RENVOI


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1032 F-D

Pourvois n° A 20-10.108
et B 20-10.109 JONCTION





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 SEPTEMBRE 2020

Par mémoire spécial présenté le 11 juin 2020 :

1°/ la société [...], société par actions simplifiée,

2°/ la société [...], société par actions simplifiée,

ayant toutes deux leur siège [...] ,

ont formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion des pourvois n° A 20-10.108 et B 20-10.109 qu'elles ont formés contre deux arrêts n° RG : 17/06137 et RG : 17/06136 rendus le 6 novembre 2019 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans les instances les opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (l'URSSAF) de Bretagne, dont le siège est [...] ,

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des sociétés [...] et [...], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Bretagne, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les questions prioritaires de constitutionnalités n° A 20-10.108 et B 20-10.109 sont jointes.

Faits et procédure

2. A la suite d'un redressement, notifié le 29 septembre 2012, portant notamment sur la réintégration dans l'assiette des cotisations sociales du montant de la déduction forfaitaire spécifique, les sociétés [...] et [...] (les sociétés) se sont acquittées des sommes réclamées par l'URSSAF d'Ille-et-Vilaine, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF).

3. Se prévalant d'un arrêt de la Cour de cassation du 13 février 2014, rendu dans un autre litige afférent à l'application de la déduction forfaitaire spécifique, les sociétés ont sollicité auprès de l'URSSAF, le 29 décembre 2015, le remboursement des cotisations versées de 2009 à 2014. En l'absence de réponse de cette dernière, elles ont saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

4. A l'occasion du pourvoi qu'elles ont formé contre les arrêts rendus le 6 novembre 2019 par la cour d'appel de Rennes, ayant déclaré irrecevable leur demande en restitution des cotisations versées pour la période antérieure à l'année 2012, par des mémoires distincts et motivés, déposés le 11 juin 2020, les sociétés ont demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« 1°/ Le premier alinéa de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale qui énonce que "la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale indûment versées se prescrit par trois ans à compter de la date à laquelle lesdites cotisations ont été acquittées" est-il contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, à la garantie des droits, au droit à un recours juridictionnel effectif, aux droits de la défense, en ce que le cotisant qui conteste la doctrine des organismes sociaux, est
contraint – tant que dure cette contestation et compte tenu de la brièveté de la prescription – de multiplier ses recours devant la juridiction de sécurité sociale et s'expose par ailleurs à une succession de contrôles et de redressements de la part des organismes sociaux ?

2°/ Le premier alinéa de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale qui est interprété comme signifiant que la diffusion d'une doctrine administrative erronée ne constitue pas un empêchement à l'engagement de l'action en répétition du paiement des sommes en cause et ne proroge pas le délai pour agir est-il contraire aux articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au principe d'égalité devant la justice et à l'équilibre des droits des parties, en ce que le respect de sa propre doctrine administrative constitue une impossibilité d'agir et proroge la prescription au profit de l'administration ou d'un organisme chargé d'une mission de service public ?

3°/ L'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, interprété comme signifiant que la doctrine des organismes sociaux n'a que la valeur d'une "interprétation" de la législation sociale qui diverge de "l'interprétation" résultant des décisions de la Cour de cassation, est-il contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et à la garantie des droit, ensemble les articles 2 et 17 de la même Déclaration et au droit de propriété, en ce que, lors d'un changement de doctrine, l'organisme de recouvrement peut effectuer un redressement, dans la limite de la prescription applicable, alors que, pour les exercice antérieurs concernés, le cotisant s'était conformé à la doctrine alors en vigueur ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

5. L'article L. 243-6, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, non modifiée par la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014, est seul applicable au litige. Cette disposition n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, les questions ne sont pas nouvelles.

7. D'autre part, en ce que la disposition législative critiquée ne fait pas obstacle à ce que le redevable de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales puisse contester devant la juridiction de la sécurité sociale l'interprétation d'un texte relatif à l'assiette des cotisations qui lui sont réclamées, sans attendre que la difficulté d'interprétation soit tranchée, il ne saurait être sérieusement soutenu que la prescription triennale de l'action en remboursement des cotisations indûment versées, instituée par l'article L. 243-6, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, méconnaît le droit à un recours effectif qui résulte de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ni qu'elle porte atteinte au principe d'égalité.

8. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions posées au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix septembre deux mille vingt.

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