12 November 2020
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-20.583

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2020:SO01004

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 novembre 2020




Cassation partielle


Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1004 F-D

Pourvoi n° R 19-20.583




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 NOVEMBRE 2020

Mme S... G..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° R 19-20.583 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société V... J..., société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme G..., après débats en l'audience publique du 22 septembre 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, M. Pion, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 mars 2018), Mme G... a été engagée le 1er octobre 1999 par la société V... J... en qualité de secrétaire.

2. Elle a été licenciée pour faute grave le 9 novembre 2010, et a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'atteinte à sa vie privée, alors « que la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation ; qu'en retenant que la production du message Facebook n'avait causé aucun préjudice à la salariée tout en constatant le caractère privé de ce message, ce dont il se déduit que sa production avait portée atteinte à la vie privée de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil, ensemble l'article 1382 ancien du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 9 du code civil :

5. Selon ce texte, chacun a droit au respect de sa vie privée ; les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée.

6. Pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts résultant de l'atteinte à la vie privée causée par la production dans le cadre du litige, d'un message adressé à une autre salariée sur le réseau Facebook, l'arrêt retient que la production du message privé litigieux, si elle n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve, n'a causé aucun préjudice à Mme G....

7. En statuant ainsi, alors que la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme G... de sa demande de dommages-intérêts en réparation du non-respect de la vie privée, l'arrêt rendu le 30 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société V... J... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société V... J... à payer à Mme G... la somme de 3 000 euros ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme G...


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué de n'AVOIR alloué que la somme de 1 500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l'obligation d'information sur la formation lors de l'exécution du contrat de travail et d'AVOIR débouté la salariée du surplus de sa demande.

AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces du dossier que Mme G... a bénéficié de plusieurs jours de formation en 2004 et 2005 ; que, si courant 2009, la Sarl J... n'a pas donné son accord sur une demande de formation de la salariée, aucun élément ne permet de considérer que ce refus a été abusif, alors surtout qu'il résulte d'un courrier de l'entreprise en date du 15 novembre 2009 que celle-ci ne disposait d'aucun document concret sur le projet en cause et que son avis défavorable était notamment motivé sur l'absence de lien entre le thème choisi (apprentissage de la langue anglaise) et les fonctions de la salariée et sur la désorganisation de l'agence engendrée par les absences répétées ; qu'enfin, courant 2010, la Sarl J... a accepté que Mme G... s'absente 5 jours en septembre et 8 jours en octobre pour formation ; que l'opposition qu'aurait manifesté la Sarl J... au droit à formation de Mme G... n'est donc pas constituée.

1° ALORS QUE le droit à formation du salarié est garanti ; que les actions de formation ayant notamment pour objet de favoriser la mobilité professionnelle, elles peuvent être sans lien avec le poste occupé par le salarié ; qu'en retenant qu'aucun élément ne permettait de considérer que le refus opposé à la demande de formation formulée par la salariée courant 2009 avait été abusif, quand elle relevait que l'avis défavorable de l'employeur était motivé par l'absence de lien entre le thème de la formation choisie (apprentissage de la langue anglaise) et les fonctions de la salariée dans l'entreprise et la désorganisation de l'entreprise engendrée par les absences répétées, motifs impropres à justifier un refus de formation, la cour d'appel a violé les articles L. 6312-1, L. 6313-1 et L. 6313-3 du code du travail.

2° ALORS QUE la salariée faisait valoir (v. ses concl. pp. 7 et 8) que la convention collective de l'architecture du 27 février 2003 garantissait l'accès des salariés aux formations de leur choix, y compris celles pouvant déboucher sur des promotions ; qu'en écartant le caractère abusif du refus de formation opposé à la salariée courant 2009 au prétexte que l'employeur l'avait motivé par l'absence de lien entre la formation choisie et le poste occupé par la salariée sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à sa vie privée.

AUX MOTIFS propres QUE la production du message Facebook privé litigieux, si elle n'était pas indispensable à l'exercice du droit à la preuve, n'a causé aucun préjudice à Mme G....

AUX MOTIFS partiellement adoptés QUE le fait qu'un élément soit produit à la juridiction ne cause ni une faute ni un dommage au titre de la vie privée.

ALORS QUE la seule constatation de l'atteinte à la vie privée ouvre droit à réparation ; qu'en retenant que la production du message Facebook n'avait causé aucun préjudice à la salariée tout en constatant le caractère privé de ce message, ce dont il se déduit que sa production avait portée atteinte à la vie privée de la salariée, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil, ensemble l'article 1382 ancien du même code.

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