5 juin 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-84.421

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CR00731

Titres et sommaires

EXAMEN ET CONCOURS - Fraude (loi du 23 décembre 1901) - Domaine d'application - Tout type de fraude quel qu'en soit l'auteur - Applications diverses

Les articles 1 et 2 de la loi du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics sanctionnent tout type de fraude, quel qu'en soit l'auteur. Méconnaît les dispositions de ces textes la chambre de l'instruction qui, pour confirmer l'ordonnance d'un juge d'instruction disant n'y avoir lieu à suivre du chef de fraude dans les examens et concours publics, énonce que ce délit doit être apprécié en la personne du candidat qui use de manoeuvres à son bénéfice et que n'entrent dans les prévisions de la loi ni l'organisation, ni le déroulement d'un concours, ni la sélection du candidat retenu, ces opérations étant soumises au contrôle et à la censure éventuelle du juge administratif

Texte de la décision

N° S 22-84.421 F-B

N° 00731


MAS2
5 JUIN 2024


CASSATION


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 JUIN 2024




M. [R] [X], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 23 juin 2022, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée des chefs de fraude à un examen ou concours public, harcèlement moral et faux, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction.

Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R] [X], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [Z] [F], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 mai 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. M. [R] [X], professeur des universités, s'est porté candidat à plusieurs reprises à des concours de recrutement ouverts par l'université de [Localité 1] pour un poste de professeur de géographie.

3. Certains concours ont été interrompus, et à l'issue des autres, la candidature de M. [X] n'a pas été retenue.

4. Estimant que ses candidatures avaient été systématiquement écartées alors que son profil correspondait aux postes proposés, que les candidats locaux étaient privilégiés et que les irrégularités commises par l'université étaient constitutives du délit de fraude aux examens et concours publics prévu par les articles 1 et 2 de la loi du 23 décembre 1901, M. [X] a déposé plainte de ce chef devant le procureur de la République, puis devant le juge d'instruction.

5. Il a également déposé plainte pour harcèlement moral et faux.

6. À l'issue de l'information, le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu, dont M. [X] a fait appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et sixième branches


7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.


Mais sur le moyen, pris en ses autres branches

Énoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de non-lieu du 8 juin 2021, alors :

« 2°/ que, selon l'article 1er de la loi du 23 décembre 1901, « toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'Etat constitue un délit » ; que ce texte ne restreint pas la fraude qu'il vise à celle commise par les candidats aux examens et concours, à l'exclusion de celle pouvant résulter des conditions d'organisation des examens, concours et délibérations ; qu'en affirmant néanmoins, sur la foi de l'intention supposée du législateur, que le délit de fraude devait être apprécié en la personne du candidat qui usait de manœuvres à son bénéfice et que n'entraient dans les prévisions de la loi du 23 décembre 1901 ni l'organisation ni le déroulement d'un concours pas plus que la sélection par délibération collégiale du candidat finalement retenu, la chambre de l'instruction a méconnu le champ d'application de la loi du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1 et 2 de la loi du 23 décembre 1901 réprimant les fraudes dans les examens et concours publics :

9. Selon le premier de ces textes, toute fraude commise dans les examens et les concours publics, qui ont pour objet l'entrée dans une administration publique ou l'acquisition d'un diplôme délivré par l'Etat, constitue un délit.

10. Le second a pour objet d'énoncer certains cas de fraude de manière non limitative et d'indiquer les peines encourues.

11. Pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à suivre du chef de fraude dans les examens et concours publics, l'arrêt attaqué énonce que ce délit doit être apprécié en la personne du candidat qui use de manoeuvres à son bénéfice et que n'entrent dans les prévisions de la loi ni l'organisation, ni le déroulement d'un concours, ni la sélection du candidat retenu, ces opérations étant soumises au contrôle et à la censure éventuelle du juge administratif.

12. En prononçant ainsi, alors que les articles 1 et 2 de la loi du 23 décembre 1901 répriment tout type de fraude, quel qu'en soit l'auteur, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés.

13. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 23 juin 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille vingt-quatre.

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