23 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-16.784

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C100295

Titres et sommaires

MAJEUR PROTEGE - Tutelle - Effets - Acte nécessitant la représentation par le tuteur - Exercice des actions en justice - Exception - Cas - Ouverture d'une mesure de tutelle en cours de délibéré

Ne méconnaît pas les dispositions de l'article 475, alinéa 1, du code civil l'arrêt qui statue sans que la personne sous tutelle n'ait été représentée par son tuteur, dès lors que le jugement d'ouverture de la mesure est intervenu en cours de délibéré devant la cour d'appel et qu'il n'est pas soutenu que l'intéressée, qui disposait de sa pleine capacité juridique lors des derniers actes de la procédure et était représentée par un avocat, en ait informé la juridiction et ait sollicité la réouverture des débats

ACTION EN JUSTICE - Capacité - Cas - Majeur protégé - Ouverture d'une mesure de tutelle en cours de délibéré - Effet - Portée

Texte de la décision

CIV. 1

IJ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mai 2024




Cassation sans renvoi


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 295 F-B

Pourvoi n° Y 22-16.784

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [L].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 13 janvier 2023.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MAI 2024

1°/ M. [V] [L], domicilié [Adresse 4], tant en son nom personnel qu'en qualité de tuteur aux biens de Mme [U] [M],

2°/ Mme [U] [M], domiciliée [Adresse 5],

3°/ Mme [R] [J], domiciliée [Adresse 3], en qualité de tuteur à la personne de Mme [U] [M],

ont formé le pourvoi n° Y 22-16.784 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à Mme [K] [L], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à M. [I] [L], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [V] [L], de Mme [M], de Mme [J], de la SCP Françoise Fabiani-François Pinatel, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 8 mars 2022), [H] [L] est décédé le 1er août 2011, en laissant pour lui succéder ses trois enfants, MM. [V] et [I] [L], nés de sa première union avec Mme [M], et Mme [L], née d'une seconde union.

2. [H] [L] était copropriétaire indivis d'un appartement avec Mme [M].

3. Mme [L] a assigné Mme [M] et MM. [V] et [I] [L] aux fins d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d'[H] [L] et, préalablement, de la communauté ayant existé entre lui et Mme [M], en sollicitant la licitation de l'appartement indivis.






Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [V] [L], en son nom personnel et en sa qualité de tuteur aux biens de Mme [M], Mme [M] et Mme [J], en qualité de tutrice à la personne de Mme [M], demandent l'annulation de l'arrêt « en application des articles 440 et 475 du code civil, Mme [M] ayant été placée sous tutelle par décision du 17 février 2022, prise pendant le délibéré. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 475, alinéa 1er, du code civil, la personne en tutelle est représentée en justice par le tuteur.

7. Il résulte des productions qu'un jugement du 17 février 2022 a placé Mme [M] sous tutelle.

8. Cependant, cette décision est intervenue en cours de délibéré devant la cour d'appel, sans qu'il soit soutenu que Mme [M], qui était représentée par un avocat, en ait informé cette juridiction et ait sollicité la réouverture des débats.

9. Dès lors qu'elle disposait de sa pleine capacité juridique à la date des derniers actes de la procédure, la représentation du tuteur n'était pas requise.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

11. M. [V] [L], en son nom personnel et en sa qualité de tuteur aux biens de Mme [M], Mme [M] et Mme [J], en qualité de tutrice à la personne de Mme [M], font grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'irrecevabilité fondée sur l'article 1360 du code de procédure civile et de déclarer recevable l'action de Mme [L], alors « qu'à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage précise les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable ; que la cour d'appel a jugé cette condition satisfaite, en se fondant sur un courrier de l'avocate de Mme [L] adressé au notaire de la succession d'[H] [L], courrier qui, selon la cour d'appel, fait référence à une proposition de vente amiable et précise que Mme [M] serait d'accord pour quitter l'appartement et le vendre ; qu'il ne résulte de ces motifs aucune caractérisation de diligences de Mme [L] auprès des consorts [M]-[L] en vue de parvenir à un partage amiable, mais seulement la mention vague, sortie de tout contexte et affirmée sans élément de preuve, dans un courrier adressé à un tiers étranger à l'indivision, d'une éventuelle volonté d'un seul des indivisaires de vendre le bien pour des raisons inconnues ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a nullement caractérisé l'existence de diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1360 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1360 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.

13. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de diligences entreprises antérieurement à l'assignation en vue de parvenir à un partage amiable, l'arrêt constate que Mme [L] produit une lettre adressée le 28 octobre 2013 par son avocate au notaire faisant état de ce que Mme [M] serait d'accord pour quitter l'appartement et le vendre.

14. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'existence de diligences en vue de parvenir à un partage amiable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de l'arrêt confirmant le jugement du 14 février 2020 en ce qu'il a rejeté l'exception d'irrecevabilité soulevée par Mme [M] et M. [V] [L] entraîne la cassation de l'intégralité des autres chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.



16. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

17. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

18. Faute de mention des diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable, l'action en partage engagée par assignation signifiée le 28 mars 2017 par Mme [L] à Mme [M] et MM. [V] et [I] [L] doit être déclarée irrecevable en application de l'article 1360 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable l'action en partage engagée par assignation signifiée le 28 mars 2017 par Mme [L] à Mme [M] et à MM. [V] et [I] [L] ;

Condamne Mme [L] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du premier degré et en cause d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [L] et la condamne à payer à Mme [M] et M. [V] [L] la somme globale de 3 000 euros ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.

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