23 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-24.565

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:CO00277

Titres et sommaires

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (LOI DU 26 JUILLET 2005) - Liquidation judiciaire - Patrimoine - Revendication - Dispense - Domaine d'application - Contrat publié - Exclusion - Cas - Publicité d'un avis d'attribution d'un marché public au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP)

Selon l'article L. 624-10 du code de commerce, seul le propriétaire d'un bien faisant l'objet d'un contrat publié selon les modalités prévues à l'article R. 624-15 de ce code est dispensé d'agir en revendication. Ne répond pas aux exigences de ce second texte, la publicité d'un avis d'attribution d'un marché public au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) qui n'a ni pour objet ni pour effet de rendre opposable aux tiers le droit de propriété de la personne publique sur les biens confiés par celle-ci au titulaire du marché attribué pour son exécution

Texte de la décision

COMM.

FM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mai 2024




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 277 F-B

Pourvoi n° F 22-24.565




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 23 MAI 2024

La société Egide, société d'exercice libéral par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], agissant en la personne de M. [O] [T], en qualité de liquidateur judiciaire de la société ASI maintenance, a formé le pourvoi n° F 22-24.565 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2022 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [R] [K], domicilié [Adresse 4], pris en qualité de représentant légal de la société ASI maintenance,

2°/ à la direction générale des douanes et des droits indirects, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat, domicilié [Adresse 7],

4°/ à la société Sabena Technics MRS, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

5°/ à la société ASI maintenance, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est aéroport de [8], [Adresse 3],

6°/ au procureur général près la cour d'appel de Toulouse, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Gury & Maitre, avocat de la société Egide, ès qualités, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction générale des douanes et des droits indirects et de l'Agent judiciaire de l'Etat, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 26 octobre 2022, RG n° 20/03528), le 5 juillet 2010, la direction générale des douanes et droits indirects (la DGDDI) a attribué un marché public à un groupement composé de trois sociétés, dont la société Atlantic Air, aux droits de laquelle est venue la société ASI maintenance, aux fins de mise en oeuvre et d'installation sur ses aéronefs d'un système de surveillance maritime. Un marché public complémentaire a été passé le 4 octobre 2012.

2. Par un jugement du 4 mai 2017, publié le 14 mai 2017 au BODACC, un tribunal a ouvert le redressement judiciaire de la société ASI maintenance, la société Egide étant désignée en qualité de mandataire judiciaire et M. [E] en qualité d'administrateur.

3. Le 20 juillet 2017, la DGDDI a adressé à l'administrateur une demande de revendication concernant un aéronef et du matériel d'équipement.

4. Par un jugement du 31 juillet 2017, le tribunal a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, la société Egide étant désignée liquidateur.

5. Par une ordonnance du 26 septembre 2017, le juge-commissaire a autorisé la vente aux enchères des actifs de la liquidation judiciaire. Le 25 octobre 2017, le liquidateur a informé la DGDDI qu'à défaut d'acquiescement de l'administrateur à sa demande de revendication et de saisine du juge-commissaire dans le délai légal, il considérait que le droit de propriété de l'Etat sur le matériel d'équipement était inopposable à la procédure collective. Par une requête du 22 novembre 2017, reçue le 24 novembre suivant, la DGDDI a saisi le juge-commissaire d'une action en revendication de son matériel.

6. Le 28 novembre 2017, la vente aux enchères des actifs mobiliers a eu lieu, la société Aeromecanic, aux droits de laquelle se trouve la société Sabena Technics MRS (la société Sabena) a acquis le matériel litigieux. L'Etat en a demandé la restitution.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société Egide, ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer le droit de propriété de la DGDDI sur les biens, objet de la présente action en restitution, opposable à la procédure collective de la société ASI maintenance, de dire que ces biens constituent des biens hors commerce juridique, d'annuler en conséquence la vente aux enchères publiques du 28 novembre 2017 en ce qu'elle porte sur les biens appartenant à la DGDDI, objet de l'action en restitution, de constater que les biens dont la restitution a été ordonnée par l'ordonnance du juge-commissaire du 23 avril 2019, qui est confirmée, ont été restitués par la société Sabena à la DGDDI, le 13 juin 2019, et en conséquence de déclarer recevable la demande de la société Sabena en condamnation de la société Egide, ès qualités, au paiement de la somme de 133 301, 66 euros, alors :

« 1°/ que le propriétaire d'un bien n'est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété que lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité ; que la publication d'un marché public au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP), portant sur des biens meubles non identifiés, n'est pas nature à dispenser la personne publique qui en est propriétaire d'agir en revendication à l'encontre de l'attributaire du marché ; qu'en jugeant toutefois que la direction générale des douanes et des droits indirect était dispensée d'agir en revendication des équipements aéronautiques qu'elle avait remis à la société Asi maintenance, dans la mesure où le marché public conclu avec cette dernière avait fait l'objet d'une publicité au BOAMP le 9 juillet 2010, la cour d'appel a violé l'article L. 624-10 du code de commerce ;

2°/ qu'à supposer que la publication d'un marché public constitue une mesure de publicité au sens de l'article L. 624-10 du code de commerce, encore faut-il, pour que cette publicité soit regardée comme suffisante pour l'application de ce texte, que le marché public identifie les parties et le bien dont la restitution est sollicitée, faute de quoi la personne publique n'est pas dispensée d'agir en revendication ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société ASI maintenance n'était pas mentionnée dans la publicité" au BOAMP du marché public conclu par la DGDDI, intervenue le 9 juillet 2010, et "ne contenait pas l'énumération des biens confiés à la société ASI maintenance" ; qu'en jugeant toutefois que la publication du marché public consenti par la dispensait cette dernière d'agir en revendication, la cour d'appel a violé l'article L. 624-10 du code de commerce ;

3°/ en toute hypothèse, que font partie du domaine public mobilier d'une personne publique les seuls biens meubles présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique ; qu'en jugeant que le matériel aéronautique dont la DGDDI sollicitait la restitution était un bien dépendant du domaine public, échappant comme tel à l'effet réel de la procédure collective et au gage des créanciers, et qu'il était ainsi hors du commerce du juridique, avant d'en déduire que la vente aux enchères publiques de ce matériel à la société Sabena était nulle, tandis qu'un matériel aéronautique à destination militaire ou de surveillance ne présente pas un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique, la cour d'appel a violé l'article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. »

Réponse de la Cour

8. En premier lieu, en application de l'article L. 624-10 du code de commerce, seul le propriétaire d'un bien faisant l'objet d'un contrat publié selon les modalités prévues à l'article R. 624-15 du même code est dispensé d'agir en revendication. Ne répond pas aux exigences de ce texte, la publicité d'un avis d'attribution d'un marché public au Bulletin officiel des annonces des marchés publics qui n'a ni pour objet ni pour effet de rendre opposable aux tiers le droit de propriété de la personne publique sur les biens confiés par celle-ci au titulaire du marché attribué pour son exécution.
Toutefois, les motifs de l'arrêt, qui retiennent, à tort, le contraire, sont surabondants.

9. En second lieu, selon l'article L. 2311-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens appartenant à l'Etat sont insaisissables.

10. Selon l'article L. 3111-1 du même code, les biens qui appartiennent à l'Etat et relèvent du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles.

11. Il résulte de la combinaison de ces textes que les biens du domaine public de l'Etat échappent à l'effet réel de la procédure collective et ne constituent pas le gage commun des créanciers.

12. Après avoir retenu que le matériel électronique de surveillance maritime devant être intégré dans l'aéronef était exclusivement destiné à permettre à l'administration des douanes d'exercer une mission de service public relevant de la sécurité nationale, l'arrêt en déduit exactement que ces biens dépendent du domaine public de l'Etat, de sorte qu'ils échappent à l'effet réel de la procédure collective et ne constituent pas le gage commun des créanciers de la société ASI maintenance.

13. Le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Egide, en qualité de liquidateur de la société ASI maintenance, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.

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