23 mai 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-11.649

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2024:C100292

Titres et sommaires

INDIVISION - Chose indivise - Emprunt contracté pour l'acquisition de l'immeuble indivis - Règlement par un indivisaire - Créance sur l'indivision - Montant - Calcul - Modalités - Office du juge

Lorsqu'un indivisaire invoque une créance au titre du règlement des échéances de l'emprunt ayant servi à financer l'acquisition du bien indivis, il appartient au juge d'établir la proportion dans laquelle le règlement par cet indivisaire de ces échéances, en capital et intérêts, a contribué au financement global de l'acquisition, incluant les frais d'acquisition et le coût du crédit, puis d'appliquer cette proportion à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l'acquisition, enfin, de comparer le profit subsistant ainsi déterminé avec la dépense faite

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 mai 2024




Cassation partielle


Mme CHAMPALAUNE, président



Arrêt n° 292 F-B


Pourvois n°
S 22-11.649
T 22-11.650 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 23 MAI 2024

M. [W] [J], domicilié [Adresse 2], a formé les pourvois n° T 22-11.650 et S 22-11.649 contre deux arrêts rendus les 22 septembre 2020 et 30 novembre 2021 par la cour d'appel de Caen (1re chambre civile), dans les litiges l'opposant à Mme [I] [O], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de ses pourvois, respectivement, trois et un moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [J], de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme [O], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2024 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 22-11.650 et S 22-11.649 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Caen, 22 septembre 2020 et 30 novembre 2021), M. [J] et Mme [O], qui vivaient alors en concubinage, ont acquis en indivision, pour respectivement trois quarts et un quart, un immeuble d'habitation.

3. Après la séparation du couple, des difficultés se sont élevées à l'occasion de la liquidation de l'indivision.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen du pourvoi n° T 22-11.650


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen du pourvoi n° T 22-11.650

Enoncé du moyen

5. M. [J] fait grief à l'arrêt du 22 septembre 2020 de limiter à un certain montant sa créance à l'égard de l'indivision au titre du financement de l'immeuble d'habitation, alors :

« 1°/ qu'en application de l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un co-indivisaire a financé des dépenses nécessaires, telles que le remboursement du prêt ayant permis le paiement du prix d'acquisition, il a droit à une indemnité assise sur la valeur du bien au temps du partage de l'indivision ; qu'en l'espèce, M. [J] a remboursé 75 % des échéances du prix entre 2003 et 2006 et l'intégralité des échéances du prêt à compter de 2006 ; que pour fixer la créance de M. [J] contre l'indivision, les juges du fond devaient confronter le montant de ces paiements au montant d'acquisition du bien, pour ensuite appliquer le pourcentage ainsi déterminé à la valeur actuelle du bien ; qu'en se déterminant, pour arrêter la créance de M. [J], sur le financement par M. [J] de la part de Mme [O], comme si la créance invoquée était une créance contre Mme [O] et non une créance contre l'indivision, les juges du fond ont violé l'article 815-13 du code civil ;

2°/ de toute façon, en se bornant, pour déterminer les droits de M. [J] à l'encontre de l'indivision, à évoquer sa part dans plus-value acquise par le bien, quand la créance de M. [J] contre l'indivision devait être déterminée en confrontant le montant de ses paiements au montant d'acquisition du bien, puis en appliquant le pourcentage ainsi déterminé à la valeur actuelle du bien, les juges du fond ont de nouveau violé l'article 815-13 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Mme [O] soulève l'irrecevabilité du moyen, en ce que le calcul qu'il reproche à la cour d'appel d'avoir effectué pour déterminer la créance de M. [J] à l'égard de l'indivision avait été proposé par celui-ci dans ses conclusions.

7. Cependant, le calcul proposé par M. [J] ne concernait pas la créance qu'il invoquait contre l'indivision mais celle dont il se prévalait à l'égard de Mme [O].

8. Le moyen, qui n'est donc pas contraire aux écritures d'appel de M. [J], est recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 815-13, alinéa 1er, du code civil :

9. Il résulte de ce texte que pour les dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis, dont fait partie le règlement des échéances de l'emprunt ayant permis son acquisition, il doit être tenu compte, selon l'équité, à l'indivisaire de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu'il a faite et le profit subsistant. Le profit subsistant représente l'enrichissement procuré au patrimoine indivis.

10. Pour limiter à une certaine somme le montant de la créance de M. [J] sur l'indivision au titre du financement du bien indivis, l'arrêt retient qu'ayant financé la part de Mme [O] dans une certaine proportion, il doit lui être tenu compte dans cette même proportion de la différence entre la valeur actuelle du bien indivis et le prix de son acquisition.

11. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'établir la proportion dans laquelle le règlement par M. [J] des échéances de l'emprunt, en capital et intérêts, avait contribué au financement global de l'acquisition, incluant les frais d'acquisition et le coût du crédit, puis d'appliquer cette proportion à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l'acquisition, enfin, de comparer le profit subsistant ainsi déterminé avec la dépense faite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi n° S 22-11.649

Enoncé du moyen

12. M. [J] fait grief à l'arrêt du 30 novembre 2021 de rejeter sa requête aux fins de rectification d'erreur matérielle et de réparation d'une omission de statuer, alors « que l'arrêt du 30 novembre 2021 étant la suite du précédent arrêt du 22 septembre 2020, la cassation à intervenir de l'arrêt du 22 septembre 2020 ne peut manquer d'entraîner par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 30 novembre 2021. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625 du code de procédure civile :

13. La cassation partielle de l'arrêt du 22 septembre 2020 entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 30 novembre 2021 qui en est la suite.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt du 22 septembre 2020 limitant à une certaine somme la créance de M. [J] à l'égard de l'indivision au titre du financement de l'immeuble d'habitation n'emporte pas celle des chefs de dispositif de cet arrêt statuant sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi n° T 22-11.650, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 25 144, 64 euros la créance de M. [J] à l'égard de l'indivision au titre du financement de l'immeuble d'habitation, l'arrêt rendu le 22 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Condamne Mme [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par Mme [O] et la condamne à payer à M. [J] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille vingt-quatre.

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